Ils étaient tous les deux là, posés sur le toit du lycée, à admirer la lune... Tous les deux avaient un fort attachement à cet astre céleste, si beau et si plein de mystères...
Lui, le chasseur, avait troqué sa blouse de scientifique contre un long manteau de cuir rouge, et son pantalon large vert kaki à un jean bien plus serré, noir comme la nuit. Ses sandales, troquées contre des rangers. Noires elles aussi. Toujours torse nu, il portait cependant sous son manteau quelques fioles de ses produits, ainsi que, dans les poches extérieures de son manteau, des balles pour une paire de pistolets qu'il portait rangées sur ses jambes. Les cheveux détachés, pendant sur le côté droit de son visage, un clope au bec.
L'autre, le vendeur, portait une tenue d'infiltration, noire, où de nombreuses sacoches côtoyaient des morceaux de cuirs faits pour protéger le corps. Les cheveux attachés derrière la tête, seule une mèche dépassait du côté gauche de son visage. Il ne portait pas ses lunettes, ni son air habituellement si bienheureux, mais un visage sévère et sérieux, caché derrière un masque sur la partie basse de son visage. Ainsi vêtu, il ressemblait presque à un ninja, ou à un assassin.
Tous deux restaient là, sans mot dire. Quand on discute avec soi même, les mots sont superflus et inutiles. Mais pour le lecteur, qui n'est ni la tête de l'un ni de l'autre, le vendeur tentait de raisonner son double. S'attaquer à un lieu aussi lourdement investi par l'église était... Dangereux... C'était la grande ligne qui revenait dans le débat. Le reste ne regardait qu'eux... Et n'aurait pas grand sens pour le lecteur. Mais la conclusion de cette réunion au clair de lune fut la suivante:
" Tu sais bien à quel point il est difficile de trouver des humains qui méritent qu'on s'intéresse à eux... Me gâche pas mon plaisir, je sais que toi aussi tu cherches la même chose! "
Sur ces mots, il avait bondit du toit de l'immeuble. Tout devait se passer sans le moindre accroc. Il avait tout planifié. Mais comme on est jamais à l'abri d'une surprise... Il enclencha les deux pistolets, des desert eagle, l'un noir avec une crosse d'ébène, l'autre blanc avec une crosse d'ivoire.
Se faufilant, ombre parmi les ombres, dans le lycée à proprement parlé, il chercha pendant un moment sur les plans la position de la chaudière, ainsi que sa correspondance dans les étages supérieurs. Au rez de chaussé, il s'agissait d'une classe vide. Idem au deuxième. Au troisième, cependant, il semblerait qu'une colle ait lieu. Au quatrième, le vide. Y aurait quelques victimes. Tant pis. Dommages collatéraux.
Arriver au sous-sol ne fut pas facile. Il ne fallait surtout pas se faire repérer avant le début de l'opération. Et il semblerait que tous les pions aient décidé de patrouiller le même soir dans la même zone. Pourtant, après de nombreuses dérobades, un petit passage dans un conduit d'aération, et enfin un coup du lapin à un surveillant malchanceux, Daclusia était arrivé à la chaudière. La serrure étant verrouillée, il la fit céder d'une balle, en prenant bien soin de fermer toutes les portes et de camoufler le bruit au maximum. Une fois à l'intérieur, placer des charges explosives fut un jeu d'enfant. Maintenant, tout ce qu'il fallait c'était attirer un maximum de monde le plus loin possible de la zone de la chaudière, pour qu'ils puissent donner l'alerte sans sombrer dans l'inconscience à cause du souffle. Pour ce faire, le chasseur se fit voir volontairement, après être parti à l'opposé, et fit du bruit de manière à attirer une demi douzaine de surveillants dans la cour extérieure, d'où ils seraient au premières loges pour assister au feu d'artifice.
Explosion. Tout le quartier avait du l'entendre, le JYL n'avait pas lésiné sur la dose. Le sous sol entier s'effondra sous un éboulement. La salle du rez-de chaussé, ainsi que quelques autres adjacentes partirent en fumée. La zone du premier étage ne survécu pas non plus à l'explosion. Le deuxième étage, déséquilibré et fragilisé par l'explosion, s'effondra comme un château de cartes, entrainant la salle de colle du troisième avec lui, et laissant la salle du quatrième étage branlante et sans sol.
A l'horizontale, les dégats furent plus modérés. Trois salles du rez-de-chaussé volèrent en éclat, tandis que le double s'écroula à cause du souffle. Au premier étage, les deux salles adjacentes à celle du point de la déflagration étaient détruites, ne laissant plus que des murs qui ne soutenaient plus rien. Au troisième étage, seul la salle du point de déflagration fut touchée. Dans tous les chauffages dans un rayon plutôt important autour de la chaudière, des flammes jets de vapeurs bouillants jaillirent, tandis que les plus proches explosaient sous la pression. Toute une partie du lycée venait de s'envoler, et une plus grande encore était devenue un véritable enfer à cause de la chaleur. Des flammes cramoisies dévoraient les corps du surveillant et des élèves du troisième étage, et se repaissaient des bureaux et autres matériaux scolaires, tout en léchant les quelques murs encore debout, les rendant fragiles au moindre petit choc.
Telles étaient les conséquences des bombes posées par le chasseur, qui plongeait non sans une certaine satisfaction son regard dans les flammes, qui exécutaient pour lui une danse hypnotique. Mais pas au point de lui faire oublier la dure réalité. Les pions, qui avaient bien vu l'explosion, et qui voyaient maintenant Daclusia se tenir en souriant devant les flammes, n'avaient aucun doute quand à l'identité de l'artificier. Ils foncèrent sur le chasseur qui, les voyant approcher, se contenta de sourire en les prévenant:
" Je serais vous messieurs... Je surveillerais surtout ce qui se passe autour de vous... "
Avant d'avoir pu prendre en compte le sage consel du JYL, deux des pions furent fauchés dans leurs course par deux ombres qui avaient jailli de ce qui restait de la chaudière, et qui, dans un hurlement, étaient en train de dévorer les deux pauvres surveillants. Des lycan. Directement importés d'Ashnard par un portail se trouvant dans l'ex salle de la chaudière. D'autres en sortirent, accompagnés de créatures bien moins rassurantes que de "simples" lycanthropes...
Ces bêtes monstrueuses, cependant, n'attaquaient pas Daclusia. Comme si elles avaient été amenées ici par lui... Ou plutôt parce qu'elles étaient effrayées par une bête encore plus dangereuses qu'elles...
Marchant tranquillement au milieu des créatures, qui commençaient à se répandre à travers tout le lycée, voir à l'extérieur pour certaines, Daclusia s'arrêta bien en vue, au milieu de la pelouse, et s'alluma une clope. Son plan était en marche. L'ordre d'évacuation serait sans doute bientôt donné. Et avec les fuyards, viendrait sûrement le service de sécurité... Si quelqu'un allait lui mettre des bâtons dans les roues, il viendrait ici, dans la cours, pour faire sa fête à celui qui semblait le principal coupable, sans se soucier de son double qui permettait à la petite Fouine de s'échapper de l'antre du chasseur... Étouffant un rire satisfait et malsain, du haut de son corps de presqu'adolescent, le JYL s'alluma une clope, et prononça ces paroles qui marquèrent le début réel des choses sérieuses:
" Que la fête commence! "