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« le: vendredi 25 octobre 2013, 10:31:54 »
Brighid marchait. Elle devait le retrouver. C'était bien, d'avoir un rendez-vous. Ça changeait des rendez-vous avec la mort qu'elle donnait aux pauvres victimes de sa folie destructrice et totalement inutile. Quelle était l'utilité de tuer des gens qui demandait jamais rien à personne et qui subissaient leurs propres vies ? En soi, il n'y avait aucune utilité à ces actes de sauvagerie gratuite. En plus, c'était toujours assez étonnant que ça vienne d'une gamine brune, aux grands yeux rouges qui fixaient le ciel et la lune avec un regard vide. La lune, elle se reflétait dans la sclérotique de ses beaux yeux, la couleur blafarde laissant un cercle blanchâtre qui chatouillait son iris. C'était jolie la lumière opalescente de la lune qui se battait en un duel lumineux contre la lueur jaunâtre des réverbères. Elle aimait bien ce combat de lumière, des plus particuliers, le brouillard restant autour des réverbères, en une danse de brume intéressante.
C'était la bonne raison. Elle allait arriver en retard au rendez-vous, parce qu'elle regardait la lune, les réverbères et la brume. Il fallait la comprendre, c'était son moment poétique. Quand on connaissait Brighid, on pouvait comprendre qu'elle n'avait pas si souvent que ça des moments poétiques où elle était tranquille, arrêtée en pleine rue, à fixer un réverbère. Mais putain que c'est cool les réverbères. Non, en fait, elle réfléchissait. Elle réfléchissait. Elle allait pas à la rencontre de n'importe qui, quand même. Non, elle allait retrouver dans un parc humain, Lucifer. Elle aimait bien s'dire ça, avec un sourire malicieux qui arquait ses lèvres andrinoples. Dans un parc humain, c'était amusant, ça aussi. Elle était réellement de bonne humeur, pour voir le côté joyeux de toute une situation. Sinon, elle aurait déjà râlé comme jamais, parce qu'elle avait une obligation de retrouver quelqu'un à une heure précise.
Mais en même temps, comment râler de le retrouver, lui ? Non, non, ne vous faîtes pas d'idées. C'est surtout parce qu'il est un peu beaucoup vachement important dans sa vie. Non pas parce qu'elle en est amoureuse, je vous ai dit de ne pas vous faire d'idées, mais bien parce que c'était Lucifer. Elle ne savait même plus comment ils s'étaient rencontrés. Elle s'en foutait totalement, avouons. C'étiat fait, et elle allait le retrouver, avec la lune et les réverbères. Elle reprit sa route, sans avoir l'air de penser à ce qu'elle faisait. Elle ne pensait déjà plus à rien, gardant entre ses doigts sa chère lame, la faisant bouger entre ses doigts, tournant, tournant comme une roue, qui tourne tourne, et avance dans la nuit, tourne, tourne et retient la pluie. Il ne pleut pas. Elle aime bien quand il pleut, ses longs cheveux sont toujours pleins d'eau et éclabousse les passants comme les roues des voitures qui grillent les feux. Elle s'est habituée au monde humain.
Son pied s'écrase sur des gravillons, ça crisse à son oreille. Elle voit l'ombre, la silhouette et sourit, un sourire en coin. Elle avance, écoutant crisser les cailloux. Ils doivent souffrir de se faire marcher dessus tout le temps, toute la sainte journée, sans jamais pouvoir se reposer. Quand ce n'est pas un pied, c'est une roue qui tourne, tourne, et les écrase comme s'ils n'étaient rien de plus que des cailloux sans envergures. Qu'est-ce qu'on en sait ? 'Sont p'être vivants, les cailloux qui crissent. Elle passe ses mains sur le haut de son dos, sur ses épaules, le contourne et se laisse doucement tomber sur la pierre froide du banc, tout proche de lui, le banc froid qui glace son échine, le frisson monte tout le long de sa colonne vertébrale et vient finir sa course entre ses longs cheveux bruns emmêlés.
"-Bonsoir..!"
Elle remonte ses jambes sur le banc, les entoure de ses bras en un mouvement rapide, et dodeline un peu de la tête, ses mèches de cheveux suivant son mouvement. Elle avait tourné la tête vers lui. Elle sourit, rangeant son arme qu'elle avait toujours en main, par habitude.
"-J'espère que je t'ai fait attendre..."
Sa voix traverse l'air pour venir chatouiller le lobe de Lucifer, sa voix teintée d'ironie. Elle ferme à demi ses grands yeux rouges, grand sourire aux lèvres. Elle passe sa main gantée de son habituelle mitaine poing-américain dans ses longs cheveux. Ben oui, si elle ne l'avait pas fait attendre, ce n'était pas amusant. Il fallait qu'il ait encore plus envie de la voir. Elle aime bien se faire désirer. C'est comme quand ses victimes désirent la mort. Charmant, n'est-ce pas ?