De ses yeux aux pupilles étrangement effilées, la vampire vit ses trois apprentis bourreaux poser le plateau de nourriture entre les grilles des barreaux. Quels idiots. Ils savaient pourtant qu’ils avaient capturé un suceur de sang, n’est-ce pas ? Qu’est-ce qui n’allait pas chez eux ? Elle avait besoin de ce précieux nectar rouge pour survivre, pas de pain ou de quoi que ce soit d’autre. D’ailleurs, si elle le pouvait, ce serait ces créatures stupides qu’elle mangerait, dévorerait jusqu’à la dernière goutte d’hémoglobine. Mais, comme les autres jours, elle devrait prendre le pain et se nourrir avec, pour ne faire que survivre. Elle sentait sa force vampirique se perdre, et craignait de ne devenir plus qu’une simple humaine. Mais au moins, elle vivait. Peut-être était-ce grâce au fait qu’elle n’était pas une vampire comme les autres et qu’elle survivait au soleil tant qu’elle pouvait dérober son visage à son regard de feu. Quoi qu’il en soit, il lui était pénible de vivre ainsi, enchaînée et enfermée dans un espace trop petit pour son goût des grands espaces, offerte à la rage de ses geôliers, qui ne se gênaient pas pour lui jeter de l’eau bénite à la figure. Ou du moins ce qu’ils croyaient être de l’eau bénite. Car au lieu de partir en fumée comme le fait la peau des humains face à l’acide, la sienne ne faisait que briller tristement sous les lueurs des chandeliers qui éclairaient un tant soit peu la pièce. Loin de se douter que leur eau n’était que de l’eau de rivière, les humains qui la retenaient prisonnière s’amusaient à l’imaginer souffrir alors qu’elle ne ressentait rien de plus qu’une profonde lassitude.
Et cela continuait encore et encore, jusqu’à ce jour où elle comprit que quelque chose allait changer. Sa routine habituelle n’était plus respectée, car des bruits se faisaient entendre au-delà de l’éternel silence qui avait accompagné Kira jusqu’alors. Les minutes s’écoulèrent et des cris se firent entendre, la souffrance régnait là-haut. Ne comprenant pas ce qu’il se passait mais se fichant bien de savoir si ceux qui l’avaient capturée allaient bien ou non, elle se laissa aller dos au mur et ferma ses yeux de feu, attendant. Longtemps, elle attendit, ne bougeant pas, telle une statue. Puis, tout bruit cessa. Enfin, des bruits de pas retentirent et la vampire pu les suivre mentalement. La personne qui avait décidé de lui rendre visite mesurait ses pas, même si elle semblait être impatiente de descendre. Finalement, la porte s’ouvrit, en même temps que les yeux de Kira, qui se tendit légèrement en remarquant qu’il n’y avait personne. Était-ce le vent ? Non. Elle avait entendu quelqu’un descendre, elle ne pouvait se tromper. Qui était son visiteur ? Que lui voulait-il ? Et surtout, quelle était sa puissance ? Car il n’y avait aucun doute là-dessus, si il avait réussi à venir jusqu’à elle, c’est que ceux qui l’avaient capturée n’étaient plus en état de l’en empêcher.
Soudain, une voix se fit entendre. Une voix qui l’appela « Méthuselas ». Ne comprenant pas le mot, mais sachant qu’il faisait allusion à sa nature vampirique puisqu’il était suivit de « ne plus boire de sang d’humain », Kira se contenta de regarder en direction de la voix. Son interlocuteur était très proche d’elle, et paraissait très décontracté. Ses cheveux d’argent tombaient sur ses épaules et une sorte de marteau ensanglanté reposait à ses côtés. Ses habits semblaient élimés, mais elle savait qu’il ne fallait pas se fier à l’apparence. Elle attendit qu’il enchaîne, persuadée qu’il le ferait, n’étant pas descendu jusqu’à elle pour rien. Il lui proposa de la délivrer, en échange qu’elle ne lui fasse rien de mal. Alors, il ouvrit les yeux, des yeux aux iris aussi pourpres que les siens. La vampire sourit et le jeune homme l’imita, avant de demander si elle acceptait. Se redressant légèrement, elle lui répondit, de sa voix chantante, en lui tendant ses enchaînées :
- Aidez-moi et il serait hors de question que je vous fasse du mal.