Enfer...
Manoir de la Comtesse de Viceambre...
Les tambours rythmaient le temps avec sauvagerie. Par-dessus le vibrant tempo, les flutes et les violons se déchainaient. Les voix, autant les chants que les hurlements, aussi. Vacarme terrifiant et pourtant fantastique, thème de l’orgie... Dans la grande salle, la fête sulfureuse de la Comtesse de Viceambre battait son plein. Les invités dansaient et copulaient avec enthousiasme. Ils étaient près de cinq cents. Tant de débauche, tant de démesure n’était possible qu’en Enfer. Une coupe de vin en main, Mascotte observait le spectacle depuis sa place. Les corps s’entremêlaient, les flambeaux crépitaient, le tout composait un démentiel ombre et lumière où dominait le rouge. L’air moite était empli d’exhalaisons obsédantes derrière laquelle perçait l’odeur de sueur, de sang et de sperme. A côté du diablotin, un couple atteignait l’orgasme. Puis, presque sans aucune transition, la femme se mit à dévorer son partenaire. Mascotte se décala de quelques pas, histoire qu’un pilier de marbre le protège des morbides éclaboussures. Quelques morts, c’était inévitable. Au loin, il aperçut la maîtresse des lieux virevolter dans sa belle robe pourpre. Elle était accrochée au bras d’un homme splendide, un noble démon assurément. Voilà qu’un domestique en costume sombre adressa un signe au diablotin. Il comprit. Bientôt, ce serait à lui. Il vida sa coupe, la déposa sur une table, puis gagna une pièce annexe.
Elle était réservé aux artistes afin qu’il puisse se préparer. En quelque sorte, c’était les coulisses. Ici, le brouhaha de la grande salle n’était plus qu’une rumeur assourdie. Plusieurs esclaves s’afféraient déjà auprès d’un mystérieux individus encapuchonné. Mascotte n’était pas le seul à vendre ses services. Un autre esclave vint à lui, s’inclina et déclara humblement :
« Monsieur, j’ai votre costume. »
« Parfait. »
Le diablotin se transforma, s’habilla, puis il attrapa quelques accessoires accrochés aux murs.
« Tu peux dégager. Je n’ai plus besoin de toi. »
En effet, il était déjà prêt. Dans quelques minutes, tout au plus, il allait être appelé sur scène. La Comtesse voulait offrir à ses admirateurs une pièce de théâtre qu’elle avait elle-même écrite. Mascotte y occupait un rôle clé. Heureusement, il avait assez peu de dialogue. Inutile de réviser. Quoi que... Un rapide coup d’œil sur le texte ne ferait sans doute pas de mal. Le diablotin allait s’emparer de la feuille, quand, tout d’un coup, il se sentit attiré en l’air. Il crut tout d’abord à une mauvaise farce du type en capuchon, néanmoins il réalisa que non. C’était autre chose. L’attraction se fit irrésistible. Le monde s’effaça, un autre apparut...
Terre...
Chambre de Mariam...
Mariam crut un instant que la foudre venait de frapper dans sa chambre. Le parfum du souffre vint à son nez. Lorsqu’elle rouvrit les yeux, le pentacle rougeoyait et au centre de celui-ci, un petit être venait d’apparaitre. S’était-elle trompée de rituel ? La créature ne ressemblait pas du tout à un démon et pour cause ! Voilà la demoiselle face à un adorable félin humanoïde. Haut d’à peine un mètre,, potelé, pelage argenté, prunelles bleu azur, truffe rose, belles oreilles pointues, queue en panache, il semblait sortir d’un film d’animation pour la jeunesse et non de l’Enfer. Il était vêtu d’une ample tunique blanche, comme un angelot, et chaussé de sandales assorties. Par contre, l’expression de son regard contrastait avec la naïveté de son visage. Il y avait bien trop de malice et surtout pas une once d’innocence. Ensuite, et surtout, il avait les bras chargés de chaînes, de menottes, de fouets, de pinces, de couteaux et autres outils métalliques.
Mascotte, surpris, laissa tomber tout ça au sol. Il dévisagea Mariam, observa la pièce ainsi que le livre, et comprit qu’il venait d’être invoqué. Alors, il s’exclama de sa gentille voix de peluche vivante :
« Hé, ma grande, tu te rends compte qu’à cause de toi, je vais louper la pièce de théâtre de la Comtesse de Viceambre ? Elle va devenir folle de rage ! »