Plan de Terra > Le palais d'ivoire

L'Oiseau Noir et l'Or Blanc [PV: Elena Ivory]

<< < (2/5) > >>

Elena Ivory:
Nöly avait pris l’habitude de se maquiller et de s’habiller elle-même, rompant avec une habitude ancestrale chez les Ivory, et surprenant l’Intendant Général. Elle n’avait pour autant pas congédié le personnel, mais leur avait attribué de nouvelles fonctions. Les Mélisaines, affirmaient-elles avec son franc-parler usuel, n’avaient pas l’habitude qu’on leur torche les fesses quand eux-mêmes savaient à quoi servait un papier toilette.

« Mais ce Serenos... Il n’est pas amouireux de toi ?
 -  Mon Roi serait-il jaloux ?
 -  Soucieux, tout simplement. Et curieux d’en savoir plus sur ma femme. Honnêtement, à part que tu aimes les gâteaux au chocolat et que je te prenne en levrette, je ne sais pas grand-chose d’autre sur toi. »

Nöly sourit légèrement.

« Il est vrai que nous nous sommes mariés assez vite...
 -  L’inconvénient de porter un nom qu’on reconnaît plus vite que votre prénom. Mais, finalement, je ne regrette pas mon choix... Si ce n’est que porter ces habits est affreusement gênant, ça me colle...
 -  Je te préfère sans, pour être honnête, ils ne mettent pas en valeur tes muscles. »

Ce fut au tour de Liam de sourire. Ils s’habillaient ensemble, tâche pour l’heure assez ardue, vu que les deux amants étaient endiablés, pris dans le feu dévorant et bouillonnant de la passion.

« Enfin, oui, j’ai eu une aventure avec Serenos... Aventure qui fut sans grande conséquence pour la suite. C’est... Je ne sais pas si tu as déjà vu des Meisaens, ils vivent assez loin de nos côtes...
 -  Je sais que leur île abrite beaucoup de cristaux magiques, et que nous faisons du négoce avec eux.
 -  C’est une nation très féminine, en fait. La première fois que je l’ai vu, c’était à une soirée arrosée où j’avais bu plus que de raison...
 -  Toi, ivre ? Je ne saurais croire à cette calomnie !
 -  C’était exceptionnel ! Mais... Toujours est-il que je l’ai pris pour une femme, et, tu sais, il y a ces jeux idiots du gui chez nous... Je pensais que c’était une fille, et à Mélisi, quand on est sous le gui...
 -  On embrasse la plus proche personne du même sexe que soi, compléta Liam. Je connais cette formule. Tu te souviens, non ? Lors de la fête de notre mariage à Mélisi, le prélat, sous le gui... »

Nöly gloussa à ce souvenir. Les prélats de l’Ordre Immaculé étaient connus pour détester Mélisi, dont les mœurs légères étaient toujours, pour eux, condamnables.

« Enfin... Quoi qu’il en soit, je dansais donc, et je me suis retrouvée sous le gui, et... »

Nöly se pinça doucement les lèvres, visiblement nerveuse, un tic nerveux que son mari commençait à lui connaître.

« Ne me dis pas que... »

Plutôt que de lui répondre directement, Nöly opina de la tête.

« Par l’Eld en personne ! Mais... Comment étaient ses lèvres ?
 -  Oh... Euh... Tu sais, j’étais ivre, alors j’en conserve un sourire flou...
 -  Hmmm... Je connais pourtant bien des anecdotes où tu conserves un souvenir très net des choses. »

Les lèvres de Nöly se fendirent d’un sourire énigmatique, et elle se redressa encore.

« Bon ! Arrête de dire n’importe quoi, et aide-moi à enfiler ma robe !
 -  Bien, Madame... »


Pendant ce temps, dans les coursives du palais, Jamiël suivait Serenos. Du fait de l’éloignement géographique de Meisa, elle avait toujours eu un peu de mal à savoir ce qui se passait là-bas. Mais, visiblement, son mariage n’avait pas été aussi heureux que celui avec Nöly. C’était dommage... Mais, effectivement, à l’idée de se marier avec l’héritier de Nexus, Nöly avait été très nerveuse, redoutant de faire des bêtises, ou de ne pas tomber amoureuse, ou de tomber sur un gros mufle. Rien de tout ça avec Liam, et il n’était pas exagéré de dire que le courant était instantanément passé entre eux deux.

Tandis que les deux s’avançaient dans les impressionnantes galeries du Palais d’Ivoire, Serenos se tourna vers Nöly, et lui demanda s’ils ne pouvaient pas faire une halte ailleurs, afin de faire « une blague » à Nöly. Jamiël sourit légèrement, et rajouta ensuite :

« Avec du gui, peut-être ? » glissa-t-elle malicieusement.

L’histoire du baiser entre Serenos et Nöly était plutôt connue, et, quand Jamiël avait révélé à Nöly qu’elle avait embrassé un garçon, son amie, alors une jeune adolescente, avait furieusement rougi. Elle se déplaça néanmoins, et rejoignit un couloir sur la droite, croisant plusieurs servantes qu’elle salua poliment, tout en rejoignant ensuite une salle d’habillage.

« Les pages se changent et se maquillent ici, expliqua-t-elle. On devrait y trouver tout ce qu’il faut pour que tu aies une apparence d’enfer ! »

Après, elle le laissait choisir...

Serenos I Aeslingr:
Liam avait raison sur bien des points par rapport à Meisa, mais contrairement à ses suppositions, l’île dont il avait entendu parlé n’était qu’une fausse information, issue d’une propagande servant à décourager les possibles envahisseurs et ennemis, une ruse qui avait manifestement marché jusqu’à maintenant. Les premiers explorateurs du continent, des Mélisi, avaient été le premier contact entre Meisa et le reste du monde, car jusque-là, traverser la Mer du Couchant était une idée folle, et dangereuse, et avaient été l’occasion parfaite pour Talion d’exiler son fils bâtard loin de ses ennemis et surtout de sa famille. Son épouse était si jalouse, si envieuse de Serenos parce qu’il était le fils qu’elle n’a jamais pu donner à son mari qu’elle aurait peut-être même été tentée de le tuer par vengeance envers le destin. C’est grâce à ces agents que, pendant des années, le continent d’Ayshanra s’était évité des attaques d’Ashnard, et réciproquement, les Aranes ne s’étaient pas tournés vers le Continent pour trouver de nouvelles terres.

Ce n’est que récemment qu’Ayshanra fut révélé au grand public, mais considérant la fin de la guerre contre Ashnard et les grands événements à travers le monde, la nouvelle d’un nouveau continent découvert était passé dans les informations de seconde zone.

-Avec du gui, peut-être ?

La mention de l’épisode du gui ne manqua pas de faire rougir le Roi. C’était son tout premier Bal aux Iles Mélisi, et pas nécessairement un épisode dont il était très fier, car encore ignare de la culture locale, il ne s’était jamais douté que les choses se passeraient ainsi. Avec un sourire très amusé, le Roi fit quelques gestes dans l’air et matérialisa une branche de gui et la tendit à Jamiël.

-Très bonne idée, ma chère! Lança-t-il avec bonne humeur.

N’empêche que c’était quand même le moment où la jeune femme avait captivé son cœur. Ou du moins le début. Serenos n’avait jamais vraiment connu autre chose que les quatre murs de sa geôle, à l’époque. Mais peut-être était-ce justement parce que Nöly le voyait plus comme une autre fillette de son âge qu’ils s’étaient autant rapprochés à l’époque. C’était chez les Mélisi qu’il avait appris les arts, la poésie, les lettres et l’étiquette, mais tout comme son amie, ses enseignants se plaisaient à lui enseigner également les manières des dames, ce qui, en certaines situations, s’était en fait révélé être d’excellents outils.

Une fois que les quartiers avaient été évacués par les demoiselles qui se précipitaient pour remplir leurs obligations, Serenos trouva prestement un miroir et fit voler à lui quelques différentes tenues. Au final, il étira un sourire malicieux alors qu’il trouvait exactement ce qu’il recherchait. Une jolie robe bien innocente, propre. Ce qui avait notamment attiré son regard, c’était qu’en plus d’être magnifique, cette robe respectait les couleurs nationales du royaume de Meisa, à savoir le blanc et le noir. Sans la moindre gêne (car après tout, ce n’était pas la première fois que la demoiselle le voyait en sous-vêtement), il retira sa tenue et enfila la robe. Avec quelques ajustements, il parvient à obtenir un résultat très convaincant. Il déplora mentalement le manque de longueur de la robe, mais avec une culotte pleine, il pouvait facilement cacher ses attributs mâles. Il prit doucement un petit pinceau et une bouteille de rouge à lèvre et s’en appliqua, prenant bien soin de réussir son maquillage au meilleur de ses habiletés. Ce n’était pas la première fois qu’il se maquillait, mais le contexte était très différent. Il ne cherchait pas à séduire, mais à troubler ses adversaires; Nöly et son nouveau mari. Il enfila les gants puis les bottes à talon-haut.

Une fois préparé, le Roi ramena ses très longs cheveux noirs derrière sa tête, et à l’aide d’un ruban et d’une tige de bois, il les attacha en une queue de cheval relevée. Il étira un sourire satisfait et présenta le résultat à Jamiël.

-Alors? Surprise?

À l’époque, il aurait lutté crocs et griffes pour qu’il soit reconnu comme un homme. L’âge lui avait cependant apporté un certain détachement. Le travestissement était devenu un outil comme un autre, et son identité sexuelle, peu importe comment elle était perçue par les autres, n’avait aucune importance pour lui. Être un homme ne voulait pas nécessairement dire ne pas profiter des avantages que sa morphologie lui accordait. Il prit la main de la magicienne et la traina avec lui vers les appartements des Ivory. Les traces astrales que laissait Nöly sur son passage le guidait, et il n’avait donc pas besoin de connaître les lieux pour se repérer, tant qu’il voulait la retrouver elle, et non pas une pièce. Il ne put s’empêcher de capter également l’aura résiduelle de Liam, et alors qu’il s’approchait des appartements des Ivory, il comprit comment le Roi de Nexus était aussi respecté; même son aura était noble et droite, forte. Il n’avait jamais perçu une telle énergie. En bien des points, son aura était similaire à celle d’Hadrian, le bras droit du Roi de Meisa.

Pour Jamiël, l’aura de Serenos avait cependant énormément changé comparativement à leur jeunesse. Certes, son enfance était malheureuse en soi, mais lorsqu’il avait commencé à fréquenter Nöly et Jamiël, elles avaient trouvé un jeune garçon rempli d’énergie, avec un cœur pur, bourré de belles intentions et de soif d’apprendre, mais ce n’était plus le cas, maintenant. Malgré les airs qu’il donnait, il y avait énormément de douleur en lui. Énormément de peine, de souffrances, de malheur et de peur. Son cœur n’était plus aussi… léger qu’il ne l’était après quelques années passées chez la famille de Nöly. Comme il lui avait dit, il avait vécu des choses difficiles, et cela ne rendait cette visite que d’autant plus spéciale; ses sourires et son enthousiasme n’avait rien de feint; il était heureux, en ce moment.

Serenos regarde Jamiël.

-On y va?

Sans vraiment attendre pour son avis, il entra dans la pièce, suivi par Jamiël. Lorsqu’il vit Nöly et celusi qu’il comprit être son mari, il étira un grand sourire et s’approcha d’eux. La Reine de Nexus n’avait définitivement pas changé, elle était toujours aussi magnifique que le jour de leur rencontre, quoi que visiblement beaucoup plus mature également. C’était le visage d’une véritable Reine qu’il voyait là. À son côté, droit et fier, se trouvait le Roi de Nexus lui-même. Même Serenos ne put empêcher un sourire. Hadrian avait une popularité incroyable chez la gente féminine de Meisa, mais même lui ne pourrait pas autant attirer l’attention que le Roi de Nexus; grand, fort et mur, nul ne pouvait s’y méprendre; il avait le profil idéal du leader. Le Roi de Meisa s’arrêta devant le couple royal et son regard passa de Liam à Nöly. Avec un doux sourire, il s’en approcha et posa sur sa joue un baiser, et avec une douce voix, il lui adressa la parole.

-Nöly.

Ce n’était qu’un mot, un nom, mais la joie et l’émotion s’étaient manifestés quand le Roi avait prononcé son nom avec une gorge serrée. Il posa doucement les mains sur le visage de la Reine et plongea ses yeux dans les siens, puis posa doucement son front contre le sien, souriant toujours. Il prit bien vite un peu de distance et baissa les bras, portant une main à ses lèvres pour cacher un petit rire.

-Ma foi, je regrette de n’avoir pas davantage insisté pour rester en Mélisi. Vous êtes encore plus magnifique que dans mes souvenirs !

Toujours avec cette attitude féminine, il se tourna vers le Roi Liam. Le sourire tendre qu’il adressait à Nöly changea, devenant simplement poli.

-Roi Liam. J’ai énormément entendu parler de vous.

Il lui adressa une adorable courbette, gracieuse comme celle d’une princesse, et se redressa, ses lèvres rouges formant toujours ce sourire poli.

-Vous êtes encore plus impressionnant en personne!

Elena Ivory:
Liam savait que Nöly avait eu une vie sociale plus épanouie que lui. Le jeune Roi avait passé une bonne partie de sa vie à Haven, à suivre l’entraînement rigoureux des Paladins. Ses connaissances relevaient d’un domaine très ciblé, l’armée. Ses parents avaient dès le début fait leur choix, voulant renforcer les relations entre la Coruonne et le pouvoir militaire. Un choix qui n’était pas dénué d’intérêt, au vu du conflit latent avec l’Empire d’Ashnard. Liam faisait donc très souvent confiance à Nöly pour les relations diplomatiques. C’était elle qui en savait bien plus que lui sur les différentes nations et autres peuplades parsemant Terra. Et Meisa ne lui était pas inconnue.

Le duo marchait patiemment vers l’un des salons du Palais d’Ivoire. Même si l’entretien avec Serenos n’était pas « officiel », il était quand même inscrit sur l’agenda de Nöly, de sorte que, tandis que le couple royal finissait de se prépare,r un page vint l’alerter que Jamiël souhaitait la voir, et était arrivée avec « une » amie. Le choix du féminin arracha un sourire aux tendres lèvres de Nöly, et surprit Liam :

« ‘‘Une’’ ?
 -  Ça ne peut être que Serenos. »

Tandis qu’ils marchèrent vers le salon, Nöly répéta à Liam ce qu’elle lui avait déjà expliqué sur les Meisaens, et notamment sur la gente masculine, à savoir qu’elle restait très androgyne pendant de nombreuses années. Visiblement, malgré les années, Serenos était toujours resté ainsi. Liam acquiesça silencieusement, laissant Nöly mener la marche. Là aussi, elle était plus douée que lui. Le Palais d’Ivoire était tellement grand que Liam avait régulièrement l’habitude de s’y perdre, contrairement à Nöly, qui connaissait le chemin à la perfection.

Le duo rejoignit ainsi le salon, et Liam laissa Nöly s’exprimer, ne manquant pas d’être surpris en voyant... Le Meisaen. Heureusement qu’on lui avait dit que c’était un homme ! Avec ses cuissardes, sa courte robe, sa chevelure redressée et nouée par une queue-de-cheval, et les légers gants, il avait tout d’une fille... Et même une fille plutôt sexy !

« Enchantée de te revoir, Serenos ! »

Liam fronça légèrement les sourcils quand Serenos l’embrassa sur la joue, mais choisit de rester silencieux. Il ignorait l’étendue des relations passées entre sa femme et le Meisaen, et, même si Nöly lui avait dit qu’il y avait eu un baiser sous le gui, le jeune Roi ne savait pas vraiment ce qui avait bien pu se passer par la suite. Serenos se retourna ensuite vers Liam. Mains jointes dans le dos, jambes légèrement écartées, Liam adoptait une posture martiale, trahissant ses années de formation au sein de l’ordre des Paladins du Griffon.

« Bienvenue à Nexus, Sire Sombrechant. J’espère que ce que vous avez entendu sur moi ne nuit pas à ma réputation. »

Nöly le regarda brièvement, un peu intriguée. Liam était-il d’un naturel jaloux ? Quelques secondes passèrent, avant que l’homme ne poursuive :

« Moi, on m’a dit que vous embrassiez très bien. »

Nöly se pinça les lèvres. Une pique dissimulée ? Ou une tentative d’humour ? Liam décroisa les mains de son dos, et se permit de rendre à Serenos la pareille, en l’embrassant sur la joue. Il l’avait bien fait sur sa femme, non ? Nöly reprit alors :

« Que deviens-tu, Serenos ? Je suis très heureuse de te revoir après tout ce temps, tu sais ! »

Serenos I Aeslingr:
La réputation de Liam était très impressionnante pour un jeune homme. S’il n’avait pas celle d’un conquérant, il surpassait les aptitudes de Serenos à régner et diriger. Alors que Liam et Nöly collaboraient ensemble pour diriger leur royaume, Serenos avait délégué la plus grande part de ses responsablités à son Haut Conseil et à son épouse, prenant la tête de son empire en tant que figure de pouvoir, et du coup, moins il était investi dans le gouvernement,  moins ses lacunes étaient visibles et plus les rumeurs sur sa puissance alléguée se répandaient. De fait, Serenos était puissant, puisque le sang de l’Archimage Darimon coulait dans ses veines, mais il n’était rien comparativement à Mélisende.

Malgré le contexte officieux de cette rencontre, Serenos fut surpris de voir Liam aussi tendu, presque dans une attitude militaire. Lorsqu’il avait embrassé la joue de Nöly, il l’avait senti réagir discrètement. De la jalousie? De la suspicion? Serenos n’était pas très habile à lire les pensées d’une personne entraînée à se fermer aux incursions mentales, mais sentir l’énergie de Liam était le travail d’un amateur. Malgré cela, cette énergie n’était pas agressive, ni un avertissement, laissant le jeune Roi des Trois Royaumes très confus.

-Bienvenue à Nexus, Sire Sombrechant. J’espère que ce que vous avez entendu sur moi ne nuit pas à ma réputation.
-Pas que je sache. J’ai été très impressionné par votre parcours. Votre beau-père ne tarit d’éloges à votre égard. Je crois que Monsieur se plaît à nous comparer!

Après tout, le père d’Elena était un ami de longue date du Roi Talion. Les circonstances exactes de leur rencontre et leur passé n’était pas très clair aux yeux de Serenos, mais semblerait-il que le Mélisain, le précédent Roi de Nexus et le Roi Talion de Meisa étaient suffisamment proches pour avoir collaborés ensemble pour qu’Ayshanra ne devienne pas un objet de conquête de quelque souverain belliqueux. Talion avait donc fait confiance au père d’Elena pour former le jeune prince aux arts de la Cour et du Noble Jeu. Les intentions romantiques de Serenos n’étaient en rien un secret pour la famille d’Elena, quoique, peut-être pour des raisons aussi simples que celle de son statut de bâtard royal, elles aient rapidement été écartées, comme celles de beaucoup de soupirants qui aspiraient à faire de la magnifique Mélisaine leur épouse.

-Moi, on m’a dit que vous embrassiez très bien.

Serenos ne put s’empêcher de rougir un brin à ce franc-parler. Il semblerait que le Roi de Nexus en savait un peu plus qu’il n’y semblait paraître. Le jeune Roi de Meisa remua donc la main comme pour chasser l’embarras de la petite pique du Roi de Nexus. Mais que savait-il de ce que Nöly et Serenos avaient partagé dans leur amour de jeunesse?

-Les traditions de Mélisi m’ont autant surpris que vous, j’en suis sûr, Majesté!

Serenos avait donc décidé de ne pas aller plus profondément dans le sujet, mais il fut encore plus dérouté alors que Liam s’approchait de lui et posait un baiser sur sa joue. Cette fois, les joues du Roi passèrent au rouge vif, mais il ne montra pas une opposition particulière, se contentant de glousser légèrement pour masquer sa gêne, osant tapoter gentiment l’épaule du souverain de Nexus de ses doigts.

-Où est donc cette branche de gui quand nous en avons besoin! Lanca-t-il avec humour pour cacher sa timidité.

Fort heureusement pour lui, Nöly vint à sa rescousse.

-Que deviens-tu, Serenos ? Je suis très heureuse de te revoir après tout ce temps, tu sais !

Serenos sourit, avec le sourire doux mais sans conviction de ceux qui en ont longs à dire, mais ne veulent pas incommoder les autres.

-Beaucoup de choses se sont passées, Nöly. Beaucoup de choses que j’ai omises dans mes lettres, pour ne pas te causer de soucis. Mais je me ferai un plaisir de tout te… vous raconter autour d’une coupe de vin. En résumé, je suis maintenant le Roi de trois royaumes du continent d’Ayshanra. Mon couronnement officiel se tarde en raison de conflits internes et de revendications, mais mes principaux opposants sont surtout des nobles de familles anciennes, désuètes et sans influence, dont la seule base pour leur prétention au trône est remise en question pour ne pas avoir participé dans la Grande Guerre.

Un peu pour lui-même, il rajouta.

-Même un Galadien aurait une raison plus plausible de convoiter le trône… Mais enfin, bref. Je suis las de la guerre, et des conflits. Les travaux de reconstruction ont enfin été lancés. Je n’ai jamais vu les coffres du trésor royal se vider aussi vite! Oh! Et nous avons enfin une véritable académie pour les jeunes magiciens qui n’est pas rattachée à l’armée, mais au peuple. Ah, et les parents de magiciens ne sont plus incarcérés.

Pour quelqu’un qui comptait faire un résumé bref, Serenos s’était rapidement emporté, très fier de ses accomplissements depuis qu’il s’est emparé de la couronne. Nöly n’était pas sans savoir l’intense persécution que les magiciens vivaient en Ayshanra en raison de la culture de la peur que propageait les enseignements de l’Église Antosienne. Même si le Roi Talion avait expédié son fils bâtard aux Îles Melisi sous prétexte de vouloir lui faire apprendre les usages de la Cour, il essayait surtout de cacher à son peuple et ses opposants que son fils illégitime était magicien, et comme la magie n’était pas nécessairement condamnée dans le Royaume de Nexus, Serenos serait donc capable de se développer et d’apprendre à maîtriser ses habiletés sans que les rumeurs ne se répandent en Meisa.

Se rendant compte qu’il avait beaucoup parlé, le Roi s’éclaircit nerveusement la gorge, rougissant avec gêne.

-Enfin, bref.

Le Roi regarda Liam un moment puis leva lentement une main pour la poser contre sa propre joue, souriant, promenant ses yeux sur le couple royal. Après un moment de silence, il reprit la parole.

-Je vois qu’il y a beaucoup d’amour. J’en déduis que tout cet aspect de mariage politique s’est évaporé.

Étonnamment, Serenos s’attendait à être jaloux, mais maintenant qu’il voyait Liam… pas du tout, en fait. Liam était digne de Nöly. Son aura et celle de Nöly était très compatibles, et même s’ils ignoraient beaucoup de choses l’un de l’autre, ils semblaient avoir formé un lien très solide par le peu de temps qu’ils avaient passés ensemble.

Il s’approcha alors de Nöly et posa les mains sur son épaule, puis y posa la tête, regardant le grand Roi de Nexus, un sourire flottant sur ses lèvres rouges.

-Maintenant, je comprends un peu mieux pourquoi tous tes soupirants ont cessé de harceler ton père, Nöly. Même en Narthi, ils ne naissent pas en masse, des hommes aussi superbes.

Un flirt? Peut-être. Un compliment, certainement. Serenos se félicitait mentalement de ne jamais avoir officiellement défier Liam pour la main de Nöly. Malgré ses propres exploits pendant la guerre, il doutait qu’en duel ses propres capacités pouvaient rivaliser avec le futur Lion de Nexus.

-Vous avez une aura très tendre malgré votre physique impressionnant, sire Ivory. J’en déduis que vous êtes heureux?

Elena Ivory:
Meisa était un royaume situé de l’autre côté de la mer, à Ayshanra. Honnêtement, Liam avait toujours cru qu’il s’agissait d’une grande île, et n’avait jamais été ici. Il ne connaissait pas grand-chose du pays de Serenos, si ce n’est qu’il faisait parfois du commerce avec les Mélisains. Nöly en savait donc un peu plus que lui, mais sans trop pouvoir prétendre être une fine connaisseuse du sujet. Liam faisait donc conscience à Nöly, et essaya de masquer le fait qu’il ne comprenait pas grand-chose aux explications de Serenos. La « Grande Guerre », les « Trois Royaumes », les « Galadiens »... Autant de mots qui ne signifiaient rien pour lui, puisqu’ils faisaient référence à des notions qu’il ne connaissait pas.

« Très bien, finit-il par dire. J’espère que votre couronnement se poursuivra, alors... »

Il ne voyait pas trop quoi dire de plus, et s’écarta un peu. Serenos revint finalement à leur mariage, en évoquant son caractère politique, ce qui les fit sourire tous les deux. Nöly et Liam se regardèrent même brièvement, échangeant une œillade.

« On peut dire ça, oui... »

Serenos se rapprocha encore, et posa ses mains sur les épaules de Nöly, faisant preuve de cette étonnante familiarité qui avait déjà fait tiquer le Roi. Liam savait que les Mélisains étaient très tactiles, très proches les uns des autres. Ce n’était pas pour autant qu’il allait protester, mais il était tout de même assez gêné par cette proximité. De la jalousie ? Peut-être. Après tout, leur union était encore récente, et Liam, sans aller jusqu’à prétendre vouloir surveiller Nöly,  en était tout de même un peu gêné. Quoi qu’il en soit, Serenos, qui ressemblait vraiment à une femme, s’écarta encore de Nöly, et se retourna vers Liam, le complimentant à son tour.

Néanmoins, Liam était un homme au tempérament d’acier, peu apte à se laisser bercer par la flatterie. Néanmoins, sa dernière phrase l’interpella un peu. Une « aura très tendre »... C’était une phrase assez curieuse.

« Euh... Merci à vous, Sire Serenos. Je suppose... Qu’on peut dire ça, oui. Je suis tout simplement amoureux de Nöly, dirais-je...
 -  Et c’est pareil pour moi ! Navrée, Sire Serenos, mais vous arrivez trop tard ! »

Elle rigola, sans s’apercevoir du malaise que sa phrase pouvait engendrer. Liam se racla finalement la gorge, et reprit, sur un ton plus sérieux, évitant les badinages :

« Et que venez-vous faire ici, Sire Serenos ? Vous cherchez un allié politique pour vous aider à asseoir votre autorité sur Meisa ? »

Vu la description qu’il venait de faire de Meisa, c’était l’hypothèse la plus probable...

Navigation

[0] Index des messages

[#] Page suivante

[*] Page précédente

Utiliser la version classique