Pendant la brève détention de William Miller, Alice ne fut pas inactive. Y voyant une opportunité de s’extraire des jeux de l’arène, elle retourna au Château, et commença par faire une requête officielle à Ashnard, afin d’obtenir des informations sur le navire de William Miller. Elle n’obtiendrait, bien évidemment, aucune information utile, vu que William Miller n’était pas originaire de Terra, et qu’Ashnard n’avait donc aucun navire. Cependant, la réponse ne viendrait pas rapidement, et il faudrait au moins deux semaines, le temps que le courrier arrive, que les services administratifs mènent une recherche infructueuse, et que leur réponse arrive. Une fois la lettre rédigée, et confiée à un page pour qu’elle soit livrée en personne au service postal, Alice se plongea dans des recherches sur la lycanthropie, ce curieux phénomène qui transformait les hommes en Lycans, de redoutables loups-garous.
La bibliothèque de Sylvandell était très petite, et les ouvrages se composaient en fait surtout des livres ramenées pour Alice des quatre coins du monde. À Sylvandell, il était bien connu que la Princesse était une intellectuelle aimant lire, et, par conséquent, il était de coutume, lorsque les Commandeurs effectuent des voyages lointains, de lui prendre quelques livres. En grandissant, les souhaits d’Alice avaient évolué, et elle avait été jusqu’à faire une liste auprès des Commandeurs, histoire que ces derniers ne lui achètent pas des livres qu’elle avait déjà. Au fil des années, la bibliothèque s’était bien étoffée, et, progressivement, des pages étaient venus emprunter des livres, transformant ainsi la petite bibliothèque d’Alice Korvander en la grande bibliothèque royale de Sylvandell. Sylvandell était un peuple coutumier, de tradition orale. Faire admettre aux Sylvandins l’intérêt des livres, comme conservation du patrimoine, était quelque chose d’assez difficile. Tywill Korvander continuait à voir en les livres un « tas de papiers inutiles ». C’est cependant dans ce tas de papiers qu’Alice trouva quelques informations intéressantes sur les Lycans.
Selon les spécialistes, la croyance populaire, selon laquelle les Lycans n’apparaissaient qu’à la pleine lune, était erronée. Si ce phénomène avait été constaté sur des Lycans, d’autres maîtrisaient au contraire leur mutation, et les magiciens et autres chercheurs ayant planché sur la question estimaient, en réalité, que c’était un jeune Lycan qui se transformait uniquement à la pleine lune, et ne contrôlait pas sa mutation. Inversement, ceux qui la contrôlaient pouvaient se transformer quand ils le désiraient. Il existait des remèdes contre la lycanthropie, mais ces remèdes étaient difficiles à traiter, car la lycanthropie avait quand même des effets secondaires dangereux sur le psyché, transformant toujours un peu plus son utilisateur en un animal, avec des réflexes animaliers de plus en plus prononcés.
*Un capitaine de navire lycan... J’imagine mal un loup se balader sur le pont d’un navire...*
L’idée était assez cocasse. Les animaux de la terre n’aimaient pas l’eau, pas plus que les Sylvandins. Les dragons ne volaient pas dans l’eau. L’eau était le domaine où l’autorité des Seigneurs du Ciel, les dragons, s’arrêtait, pour laisser la place à des monstres immenses, silencieux, meurtriers. Ce n’était pas un endroit que la Princesse aimait beaucoup, même si elle avait déjà du voyager sur des navires, de frêles coques de bois qui semblaient sur le point de se briser à l’approche de n’importe quelle vague.
Le lendemain, le cas de William Miller fut réglé dès les premières heures. Le Roi n’avait pas oublié cet avorton qui l’avait défié, pas plus que le geste d’Alice, qu’il avait autant détesté qu’apprécié. Détesté, car le Roi n’aimait pas qu’on remette en cause son jugement. Et apprécié, car il était la preuve que sa fille commençait à s’affirmer. Quatre gardes furent emmenés pour amener le Lycan.
La cour royale était, dans le Château royal, la salle de banquet, la première pièce qu’on voyait en entrant dans le Château. Elle était surélevée par rapport à la porte d’entrée, nécessitant ainsi de gravir des marches. Le Roi était là, face à l’escalier, devant un espace où les doléances s’effectuaient, et il y avait une quinzaine de gardes, sans compter les Commandeurs, et le Roi lui-même.
On lui amena donc le Lycan, qui finit aux pieds du Roi.
« Puisque j’ai avec moi quelqu’un qui connaît la procédure..., entama rapidement Tywill, en mentionnant évidemment sa fille. Le condamné a-t-il une remarque à formuler avant que ma sentence ne soit rendue ? »
Alice espérait bien que ce serait le cas.