Papillon chantant (Kasja)

Expérimentation. Voilà qui englobe à peu près tout le présent de notre monde actuel. Faire des expérience nouvelles pour trouver des façons de simplifier la vie des mortels est la base des prouesses technologiques et médico-sanitaires depuis toujours. Que ça soit par le biais d'une cisaille, un comprimé, un pistolet ou des cordes vocales, tout le monde à tenter d'essayer quelque chose qu'il ne savait pas faire pour augmenter son champs de connaissance, ou tout simplement satisfaire sa curiosité personnelle.

Aujourd'hui, après avoir discuté un petit moment avec la directrice du lycée implanté en Seikusu, il avait été convenu que la Présidente Directrice Générale de l'entreprise Papillon, autrement considérée comme étant une simple médiatrice par tout les civils de ce monde, assiste à un des cours organisé par un professeur de l'établissement pour vérifier l'utilité de ses dons. En effet, la vampire verse parfois des fonds pour le lycée afin de promouvoir l'éducation du pays, même s'il s'agit plus précisément de la ville où elle se trouve plutôt que l'intégralité du pays. Cette petite observation avait été prévue durant la dernière heure de cours de la semaine suivante, avec Kasja Dubrinov, professeur féminin de musique.

La voix de cette femme avait déjà été perçue par Nô il y a quelque temps, alors qu'elle passait plus ou moins par hasard dans l'enceinte de l'établissement. Cette voix que l'on pourrait d'insondable, possède néanmoins une beauté abstraite qui égale au moins celle plus concrète de son apparence physique. Aujourd'hui, c'est le grand jour. Le dernier jour de la semaine et la dernière heure de cours avant que cette femme au nom possédant une consonance slave ne rentre en week-end. L'Empoisonneuse se trouvait donc dans les couloir, en plein milieu de l'heure de cours, et frappa à la porte pour ensuite rentrer quand on lui en donna l'autorisation. Car même si elle est une des femmes les plus puissantes du pays, elle n'en reste pas moins civilisée. Passant cette séparation en bois légèrement endommagée et vieillie par le nombre incessant de passages, elle entra dans la salle qui apparemment venait d'entrer dans une pause en vue du calme qui était assez présent. Il y eut certes un peu de chahut dans le fond avec quelques cancres qui parlaient de leurs expériences sexuelles ou vidéo-ludiques, mais rien de vraiment ultra-bruyant contrairement à ce qu'elle a déjà put entendre. Dans le silence qui s'ensuivit, elle salua l'ensemble de la salle :

- Bonsoir à vous.

Elle se plaça juste à coté de la professeur, histoire qu'elle la présente à sa place. Normalement, elle devrait être au courant de cette venue. Après, il ne lui restera plus qu'à s’asseoir non-loin du bureau et d'observer ce qu'il se passe

On lui avait expliqué. Kasja avait doucement hocher la tête en tenant ses deux mains, derrière son dos, comme une enfant prise en faute. Elle hochait nerveusement la tête, en papillonnant des cils et se tordant les doigts. Elle faisait tout pour ne pas regarder sa directrice dans les yeux. Elle détestait qu'on vienne mettre son nez pendant ses cours de musique, qu'on vienne écouter comment elle gérait ses élèves (ou parfois, ne les gérait pas, surtout). Non, on lui avait expliqué que Nô elle ne savait déjà plus comment, donc qu'une certaine Nô allait venir pendant un de ses cours. La professeure hochait toujours la tête, lâchant quelques monosyllabes par moment pour assurer qu'elle ferait de son mieux pour ne pas décevoir l'établissement, pour ne pas décevoir cette Nô, médiatrice d'une entreprise qui semblait importante aux yeux de sa directrice, pour paraître une professeure respectable, malgré les bruits qui couraient toujours sur elle. La directrice avait continué d'un air sévère disant que c'était peut-être une dernière chance pour la professeure de montrer son efficacité et de mettre en avant le fait qu'elle n'était pas qu'une femme immature. "Continues, vielle chipie..." Toujours le même discours. Kasja soupira. C'était reparti pour un tour...


Elle notait doucement les notes au tableau. Pour l'occasion, elle s'était plus habillé que d'habitude, sa robe dentelle étant un peu plus longue que celles qu'elle portait normalement. Elle avait fait un effort en coiffant ses longs cheveux, et avait mis un décolleté moins plongeant. Après tout, ça ne lui servirait à rien, avec une femme...non ? Elle ordonna à ses élèves de se taire. Il était temps de leur faire la leçon avant que Nô arrive...Il valait mieux, oui. Surtout qu'elle n'avait pas beaucoup confiance en ses élèves, les connaissant un peu après quelques mois passés en leur compagnie plus ou moins bienveillante.

"-Très bien. Non allons recevoir une personne importante. Au moindre bruit suspect, au moindre murmure, à la moindre bêtise dîtes à l'oral, je vous promet que vous passerez un mauvais quart d'heure avec moi, à la fin du cours. Un très mauvais quart d'heure. "

La menace eut l'air d'avoir l'effet escompté sur la classe qui devint aussi silencieuse qu'elle le pouvait. Jamais elle n'avait eu autant de calme. Kasja eut un mince sourire en coin avant de se retourner vers la porte. Nô était là. Kasja inspira longuement de l'air, expira et laissa entrer une grande femme plutôt jeune. Kasja lui fit un bref signe de tête, avec un regard qui détailla la femme de pied en cap. D'accord. Elle sentait son cœur prêt à fondre dans sa poitrine tellement elle était stressée. La sueur coula en une petite perle le long de son cou, sa main était moite, serrant la petite craie.

"-Je vous présent Nô, elle va rester jusqu'à la fin du cours pour ... vérifier que ceux-ci se passent bien."

Un murmure passa sur les lèvres de tous les élèves. Tout le monde avait bien compris pourquoi Nô était là. Elle était aussi là pour leur professeure. Kasja montra un bureau vide qu'elle avait préparé exprès.

"-Je vous en pris, j'avais pensé que cette place serait bien."Kasja eut un très mince sourire, un peu tremblant. Elle posa la craie sur le tableau puisqu'elle avait fini d'écrire un bout de partition qu'elle voulait détailler avec ses élèves. Elle poussa un petit soupir et retourna à son bureau pour s'asseoir sur le bord de la chaise.

"-Je vous expliquais à l'instant l'importance du changement de ton dans cette partie du morceau. Nous étions sur une œuvre en Majeur, en quelle tonalité ?"Elle attendait une réponse de ses élèves qui ne vint jamais. Ils avaient l'air décidé à ne surtout pas l'aider. "En La Majeur, c'est écrit au tableau, bon sang !" L'énervement commençait à poindre sous le calme affiché par la jeune professeure. "Bon, donc, prenez des notes, s'il vous plaît...Quand on passe en Ré mineur, l'œuvre prend une tournure beaucoup plus dramatique puisque la couleur du morceau devient plus froide. Vous me décortiquerez l'extrait que j'ai noté au tableau, en me disant quand on passe du Majeur au mineur et où sont les notes dominantes de la gamme. Vous me donnerez aussi les différentes gammes reliées aux Gammes de Ré mineur et La Majeur." Elle se releva, ses longs cheveux tournant autour d'elle.

Les élèves paraissaient totalement morts à part certains qui continuait de murmurer. Kasja ne savait plus quoi faire. Son court ne pouvait s'éterniser avec des élèves qui ne participaient plus...Tous professeurs aurait été extrêmement heureux d'avoir une classe pareille, mais elle...La musique devait se partager, c'était là son crédo. Partager quoi avec de tels mollusques, mm ? Elle passa de nouveau devant le tableau.

"-Bon allez, on va faire comme la semaine dernière.
-Non, M'dame, pas çaaaaa
-Ouais, s'vous plaît..."
 Kasja leur lança un regard courroucé.

"-Parce que vous n'avez encore rien bossé ? Allez, Ahri, viens avec ta partition." Elle n'avait pas choisi la petite Ahri par hasard. Elle chantait pour son examen, un morceau contemporain que Kasja appréciait tout particulièrement, et elle pourrait chanter avec l'élève si besoin été. Elle sortit le pupitre et le plaça devant Ahri qui était toute aussi stressée qu'elle. Kasja lui sourit doucement en lui passant une main dans le dos pour la décomplexifier.

"-Allez, je te la chante en premier, si tu veux.
-Oui..."

Kasja commença à chanter mélancoliquement l'air, sa voix montant dans la classe. Tout le monde se tut dans la salle, Kasja battant le rythme avec son pied. Elle essayait de ne pas mettre de sentiments dans sa voix, ne sachant pas trop ce que ça pourrait donner avec cette chanson là. C'était The Rose de Bette Middler, et Kasja était tellement heureuse de chanter qu'elle se laissa aller à prononcer les mots d'amour. Sa voix devenait suave quand elle finissait les syllabes, donnant envie d'aimer à toute la salle. C'était une voix, c'était son pouvoir qui montait doucement, se dirigeant vers la personne qui pour l'instant emplissait son esprit, non pas parce qu'elle en était amoureuse, mais bien parce qu'elle était stressée, allant titiller le cœur de Nô.

"-Lies the seed that with the sun's love, in the spring becomes the rose..."

Silence. Un moment plus ou moins long qui peut vouloir dire bien plus qu'une tirade des plus grandes. Généralement, c'est dans des moments ou personne ne sait quoi dire ou que tout le monde sombre dans son inconscient. Mais c'est aussi un moyen de se vider l'esprit pour pouvoir mieux se concentrer, et à son opposé, un moyen efficace de bloquer des information capitale. Réduire au silence le plus simple les personnes qui nous gêne ou qui nous doivent obéissance, c'est très commun. Que ça soit au milieu de la pègre ou dans une cour martiale, c'est se taire pour vivre et réfléchir, ou souffrir bruyamment et disparaître avant même que l'on ai put se défendre. Oppressant comme ambiance, vous ne trouvez pas ?

Cette pièce représentait parfaitement le sans-bruit lorsque que la vampire arriva dans la salle, silencieuse comme un muet décapité. La chef d’orchestre de cette symphonie mimétique n'était autre que la professeur Kasja, maniant le silence avec sa voix qui pointait un peu de manque d'assurance tout de même. Ça se ressentait surtout dans les mots utilisé à la suite car elle avait un peu... Hésité dans sa façon de présenter la PDG. Cette dernière se contenta d'ailleurs d'hausser finement un sourcil, quelque peu étonnée d'avoir droit à une présentation aussi brève. Néanmoins, elle apprécia le coin aménagé exprès pour le cours, le temps de son observation :

- Merci à vous

Puis elle alla s’asseoir, croisant les jambes majestueusement devant la totalité des élève. Avec son ouïe plus développée que celle des humains, elle pouvait entendre clairement certaines choses récurrentes et peu agréables comme « Ouah t'as vu la paire de nibards qu'elle a ? Je me la taperais bien tiens. Hey c'est pas interdit de se balader à moitié à poil dans le lycée ? Putain j'arrive pas à voir son son kimono ! » entre autres. Se retenant de soupirer et d'aller égorger ces jeunes gens, le Papillon pourpre se contenta de tourner le regard vers la professeur qui repris son cours. Apparemment, c'est n'est pas seulement des chants et de la musique qui est transmis dans son cours, mais également les gammes et l'importance des notes de musique dans une partition. Chose très intéressante, Nô étant elle-même musicienne, maniant le Shamisen depuis maintenant plusieurs siècles.

En tournant la tête vers l’assemblée, cette dernière semblait... Vide. Ou parfaitement inexistante si l'on en crois la lueur d'ennui et de désintérêt total qui se lisait dans les yeux de chacune de ces petites têtes. Kasja parla un bon petit moment, mais jamais, à un moment le moindre élève n'ouvrit la bouche pour l'aider à suivre son cours, comme un fleuve qui qui serait dévié par de grosses pierres parfaitement statiques et inertes. La slave, croyait la Japonaise, avait apparemment du mal à se faire entendre de ses élèves qui ne semblaient attendre que la sonnerie pour rentrer en week-end. De plus, sa présence troublait bien évidemment le bon fonctionnement de l'enseignement, comme à chaque fois qu'un élément étranger interviens dans cet espace clos que représente la salle de classe :

« Elle n'est pas assez sévère. Ça se sens »

Et elle trouvait ça dommage, dans un sens. Sauf que pour la grande surprise de la PDG, tout changea d'un coup. L'assemblée silencieuse se mit à se plaindre à l'écoute de ce que venait de dire la chef d'orchestre. Comme la semaine dernière ? Est-ce que cette chose serait si terrible que ça ? D'un seul coup, Nô était bien plus intéressée, observant tour à tour la classe et Kasja , se demandant ce qui allait se passer. Elle appela une demoiselle qui s'installa derrière un pupitre fraîchement placé par sa tutrice scolaire de l'heure, et cette dernière se mit à chanter pour lui donner le tempo ou autre chose dans ce genre là.

Bouleversement.

Après quelques paroles que la vampire ne connaissait pas, quelque chose d'étrange se produisit. Quelque chose... Qui la rendit mélancolique tout d'un coup. Comme si... Comme si quelque chose de mort reprenait vie en elle. Son cœur mort, cet organe musculaire qui ne distribuait plus depuis longtemps ce liquide rouge permettant aux humains de vivre, se mit à émettre une étrange sensation de chaleur. Chose pourtant impossible pour une mort-vivante en temps normal puisque cet organe ne fonctionne plus. Son regard partit dans le flou le plus total, se remémorant des souvenirs de sa vie humaine, celle avec feu son mari Nobunaga Oda. Serait-ce... De l'amour ? Ces paroles anglophones touchèrent les sentiments de Nô suffisamment pour lui rappeler de tels souvenirs !? C'est aussi prodigieux qu'intolérable ! Sortant de sa rêverie, mais toujours sous l'emprise de cette voix, elle fixa l'élève qui aurait dut normalement chanter à la place de sa professeur :

- Qu'est-ce que tu attends ?

Elle avait murmuré de façon à ce que seule la fille l'entende

Kasja n'était pas mécontente de sa prestation qui avait enfin intéressé les élèves comme peut-être, Nô qui la regardait un peu maintenant. Kasja continuait à stresser devant le regard de Nô qui la dévisageait, sans doute en train de se dire que Kasja n'avait aucune autorité sur sa classe.
    Sans doute se disait-elle que la directrice n'avait pas tort, que Kasja ne méritait pas de garder son poste, qu'elle ne servait à rien dans ce lycée, qu'elle n'avait aucun talent pour la musique et pour l'enseignement, que ça ne servait plus  rien de la payer. Sans doute que Nô allait demander à la directrice de renvoyer Kasja, qu'elle allait expliquer que Kasja n'avait aucune aptitude, qu'elle ne se faisait même pas écouter par ses élèves et que ses cours étaient très ennuyeux, qu'elle n'apprenait rien à ses élèves, qu'elle ne faisait que leur demander des devoirs en plus, qu'elle en voulait trop, qu'elle se croyait professeur d'un lycée spécialisé en musique et que ses cours étaient trop compliqués...
   Kasja eut un petit soupir, oubliant qu'elle était en cours. Elle s'imaginait le pire, elle pensait à tout ce qu'on pouvait penser sur elle. Mais peut-être que Nô ne pensait pas du tout à ça ?

La jeune professeur releva les yeux vers Nô qui paraissait plus sympathique que ce que Kasja s'imaginait dans ses pensées les plus terribles. Elle eut un mince sourire qu'elle adressa à Nô, un sourire qu'elle voulait sur mais qui tremblait un peu dans les coins. Elle voulait se rassurer en souriant, mais elle n'atteignait pas du tout son but, sentant ses doigts trembler sur le métronome qu'elle mettait de nouveau en marche pour son élève, ses doigts avaient du mal à se calmer sur les touches pour mettre à 66 à la noire. Elle tapait toujours du pied le tempo. Son élève paru devenir encore plus timide. On aurait dit qu'elle venait d'entendre des voix qui la torturait, sa voix était encore plus faible que d'habitude.

"-Ahri ..? Ca ne va pas ? Tu veux aller à l'infirmerie ?
-Non..non, je vais chanter, Madame..je..Vous.."

Kasja haussa un sourcil étonné, avec une petite moue. Elle fit un geste évasif de la main pour dire à son élève qu'elle avait tout le temps qu'elle voulait. Tant qu'elle faisait enfin quelque chose, que Kasja pouvait souffler son stresse par le nez, par la bouche. Ahri obéit à la voix de Nô, sans que Kasja ne sache que c'était la raison pour laquelle son élève allait enfin chante seule, pour une fois, obéissant enfin, obéissant enfin, oui, à sa professeur. Enfin..! Kasja repassa derrière son bureau, arrêtant enfin de taper le rythme. Elle jeta un nouveau regard à Nô, un regard interrogatif. Est-ce que tout allait bien ? Est-ce qu'elle ne s'ennuyait pas trop ? Ahri chantait. Plus ou moins juste.

Enfin, très faux, même. Kasja avait mal aux oreilles rien qu'à entendre le chant de son élève. Mais elle lui avait expliqué comment travailler. Pourquoi ses élèves ne l'écoutaient-ils donc jamais ? Pourquoi faisaient-ils toujours à leur tête, mmm ? Ahri finit la chanson sur un une note encore plus fausse que les autres. Kasja soupira et s'approcha de nouveau du pupitre. Elle entendait les commentaires acerbes des autres élèves, espérant que Nô n'en pensait pas qu'elle était une horriblement mauvaise professeure.

"-Putain, comme elle chante faux...En plus par rapport au sensei, on peut même pas se concentrer sur son cul..
-Non, mais laisse tomber, Ahri elle vaut rien..T'es qu'une merde Ahri !"

L'élève l'avait hurlé en plein cours, comme il lui arrivait de le faire assez souvent, et ce malgré les heures de colles qu'essayait de lui donner Kasja. Ahri devint écarlate, comme la sensei qui avait du mal à ne pas tout lacher devant Nô, à ne pas péter un plomb. Elle se releva, en demandant à Ahri de se rasseoir le temps qu'elle colle le jeune homme.

"-Tu vas te taire, d'accord ?! T'en a pas marre d'insulter tous tes camarades ? Tu files, tu sors de ce cours tout de suite et tu vas chez la directrice. Avec ce mot."

Kasja était rouge de rage, de honte d'être ainsi obligée de remettre en place un élève pendant la visite de Nô, mais elle nota que le jeune élève méritait d'être expulsé, mot qui se rajoutait à plein d'autres d'elle et d'autres de ses collègues. Elle poussa un soupir et retourna vers son bureau.

"-Je suis désolée, Mlle Nô que le cours se passe comme ça..." Elle eut une petite moue, une grimace peinée, alors qu'elle fermait les yeux. Elle pouvait encore essayer quelque chose, en se mettant au piano et en faisant chanter de nouveau Ahri en lui donnant les notes au piano...Mais elle n'avait plus trop la foi, sur le moment et préféra se calmer. Calmer les battements de son coeur...

Chant. Une mélodie vocale capable de réaliser des miracles, autant en bien qu'en mal, ce n'est pas courant dans ce monde corrompu par des bruits parasite réguliers. Un chant bien orchestré peut avoir droit au plus beau des publics, voulu ou non, comme au pires crapules capables d'enlever une probable poule aux œufs d'or. Une voix d'ange peut autant attirer des démons aux attentions peu louables, comme une casserole rayée peut attirer des contestataires qui ne demande qu'à avoir du silence au lieu d'une cacophonie insupportable.

Quand la vampire avait demandé à l'élève désignée de chanter sa partition, elle ne savait pas qu'elles étaient ses compétences en la matière. Elle ignorait tout de ses capacités vocales car c'était sûrement la première fois de sa vie qu'elle voyait cette élève là, ou encore l'entendait. Sa voix était faible, timide. Dans un sens, se faire désigner par un professeur alors que la majorité des fouteurs de bordel refusent de coopérer dans leurs phases d'apprentissage, c'est aussi stressant qu'énervant, d'autant plus que l'on sait qu'on a plus de chance de passer au tableau pour faire avancer le cours. Il ne restait plus qu'à attendre qu'elle s'active.

Nô avait les bras et les jambes croisées, fixant d'un air assez neutre l'élève, un peu loin de son regard froid habituel. Et quand la dénommée Ahri commença à chanter, ce fut aussi désagréable à entendre qu'une craie crissant sur un vieux tableau. De plus, en tant que vampire, le Papillon pourpre avait une ouïe naturellement plus développée que n'importe quel humain, ce qui n'arrangeait pas du tout la situation. C'était plus fort qu'elle, la torture assourdissante dans la pièce lui forçait à à faire une grimace pas très agréable, fermant les yeux tout en baissant la tête et serrant ses doigts sur le bras opposé. Elle n'avait pas entendu de cacophonie pareille depuis que qu'un rappeur jamaïcain l'avait accosté dans la rue en chantant pour la séduire. Elle n'avait pas de mot pour décrire à quel point ça lui faisait saigner les oreilles... :

« Bon sang... Je vais devenir sourde ma parole. »

Heureusement, ça s'arrêta assez vite. Cette torture "musicale" terminée, la vampire sentit des sifflements persistants dans ses oreilles, ce qui couvrait pas mal de sons. Elle pouvait distinguer ce qu'était quoi, mais avec difficulté et sans savoir ce que c'était précisément. Dans la foule, elle distinguait vaguement des paroles, surtout remplient d'insultes, jusqu'à ce qu'un des élèves se mis à se plaindre ouvertement de cette performance. Kasja, apparemment hors de contrôle, décida de faire dégager le fauteur de trouble vite fait bien fait, ce qui aurait put faire sourire Nô si elle ne gardait pas ses attitudes pour elle. Par ailleurs, la professeur se tourna vers cette dernière pour lui adresser ses excuses. Normalement, elle lui aurait lancé à la figure ce qu'elle en pense, des excuses. Mais à la place, elle dit autre chose :

- Ce n'est pas quelque chose qui se contrôle. Veuillez reprendre votre cours comme il se doit

Encore une fois, les paroles de la noctambule avaient attirés le regard des élèves. Certains continuaient à loucher sur sa poitrine, d'autres racontaient des trucs salaces à voix basses tandis que d'autre n'osait rien dire, se sentant oppressés par elle. Retenant un soupir avec cet auditoire médiocre, les oreilles qui n'arrêtent pas de siffler et Kasja qui semblait perdue... Autant dire qu’elle aurait préféré ne pas venir. La slave n'était pas mauvaise pédagogue, mais il faut dire que 90 % de la classe n'était pas ou plus en état de suivre, surtout à l'approche de la sonnerie finale qui les libérerait. Du moins pour la quasi-immortelle car une dizaine de minutes, ça passe vite quand on a quelques centaines d'années.