« <Tuez-les ! Massacrez ces chiens, ces hérétiques, ces rats !> »
Jane avait l’impression d’avoir plongé tout droit dans un film hollywoodien, un blockbuster médiéval qui serait après une guerre. Elle ignorait où elle était, quand elle était, ce qu’elle faisait là, et ses narines étaient agressées par d’agressives odeurs, notamment celle, globale et généralisée, de la mort et de la dévastation. Ses cours d’Histoire lui semblaient bien éloignés alors qu’elle voyait, le long des rues, les portes des maisons être arrachées. Des femmes hurlaient, des enfants pleuraient, on jetait au sol les civils, avant de les exécuter sommairement, par des hommes en armure au visage cruel. Des cavaliers remontaient le long des grandes rues, abattant les civils, jetant des torches enflammées sur les chaumières des maisons. Des prêtres tenant des croix priaient dans des grandes places, vénérant Dieu et les Saints de leur bénédiction contre les forces impies.
Et, au milieu de tout ça, une foule dense et compacte avançait, hurlant, montant sur place un immense bûcher, leurs jambes baignant dans le sang. Jane voyait des cadavres partout, massacrés, décapités, torturés, leurs os réduits en bouillie, leurs muscles déchirés, le sang coulant de leurs multiples plaies. On les volait, on les pillait, à la recherche des prétendues hosties volées.
Jane s’avançait lentement, n’y comprenant plus rien, son esprit comme déconnecté. Est-ce qu’elle faisait un bad trip ? Est-ce que tout cela, toute cette folie, n’était qu’un songe, un rêve issu de son imagination folle ? Comment les évènements avaient-ils pu dégénérer ainsi ? Qu’est-ce qu’elle faisait là ? Elle avançait lentement, quand son pied s’enfonça dans quelque chose de flasques… baissant la tête, elle sentit un haut-le-cœur la traverser en voyant que son pied s’était enfoncé dans une tête, écrabouillant un cerveau. Avec sa nervosité et cette obscurité ambiante, elle n’avait pas vu qu’elle venait de marcher sur un cadavre.
*Oh… Mon Dieu…*
Quelle horreur ! Jane sentit quelque chose remonter en elle, et se mit à vomir sur le sol… Un sol rempli de viscères, de tripes, de corps massacres, et de flaques de sang. Spectacle nauséabond et terrible de chairs putréfiées. Elle s’avança vers la rue, avant d’entendre la clameur de la foule remonter. Elle ne comprenait rien à ce qu’ils disaient, mais ça n’avait pas l’air très sympathique.
« <Brûlez-les !>
- <Mort à ces sales Juifs, ces hérétiques !>
- <Haro à ces bâtards de voleurs !>
- <Sire Rintfleisch a dit qu’il fallait massacrer ces enfants de putain !> »
Très prudemment, Jane choisit de se reculer, faisant marche arrière. Une sorte de fièvre s’emparait d’elle, et elle sentit les larmes venir, avant d’entendre des bruits de pas se rapprocher. Éberluée, elle vit alors James se rapprocher. Le visage de Jane était Sali, noirci, et l’homme posa ses mains sur ses épaules, en lui arguant qu’il était temps de retourner chez eux.
« OÙ SOMMES-NOUS ?!! »
C’est à cet instant que des bruits de pas supplémentaires se firent entendre dans le dos de James… Et s’exprima, non pas en vieil allemand, mais dans une langue connue !
« Des visiteurs… Venus d’ailleurs. Je ne suis pas surpris que tu aies choisi ce moment pour venir, Jane Watson… »
Jane cligna des yeux en voyant la silhouette s’approcher. Un homme massif, portant une armure avec une croix rouge chrétienne sur le torse, et une sorte de long manteau noir recouvrant son corps.
« Q-Q-Quoi ?! Qui… Qui êtes-vous?
- Moi ? Un modeste boucher… Sire Rintfleisch, pour vous servir, mais… Vous n’êtes pas là pour moi. Vous voyez le temps comme une ligne droite allant d’un obscur point A vers un indéfinissable point B, mais le temps… Le temps n’est pas une ligne droite. Il est une corde, et je ne peux pas te laisser créer trop de nœuds, ma chère Jane. »
Jane n’y comprenait plus rien, mais, d’un autre côté, et c’était là encore plus étrange, elle avait l’impression, en son for intérieur, de connaître cet homme.
« Tes pouvoirs sont très élevés, comme je m’y attendais… Mais il est encore trop tôt. Pour le bien de tout le monde, il vaut mieux que vous oubliez tout de cette rencontre.
- QUI ES-TU ?!! »
L’homme se mit à sourire.
« Quelqu’un qui a combattu une Déesse pendant des siècles afin de la sceller, et de lui faire oublier la mémoire… Ta Déesse, Jane. Je n’avais pas prévu que tu rencontrerais un voyageur temporel, mais… Ça ne fait rien, je peux arranger ça. »
Les mains de l’homme se mirent alors à luire, tout comme ses yeux, et une magie terrifiante émana alors de lui. Une magie qui surclassait totalement Jane, et le décor autour d’eux se transforma, devenant une sorte de long couloir blanc, dans lequel des « fenêtres » apparaissaient, montrant, ici et là, des choses et d’autres.
« Nous nous reverrons en temps et en heure… Leland Gaunt. Retiens bien ce nom. Maintenant… Bon réveil ! »
Aveuglante et hypnotique, la lumière blanche les recouvrit totalement, Jane et James…
…Puis Jane se réveilla alors, hirsute, dans son lit, en sueur.
*Ow… Quel rêve !*
Elle se massa la tête, en essayant de se rappeler de quoi il s’agissait, exactement… Mais, déjà, le rêve s’évanouissait. Et elle prit alors conscience qu’elle était nue, et qu’il y avait quelqu’un d’autre, également nu, dans le lit. Elle tourna la tête… Et écarquilla les yeux en voyant James, qui dormait contre elle.
« WHAT ?! »