Alexander Night n'avait confiance en personne. Le temps (et il fut très long) passé à vendre des armes à travers le monde et les époques lui avait fait rencontrer de nombreux personnages dont certains parvinrent, une ou deux fois, à mettre fin à ses affaires. Une fois, on l'avait trahi depuis l'intérieur. Xander avait prit sous son aile un jeune écossais du IX
ème siècle parce que le père de ce dernier avait été un des rares amis du Croquemort, mais le gamin -Nicholas McCullen- avait fini par le vendre aux anglais en échange d'une somme plutôt rondelette dont il n'avait jamais jouit : peu de temps après, on l'enfermait pour l'exécuter sous l'accusation de complicité. Night, grâce à sa déesse, s'en était sorti... Et s'était promis de ne plus jamais prendre d'associé. Le temps avait passé sans qu'il ne revienne sur sa parole, travaillant dans la solitude et s'en sortant extrêmement bien pourtant, sa rigueur et son esprit méthodique parvenant à organiser ses affaires avec brio. Mais les temps modernes avaient eu raison de cette belle méthodicité et pour rester compétitif, Xander avait été obligé d'accepter le fait de prendre avec lui un peu d'aide. A la différence de ses concurrents, lui vendait aussi sur Terra ! La charge de travail était énorme.
Alors, entre deux contrats, Alexander avait commencé à faire courir de très discrets bruits quant à un "besoin de manoeuvre". Ce fut glissé entre deux conversations passées avec quelques barons du crime et jamais explicitement dévoilé, mais il connaissait son monde. La rumeur se mit à courir doucement -elle avait de quoi intéresser, devenir l'homme de confiance de l'un des marchand d'arme les plus puissants du monde assurait une belle carrière- et Xander attendit. On lui proposa discrètement les amis d'amis ou anciens hommes de confiance, qu'il refusa poliment. Hors de question de placer chez lui des gens qui auraient d'une façon ou d'une autre des intérêts mercantiles, ce qui pourrait fausser ses relations résolument neutres dans les conflits qu'il alimentait par son commerce.
Sans rien dire, Xander avait attendu qu'on entre en contact avec lui par les voies les moins convenues. Qu'on le surprenne, qu'on ne lâche pas le morceau. Et il avait fini par découvrir une de ces petites fouines sur qui il jetait justement son dévolu, à qui il avait fixé rendez-vous à Seikusu, au Japon.
[Rejoins ton oncle au Marrakech Café, le 20 à 17h. Cela me fera très plaisir de te revoir ! ] Le message émanait bien d'Alexander, envoyé depuis un obscur compte mail sur une des adresses de sa correspondante. Elle comprendrait forcément l'invitation et serait présente à l'heure, ou serait bien entendu recalée d'office... Et les différentes façons de la contacter données aux bonnes personnes, qui s'occuperaient de s'assurer de son silence définitif. On ne pouvait pas fouiner à ce point sans que cela prête à conséquence. C'était là un détail qu'Alexander n'avait jamais précisé ou seulement mentionné, mais il tombait sous le sens. Cette petite souris mettait le nez dans un nez de vipères, après tout.
Le Marrakech Café n'était pas un endroit huppé des quartiers touristiques, mais un petit café discret se voulant d'inspiration nord-africaine perdu quelque part dans un quartier populaire de la ville. Agréable, peu cher et correctement fréquenté, il présentait surtout l'avantage de compter de nombreuses sorties dérobées et un personnel payé par Xander, qui avait racheté l'endroit au début des 90's. Quand le patron s'y rendait, des hommes stationnaient dans les rues adjacentes et sur les toits afin de prévenir à l'avance de toute arrivée suspecte. Tout le monde était armé, mais heureusement la couverture n'avait jamais été découverte et l'établissement restait pour Alexander un lieu sûr. Il était arrivé une heure avant pour profiter d'un peu de tranquillité, toujours vêtu dans son impeccable costume noir. Maintenant, alors que son troisième thé à la menthe refroidissait, le Croque-mort attendait que sa nièce se présente à l'acceuil. Et la partie commencerait.