Les alentours de la ville / Re : Redrum [Dwight Lazarus]
« le: lundi 09 mai 2016, 22:59:18 »- 5 minutes avant l'agression des filles.
La porte. Lazarus n'en avait pas quitté le battant des yeux une seule seconde, ses mains moites se refermant compulsivement sur le tuyau qu'il tenait à la manière d'un bokken de kendo. Une garde improvisée et misérable, qu'on voyait trembloter dès lors qu'on fixait le cylindre de ferraille avec un tant soit peu d'attention. Il avait peur -putain, il se chiait dessus !- mais tentait de rester rationnel. La "présence" de Sybille avait quelque chose de rassurant, bien que la voix dans sa tête ne pourrait pas l'aider à se défendre si le mastard qui l'avait poussé à se refugier là décidait d'enfoncer la porte.
Nerveusement, Dwight regarda à droite et à gauche, puis derrière lui. La chambre était étroite et les fenêtres condamnées par quelques planches de bois. C'était une souricière que cet endroit. Si jamais la chose passait le pas de la porte... Le journaliste préféra ne pas y penser et son esprit se concentra sur autre chose, comme la meilleure tactique à adopter.
Les filles attendaient toujours en bas et revenir vers elles risquerait d'entraîner le malabar spectral à sa suite, exposant les agents. Il ne pouvait pas se le permettre et devait en outre trouver l'origine du morceau de Debussy, seule piste vaguement tangible de Taka et Hiro (à considérer que ce fut seulement une piste et pas un délire collectif). Restait qu'il pouvait échapper à la créature et mettre la main sur ses assistants tout en veillant à garder éloigné la créature de Félicia et Natasha. C'étaient de foutus agents secrets, elles seraient plus à même d'élaborer une stratégie pour se barrer de l'hôtel ou seulement pour retrouver les deux autres cons ! Espérant qu'elles étaient déjà à plancher dessus, Dwight considéra qu'il était de son devoir de leur laisser le plus de temps possible pour ça.
La pensée et le raisonnement qui l'avait amenée parvint à lui faire reprendre le contrôle de lui-même, ne serait-ce qu'un peu. D'une voix douce, Sybille acheva de le ramener à un niveau de maîtrise de soi acceptable et Dwight lui exposa son plan en murmurant.
- On se casse d'ici avant de se faire piéger. Le... le machin va nous suivre mais tant pis. Les filles auront le temps de se préparer pour une riposte, comme ça.
[Je n'ai pas de meilleure idée, je dois dire.]
- Et on cherche les deux crétins en même temps.
[La musique venait de l'autre couloir. Tu es prêt à y aller ? Je vais veiller sur tes arrières pendant que tu avanceras.]
Lazarus hocha la tête et, après avoir prit son souffle une paire de fois, se dirigea vers la porte qu'il ouvrit avec prudence, prêt à bondir en arrière pour esquiver le colosse si jamais il avait été là.
Heureusement, il n'en fut rien et le journaliste put scruter les deux sens du couloir pour constater qu'il était bel et bien seul.
En effet, alors que Félicia et Natasha se débattaient comme des diablesses à moins de cinq mètres de lui, Dwight ne vit qu'un corridor silencieux. Certes menaçant, mais parfaitement vide. Rassuré, le journaleux détala promptement, la main sur son tuyaux. Arrivé au bout du couloir, il tourna à gauche et s'engagea vers la dernière partie de cette aile.
Dehors, l'orage tonnait moins viruleusement mais la pluie battait toujours une cadence infernale contre les carreaux de l'Hôtel du Pic, le martèlement créant un bourdonnement étouffé et curieux qui évoqua une poignée de secondes durant la fureur d'un essaim de guêpe s'écrasant contre une vitre.
Pourtant, ce bruit omniprésent ne parvint plus à étouffer le Clair de Lune qui avait reprit -ou peut-être même jamais cessé. Dwight localisa son origine comme étant au fond du couloir, et consulta le plan d'évacuation de l'étage devant lequel il passait.
Sa respiration se bloqua.
[Dwight ? Dwight, qu'y-a-t'il ?]
- La musique... elle vient de...ohmerde...de la chambre 1408.
[Et alors ?]
- C'est là qu'ont eu lieu les pires atrocités. Les gens ont été démembrés soigneusement, comme des pièces de viande... Et on raconte que certains morceaux ont même été dépecés. On a pas appelé le tueur "Le Boucher" juste pour l'effet de style...
Lazarus aimait le paranormal, le louche. Pas le gore dégoulinant qui vous soulevait le cœur. Bien sûr, ces détails étaient toujours intéressants à noter et à relever, comme une sorte de précision morbide sans laquelle les histoires sordides n'étaient pas complètes ! Cette fois, c'était différent. Il craignait sérieusement cette chambre, au vu de tout ce qui s'était passé depuis l'arrivée du groupe dans l'hôtel.
Ce fut donc à pas feutrés et l'estomac noué que Dwight amorça ce qui lui restait de chemin à parcourir vers la chambre 1408.
En espérant ne pas réveiller davantage les esprits qui sommeillaient dans les murs délabrés.
En deux pas, l'horreur aux dents jaunes fut rétablie du choc causé par l'attaque de Natasha. Il n'en avait nullement souffert mais avait été indéniablement surpris et avait tardé à se redresser, laissant aux deux femmes le temps d'amorcer la fuite salvatrice. La chose leur bloquait néanmoins le chemin du retour et elles ne pouvaient plus qu'avancer dans le même couloir qu'avait emprunté Dwight quelques minutes auparavant... Sans qu'elles ne le sachent.
Elles avaient de toutes façons d'autres problèmes beaucoup plus immédiats que l'itinéraire du journaliste puisque le colosse avait fait lourdement volte-face quand elles avaient déguerpit et de colère tant que de frustration, son hachoir frappa le mur dans un bruit sourd et le fil de la lame laissa un impact dans le labris, se morcelant quand la chose l'en tira.
"ROOOOOOOOOOOOON !"
Dans une course pataude et grotesque, l'être au visage arraché entama une drôle de course poursuite, comme au ralenti derrière les deux athlètes. Félicia était blessée à la cheville et le couloir ne faisait que prendre un coude qui aboutissait fatalement à l'aile de la chambre 1408.
Elles étaient faites.
Une sorte d'exultation morbide sembla saisir, à cette constatation, tout l'Hôtel du Pic.