Arènes [Famille Diablotin]

Derrière les épaisses portes de bois de l'Auberge, les clameurs et des applaudissements régnaient, faisant trembler le bois millénaire. On pouvait entendre le bruit des pièces d'or passant de main en main, et le cul des chopes de bois heurter les tables dans un élan d'encouragement.

Une fois toutes les trois lunes, l'établissement était réquisitionné pour un spectacle des plus divertissants, pour peu que l'on apprécie l'alcool et les paris - deux activités qui se mariaient fort bien avec les mentalités de la ville, pour le grand malheur des maisons environnantes qui devaient attendre la fin de la nuit pour espérer fermer l’œil. L'évènement de "L'Arène", comme l'appelait les habitués, ouvrait donc peu souvent, et par ce fait ramenait beaucoup de monde d'un seul coup. Le spectacle qu'elle offrait permettait à l'Auberge de récolter pas mal d'argent, sans sortir des limites de la légalité.

L'aubergiste se rappelait d'un humain qui avait un jour assisté à cette scène, et qui avait comparé cela à un évènement se déroulant sur terre : les "combats de coqs", selon ses dires. La comparaison était légitime, surtout de la part d'un mec bourré pas capable de mettre un pied devant l'autre. Après tout, les terranides étaient ce qui se rapprochait le plus du règne animal, et ils devaient autant avoir envie de se lancer au combat que les coqs en question. Mais ils y étaient pourtant forcés, ces nuits-là.
L'ensemble de la communauté terranide devait être passé au cœur de l'Arène : ceux qu'apportaient les consommateurs, bien sûr, mais également les éventuelles servantes de la taverne qui pouvaient passer par là et même des terranides sauvages, ramassés au cour de battues qui étaient organisées spécialement pour cette occasion dans la journée. La curiosité emmenait à se demander ce qui se passerait si l'on forçait une docile terranide et un redoutable fauve à combattre jusqu'à épuisement.

La terranide aux couleurs sombre qui venait de défoncer son troisième adversaire, et qui se faisait généreusement applaudir de toute part, était le produit de la battue de ce jour-là. Un gros stock de fléchettes tranquillisantes avaient été nécessaires pour la tenir en place jusqu'au soir - à vrai dire, un tel amas de produit aurait probablement tué n'importe quel autre terranide, mais la vitalité de cette femelle lui avait permis de survivre... et d'éveiller la curiosité générale.
Autant dire que le soir venu, personne n'avait été déçu en la lançant sur le ring. Les regards assassins que ses yeux putréfiés par la braise pouvaient lancer éveillaient beaucoup d'inquiétude, mais la drogue qui continuait à agir dans son système empêchait Edge de se réveiller suffisamment pour liquider l'ensemble de la foule autour d'elle, en plus des barreaux d'acier qui délimitaient la scène. Du moins, c'était ce qu'ils semblaient tous penser. Cette torpeur n'avait peut-être pas grand-chose à voir avec la drogue, mais plus avec certaines présences qui marquaient l'établissement, et qui éveillait le sceau inscrit dans la conscience de la démone.
Il devait y avoir des démons dans le coin, et tant qu'ils seraient là et voudraient la voir combattre, la chienne n'avait pas son mot à dire - et autant dire que cela éveillait en elle une rage qui lui permettait de mettre au tapis l'ensemble de ses adversaires, et de faire passer les pièces d'or de plus en plus en sa faveur.

La favorite de la soirée poussa un hurlement de rage, entraînant avec elle la foule dans une salve d'applaudissement excités. La démone essuya le sang qui coulait de ses narines, avant de planter sa mâchoire dans le flanc de son adversaire.

« Hmmm… Effectivement, je n’aurais jamais cru pouvoir en rencontrer une ici, dans les souterrains du Coucher de Lune, mais tu as eu raison de m’amener ici, Alastar.
 -  Tu ne devrais pas douter de mes talents, je l’ai perçu, et j’ai un peu enquêté sur elle. C’est la fille bâtarde d’une fugitive. »

En Enfer, on rencontrait beaucoup de créatures, et il y avait, globalement, deux grandes catégories de démons : ceux faisant partie du système, et qui rejoignaient, à ce titre, les Cercles Infernaux, et les autres, qui cherchaient à s’exclure du système. Les « fugitifs » étaient un terme générique désignant ceux cherchant à s’enfuir de l’Enfer par les Limbes, et qui tombaient sur les gardes, dont le terrible Cerbère. Cette petite furie qui se battait était l’une des engeances de Cerbère, une chienne infernale. La grande sœur d’Alastar, Onyxian, avait retracé le destin de cette dernière en cherchant dans les archives.

Les enfants des fugitives ont pour père les cerbères, et sont des chiens démoniaques, terribles créatures, d’une intelligence souvent rudimentaire, et d’une sauvagerie excessive. Cinq chiens avaient été offerts à de puissants seigneurs, et Onyxian en avait entendu parler, car Asmodée, Grand-Prince de la Luxure, avait, précisément, reçu ce cadeau. Onyxian avait cru comprendre que ces cinq chiens étaient de terribles guerriers, et que les cinq Grands-Princes avaient envisagé, pour se divertir, mais surtout pour se quereller (car, entre les démons, tous les moyens étaient bons pour se provoquer), de les faire battre entre eux, dans un Tournoi démoniaque qui, pour le coup, aurait eu lieu au Palais Infernal, dans la demeure de Belzébuth, un endroit neutre, n’appartenant à aucun des Sept Cercles.

Cependant, plusieurs des chiens s’étaient enfuis, dont celui d’Asmodée, et Alastar, par pur hasard, en avait retrouvé une. Un pur hasard, en effet, car, quand il avait perçu l’odeur démoniaque et bestiale d’Edge, il était occupé à butiner une jeune cuisinière dans un recoin de l’auberge. L’odeur l’avait attiré, et il avait constaté que la chienne se battait dans des matchs illégaux organisés dans les souterrains de l’auberge. Le Diablotin avait alors décidé de prévenir sa grande sœur, la Matriarche du clan des Magoa, sa Onyxian.

La disparition des Chiens Infernaux avait toujours été une grande énigme, qui avait même donné sur une guerre entre plusieurs Légions, chaque Grand-Prince accusant l’autre d’avoir volé son familier. Une guerre qui était à relativiser, car, entre les Grands-Princes, il suffisait que l’un dise de l’autre, ou qu’on prétende qu’il ait dit sur un autre, une grossièreté, pour qu’une guerre éclate. En réalité, les Grands-Princes ne semblaient s’accorder en eux que sur le principe de dire qu’ils haïssaient les Anges, car, même au-delà de ça, il leur était déjà arrivé de se faire la guerre en n’arrivant pas à s’entendre, lors de négociations, sur la meilleure façon possible d’envahir les Cieux.

Quoi qu’il en soit, Onyxian savait qu’Asmodée serait ravi qu’on retrouve son familier, mais, au-delà même de ça, Onyxian se disait aussi que, pour asseoir son autorité, avoir une de ces bêtes serait très gratifiant.

« Ma parole, ce monstre est déchaîné, ce soir ! commenta un homme.
 -  C’est vrai ! D’habitude, elle est beaucoup moins agressive. Je me demande bien ce qu’elle a…
 -  Sûrement un manque de queue dans son con… »

La réalité était plus simple : la Chienne ressentait la présence de démons. Malgré leur sauvagerie et leur fureur, les Chiens Infernaux obéissaient fidèlement aux démons, même si, là encore, les théories variaient. Toujours est-il que, instinctivement, la Chienne ressentait la présence de ses maîtres.

Cependant, après son dernier exploit, plus aucun belligérant ne semblait vouloir se risquer.

« On combat des humains, pas des monstres ! Regardez cette bête !! »

L’organisateur, qui savait l’importance de ces paris, en prit note, et décida de passer à d’autres festivités.

« Très bien, braves gens ! Il est donc temps que notre petite Edge serve au combat de monstres ! Déplacez-là dans la Fosse !! »

Il y eut des hurlements de joie, tandis que des gardes en armure s’approchaient, ainsi qu’un dresseur, utilisant un collier spécial pour soumettre la chienne. Onyxian fronça les sourcils en reconnaissant la nature démoniaque de ce collier.

« Maudits humains voleurs… C’est l’un des colliers que nous utilisons pour contrôler nos familiers.
 -  Tu crois qu’ils apprécieront que nous la prenions ? demanda Alastar.
 -  Presque autant que cet homme qui a voulu te couper la queue quand il t’a surpris dans le lit de sa femme… Avec sa sœur et sa femme. »

Un sourire nostalgique éclaira les lèvres d’Alastar suite à ce souvenir. Qu’avait-il fait de mal, alors, si ce n’est soulager une jeune femme d’un mari passant bien trop de temps au boulot et au bar local ? Après tout, quitte à tromper son homme, autant le faire avec un démon, non ? Quoi qu’il en soit, l’action se déplaça rapidement, les soldats poussant Edge dans une sorte de chenil, qui la mena dans une autre pièce, une sorte de fosse avec des gradins, où les gens se déplacèrent, hurlant de joie.

« Chers Nexusiens, commençons en douceur, voulez-vous ? Voici cinq puissants loups que les chasseurs nexusiens ont capturé dans la forêt environnante ! Je vous laisse parier du nombre de temps que ces monstres tiendront face à notre Furie ! »

Les loups étaient dans des cages, des animaux furieux, à qui on avait injecté des drogues, leur inculquant la rage. Leurs yeux étaient injectés de sang, et Alastar, de son côté, pouvait voir qu’il y avait beaucoup de gardes. Certes, les démons pouvaient utiliser leur magie, mais c’était prendre le risque de violer le pacte avec les Anges, et voir ces derniers débarquer… Ou pire encore, des Inquisiteurs.

L’ambiance était électrique, et, au bout de quelques instants, les cages des loups s’ouvrirent, et les bêtes rugirent furieusement… Avant de charger la démone à la peau noire.

L'annonce de l'organisateur résonna dans les oreilles de Edge, occupée à lécher ses propres blessures, assise sur le corps de son précédent adversaire. Elle montra les dents lorsque les gardes vinrent à sa rencontre sur le terrain, mais ne fit rien de plus, alors qu'on lui passait le collier d'obsidienne. La sensation de la magie ralentissant son flux dans l'ensemble de ses muscles la fit grogner, mais rien de plus ne fut fait à l'encontre d'eux. Cet outil démontrait, une fois de plus, l'étendue de sa puissance.

On la poussa entre les barrières d'une autre Arène, spécialement conçue pour supporter les combats plus rapprochés. L'étendue de la zone de combat n'était donc pas très grande, et elle le fut encore moins lorsque les rivaux vinrent piétiner le sable qui jonchait le sol. Un choix de matériau idéal pour faire glisser, trébucher, et donc pour attiser sans grands efforts la colère des adversaires, augmentant ainsi la qualité du spectacle. Déjà, les énormes pattes des loups rectifiaient le sol de profondes taillades, laissant imaginer les dégats que pourraient faire ces attributs sur une simple peau humaine. Les pupilles dilatées par les injections, les créatures observaient leur adversaire d'un œil gourmand, projetant sans doute les prochaines attaques à l'aide de leur instinct affuté.
En position de garde, la chienne faisait de même, et les spectateurs lui faisant face pouvaient aisément voir qu'un sourire barrait son visage sombre, dégoulinant de sang et de salive. Ses épaules tressaillaient dans un rire silencieux et une respiration précipité. Son cœur battait au rythme des pulsations de sa magie, qui envahissait de nouveau l'ensemble de ses muscles maintenant que le collier avait été retiré.

Dés lors que les bêtes se jetèrent sur elle, la démone leva brutalement les bras, et en balança les paumes en direction des molosses - des paumes d'où s'échappèrent une lumière vive, et quelques secondes plus tard, d'épais jets de flammes, qui émirent une puissante déflagration.
La chaleur se fit sentir jusque dans le public, et l'on put entendre un gémissement de la part du loup le plus rapide, qui s'était, dans sa course, pris le jet de flamme en pleine face et sur l'ensemble de son corps. Lorsque les flammes diminuèrent en intensité, on pouvait voir deux loups calcinés jusqu'à l'os, qui tombèrent bien vite à terre. La scène surprit le public et freina la course des autres créatures, qui stoppèrent net à quelques mètres de leur rivale.
La surprise fit bientôt place à une frénésie intense, les spectateurs s'affolant et se confirmant de vive voix ce qu'ils venaient de voir. Cette attaque n'avait en effet jamais été utilisée par Edge, qui estimait d'habitude que cela lui prenait bien trop d'énergie pour ce que ça valait - c'est à dire, exciter de vulgaires bipèdes pas même capable de lui tenir tête sans obsidienne.

Mais ce soir, il fallait dire qu'elle se sentait de plus en plus déchaînée : cette pression autoritaire qui s'exerçait sur son corps lui donnait envie de combattre, rien que pour s'en libérer autant qu'elle le pouvait.
Bien que la solution la plus efficace soit déjà de trouver les coupables de cette pression, et de faire en sorte qu'ils ne puissent plus émettre d'autorité sur sa personne. Sans les coupables en question, la chienne serait déjà sortie de ces jeux malsains depuis des heures, et aurait probablement commis un génocide conséquent au passage sur ces maigrichons qui la regardaient comme un lion en cage.
La situation, bien que humiliante, s'avérait divertissante - cela faisait longtemps qu'elle ne s'était pas occupée à ce point, et n'avait pas pu décharger sa rage en combattant. L'adrénaline qui circulait dans ses veines coexistait avec son mana, lui donnait de plus en plus de force. Combattre dans ces soi-disantes "Arènes" lui évoquait une certaine nostalgie : c'était presque plaisant, quand on savait que, contrairement aux Arènes des Enfers, ce lieu-ci pouvait facilement être balayé par sa seule force, et l'ensemble de la communauté qui y sévissait avec.

Pendant que les loups l'encerclaient pour jauger la situation, la démone observait le public, cherchant de ses yeux tout ce qui pouvait ressembler, de prés ou de loin, à un représentant de ses contrées d'origine. Vu les talents de changelins de certains de sa race, l'apparence était un piètre indicateur. C'était surtout l'odorat qui aidait la jeune femme. Au milieu des relents de bière, de sang et de transpiration, ses narines parvenaient tout de même à capter l'effluve des gênes porteuses du sacrement démoniaque.

Au bout de quelques secondes, elle les repéra, et les flammes de ses yeux crépitèrent dans sa surprise.
Au milieu de l'ensemble des senteurs que pouvait dégager une seule personne, ces deux individus dégageait une odeur que la démone connaissait - mais, vu le peu d'attrait qu'elle avait pour l'historique des descendances de la noblesse démoniaque, qu'elle ne fut pas capable d'identifier précisément.

Le temps ne le lui permit de toute façon, puisque les derniers loups encore debout, profitant de sa surprise, l'attaquèrent de côté et la firent valser à l'autre bout du terrain.
La mâchoire serrée de rage, la chienne se releva, une épaisse déchirure autour de son épaule droite, et un hurlement strident sortit de sa gueule, alors qu'elle bondissait sur le responsable de sa blessure.

Armée de ses griffes et de ses dents, la démone combattait sous les glapissements du public, qui saccadaient leurs encouragements par des poings tapant contre le bois, les murs, les caisses qui faisaient office de table.
Le loup coupable tomba à terre à son tour, non sans laisser de profondes entailles dans les membres de son adversaire. Edge émit un gémissement de douleur, très semblable à celui d'un chien qui se serait coincé la queue dans une porte. Le dos courbé, elle jeta un regard assassin aux deux coupables des limites qui la tenaillaient, l'empêchant de déployer son plein potentiel. Sa concentration déjà bien entamée ne lui suffit pas à contourner le loup qui se jeta sur son dos et la fit tomber à terre.
Le souffle de la bête dans son oreille, la chienne put également sentir une bosse taper contre son bassin. Ce loup-ci devait avoir... quelques autres préoccupations que la bataille. Ce qui l'emmena à réagir rapidement : d'un bon coup de patte arrière, Edge se dégagea. Le loup hurla de douleur et s'effondra, le bas-ventre ensanglanté et l'estomac ouvert, répandant ses boyaux sur le sable. Il gémissait encore, alors que les acclamations du public montaient en décibel, la fin étant de plus en plus proche.

Le dernier loup fit cependant quelque chose auquel personne ne s'attendait vraiment. Les lois du règne animal étant peu connus d'individus aussi centrés sur leur spécisme, il fut relativement surprenant pour eux de voir la bête baisser la tête. Malgré la drogue qui agitait ses muscles et les faisait tressaillir de crampes pour l'inciter à bouger, la bestiole plaça doucement son épaisse queue entre ses jambes, et l'ensemble de son corps se tassa sur le sol. Les oreilles baissées, le regard fuyant, cette bestiole si menaçante il y a quelques minutes de cela, étalait sa soumission aux yeux de tous, et particulièrement de cette créature qui avait été capable de décimer le reste de sa meute.
Il réclamait ainsi de la pitié de la part de son adversaire. Tout ce qu'il reçut, fut un violent coup de pied aux épaisses griffes, qui décollèrent sa tête du reste de son corps, et la fit valser dans un coin du ring. Cet ultime coup fut suivi par un tonnerre d'applaudissement, et par le début du speech de l'organisateur, qui montrait de la main la gagnante, à présent accroupie par terre, la tête basse et les épaules agitées par les lampées d'air qu'elle avalait.

« Quel combat ahurissant, messieurs ! Il semble que les paris pris en faveur de cette petite furie aient porté leurs f- »
« RrrRRRRhhh... »

Un grognement sonore interrompit le début du discours, et l'organisateur jeta un regard agacé vers le terrain - avant de sursauter violemment, comme la majorité du public.

« RrrggryrggggrgAAAAArrGHAARAAAAA !!! »

Dans un hurlement strident, la gagnante du combat traversa le ring pour aller bondir contre les barres qui faisaient face au public, faisant reculer les spectateurs des gradins les plus proches. Se débattant comme une démente, la démone laissait sortir ses bras recouverts de plaie pour venir saisir le vide, reculant et se jetant plusieurs fois contre les barres heureusement résistantes, même sous la mâchoire de la chienne qui les mordillaient avec une rage non contenue. Les pupilles réduites à deux petites tâches fixaient un point précis dans le public - le même point sur lequel ils s'étaient arrêtés lors de sa précédente recherche.

Il semblait que, pour Edge, le combat n'était pas fini.

Le maître-dresseur d’Edge, simple Nexusien de son état, n’aurait jamais pu soupçonner les origines de cette puissante bête, qu’il avait toujours assimilé à une sorte de Terranide sauvage, similaire en ce sens à bien d’autres créatures qu’il avait éduqué. De toutes les bêtes dont il disposait, Edge était néanmoins sa préférée. La plus sauvage, la plus redoutable, incapable de s’entendre avec les autres bêtes… Un spectacle de choix pour le public. Cependant, il pouvait la voir devenir complètement furieuse contre les loups, ce qui l’interloqua. Le comportement de sa Edge n’était pas normale, elle n’avait jamais fait ça auparavant. Et le trouble du maître-dresseur s’accentua encore quand il la vit balancer des boules de feu. Elle serait donc capable d’utiliser la magie ?! Perturbé, il se pinça les lèvres, tandis que le public, lui, exultait de joie.

Le comportement sauvage d’Edge perturba même deux loups, le premier, le mâle-Alpha, cherchant à la soumettre sexuellement, et le second, en voyant sa meute réduite en cendres, s’inclinant respectueusement. Inutile d’espérer susciter la sympathie d’Edge. Son maître l’avait déjà vu énervée, à tel point qu’ils avaient dû la changer de cage une fois, car elle menaçait de briser les barreaux. Quand elle était dans une telle frénésie, il fallait être très prudent. L’un de ses assistants avait durement retenu la leçon, quand Edge l’avait mordue à la main, si fort qu’il avait fallu l’en amputer.

Et là, elle se rua alors sur les solides cages, faisant frémir ces dernières, le public commençant à passer des rires à l’inquiétude. Les barreaux seraient-ils suffisamment solides pour retenir cette chienne noire déchaînée ? Et, soudain, ils se rappelèrent alors des flammes que la femme pouvait lancer, et les personnes les plus proches commencèrent à tenter de se reculer.

Si personne ne comprenait ce qui se passait, Alastar et Onyxian, eux, comprenaient bien ce qui traversait la chienne. Elle les avait vus, et la présence des démons faisait ressortir son côté sauvage, une sauvagerie qui s’exprimait par une violence exacerbée, mais aussi, si on en croyait la légende, par la soumission. Car les chiennes étaient les filles de Cerbère, Gardien des Enfers, et Cerbère obéissait aux démons. Par principe, un Chien Infernal ne répondait qu’à un démon, et, une fois le Chien éduqué par ce démon, il n’obéissait même qu’à ce démon seul.

« Je ne sais pas si nous avons bien fait de venir…
 -  Oh, c’est un grand moment, ironisa Onyxian, le jour où mon petit-frère a peur d’une autre femme que sa sœur adorée…
 -  Les femmes ne cherchent généralement pas à me mordre…
 -  À qui veux-tu faire croire ça ? Tu les rends toutes folles, il suffit de voir comment Edge se comporte… »

Onyxian était amusée par la scène. Cependant, les Nexusiens qui organisaient la scène ne tardèrent pas à s’approcha rapidement, tenant dans leurs mains des armes d’hast avec, à leur pointe, des pointes électriques. De longues hallebardes, tandis qu’ils portaient des armures légères, et frappèrent le dos d’Edge, pour la forcer à se calmer. Un autre tenait le collier d’obsidienne entre ses mains, et le maître-dresseur était descendu, celui qui, pour soumettre Edge, avait utilisé des techniques de dressage les plus classiques : affamer la bête, et lui donner ensuite de la viande pour qu’elle s’identifie à lui. Il portait en ce moment un long fouet noir, une autre arme très efficace pour soumettre les bêtes sauvages.

« Calme-toi, Edge, je te l’ordonne ! » intima le maître-dresseur.

Dans les gradins, Onyxian ferma alors les yeux, et profita de ce moment pour une petite expérience, afin de voir si la légende était vraie, et si la Chienne leur obéissait, ou voulait juste vraiment les tuer. Ainsi, fermant les yeux, elle remua quelques doigts, et envoya un message télépathique dans l’esprit d’Edge, qui sonnerait comme un ordre.

*[MT] Tue ces humains qui ont cru pouvoir prendre la place de tes maîtres légitimes… Mais lui, ce dresseur, avant de le tuer, tu lui mangeras les couilles. Fais-le, et sache que tes maîtres légitimes t’ont enfin retrouvé, et que tu pourras reprendre ta place auprès de nous, ma puissante chienne. [/MT]*

Allait-elle obéir ? Onyxian n’avait pas la réponse à cette question, mais, si elle le faisait, ce serait la preuve que les vieilles histoires étaient vraies. Lui demander d’énucléer le maître-dresseur était, par ailleurs, pas tant un acte de cruauté, qu’un moyen de s’assurer qu’elle allait réellement effectuer ses ordres, et non juste tuer ces humains parce qu’ils la dérangeaient.

Mais ce serait aussi un spectacle fascinant à observer…