La lame traversa la peau légèrement composée de cuir de l’animal. Descendant vers le bas, en une file droite et précise, le fil tranchant ouvrait la chaire en deux, laissant s’y échapper du sang et surtout des organes à même le sol. Avant de manger quoi que ce soit, il fallait au préalable le vider. Ce n’était pas une tâche réjouissante mais elle était nécessaire. Les tripes chutèrent sur le sol rocailleux dans un bruit flasque et spongieux. L’Okami ne s’en préoccupait guère, les laissant là, elle aurait tout le temps d’y apporter son attention une fois qu’un bon morceau de viande serait mis à cuire. Et c’est sans gêne qu’elle marchait dans les tripes, le sang maculant ses bottes de cuirs. L’une de ses mains plongea dans la cage thoracique de l’animal mort et y retira quelques organes, le tout fut jeté à terre. En un amas rougeoyant et quelques peu répugnant. Un léger vent du Nord caressa la Louve qui continuait sa tâche quelque peu ingrate. Un vent frais qui fut le bienvenue après cette journée de plomb. La Lycane ne put réprimer un sourire tandis qu’elle continuait à vider l’animal que l’on nommait « Brochepelle ». Si l’on devait le rapprocher au plus d’une famille connue, la plus proche était celle des caribous et des élans.
La chasse avait été bonne. Depuis quelques temps, l’Okami ne savait réellement pas où se rendre, ni que faire. Elle errait ici et là. Certes, elle avait subi de nombreuses transformations, dont encore elle ignorait la véritable raison mais dès lors, elle n’avait eu plus aucun contact avec les autres. Qu’étaient-ils devenus ? Que faisaient-ils ? Oh certes, elle aurait pu se rendre à Nexus et les attendre, mais rester oisif n’était pas une action qu’elle avait envie de faire. Malgré tous les dangers que représentaient Terra et particulièrement ses régions arides, elle aimait s’y aventurer, les explorer de fonds en combles. Mais aujourd’hui, ce ne fut pas l’exploration qui faut au cœur de ses pensées mais une simple envie de chasser. La faim, la soif, le sommeil n’étaient plus que des besoins relatifs pour la Lycane. Pourtant elle avait éprouvé le frisson de la chasse. Et malgré tout, cette activité demandait bon nombre de concentration et lui permettait également d’entraîner un peu ses muscles, son agilité et sa vitesse. Elle avait ainsi cherché une proie potentiel, trouvée cette horde de Brochepelles, les avait observée pour trouver le plus faible et enfin était passé à l’attaque. Et à présent, elle vidait l’animal. Une tâche qui touchait à sa fin.
La dague se replanta une nouvelle fois dans la chair mais pour cette fois enlever un pan de viande. Un bon gigot. Faisant volte-face, la Terranide bougea rapidement ses doigts, laissant une flamme filait vers un foyer comportant quelques branches et entouré de pierres. Le bois sec pris feu immédiatement et sans se soucier de se brûler ou non plus tard, la Louve laissa choir la viande en plein dans les braises, la laissant ainsi cuire avant de dépecer le rester de l’animal. L’odeur du fumet se coupla à l’odeur de la fumée et enivra les narines de Shad. Tel un animal, elle passa sa langue sur ses lèvres, se délectant par avance de son futur repas. Bien que la faim n’était plus un problème, le fait de manger rester encore un loisir, une délectation qu’elle s’octroyait de temps à autre. Tout ce qu’elle espérait était que cela ne soit pas un jour qu’un lointain souvenir. La viande cuisait, doucement mais sûrement et le reste de la carcasse fut réduit à l’état de morceaux de viandes. Certains seront amenées par la Louve, d’autres tout simplement donnés aux charognards de la région.
Jugeant qu’elle avait assez attendu, la Louve s’approcha du foyer, plongea une main sans ciller dans les flammes et en retira le morceau fumant avant de se laisser tomber sur le sol rocailleux. Et alors qu’elle s’apprêtait à prendre sa première bouchée, un battement d’aile attira son attention. Levant le regard mais gardant sa prise, Shad vit l’imposant oiseau, Rukhmar, qui lui servait de temps à autre de monture se posait près d’elle. Malgré ses airs sauvages, le volatile était particulièrement intelligent et doué de paroles. De plus, elle était la seule à pouvoir le monter. La seule, avec un certain Seigneur Pourpre.
« Sert toi et bon appétit. »
L’Okami désigna d’un simple geste de la tête le tas de tripes et autres organes vers lequel l’oiseau au pelage noir et bleu se dirigeait. L’imposant volatile y abaissa bien vite sa tête, ouvrant son imposant bec et commença à festoyer. La Louver quant à elle, mordit à son tour dans sa viande, mâchant et avalant tout en fixant l’horizon. Ses oreilles à l’affut étaient encore cachées sous une capuche noire aux broderies cramoisies et sa queue repliée contre elle restait dissimulée grâce à la noirceur de la nuit. La soirée était pour l’heure bien calme.
