L'enfer était probablement l'un des endroits les plus désagréables du monde. Et ça, c'est sans compter le niveau des Succubes, parce que ces femmes sont vraiment si nymphomanes que tous les hommes, après une semaine, ne souhaitent que partir. Mais la raison pour laquelle un homme, ou plutôt un enfant, tel que Kamui s'aventurerait dans un monde aussi hostile, c'est pour la simple raison qu'il désirait revoir Mélisende. Il ne savait que peu de choses sur sa situation, mais il était facile, à la croissance incroyable de ses pouvoirs de savoir qu'elle était dans ce monde à la recherche de la puissance, et visiblement, elle l'avait trouvé. Même si Kamui l'aimait, il devait savoir si elle représenterait éventuellement une menace pour ceux qui lui sont chers, et la seule manière d'en avoir le coeur net, c'était de la confronter une nouvelle fois, une fois et une seule. Il n'était pas vraiment possessif, et il savait que Mélisende ne voulait plus rien avoir à faire avec l'Immortel, mais celui-ci ne pouvait pas sacrifier la vie de ses amis en échange d'un confort temporaire. Et de tous les endroits de ce monde, il fallait qu'il tombe sur la demeure du grand chancelier de l'Ordre de la Mouche, Adrammelech. Dans quel sorte de pétrin cette foutue sorcière s'était encore fourrée pour se sentir forcée de se lier avec une créature aussi vile, aussi sombre... à moins qu'elle ne se fut identifiée à ce monde, ce qui ne manquerait pas de laisser le magicien de glace; il s'y attendrait.
La demeure d'Adrammelech était énorme, pour ainsi dire, mais il voyait bien la touche de Mélisende; il n'avait que rarement vu un lieu aussi étrange, aussi renforcé en magie noire. L'aura démoniaque qui s'en dégageait donnait de sérieuses nausées au gamin, mais il n'allait pas faire son difficile. Enfilant une tenue de serviteur ajusté à sa taille, Kamui s'était lancé à la découverte du lieu qu'il n'aurait jamais cru visiter un jour. Sans avancer quoi que ce soit, il pouvait affirmer que si Mélisende n'avait pas déjà été présente en ces lieux, il n'aurait été capable de s'orienter. Or, de part le lien étrange et inexplicable qui les unissait, toutes les informations architecturales du palais étaient ancrées dans son esprit. Un enfant serviteur est chose commune, en Enfer, et pour de multiples raisons qui ne manqueraient pas de révulser tout parent réellement soucieux du bien-être de leur progéniture.
La chambre de Mélisende était dans l'aile gauche. C'était l'endroit où le petit ressentait le plus intensément son aura; c'était l'endroit où elle passait le plus de temps, et il en savait quelque chose. Même s'il y avait énormément de choses à voir dans la demeure du Démon, le petit n'avait aucun autre intérêt pour l'instant, et grand mal lui en fit, car alors qu'il s'approchait du lieu de résidence de son ancienne compagne, une des Ombres, un garde surnaturel que Kamui et Mélisende étaient les seuls à pouvoir invoquer, visiblement sous le contrôle de la Sorcière, jaillit brutalement du mur pour s'emparer du gamin. Programmée pour reconnaître tous les êtres possédant une certaine signature magique, que Kamui ne pouvait plus modifier à cause de son apparence, la créature avait immédiatement remarqué la présence d'un être que la magicienne avait visiblement placé sur sa liste noire. L'Immortel résista avec véhémence, mais s'il restait très fort, une fois tiré loin du sol, il ne lui était que trop difficile d'opposer la moindre résistance, et l'Ombre alerta la garde. Celle-ci rappliqua avec une si belle efficacité que malgré sa situation désastreuse, le jeune homme ne put qu'être admiratif; c'était si rare chez les mortels de voir une telle organisation! Sauf les Meisaennes. Mais les Meisaennes, c'était une tout autre histoire. Ils passèrent rapidement des fers enchantés aux poignets de l'enfant et le trainèrent brutalement vers une cellule anti-magie où il ne pourrait opposer aucune résistance.
Attaché au plafond de la pièce, pendu par les poignets, qui étaient croisés dans son dos juste pour rendre l'expérience plus désagréable, le petit corps de Kamui se balançait misérablement au bout de sa chaine, alors qu'il s'efforçait de garder ses muscles tendus pour ne pas se disloquer les épaules. Il se demanda alors comment il avait pu être si négligent; il s'était trop empressé, n'avait rien préparé à l'avance. Peut-être était-ce l'enthousiasme de revoir le visage de son amante. Peut-être n'était-ce aussi qu'un coup de folie. D'une manière ou d'une autre, il était maintenant dans une situation très peu enviable, dans la demeure d'un rival et surtout dénué de ses pouvoirs. Bref, il était dans une mauvais posture, et le tortionnaire, qui venait d'entrer, n'avait même pas encore commencé son travail qu'il se sentait étrangement très mal en point. De grosses sueurs froides coulaient sur ses tempes et il était tout trempé (parce que oui, dans une cellule glaciale créée spécialement pour empêcher un magicien de lancer le moindre sortilège, envoyer une bonne vague d'eau bien froide sur le spécimen garantissait presque qu'il soit incapable de penser convenablement). La nuit allait être affreusement longue. Et bientôt, de terribles cris de douleur s'échappa de cette cellule pour empêcher de dormir tous les occupants de cette prison personnelle, ainsi qu'une bonne partie des serviteurs d'Adrammelech.
Lorsque le gamin reprit connaissance pour la huitième fois, une nouvelle journée commençait. Il ne savait pas sur quoi baser cette certitude, mais il savait qu'il n'était nullement reposé et que toutes ses périodes d'éveil étaient marqués par la douleur. Le sorcier avait déjà eu affaire à une Mord-Sith par le passé, et il avait apprit à conserver sa notion du temps, juste pour éviter de se prendre des nouveaux coups de la part de sa maîtresse. Denna ne lui autorisait que rarement le repos, et encore, il devait calculer le moment exact où il devait être prêt à son dressage, sinon, la séance devenait rapidement encore plus pénible qu'elle n'était sensée l'être. Devant lui se trouvait alors le maître des lieux, ce qui arracha tout de même un petit rire découragé à Kamui. Il avait l'impression qu'il n'était pas sorti de l'auberge.