La morsure des flammes ne lui était pas épargné, même à l’abri dans son armure. La douleur mit à vif ses nerfs, déclenchant des signaux d’alerte dans sa combinaison cybernétique qui se révolta face à cette agression soudaine et brutale. Le champ de force n’avait pas été programmé pour dévier ce genre d’attaque physique, laissant Zwölf nu face à la vague brûlante qui l’entoura de part en part. Un casque se déploya pour lui fournir une protection bienvenue, masque mortuaire sinistre aux yeux rougeoyants dénués de toute humanité. Le cyborg mit un genou à terre, projeté par l’impact, laissant les systèmes internes de son armure soutenir son organisme et diffuser les calmants et antidouleurs nécessaire pour lui préparer la riposte. Son champ de vision soudain étendu par le biais des capteurs de son casque, il pouvait voir le nouveau contingent qui lui faisait face. Celui-ci s’éclipsa bientôt pour le laisser face à face avec le pyromane à la large carrure qui venait de lui faire perdre sa cible. Une joie sauvage et intense balaya l’irritation croissante du guerrier. Zwölf se sentait tremblée d’excitation, sa conscience lentement portée vers un nouvel état d’élévation alors qu’il se relevait lentement, ignorant le gigantesque fossé effondré qui se trouvait devant lui et qui avait été peu de temps auparavant le couloir de l’étage. Les conduites d’eau explosées répandaient leur contenu en cascade, se joignant à l’arrosage automatique anti-incendie qui n’était que d’un bien pâle efficacité pour éteindre le brasier. Zwölf lui savait que rien ne parviendrait à éteindre le brasier qui brûlait en lui. Se ramassant sur lui-même, prenant une posture de prédateur, presque félin dans sa façon de se déplacer il laissa l’instinct agir à sa place. Des griffes mécaniques en alliage d’adamantium jaillirent de leur logement avec une lenteur calculée, les flammes se reflétant sur les lames. Le cyborg ne savait rien de son opposant et il ne voulait rien connaître de lui. Juste la meilleure manière de l’annihiler. Deux titans se faisait face, mais un seul seulement méritait réellement ce titre, et le mercenaire cyborg savait parfaitement qui.
« Brûle enflure ! Brûle ! »Oh ouais, Zwölf était en feu, mais pas de la manière dont l’envisageait son opposant. Il évita avec une grâce surprenante les projectiles enflammés condensés qui vinrent se perdre dans le décor derrière lui ; et encaissa sans broncher un retour de flamme projeté en une unique vague, poussé par la soif de verser le sang de son ennemi. Le cyborg émergea des flammes, figure cauchemardesque avec son armure presque chauffée à blanc et toujours ces lueurs abominables dans le regard. Il posa une main griffue sur le canon d’avant-bras de son adversaire et serra, exerçant une pression suffisante pour faire crier de rage son ennemi. Cri qui se perdit dans un hululement de douleur lorsqu’il lui projeta son poing gauche dans le visage, cabossant son casque et fendillant les lentilles de vision. Zwölf réitéra son attaque encore, et encore et encore, jusqu’à ce que sa main s’engourdisse et qu’il ne puisse plus ignorer les signaux d’alerte sur son champ de vision. L’individu sur lequel il venait se s’acharner était encore surprenamment vivace et il le repoussa vivement dans un cri de fureur vibrant.
« Je suis Scorcher salopard ! Et je vais te réduire en cendres ! Je vais… »Il ne termina jamais sa phrase. Zwölf d’une détente spectaculaire s’était aggripé à ce qu’il restait du plafond et s’était soudainement projeté en avant, les deux pieds en guise de bélier. Ceux-ci percutèrent le thorax du criminel qui vacilla sur plusieurs mètres avant de trébucher sur un gravas malencontreux et de chuter dans la cage d’ascenseur, un mugissement aux lèvres. Sa carcasse alourdie avait déchiré les portes déjà fortement éprouvées. Il venait de lui donner rendez-vous trois étages plus bas et surtout de s’éviter un sort bien plus ignoble entre les mains de Zwölf agité de tressautements hystériques tandis qu’il savourait cette brève échauffourée, son visage extatique révélé par le casque qui se replia dans son logement invisible.
« …et tu vas rester en bas bien sagement à m’attendre que je vienne roussir ton petit cul » termina le mercenaire en travestissant la dernière menace de son opposant.
Toujours porté par la vague d’excitation et affamé de nouvelles sensations il se recentra sur son objectif. Exécutant quelques pas de danses, toujours habité par la transe wagnérienne dont il était désormais privé, son stéréo n’était plus qu’un tas fumant, il se mit à la recherche de son petit ami à la bite à l’air. Si celui était intelligent sûrement qu’il était partit, ou s’il était bien le crétin qu’il imaginait il devait avoir tenté de chercher un refuge illusoire plus haut dans l’immeuble. Zwölf savait qu’il n’avait pas partagé beaucoup de moments intimes avec sa cible, à sa presque déception, il pensait pouvoir tenter sa chance sans trop de risque en misant sur la connerie congénitale du bonhomme. Il grimpa quatre à quatre les marches et fut bientôt récompenser de cette mise facile en constatant un parterre de blessés larmoyants et gémissant. Il haussa un sourcil interrogateur. Tout ce beau monde n’avait pas pu se prendre les pieds dans le tapis tous en même temps. Il balaya la pièce du regard constatant la mise hors jeu de la plupart des yakuzas et un véritable chaos. Sa vision nocturne scanna l’endroit, tandis qu’il écartait du pied les corps ramassés sur eux-même. Achevé les blessés ne lui donnait aucun plaisir, aussi passa-t-il le temps en achevant la destruction de la pièce, brutalisant le mobilier pour s’ouvrir la voie jusqu’à la silhouette qu’il avait en mémoire. Daiku Suchuzu était dans un état encore plus pathétique que quand il l’avait coincé peu de temps auparavant. L’arrêté nasale explosée, les larmes aux yeux et couinant de façon bien peu masculine, il se traînait au sol dans une imitation de larve qui ne souffrait aucun reproche. Zwölf s’agenouilla à sa hauteur et lui fit savoir sa présence.
« Bouh ! » Un cri de surprise et de peur lui répondit. Il empoigna la tête de sa proie, ne lui laissant pas le loisir de la panique.
« Doucement le playboy ! Qui a fait ça à vos pauvres culs ? Qui d’autre est ici ? Et surtout…comment ça se fait que tu es encore là toi ? » en effet le cyborg n’imaginait qu’une seule raison pour laquelle le pauvre petit groupe aurait subie une telle déconvenue.
« La…la salope ! Elle a prit mon œil…photo ! Le coffre ! » les propos décousus du yakuza eu tôt fait d’achever la patience du tueur qui se saisit avec une rapidité effarante de cette langue trop agitée.
« Là ! Là ! Un mot après l’autre ! Bordel ! Et poli ! Quelle « salope » ? Quelle « photo » ? » dit-il en le pressant tandis que des connexions logiques atroce se faisaient jour dans son cerveau. Etait-il possible ? Un autre contractant sur la même affaire que la sienne ? Il lâcha un juron sonore et poursuivi son interrogatoire.
« Répond pauv’ merde ! Tu as donné ta langue au chat ? » il acquieça avec vigueur qui ne laissa aucun doute sur sa santé mentale aux yeux de Zwölf qui soupira. Le gusse n’était pas remis du choc. Le cyborg continua dans cette voie en l’étourdissant d’un coup de boule énervé, tandis qu’il fouillait sa poche intérieure pour en retirer un Taurus chromé custom. Un sifflement appréciateur vint récompenser cette trouvaille.
« Ben alors on a des choses à compenser Daiku-chan ? T’inquiètes pas va ! Je vais te donner une petite touche masculine de blessé de guerre, les nanas vont adorer » dit-il en orientant deux de ses griffes vers l’orbite de sa proie, passant outre ses hurlements stridents et s’emparant de son sésame.
Equipé de sa clé organique, laissant sur le carreau le corps mutilé il reconsidéra la situation. Peu importe qui d’autre était présent, il était hors de question de laisser quiconque se mettre en travers de sa route. Ces mots semblaient néanmoins plus aisés à dire qu’à faire respecter. A première vue son opposant mystérieux était seul, et tout à fait capable. La nouvelle fouetta le sang de Zwölf qui dévala les escaliers, appâté par la curiosité et par le désir brûlant d’ouvrir son saint des saints. Le sous-sol de l’immeuble où était situé le coffre était encore désert mais le guerrier ne se faisait pas d’illusions : des troupes étaient sûrement en route. Diable ! Peut être même la police. Songea-t-il dans un éclat de rire tandis qu’il se dirigeait en sifflotant un air d’opéra, se décidant au dernier moment à mettre de l’ambiance. Il pointa un doigt vers l’autoradio de la carcasse de la voiture, son armure activa électroniquement une commande à distance et l’engin revint à la vie, surprenamment épargné par le choc initial de son arrivée dans les lieux.
Un air rock s’éleva dans la pièce semblable à une chambre mortuaire. Zwölf fouetta l’air du bras dans une imitation d’air guitar très convaincante avant de s’avancer en sautillant vers le coffre où se tenait déjà, comme il l’avait soupçonné, une silhouette qui révélait des formes plus qu’appétissantes.
« Give me soul and show me the door ! Metal heavy, soft at the core ! Gimme toro, gimme some more ! Gimme toro, gimme some more ! » dit-il en se révélant dans un geste théâtrale et félin.
Il était conscient du spectacle qu’il devait offrir. Couvert de sang et sans doute l’allure très éclaté, autant par les drogues que l’excitation. Un large sourire aux dents pointues s’épanouissait sur sa gueule d’ange mauvais. Son regard gourmand et perçant détaillait la jeune femme, s’attardant sur cette gravure sculpturale qui semblait tout droit sortit d’un tableau de grand maître, ou le produit d’un artistre sculpteur au touché de burin suffisamment délicat pour faire ressortir à la fois le charme félin et l’impudence excitante qui s’exhalait de cette personne. Le sixième sens de Zwölf lui susurrait également qu’il y avait du danger dans cette femme, et cela lui plu. Il se sentit aiguillonné par un désir de possession violent et de destruction tout à la fois qui était autant le fait de sa personnalité lunatique que le produit de l’effet galopant de l’adrénaline.
« Mais que voilà…Kitty Kitty Cat ! Qui es-tu ? » dit-il entre ses dents, sa langue pointant légèrement alors qu’il s’inclinait en une parodie inquiétante. Il la considéra un moment avant de montrer l’œil de sa cible qui ballotait au bout du nerf optique grisâtre.
« Sexy ! En voilà un nom qui t’irais bien ! Je ne voudrais pas t’infliger celui « d’emmerdeuse » c’est grossier et sûrement inapproprié puisque tu vas gentiment sortir d’ici et me laisser seul avec le coffre qui est derrière toi. » Acheva-t-il conscient de la raison de la présence de la jeune femme.
Il l’était cependant moins du tremblement des gravas se trouvant derrière la porte d’ascenseur où Scorcher se préparait à se rappeler à son bon souvenir.