Fascinante, elle ? Peut-être. Pour des êtres humains avec un mode de vie typiquement humain, rencontrer une fille ayant grandit parmi les loups pouvait en effet paraitre... intéressant à étudier. Les individus représentant un caractère différent ou étrange étaient souvent le centre des attentions dans un environnement humain, elle avait pu s'en rendre compte. Cela pouvait être une difformité, une beauté plus importante, un comportement exubérant ou encore une manière de s'habiller ou de parler. La plupart du temps, suivant les critères, les humains évitaient les êtres trop différents. La différence n'était pas quelque chose de très acceptée dans la société. Elle entrainait la peur, la jalousie, le dégoût...
Tala ignorait ce que sa différence pouvait bien engendrer chez Stephen. Il s'était montré curieux bien entendu. Mais jusqu'à présent, cela n'avait déclenché aucun facteur visible.
Mais maintenant, alors qu'elle tentait de se focaliser sur l'écran, elle voyait nettement le changement de comportement du démon avec elle. La curiosité s'était muée en autre chose. Heureusement pour elle, ce n'était ni de la jalousie, ni de la peur, ni du dégoût. Mais même si la sauvageonne savait que ce n'était pas quelque chose de négatif, elle ne parvenait pas à savoir de quoi il s'agissait exactement. Ou plutôt, elle avait peur de comprendre.
L'homme semblait ne pas partager entièrement son point de vue. Il n'avait pas l'intention de mettre fin à cette conversation et insista pour qu'elle reporte son attention sur lui. Pour cela, il lui tourna le visage en attrapant son menton, puis sa joue. Tala se crispa. Elle n'était pas habitué à ce genre de contact avec les hommes. Mais elle n'était pas au bout de ses surprises. Elle l'écouta attentivement cependant, ayant noté le changement soudain dans le regard du démon. Tout comme dans ses gestes.
Elle savait pertinemment que les hommes pouvaient être capable de bonnes choses. Son tuteur, l'homme qui lui avait tout apprit et enseigné, celui qui avait prit soin d'elle sous son toit avec patience. Cet homme avait été bon avec elle, et certains villageois s'étaient montré gentil aussi malgré tout. L'homme n'était pas foncièrement mauvais, il y avait simplement des individus différent. Mais dans son ensemble, de ce qu'elle avait pu parvenir à déchiffrer dans les livres ou de ce qu'elle avait pu entendre des histoires que lui comptaient son tuteur... l'homme était surtout un animal dangereux. Malgré la bonté de certain, depuis son existence, l'homme ne cessait de se faire la guerre. Dans les écrits, on ne racontait que des horreurs. Et elle avait pu vivre directement ces horreurs, ces choses dévastatrices dont était capable les hommes.
Oui, elle haïssait les hommes. Certains. Les mauvais hommes en tous cas. Elle s'en méfiait, mais elle avait raison de le faire. Cette haine était née avant tout de la peur. C'était la peur des hommes qui la poussait à s'en méfier. Stephen voulait lui faire entendre qu'il n'y avait pas que cela. Il avait sûrement raison, il y avait sans aucun doute des choses formidables parmi les hommes, comme des sentiments que ne connaissaient pas les animaux et qui, parfois, prenaient place dans son cœur et son esprit. Car elle restait humaine, elle en était consciente. Mais ces sentiments, aussi intéressants et agréables soient-ils, ne parvenaient qu'à l'effrayer. Un peu trop pensive, elle fut soudain bousculée par l'espace entre leur visage qui disparut soudainement dans un baiser. Elle était si surprise et perdue qu'elle n'osa même pas fuir. Elle n'eut cependant pas non plus le loisir d'apprécier le phénomène comme il l'aurait fallut. Heureusement, le démon n'insista pas. Mais Tala pouvait lire nettement cette envie dans le regard de l'homme. Elle n'était pas si différente, cette lueur, chez les hommes et chez les loups. Le souffle coupé, elle ne savait même plus comment réagir.
- Ce que tu fais... je ne sais pas. Je ne sais pas ce que tu veux exactement, ni ce que ça signifie pour toi, mais ne recommence pas. S'il te plaie.
Elle était perdue. Elle savait à quoi correspondait un baiser dans la société, elle n'était pas aussi primitive. Mais elle savait aussi qu'un baiser était souvent mal utilisé et interprété parfois. A la base, il représentait l'amour et l'union entre deux êtres, quelque chose de fort. Mais elle savait aussi qu'il y avait des baisers sans importance, des baisers qui ne menaient qu'à une union brève entre deux individus. Et puis il y avait les autres baisers, les seuls qu'elle aient connus, les plus odieux. Les baisers forcés qui se muaient plutôt en morsures, des baisers violents et imposés.
- Je ne crois pas me tromper en disant que... tu as envie de moi. Je peux le lire dans tes yeux, je reconnais ça. Mais je ne veux pas. Ni avec toi, ni avec aucun autre homme. Je suis une femelle alpha, chez vous, c'est comme si j'étais une femme mariée. Je n'ai pas le droit de fréquenter d'autre mâle et c'est une loi que je veux respecter. Tu dois penser que c'est ridicule. Tu as raison, je ne suis pas une louve, je suis une humaine. Et une humaine disons, normale, aurait sûrement accepté tes avances. Mais je ne suis pas normale. J'ai grandi parmi les loups, j'ai fait un choix, et ce genre de sentiments et de plaisir typiquement humains, aussi incroyables et bons soient-ils, ne suffiront pas à me faire changer d'avis. Et crois moi, cette expérience passée que j'ai eu des rapports sexuels entre humains ne m'aident sincèrement pas à en éprouver l'envie.
Stephen était un bel homme, vraiment, et n'importe quelle fille serait folle de lui et prendrait plaisir à se laisser aller. Mais Tala n'était pas comme elles, elle n'avait pas vécu ni grandit pareillement. Même si Stephen était doté de bonnes intentions, elle ne parvenait pas à se laisser glisser. Elle aurait du en éprouver l'envie, ne serais-ce que par curiosité, mais elle était fidèle et avait, malheureusement, vécu une trop mauvaise expérience. S'il n'y avait pas eu ces soldats ashnardiens qui lui étaient tous passé dessus un par un sans une once de douceur six ans plus tôt, ça aurait sans doute été différent.
Elle aurait aimé lui dire qu'elle était désolée, mais elle n'avait rien à se faire pardonner au fond.