Génitrices [Kerrigan]

La météorite s'était écrasée quelque part dans les terres les plus reculées de Tekhos, là où l'armée se rendait peu. Tout comme les formiens, au demeurant. C'était un coin désertique qui bordait les contrées du chaos et constituait une porte naturelle idéale vers ces landes désolées et hostiles, à peine surveillée par les patrouilles du matriarcat qui adulait la déesse Technologie. Les tekhannes s'étaient contentées d'ériger quelques fortins au début de l'affrontement avec la vermine spatiale mais ces derniers avaient vite été abandonnés lorsque les combats s'étaient centralisés ailleurs, d'autant que la fenêtre d'approche que le coin constituait vers Metropolis était extrêmement bien gardée près de 100 kilomètres plus loin. Aucune incursion massive (donc réellement significative quant au danger représenté) n'aurait sut y être montée par les formien sans que leurs ennemies n'en ait connaissance, bien que quelques avancées embusquées et discrètes pouvaient porter leurs fruits.
En somme, Mater Arachna avait eu beaucoup de chance.

Son vaisseau improvisé avait pulvérisé un ancien fort tekhan installé à flanc de montagne et s'était logé profondément dans la roche sans que le matriarcat reconnaisse en ce caillou stellaire une quelconque menace. Un incident de ce genre, bien qu'extrêmement rare, était tout à fait plausible. On avait envoyé une petite troupe en reconnaissance, pour la forme, et cette dernière n'était jamais revenue. Le QG avait estimé que les soldates malchanceuses étaient tombées sur quelques formiens égarés là (ce qui restait également rare mais tout à fait plausible, une fois encore) et qu'elles avaient péri au combat.
Si ce n'était pas tout à fait faux, la vérité entièrement dévoilée aurait poussé l'intelligence militaire de Tekhos à se méfier. Fort heureusement pour Mater Arachna, le mensonge avait semblé suffire à la société féminine et son arrivée sur Terra avait put se faire sans se conclure par une extermination prématurée.

Elle avait rapidement prit possession des ruines du fort et de ses alentours directs, ce qui lui avait permit de se débarasser sans trop de peine de l'équipe d'éclaireuses. Des gamines inexpérimentées qu'il avait été aisé de prendre à revers et de vaincre sans les tuer. Il aurait été stupide pour une annexienne aussi démunie qu'Arachna de se débarrasser d'incubateurs frais, bien qu'elle ne les féconda pas pour autant. Mater avait choisi de se préserver, de garder sa précieuse banque génétique intacte. Alors elle avait adopté une autre technique et avait récolté quelques gênes parmi les insectes des alentours, les mêlant à ceux des tekhannes capturées pour changer profondément leur nature même. Des monstres, assurément. Même aux yeux de leur Mère de Cauchemar, ces créations étaient bien modestes, presque une honte à ses talents. Toutefois, l'Annexienne (en devenir, mais elle était depuis toujours plus qu'une simple cérébrate) avait besoin de force vives. Et tant pis si elles avaient dû être risibles comparées à ce qu'elle avait déjà produit par le passé : leur utilité serait sûrement trouvée plus tard.

Deux semaines s'étaient écoulées depuis le crash et Mater Arachna les avait mises à profit pour consolider son petit cocon et reprendre des forces. Ses trois soldates lui avaient confié que la zone, même reculée, restait dangereuse. Elle comptait certes partir, mais pour aller où ? Les tekhannes remodelées ignoraient tout des besoin de leur génitrice et ne pouvaient la renseigner. Quant à partir bêtement à l'aventure, Arachna s'y refusait. Risquer de croiser quelques adversaires encore trop puissants pour elle ? Non, non. Mater n'avait pas échappé à son ancien maître pour se retrouver tuée bêtement.
Sa situation, à vrai dire, était critique. Même le sexe -donnée viscérale chez les formiens, surtout les plus puissants- ne présentait aucun attrait à ses yeux, pour l'heure. La sensation d'être prise au piège surplombait sa libido et elle avait comblé cette frustration en consolidant ses pauvres petites défenses. L'ancien fortin tekhan s'était progressivement recouvert d'une toile d'araignée solide, qui avait consolidé les murs tout en gardant ses capacités de communication vibratoire.
La soldate qui avait la charge de cette toile était Fashna, que la Mater avait couplé à une espèce d'arachnide des plus communes faute de mieux. Toutefois, Fashna était assez efficace dans son rôle de guetteuse et même un peu zélée. De son propre chef, elle avait étendu sur les alentours du fort une seconde toile, très fine et cassante, presque invisible. Il suffisait d'un rien pour la faire vibrer discrètement et informer l'araignée d'une présence incongrue, ce qui s'était passé ce matin là. De loin, Fashna était parvenue à identifier la menace pourtant discrète, information confirmée par la guerrière de mère, Selynn. C'était elle qui était allée prévenir Mater, l'araignée préférait guetter l'avancée de la créature qui se faufilait avec tant de talent qu'elle avait bien de la peine à suivre totalement sa progression vers le fortin.

- C'est un xénomorphe, Mère. Il approche lentement, mais il approche. Au moins, il est seul. Je devrais pouvoir m'en occuper.

- Un xenomorphe n'est jamais totalement seul. Et si il vient ici de son plein gré alors qu'il devrait pouvoir ressentir ma puissance, c'est qu'il est appuyé.

Juchée sur son abdomen d'araignée, Mater Arachna se mordilla le bout de la griffe qui concluait l'un de ses pouces. Un tic qu'elle avait hérité de son passé d'humaine et qui ne la quittait jamais, surtout quand elle réfléchissait intensément. Elle connaissait bien les xénos : c'était elle qui avait travaillé à confectionner les toutes premières générations, dont elle était à l'origine. Cependant, il était certain que la caste avait changé au cours du temps, loin de son contrôle. Et sûrement l'annexien qui l'avait créé avait-il fait ses propres ajouts. Toutefois, certaines choses restaient impossibles à de "simples" annexiens et la tisserande que la Mater était possédait des connaissances et des capacités que personne ne pouvait égaler... En échange d'une partie de sa puissance guerrière pure. Ainsi, elle estimait pouvoir amadouer ce qu'elle considérait comme étant un éclaireur. Et ce d'une façon ou d'une autre.

- Je vais aller à sa rencontre. Veille sur notre cocon, Selynn.

La mante hocha simplement la tête alors que sa mère de l'immonde disparaissait dans l'un des tunnels creusés dans les parois de sa chambre pour remonter vers la surface, y faisant jour de toute sa splendeur noire et chitineuse. Ses pattes cliquetèrent sur le sol tandis que son abdomen d'araignée sembla frétiller un instant, son torse de femme scrutant l'horizon. Il ne lui fallut que peu de temps pour débusquer le Xeno, et encore moins pour foncer sur lui et le surprendre.
La bête s'arrêta devant elle, comme incertaine. Elle tourna précautionneusement autour de la Mater qui la laissa agir à sa guise, avant de finalement venir la saisir presque tendrement sous la gueule, ses griffes caressant la carapace noire alors que la queue meurtrière du Xeno venait serpenter non sans tendresse contre la partie arachnide de l'annexienne, qui débutait à son pubis, dissimulé derrière un pan de chitine. Les caresses durèrent un temps, avant que Mater ne fasse relever la gueule de l'Alien, le fixant des orbes ovoïdaux qui figuraient ses yeux.

- Dis lui d'approcher, se contenta t'elle de souffler.

Le Xeno resta sur place une dernière seconde avant de se dérober et de repartir vivement sur ses pas. Mater Arachna savait que sa présence était déjà connue, probablement d'un annexien qui disposait d'une armée conséquente (du moins plus que de la sienne, ce qui n'était pas un exploit en soi : dépasser trois individus était un jeu d'enfant pour n'importe quel Primogenitor) qui saurait la mettre en difficulté. Alors l'annexienne solitaire préférait-elle attirer l'ennemi potentiel à elle, pour entrer directement dans le vif du sujet.
Se battre ou discuter, peu lui importait. Son isolement improductif ne pouvait de toute façon pas durer. Alors allait-elle attendre que le maître de l'éclaireur ne se déclare.
Ensuite...
Ensuite, elle improviserait, en espérant que ses trois soldates sauraient l'aider au moins à fuir si la situation tournait en sa défaveur.

« Ne te moque pas de moi, Kerrigan ! »

Elle avait soupiré quand la main redoutable de l’immense Phyrexia l’avait détaché de son trône. Colossal, l’Annexien l’avait regardé de ses étincelants yeux bleus, son visage recouvert par une armure. Autour de lui, ses ignobles gardes du corps avaient claqué des dents, leur chair visqueuse et dégoulinante formant un spectacle sinistre, repoussant les quelques Formiens de la Reine des Lames.

« Je sens ton arrogance, ton ambition, Kerrigan ! Je ne t’aime pas... Je ne sais pas pourquoi l’Esprit de la Nuée a décidé de te confier la responsabilité d’Abathur, mais je n’aime pas ça... Tu es une pute ! »

En grognant, Phyrexia balança Sarah, qui heurta violemment un mur. Furieuse, la Reine des Lames se releva, en ravalant son orgueil. Phyrexia était plus fort qu’elle. Il pouvait la balayer, et elle savait qu’il n’attendait qu’un prétexte pour la démembrer, lui arracher la tête, et l’exhiber comme trophée dans sa salle de trône. C’était un redoutable Annexien, qui était là depuis les premiers jours de l’Invasion. Il avait fait partie de la première vague de Formiens ayant jailli de la Fourmilière pour conquérir le monde. Il prétendait avoir déjà conquis d’autres mondes pour la Nuée, mais Sarah ne le croyait pas. C’était un vantard, et il peinait à mener sa propre Nuée. Elle était immense, mais il manquait de stratégie, se contentant juste de compter sur son nombre, en envoyant d’innombrables Formiens qui se faisaient pulvériser par les armes tekhanes.

La vérité, toute simple, était qu’il désirait que Sarah devienne sa Cérébrate, qu’elle se soumette à lui, et ainsi qu’il dispose, non seulement de sa Ruche, mais aussi du corps de la Reine des Lames, et de son ingéniosité. C’était elle qui avait étudié tout le réseau souterrain de la Fourmilière, et qui avait construit des tunnels ayant permis d’échapper au blocus tekhan en vigueur. C’était elle qui avait mené des expériences sur des humaines afin de les transformer en Formiennes, et qui avait développé des parasites capables de manipuler psychiquement l’esprit d’individus. Des techniques alternatives qui avaient pour l’heure échoué à être décisives dans la victoire, mais qui accroissaient l’influence de Kerrigan... Ce qui déplaisait beaucoup à certains Annexiens, comme Phyrexia.

« Je vois clair dans ton jeu, Kerrigan...Tu veux diriger la Fourmilière, tu veux faire de moi ta pute... Je ne le laisserais pas faire ! Je suis un être pur, moi, pas une saloperie d’hybride transgénique comme toi !
 -  Tu es... Surtout paranoïaque...
 -  Tu es faite pour pondre, salope, pas pour commander ! »

Sarah esquissa un léger sourire devant ce sexisme avéré. Du sang s’échappait de ses lèvres, mais son sourire n’échappa pas à Phyrexia. Il serra le poing. Il avait trop de fierté pour continuer à se battre. Sarah voyait clairement son petit jeu. Il était grand, mais pas très malin. Arrogant et idiot, comme Zeratul, l’Annexien imbécile à qui Kerrigan avait volé sa Horde, le laissant pour mort. Phyrexia subirait le même sort. Il voulait que ce soit Sarah qui l’attaque, que ce soit elle qui déclenche les hostilités, afin de rallier les autres Annexiens à ses côtés. Un silence tendu s’instaura entre les deux. C’était presque une caricature formienne de David contre Goliath, vu la taille de Phyrexia.

« Nous n’en avons pas terminé, Kerrigan... »

Il s’écarta pesamment, ses abominables monstres le suivant, avec leurs affreuses têtes triangulaires. Sarah le laissa partir sans rien dire, un sourire sur le coin des lèvres.

« J’y compte bien... »


C’est seulement quelques heures après cette entrevue qu’elle avait senti une présence. Elle se trouvait à des centaines de kilomètres, mais la Reine des Lames la sentit très distinctement. Une présence formienne, une impulsion psionique similaire à celle qu’elle-même dégageait pour se faire obéir de ses Formiens. Sarah Kerrigan était une Annexienne très puissante, disposant de pouvoirs psychiques accrus. Humaine, elle était déjà une Ghost légendaire, et, quand Abathur l’avait transformé, il avait sensiblement amélioré ses capacités. Quand elle méditait dans son trône, sa conscience se répandait dans le monde. Aurait-elle connu la Terre qu’elle aurait pu comparer cette sensation à celle du mutant Charles Xavier enfilant Cérébro pour amplifier ses capacités télépathiques.

Elle avait senti cette étrange puissance, et avait réagi rapidement. En un sens, son altercation avec Phyrexia l’avait motivé davantage à y aller. Pour une obscure raison, une Formienne disposant de pouvoirs similaires à ceux d’un Annexien venait de débarquer. Intelligente, Sarah en déduisit qu’elle venait probablement de l’espace... Là d’où émanaient tous les Formiens, après tout. Si elle l’avait senti, d’autres Annexiens le sentiraient... Sans parler des Tekhanes, et de leurs maudits instruments de précision. Sarah se motiva ainsi à partir le plus vite possible, emmenant avec elle quelques Xénomorphes. Il y en avait peu, afin d’éviter qu’on ne la remarque, et qu’elle puisse se déplacer plus vite.

Il lui fallut quelques jours pour arriver. La mystérieuse Annexienne avait atterri dans des plaines rocailleuses, le long d’un immense désert sauvage, dans d’anciens forts tekhans qui avaient été bâtis là il y a des générations, avant l’Invasion, en prévision d’une énième guerre contre l’Empire d’Ashnard. Elle s’était réfugiée dans un petit fort secondaire, probablement un fort d’approvisionnement, et avait recouvert ce dernier d’une fine couche de protection... Une structure qui ne ferait qu’attirer encore plus l’attention des Tekhanes, estima Sarah.

*Je décèle peu de Formiens... Ceci explique sans doute pourquoi je suis la première à arriver... Mais cet état de grâce ne va pas durer longtemps, sa puissance psychique est impressionnante. Pas de doute, c’est une Annexienne... Sans Horde.*

Prudente, Sarah, qui masquait sa présence, avait envoyé un Xénomorphe en guise de messager, sa seule présence était, à ses yeux, suffisante, pour s’annoncer. Face à une femme normale, son Formien l’aurait attaqué, afin de la violer sur place. Face à elle, il se montra calme, attentionné, étrangement apaisé... Et passif. Sarah observa cette scène de loin, avant de progressivement se rapprocher, sortant de l’ombre lorsqu’elle vit la femme s’avancer hors de sa Ruche en formation.

Son Xénomorphe n’avait pas eu besoin de la rejoindre pour qu’elle arrive. Elle se tenait en hauteur, sur un rocher, et, comme à son habitude, elle choisit de faire une entrée... Plutôt remarquée. La Ruche se découpait en bas, minuscule, et elle prit son élan, bandant ses muscles... Avant de bondir dans les airs, sautant de son haut rocher, descendant à toute allure vers le plateau sur lequel se tenait l’étrange visiteuse. Ses pattes arachnéennes jaillissaient de son corps, le soleil brûlant dans son dos, et elle atterrit pile devant la femme, à quelques mètres seulement, pliant les genoux en se réceptionnant sur le sol, faisant voler de la poussière autour d’elle.

Sarah se redressa ensuite, lentement, plantant son regard acéré dans celui de la femme. Silencieusement, elle lui faisait comprendre qu’elle avait affaire à une semblable, et dit alors la seule chose qu’il convenait de dire :

« Je ne viens pas t’asservir... Sœur. »

Sarah le sentait. Peut-être parce que, comme cette femme, elle était à la base une humaine. C’était une hybride. Ou alors, ce n’était qu’une intuition. Rapidement, Kerrigan rajouta alors une précision supplémentaire :

« Mais ceux qui arrivent, eux, viennent pour t’asservir... Ou pour t’étudier comme un rat de laboratoire. Sarah Kerrigan est mon nom. »

Le xenomorphe n'avait pas disparu que la scène tourna, à la grande surprise de Mater Arachna. Elle n'eut que le temps de lever la tête après avoir silencieusement observé la silhouette éffilée de la créature noire après que ses yeux eurent perçu un mouvement qu'une forme à l'aspect humanoïde se retrouvait comme en suspension dans les airs, devant le soleil. Elle resta ainsi indistincte alors que son dos laissa filer ce que la Primogenitrice prit d'abord pour des pattes arachnéenne, avant de retomber prestement -et avec un sens des plus certains de la mise en scène- face à l'exilée spatiale qui se retint presque de l'applaudir. Ses monstrueuses pattes d'araignée se contentèrent de battre la pierre du petit plateau rocheux dans un cliquetis rapide pour signifier l'appréciation de l'action, et Mater Arachna darda son indicible regard sur la nouvelle arrivante.
Mater n'avait pas d'yeux à proprement parler; le rôle de la vision était assuré par les structures claires et ovoïdales qui couraient sur le sommet de sa tête, constituées en fait en des milliards de facettes semblables à celles qu'arboraient les mouches. Néanmoins, les capacités visuelles de l'annexienne désœuvrée étaient à des années-lumière de ce qu'on pouvait trouver dans la plupart des ruches de cette partie du cosmos. Ainsi, bien que la Mater ne bougea pas la tête, elle contempla Sarah sous presque absolument toutes les coutures. Un instant plus tard, un bourdonnement sourd se faisait entendre derrière l'ancienne Ghost. Menaçante, Cordula se tenait prête à frapper. La troisième formienne de Mère, qui lui vouait un amour dérangé.

- Je vais la tuer, Mère !

- Ne sois donc pas stupide, Cordula. Il n'est rien que tu puisses faire contre elle.

Rien n'était plus vrai. Cordula était une création de basse qualité, comme ses soeurs, et aucune ne pouvait prétendre seulement gêner Kerrigan. Arachna le savait pertinemment, mais vous savez comment sont les enfants : parfois trop sûrs d'eux. La guêpe pesta un juron avant de se reculer d'un bond, restant en alerte. C'était tout à son honneur, malgré l'inutilité de la chose.
"Soeur", avait dit Kerrigan. Il n'avait pas fallu longtemps à l'Exilée pour affirmer mentalement la justesse du terme. Les humaines rejoignant l'Essaim étaient des plus rares. Quant à savoir si elle venait réellement en paix, la Mater ne pouvait pas se prononcer.
Bien que techniquement elle ne l'avait jamais quittée du regard, elle revint à Kerrigan.

- Je ne sais pas si cela me rassure, Kerrigan. La chose te serait facile, pourtant. Je suis loin d'être en position de force et quand bien même je te retiendrais, j'imagine que tu n'es pas venue seule. Sache quand même que je ne me laisserai pas abattre aisément pour autant.

Mater Arachna s'approcha de Kerrigan, qu'elle surplombait d'une bonne tête, montée sur son abdomen d'araignée comme elle l'était. Elle baissa la tête pour le principe (sa vision périphérique aurait englobé une bonne moité de l'autre annexienne même si elle avait levé la tête vers le ciel) et se fendit d'un délicat sourire .

- Qui sont ceux qui viennent, ma soeur ? Et pour quelle raison te présente tu à moi, si ce n'est pour m'asservir ? Sa main griffue glissa sur la chitine qui recouvrait la poitrine de Kerrigan, dont elle saisit un sein. Il n'y avait pas de tabou entre formiens, ni de limites. Et c'était une façon de se saluer qui valait tout autant qu'une poignée de main. Je suis Evelynn Quarcry, mais la nuée connait davantage le nom de Mater Arachna.

Elle se tenait face à cette immense créature arachnéenne. Jadis, quand elle n’était qu’une humaine, elle aurait probablement été horrifiée par cette femme, y voyant une sorte d’aberration de la Nature. Là, maintenant, avec ce nouveau regard, elle observait les formes de la femme, elle admirait cette beauté sauvage et délicieuse, avec ces plaques de chitine recouvrant la majeure partie de son corps, ce visage partiellement masqué sous une sorte de  long casque naturel, ainsi que ces lèvres tendres et agréables. Évidemment, après avoir vu Phyrexia et ses abominations, elle avait tendance à apprécier de voir, comme elle, des « hybrides »... Du moins, si on acceptait ce concept. Techniquement, tout Formien était un hybride, car leur espèce n’était qu’un immense patchwork d’une infinité d’espèces asservies par la Horde, leur patrimoine génétique venant enrichir la banque d’ADN de la Nuée.

Dans son dos, elle sentit une Formienne s’approcher. Sarah ne fit aucun geste défensif. Elle préférait tester cette femme, voir comment elle réagirait. À son soulagement, elle ordonna à sa Formienne, Cordula, de se calmer. Sarah tourna sa tête vers elle, et comprit qu’il s’agissait d’une hybride, aussi... Autrement dit, la femme se tenant devant elle avait de grandes capacités formiennes, capables de faire d’elle une Annexienne, ou une Cérébrate... Sarah envisageait cette possibilité, mais elle savait que l’affaire n’était pas encore gagnée. Cette créature venue d’ailleurs était méfiante, mais suffisamment maligne pour savoir que, si elle se battait, elle n’avait aucune chance. Sarah ne l’aurait pas parié à coup sûr, mais, outre ça, la femme savait aussi qu’elle était dans une terre étrangère, une terre où elle avait besoin de se faire des alliés, afin de se reconstituer une famille. La Fourmilière était une immense ruche, une société où l’individualisme était perçu comme une horreur, et où, tout simplement, l’union faisait la force. La femme se rapprocha, et palpa le sein de Sarah, qui soupira silencieusement, fermant les yeux en appréciant ce contact. Elle n’allait pas prétendre le contraire : la compagnie de cette femme était déjà agréable, et sa méfiance était bien naturelle.

« Je pense que je raisonnerai pareille, à ta place... La Nuée m’appelle ‘‘Reine des Lames’’. Je viens ici pour te guider... Car j’ai besoin d’alliées comme toi, des alliées qui soient à la fois suffisamment puissantes pour convertir ces humaines arrogantes... Et en même temps suffisamment belles pour stimuler en moi quelque appétit... »

Tandis qu’elle parlait, ses seins se durcissaient légèrement, sous l’effet du plaisir. Elle se pencha vers la femme, se hissant sur ses pieds, et l’embrassa sur les lèvres, caressant sa belle bouche. Evelynn Quarcry... Elle aurait pu tenter de lire dans son esprit, mais elle savait qu’elle se ferait repérer. Elle s’écarta de la femme. Elle n’avait pas de yeux... Mais, d’une certaine manière, elle devait être capable de voir. La Reine des Lames se retourna donc, lui offrant la vue de son dos, de ses longues jambes fuselées, et de son postérieur rebondi et agréable. Elle se retourna ensuite, et poursuivit ses explications :

« Tu as asservi des Tekhanes... Nos ennemies de ce monde. Elles nous résistent, et, plus les années passent, et plus elles apprennent. Toi et moi, nous sommes des cibles de choix. Ces idiotes cherchent à comprendre le lien psychique entre l’Annexien et sa Nuée, afin de le perturber, ou de le reproduire. Leurs satellites sont de plus en plus efficaces. Elles sentiront la présence de ton nid, si ce n’est pas déjà fait, et elles viendront en nombre... »

Pour illustrer cette situation, elle envoya dans l’esprit de sa partenaire plusieurs images montrant les forces tekhanes en marche... Leurs armures mécanisées, leurs vaisseaux, leurs chars d’assaut. Des images authentiques, des souvenirs de ses altercations avec les Tekhanes.

« Pour le reste... Si je comptais t’asservir, je ne serais pas venue seule... Et je n’aurais pas envoyé un messager t’avertir de ma présence. J’aurais attaqué en positionnant des troupes à distance sur ces rochers, et en bombardant ton nid. »

Plutôt que de lui dire de lui faire confiance, elle préférait plutôt lui parler des évidences qui s’imposaient à n’importe qui. Sarah était venue en amie.

« Bien sûr, tu peux aussi choisir de tenter ta chance toute seule, Arachna... Je ne te force à rien. »

L'excitation d'Evelynn, si basse depuis son arrivée dans ce nouveau monde, revenait peu à peu alors que sa main étreignait l'orbe charnel et chitineux de son interlocutrice. L'annexienne ne gâta pas le jeu et se contenta d'un peu de tendresse appuyée par le roulement de ses doigts quand ceux-çi sentirent que le sein gagnait en fermeté sous la sollicitation. Cet état de fait la flatta et elle se laissa bien volontiers embrasser par Kerrigan, sa prise sur la poitrine de cette dernière se renforçant plus significativement alors que leurs lèvres se découvraient.
Sarah se montra au moins honnête sur les raisons qui l'avaient motivée à aller à la rencontre de son homologue exilée : elle avait besoin d'aide, de soutien. Ne le cachant nullement, elle s'attira un degré de sympathie supplémentaire venu de Mater Arachna, qui se léchait pensivement les lèvres pour récolter ce que la Reine des Lames avait put y déposer de salive.

- Le sort nous sourit à nous deux, Sarah Kerrigan. J'ai moi aussi besoin d'alliés afin de pouvoir constituer ma ruche. La bonne nouvelle pour toi, c'est que j'ai énormément à t'offrir en échange de ta... présence. Et tu me plais assez pour que je te laisse me féconder, ou que j'ai envie de t'aider à pondre. Quant à la conversion, Cordula ici présente te donneras une petite idée de mes talents.

Les milliards de facettes qui s'arrangeaient pour que la Mater puisse voir se portèrent sur le verso de la belle annexienne, détaillant les courbes de son délicieux cul avec une envie qui n'avait de cesse de croître. La chitine noirâtre d'Evelynn frissonna de désir, ce qui provoqua un petit bruit semblable à un froissement brutal de papier. Du pubis qui se fondait dans le corps arachnéen se mit à suinter un liquide épais, qui perlait presque agréablement au soleil.
En marque de confiance envers Kerrigan, Arachna avait laissé une petite partie de son esprit accessible. Assez pour communiquer, bien insuffisant pour tenter de percer ses secrets. Elle se félicita de l'initiative, puisque les images envoyées par sa soeur emplirent rapidement ses neurones. La guerre, là encore. Comme par chez elle. Rien de nouveau sous le soleil, donc.

- Elles semblent à peine moins avancées que les armées de ma galaxie, mais leur approche de la guerre est bien plus intéressante. Que n'y ai-je pas pensé moi-même à l'époque où j'affrontais la Ruche ! Enfin, peu importe. En l'état, je suis une menace négligeable pour elles. Et l'inverse n'est pas vrai.

Déplaçant tranquillement son corps avec agilité, Mater Arachna contourna tranquillement Kerrigan pour marquer un cercle autour de sa position et sa chitine frissonna encore une fois. Elle arriva derrière la Reine des Lames et se pencha juste assez pour que sa tête vienne se caler contre l'épaule de Sarah, dont elle revenait prendre les seins à deux mains, pleinement. Mater n'avait pas prit les paroles de son homologue pour des menaces : elle savait que si Kerrigan l'avait souhaité, la partie aurait été réglée avant d'être seulement livrée. Cette annexienne était intelligente, mesurée. Presque parfaite. Tandis que sa langue traînait sur la peau de Sarah, Arachna se mit à sourire.

- Ta compagnie me plaît, Kerrigan. Je vais donc miser sur une alliance avec toi. Et je vais t'offrir le concours d'une des meilleures tisserandes de l'Essaim. Avec un peu de temps devant nous et  la bonne matière première que tu vas me fournir, je vais te donner une nouvelle armée. Et tu me donneras ce dont j'ai besoin pour être indépendante.

Elle bouillait presque sur place. Parce qu'elle pétrissait fermement la poitrine de Kerrigan et n'avait plus de réelle retenue à ainsi flatter le poitrail de sa soeur, mais aussi et surtout parce que la perspective de tisser à nouveau la vie provoquait en elle un état proche des secondes qui précédaient la jouissance sexuelle. Au bas de son buste humain, la fente bavait d'autant plus.

- Ma banque génétique, mon savoir et tout mon talent à ton service, Reine des Lames. Dès que tu seras prête, nul ne pourra plus te résister....

Kerrigan était une Annexienne de haute volée, une superbe création, c'était certain. Mais elle n'avait pas ce que Quarcy possédait : la facilité à arranger la vie et jouer avec la génétique pour créer de nouvelles formes à l'espèce formienne. Ces dons étaient issus de l'Overmind même, qui ne les conférait qu'à une caste bien définie de la Nuée, chargée de faire évoluer cette dernière par tous les moyens. Tous les annexiens ne pouvaient prétendre être des Tisserands, tous les annexiens étaient loin d'en être. Bien sûr, ces êtres évolués pouvaient, à leur niveau, tisser. Ce n'était pourtant nullement comparable à ce que les véritables tisserands savaient et pouvaient faire, eux qui pêchaient en contrepartie par leur manque de puissance guerrière.
Ce qu'elle était -soit un atout réel dans le jeu- Evelynn l'offrait à Sarah.

- Avons nous un accord, ma soeur ?

Sarah sentait l’excitation de la femme. En filigrane, elle venait de lui avouer qu’elle venait d’une autre galaxie... Logique, en un sens. Pour autant que Sarah le sache, cette galaxie-ci ne comprenait aucune autre trace des Formiens que leur Fourmilière. C’était un avant-poste que la principale Flotte-ruche avait balancé à travers les limbes de l’espace-temps pour d’obscures raisons. Terra n’avait rien de particulièrement exceptionnel par rapport à d’autres planètes. En théorie, ce monde n’aurait pas du résister plus de quelques mois à la toute puissance de la Nuée... Et, pourtant, il continuait à tenir. Même Sarah Kerrigan ne pouvait lire dans les plans de l’Overmind. Il y avait sur Terra quelque chose de particulier, quelque chose de spécial, quelque chose qui y attirait tout particulièrement l’Overmind. Était-ce un hasard si cette femme s’était écrasée ici ? Kerrigan ne pouvait lire son esprit, mais l’inverse était vrai, et c’était tant mieux. Si Mater avait lu son esprit, elle aurait vu que le soutien de Sarah n’était pas totalement désintéressé. Dans la tête de la Reine des Lames, il subsistait une possibilité que cette Mater soit envoyée par l’Overmind pour superviser quelque chose... Probablement le véritable but de la Fourmilière. Pendant un temps, Sarah avait cru que les portails dimensionnels étaient ce qui attirait l’Overmind, mais la Nuée n’avait jamais essayé de conquérir l’autre monde... Et, pour y avoir été, Sarah savait que cet autre monde, la Terre, n’avait également rien d’exceptionnel. Et elle n’avait pas encore trouvé cette particularité propre à Terra, cette particularité qui justifiait que l’Overmind ait choisi d’y faire un avant-poste.

Les mains de Mater pétrissaient ses seins. La femme arachnéenne se glissait dans son dos, pleine de désir... Ce désir-là, lui, n’était pas simulé, et Sarah le sentait aussi. Elle soupira, humant l’air, humant l’odeur de sa congénère, reniflant les promesses que cette dernière lui faisait. Mater se soumettait à elle, acceptant de l’aider... Pas de la servir, mais de l’aider. Sarah connaissait cette nuance, et elle savait qu’elle allait devoir y faire attention. Elle était puissante, et la tentation était grande de l’asservir, d’en faire une Cérébrate... Mais elle doutait d’arriver à la contrôler. C’était dans l’ordre des choses qu’un Cérébrate tente de renverser son supérieur. L’inverse serait incompréhensible. Si le Cérébrater avait des pouvoirs plus évolués que l’Annexien, il prenait sa place, et, si l’Annexien constituait une menace potentielle pour l’intégrité de la Horde, il était coupé de cette dernière... Comme Sarah l’avait fait avec Zeratul. Pour elle, ce n’était même pas une question de bien ou de mal, de respect ou de confiance ; c’était une question de survie et d’efficacité. Les Formiens réagissaient comme des animaux. Le chef n’était pas là parce qu’il avait le respect de ses subordonnés, mais parce qu’il était plus fort qu’eux, et à même de les commander. Le respect était une conséquence de la compétence du chef. Pour les Formiens, c’était logique. Pour les Terrans, ça ne l’était pas. Sarah avait déjà vu bien des supérieures incompétentes, et, pour autant, malgré cette situation, les Tekhanes continuaient à leur résister. Pour les Formiens, c’était incompréhensible.

« Réunis tes Formiennes, ma belle... Ensuite, il faudra détruire ton nid... Tout brûler. S’il reste un seul spécimen, les Tekhanes l’étudieront. »

Elle se retourna ensuite vers elle, et lui caressa sa douce joue.

« Nous avons un accord. »

Sarah aida Mater à enflammer son nid. Ce fut un bel incendie. Il faisait chaud, et l’air était sec, facilitant le départ des flammes. De hautes flammes qui se mirent à danser, formant un brasier incandescent et hypnotique.

« Dépêchons, ma sœur. »

Sarah s’avança jusqu’à une crevasse s’enfonçant profondément dans le sol, et sauta en contrebas. Elle atterrit au milieu de petits rochers poussiéreux, et continua à marcher, pénétrant dans des grottes.

« Pour éviter leurs radars, le mieux est de voyager sous terre. Les autres Annexiens ne l’ont toujours pas compris, ces idiots... »

La Reine des Lames marcha encore pendant un quart d’heure, jusqu’à rejoindre son ver de Nydus. C’était une espèce de ver de terre gigantesque, que les Formiens utilisaient pour transporter des troupes. Il se déplaçait rapidement, filant sous le sol, pour ressortir au milieu de troupes ennemies, libérant alors des hordes et des hordes de Formiens. Les Xénomorphes de Sarah étaient là, et pénètrent silencieusement dans le ver.

Ce dernier se referma lentement, les plongeant dans l’obscurité, avant que des cristaux ne s’allument à l’intérieur. C’était une sorte de long couloir organique, avec des cellules organiques le long des murs, permettant de plonger en sommeil prolongé. Sarah s’avança lentement. On pouvait entendre les raclements du ver, défonçant le sol en faisant le tour, avant de repartir le long de la galerie qu’il avait construit3.

« Mon ver en aura pour plusieurs heures de voyage. »

Lancé à toute allure, un ver de Nydus pouvait tourner vers les 600 kilomètres à l’heure. Une belle vitesse de pointe. Sarah s’assit sur ce qui faisait office de ver, croisant les jambes.

« Tu as parlé d’une autre galaxie, Arachna... Que viens-tu faire ici ? Je serais curieuse de connaître ton histoire... »