Plan de Terra > Le palais d'ivoire

L'Oiseau Noir et l'Or Blanc [PV: Elena Ivory]

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Serenos I Aeslingr:
1325 A.P.
Il y a vingt ans
Le port de Nexus était aussi animé que toujours. Serenos avait peine à y croire tant il y avait du monde. Le jeune Roi eut toute la peine du monde à quitter le quai où le navire marchand qui l'avait amené jusque là avait accosté, se faisant bousculer comme une brindille à droite et à gauche par tous les passants et officiers du port qui travaillaient avec acharnement pour faire circuler les marchandises et les passagers qui venaient d'arriver. Les ports de Meisa étaient certes très occupés avec le commerce fleurissant qu'il avait fait instauré en prenant le pouvoir en Meisa, mais au moins, lorsqu'il devait partir ou qu'il rentrait chez lui, le port était libéré juste pour lui. Mais pas ce jour-là. Cette fois-ci, Serenos allait visiter une très bonne amie, une personne qui avait ravi son coeur dans son adolescence, mais qui s'était récemment mariée. Comme il avait raté le mariage à cause de la guerre qui sévissait sur son continent à ce moment, il avait décidé qu'il était temps de présenter ses félicitations à la nouvelle mariée et à l'heureux élu qui avait gagné son coeur.

C'était la toute première fois qu'il visitait Nexus sans une garde rapproché, et pour être tout à fait honnête, il était très excité; pour une fois, il n'était pas en visite diplomatique. En fait, c'était la première fois qu'il visitait quelqu'un sans avoir en tête de nouer une alliance ou de participer à ce jeu ignoble auquel s'adonnait la noblesse. En comparaison, c'était comme aller visiter son voisin... sauf que celui-ci vivait de l'autre côté d'un océan.

C'est donc avec enthousiasme qu'il se présenta au poste d'identifiction... à la toute fin d'une file d'une centaine de personnes. S'il rechignait mentalement à l'idée de devoir faire la queue, il ne se sentait pas impatient. Au contraire; il suivit la file jusqu'à ce que ce soit son tour. Une étrange expérience pour un homme qui n'a jamais eu ce problème auparavant. Lorsque l'officier du port le fit approcher, il l'examina de haut en bas.

-Quel est le but de votre venue à Nexus, jeune demoiselle?
-Je suis un homme, monsieur...

L'officier haussa un sourcil étonné.

-Vous m'avez tout l'air d'une femme, pourtant.
-Je suis... de Meisa.
-Oh! Mes excuses, mon garçon. Moi et les éthnies, parfois.

Pour les Nexusiens, et assurément la plupart des gens du Continent, les jeunes Meisaens ressemblaient à de jeunes femmes, et il y avait une très bonne raison pour cela. Les Meisaens vieillissaient très lentement, ce qui leur accordait une jeunesse et une adolescence plus étirée. Les jeunes hommes comme Serenos n'avaient pas encore atteint l'âge où les caractéristiques masculines commencaient à se manifester; une voix aigüe, une silhouette élancée, des courbes qui ressemblaient à s'y méprendre à celles d'une jeune femme, il était tout à fait compréhensible que l'officier confonde les sexes. Et pourtant, en Meisa, il était également traditionnel que les adolescents mâles et femelles soient traités de la même façon. Les homme portaient donc des robes et étaient formés aux tâches ménagères jusqu'à ce que leur masculinité ne se manifeste. Dans certains, très rares, cas, il arrivait qu'un homme n'atteigne jamais cette maturité sexuelle, et donc conserve son apparence féminine jusqu'à la fin de sa vie. Il était donc traité par sa société comme une dame. Certains s'en accommodaient, d'autres cherchaient à prouver leur virilité par d'autres moyens, que ce soit la guerre ou les travaux physiques.

Sans prendre offense, le jeune Roi en civil se contenta de sourire.

-Je viens visiter une amie. Ce devrait être un séjour relativement court. Elle vient de se marier, voyez-vous?
-Heureuse nouvelle pour cette jeune femme, en ce cas, d'avoir un ami qui fait la traversée de l'océan pour la visiter!

Agréable officier que voilà. C'était plutôt déroutant, mais pas du tout déplaisant. Comme il était coutume de le faire, il examina le bagage de Serenos. Des vêtements de rechange, une bouteille de parfum, des cordes pour les cheveux, des bijoux dans une petite bourse, une lame de rasoir, des friandises... Serenos s'était préparé pour un voyage de courte durée.

-Tout me semble en règle, finit par dire le douanier. Possédez-vous une arme, jeune homme?
-Une seule, monsieur.

Serenos dénoua donc le cordon qui tenait en place le sac de toile pour dévoiler la garde de son épée, Ehredna.

-C'est une arme bien particulière à posséder, fit l'homme sur un air désapprobateur.
-Et la seule que j'ai emmenée, pour ma sécurité.
-Vous faites bien, concéda l'officier avec un air préoccupé. Les rues sont dangereuses par les temps qui courent. On ne sait jamais quand cela pourrait vous être utile. Très bien, je vous la laisse. Mais veillez à ne vous en servir qu'en cas d'extrème nécessité, jeune homme.
-Bien entendu!

Le jeune Roi s'empressa de cacher son arme et sourit à l'agent lorsqu'il lui remet son laisser-passer. C'était de nouvelles procédures pour les non-résidents dans beaucoup de pays pour éviter les conflits diplomatiques; tous les visiteurs devaient porter une identification sur eux pour qu'en cas de comportement inapproprié ou en cas d'arrestation, les ambassadeurs de leurs pays puissent organiser un procès. Après tout, tous les pays ne partageaient pas les mêmes lois ou les mêmes restrictions, et donc, dans certains cas, une plus grande compréhension et considération était accordée aux visiteurs.

Une fois libéré par l'officier, le visiteur s'empressa de quitter les lieux avec son bagage. Il avait fixé un rendez-vous avec la magicienne de la Cour pour avoir la possibilité d'entrer au palais sans être interrogé par la garde ou être forcé de dévoiler son identité. Jamiël avait fixé le rendez-vous au Square du Soleil, une des grandes agoras de la Cité qui n'était qu'à quelques minutes de marche du Palais d'Ivoire. Serenos refusait d'être en retard, surtout que la magicienne avait l'habitude de lui faire des sermons lorsqu'il séchait ses classes pendant son éducation chez les Mélisi. Et comme toujours, à peine eut-il mit le pied au Square qu'il l'aperçut, près d'une fontaine. Le Roi s'empressa de masquer sa présence par magie et se faufila à travers la foule pour se glisser dans un angle mort de la magicienne... et posa un baiser sur sa joue ainsi involontairement offerte.

-Toujours aussi ponctuelle, Sagiërm Jamiël, dit-il d'un ton ravi. Comme vous êtes changée!

Sagiërm était un titre de politesse qui désignait en Meisaen une femme de grande sagesse, d'une grande patience. Jamiël n'avait peut-être que quelques années de plus depuis la dernière fois qu'ils ne s'étaient vus en personne, mais elle était toujours aussi ravissante, quoi qu'assurément plus féminine que le souvenir de Serenos lui laissait croire. Elle était devenue une jeune femme superbe, alors que lui n'avait, tout au plus, que prit quelques petits centimètres de hauteur.

Elena Ivory:
Allongée sur le lit, sentant le vent caresser ses cheveux, ses seins légèrement visibles sous la couverture du lit, cheveux défaits, Nöly Ivory observait le corps nu de son amant, fixant l’horizon en ayant les mains posées sur la balustrade. Nu, Liam Ivory fixait la mer, ne semblant visiblement guère se soucier du fait qu’il était nu comme un ver, ce qui amusait Nöly plus qu’autre chose. Vu la forte chaleur régnant dans cette petite chambre, Liam avait proposé de lui-même d’ouvrir la chambre, et laissa ainsi les rayons du soleil éclairer leurs corps en sueur. Nöly était toujours aussi magnifique, avec ses longs cheveux défaits. Liam tourna son visage carré vers elle, et l’observa brièvement. Un rayon de soleil éclairait son visage, et il en resta coi, muet devant tant de stupeur.

« Tu crois que je vais avoir un enfant ?
 -  Je serais déçu, si ce n’était pas le cas... »

La main de Nöly caressa tendrement son ventre. Un enfant... La femme qu’elle était devait bien admettre qu’elle attendait ce moment avec impatience. Il y avait certes la nécessité royale d’assurer une continuité au trône, mais, au-delà de ses obligations royales, Nöly avait juste envie de sentir la vie grouiller dans son ventre. Liam se rapprocha alors, et bondit sur le lit, venant l’arracher à ses pensées en lui volant un baiser.

« Liam... Ce n’est pas raisonnable !
 -  Ah oui... ? Mais je croyais que c’est ça que les Mélisaines aimaient...
 -  Liam ! Tu sais que je suis... Hmmmm... »

Nöly griffa les épaules de l’homme, en cherchant, quoique très faiblement, à le repousser, avant de gémir encore. Liam Ivory n’était pas encore réputé comme étant le « Lion de Nexus », mais, aux yeux de Nöly, il avait déjà l’étoffe d’un redoutable lion...


Le Square du Soleil était un agréable parc s’organisant autour d’un kiosque ressemblant à une forme de soleil, d’où le nom du square. Un endroit agréable situé dans les beaux quartiers de Nexus. Des gens de haute stature y déambulaient, généralement des courtisans, des bourgeois, des individus attendant patiemment ici de pouvoir se rendre à des rendez-vous au Palais d’Ivoire. Depuis les bancs du square, on pouvait d’ailleurs voir les hautes tours immaculées du Palais, qui se dressaient fièrement dans le ciel.

En ce matin, un agréable vent marin ensoleillait la journée, revivifiant les muscles et les cœurs. La mage Jamiël était particulièrement heureuse. Le mariage entre Nöly et Liam était un succès, et la guerre contre l’Empire d’Ashnard approchait de la fin. Les accords de paix organisés au sein des baronnies du royaume central de Gilead devaient permettre de mettre un terme à plusieurs décennies de conflits. Ce n’était maintenant plus qu’une question de jours avant que les colombes blanches n’apportent dans le pigeonnier les rapports faisant état de la signature du traité de paix. Jamiël était donc particulièrement heureuse, et ce d’autant qu’elle allait voir un vieil ami. Nexus comptait bien profiter de la signature du traité pour relancer de nombreux accords, et ainsi parvenir à rétablir l’ordre dans les contrées centrales de Terra, et aider Gilead à reconstruire les multiples terres dévastées par les conflits ashnardiens.

Jamiël sourit en le voyant approcher. D’une allure très féminisée, Serenos avait aussi bien changé, et elle l’embrassa aussi.

« Serenos ! C’est un plaisir de vous revoir ! J’espère que vous n’êtes pas perdu dans Nexus, cette ville est immense ! Même moi, qui y suis depuis plusieurs années, il m’arrive encore de m’y perdre ! »

Elle lui sourit tendrement, révélant ses multiples dents blanches, et enchaîna :

« Comment vous portez-vous ? Le voyage s’est bien passé ? »

Serenos I Aeslingr:
Serenos avait toujours trouvé que Jamiel était une belle femme, mais surtout il admirait son intelligence. Elle était si vive d'esprit que pendant qu'il était sous la tutelle de la famille de Nöly, Serenos dépendait énormément d'elle pour comprendre à la fois la langue et les notions qu'on tentait de lui inculquer. Après tout, la Langue Commune, ou Comrëntangle, n'avait été enseignée en Meisa que quelques années avant que Serenos ne monte au pouvoir, et donc était une langue que peu connaissaient, lui y comprit. Il s'était bâti chez lui une profonde admiration pour la magicienne, ainsi qu'une affection sincère. Elle était sa tuteure, et lui son pupille, tout au long de sa formation, avant qu'il ne soit arraché à ce bref bonheur pour être expédier dans le monde sordide de la politique Arane.

-Serenos ! C’est un plaisir de vous revoir ! J’espère que vous n’êtes pas perdu dans Nexus, cette ville est immense ! Même moi, qui y suis depuis plusieurs années, il m’arrive encore de m’y perdre !
-Oh, vous savez, j'ai le flair pour trouver les endroits!

C'était un odieux mensonge, mais entre magiciens, il était évident que Serenos s'était contenté de capter l'énergie de Jamiël pour la retrouver. Après tout, Nexus était énorme et tellement bourrée de détours, d'allées et d'avenues que pour un homme normal, mémoriser par coeur les directions pour se rendre aux différents endroits était simplement impossible. D'ailleurs, beaucoup de rumeurs disaient qu'en réalité, les certains habitants de Nexus ne connaissaient même pas la ville en entier; ils connaissaient leur quartier, ou district, et évitaient de s'aventurer dans les autres, parfois pour des raisons de caste, d'autres fois simplement par commodité.

La main de Serenos se glissa dans celle de Jamiel et il prit immédiatement la direction du palais, mais l'examinait de ses yeux curieux.

-Comment vous portez-vous ? Le voyage s’est bien passé ? demanda-t-elle soudainement.
-Euh...

Serenos lui raconta donc son départ, les disputes qu'il avait eu avec ses conseillers et généraux qui ne croyaient pas qu'il était bon pour leur contrée que le Roi s'en éloigne, surtout comme il était présentement sans héritier. Il évita évidemment de mentionner son mariage sans amour, la pression énorme que son épouse lui imposait, ou même ses peines à rejoindre le lit matrimonial. Après tout, Laryë ne l'aimait pas. Ils ne se sont mariés que parce qu'elle croyait que Serenos était une meilleure option pour Narthi que n'importe quel autre de ses prétendants. Entre eux, il y avait néanmoins un respect et un devoir; il était maintenant le Roi de trois grands Royaumes, mais ignorait tout du règne, alors qu'elle avait été formée, éduquée et entrainée pour être une Reine. Seulement, même si elle était ravissante, Serenos peinait à consommer leur union, d'une part parce que son coeur appartenait à quelqu'un d'autre, et aussi parce que... très honnêtement, la perspective d'être père à son âge, alors qu'il n'était même pas encore un adulte au sein de sa propre société, l'horrifiait.

Il lui parla également du périple; trois jours dans la pluie et les vents puissants au coeur de la Mer du Couchant, plus qu'il devait partager son aire de repos avec trois autres voyageurs. Il lui raconta cependant avec beaucoup d'excitation qu'il avait vu des Wyvernes des Mers, d'énormes lézards aquatiques qui vivaient dans la Mer. Bien que cette vue ne soit pas très spéciale en soi, puisque les Wyvernes des Mers étaient souvent aperçues par les marins, Serenos ne pouvait s'empêcher de détailler ce qu'il avait ressenti et à quel point il trouvait ces bêtes majestueuses. Ses premiers voyages avaient été... peu confortables et ne lui laissaient pas vraiment l'opportunité de voir de telles choses, c'était donc sa première traversée en tant qu'homme libre.

-Et vous, Jamiel? Maintenant que Nöly est mariée, ne sentez-vous pas le désir de fonder votre propre famille? J'ai souvenir que vous aviez un grand nombre de soupirants Mélisains!

Pendant qu'il parlait, le Roi s'était à peine rendu compte qu'ils étaient déjà rendu au palais. Les gardes reconnaissaient évidemment Jamiel, mais pas "sa jeune accompagnatrice", et leur regard s'attarda un moment sur Serenos et son épée. Les gardes s'interposèrent.

-Veuillez nous pardonnez, dame Jamiël, mais nous ne pouvons pas autoriser votre amie à entrer avec son arme. Mademoiselle, veuillez me remettre votre épée.

À cette simple demande, Serenos se montra instinctivement réfractaire, mais tourna la tête vers Jamiël; devait-il vraiment se départir de son arme? Pas qu'il se sente en danger, mais Ehredna n'était pas une épée ordinaire, et se séparer d'elle avait un grand prix que Serenos ne voulait payer qu'en cas d'extrème nécessité.

Elena Ivory:
« Il n’y a aucune honte à l’admettre, Nexus n’est pas la plus grande ville du monde pour rien... »

Jamiël était sincère. Même aujourd’hui, elle se perdait encore ! Les Îles Mélisi étaient minuscules en comparaison. Jamiël avait entendu parler de l’immensité de Nexus, par le biais des marins qui l’évoquaient, tout comme Nöly. Mais, pour autant, quand les deux femmes étaient arrivées à Nexus, elles n’en avaient tout simplement pas cru leurs yeux. Nexus était... Gigantesque, tout simplement. C’était une ville dans laquelle on ne s’ennuyait pas, mais où on se fondait dans la masse. Il n’y avait guère que le Palais d’Ivoire qui dominait l’immensité de la ville, donnant très aisément la folie des grandeurs.

Jamiël marcha donc le long du parc, souriant quand Serenos lui prit la main... Et le laissa faire. Serenos lui raconta alors son long voyage pour rejoindre Nexus. Meisa était plutôt éloignée de Nexus, de sorte que le voyage était plutôt long, mais aussi l’occasion de voir bien des choses fascinantes. Terra recelait après tout de merveilles en tout genre.

« Des Wyverns des mers... J’en ai déjà vu une fois, ce sont des créatures très impressionnantes. Et vous n’avez pas croisé de sirènes ? Ce sera peut-être pour une prochaine fois... »

Les Nexusiens étaient proches de la mer, mais les Mélisains vivaient dans la mer, près d’un vaste océan. Ils étaient proches du royaume océanique d’Arcnos, peuplé de sirènes. C’était plus ou moins le dernier royaume connu avant le Grand Océan, où tous les dangers étaient possibles. Là aussi, Jamiël en savait quelque chose. Serenos avait en tout cas fait bon voyage.

Jamiël sourit intérieurement. Tandis que le duo s’approchait de la sortie du parc, il lui demanda si elle comptait se marier, elle aussi.

« Pour l’heure, pas vraiment... Je fonderai une famille quand je trouverai quelqu’un pour en fonder une avec moi. Il ne faut pas brûler les étapes. Et toi, j’ai eu ouï-dire que tu allais bientôt te marier, non ? »

De simples rumeurs qui circulaient dans les coursives du Palais d’Ivoire, mais Jamiël ne savait pas jusqu’à quel point elles étaient fondées. Après tout, Meisa était éloignée, de sorte que les informations obtenues sur ce royaume étaient toujours à prendre avec des pincettes de rigueur. Jamiël n’insista guère. Est-ce que Serenos lui faisait du charme ? L’idée l’amusait, mais elle savait qu’il avait toujours été davantage attiré par Nöly.

« En tout cas, Nöly sera très heureuse de te revoir... Et je crois que tu n’as jamais vu Liam, non ? Il est... Bien différent de ce que Nöly craignait. »

Le mariage entre les deux avait été motivé par des raisons politiques, mais ils s’aimaient vraiment. Liam avait tenu à s’en assurer avant d’accepter la main de Nöly, venant la voir discrètement la nuit, s’entretenant avec elle, mais respectant la tradition, ce qui fait qu’ils avaient fait l’amour pour la première fois après avoir été unis par les liens sacrés du mariage.

Tout en dévissant, le duo rejoignit l’entrée du massif Palais d’Ivoire, immense structure juchée sur une énorme falaise. Les gardes postés à l’entrée refusèrent l’entrée à Serenos, et Jamiël sourit doucement.

« Je me porte garante de Serenos Sombrechant, au demeurant Roi de Meisa, Messieurs. Il est l’invité officiel de Madame la Reine. »

Les gardes se regardèrent entre eux, visiblement circonspects, ne s’attendant pas à ce qu’un Roi se travestisse. Une erreur commune chez bon nombre de gens, les Meisaens ayant tendance à rester très efféminés pendant de nombreuses années. Jamiël parlait en connaissance de cause, car elle aussi s’était déjà fait prendre à ce piège.

« Et son épée dispose d’enchantements magiques qui fait qu’ile st plus sage de la laisser sur lui. Vous ne croyez tout de même pas que le Roi de Meisa pourrait en vouloir à la vie de la Reine ou du Roi ?
 -  Hum...
 -  Très bien, très bien, Dame Jamiël, nous ne pouvions pas savoir. »

Jamiël les remercia, et le duo rentra. Ils rejoignirent ainsi la cour d’entrée du Palais d’Ivoire, un parvis en marbre très blanc, avec plusieurs fontaines, de multiples drapeaux, et une façade colossale.

« Plutôt grand, non ? Je me sentais tellement minuscule la première fois que je suis venue ici... Et je ne te parle pas de Nöly, elle était tellement terrorisée que la première chose qu’elle a demandé à Liam, c’était l’emplacement des toilettes ! » se remémora Jamiël, riant elle-même au souvenir de cette anecdote.

Et, maintenant, c’était au tour de Serenos de contempler le Palais d’Ivoire...

Serenos I Aeslingr:
- Pour l’heure, pas vraiment... Je fonderai une famille quand je trouverai quelqu’un pour en fonder une avec moi. Il ne faut pas brûler les étapes. Et toi, j’ai eu ouï-dire que tu allais bientôt te marier, non ?

Décidément, les nouvelles voyageaient plus vite que les navires et pigeons qui étaient censés les transporter. Serenos regarda ses talons, avec embarras.

-Je suis déjà marié. Mon épouse... n'est pas très friande de ma présence.

Il lui raconta alors comment il était venu à prendre le pouvoir de Narthi; alors que ses armées et ses hommes s'échappaient à travers les galeries creusées sous la Crête Neigeuse, Serenos avait mis définitivement fin aux hostilités entre lui et le Roi Uther en mettant fin à ses jours.

-Ca été... l'une des plus dures décisions de ma vie. Uther voulait garder l'Empire hors de son Royaume, tout comme feu mon père, mais refusait de reconnaître que l'Empire ne serait jamais découragé. Et ces dissentions dans notre armée rendait la situation plus délicate. Uther n'était ni un guerrier, ni un politicien, il ne désirait être Roi que pour avoir une couronne sur la tête et des servantes dans son lit.

C'est avec un air blessé qu'il parla alors de Laryë, la seule et unique princesse de Narthi. Celui qui viendrait à l'épouser serait Roi de Narthi, chef de ses armées, maître de ses terres et Souverain du Nord en entier. Pour gagner sa campagne, il lui fallait cette armée, puisque Talion XVI lui-même était trop lâche pour se dresser contre l'armée Arane. Il avait donc admit son acte à la princesse. Il lui avait parlé de la mort de son père, et sa main dans l'histoire. À sa grande surprise, elle s'était révélée très compréhensive de ses intentions. En tant que princesse d'un royaume, elle avait compris que son père était trop faible pour diriger le royaume et le protéger. Néanmoins, son amour pour son père, lui, n'avait rien d'un devoir; elle l'aimait sincèrement, et pour cela, aucun pardon n'était possibe. Ils ont été mariés rapidement, mais Serenos n'avait toujours pas partagé sa couche. Avec l'aide de l'Armée de Narthi, les Aranes fut anéanti après trois ans de guerre, et Serenos fut également sacré Empereur d'Aranie, dont les terres fusionnèrent avec celles de Narthi. C'était au fond ce que désirait le précédent Empereur, mais plutôt qu'une guerre d'invasion, c'était une guerre défensive qui tourna à l'avantage des envahis.

Serenos chassa ensuite doucement la conversation de sa main.

-Ne parlons plus de mon mariage, je vous prie. Ma Reine n'est on ne peut plus heureuse que je sois loin d'elle. Pour elle comme pour moi, en dehors de nos devoirs, nous préférons ne pas nous voir...

C'était aussi un mensonge. Dans le ton du Roi, il était clair qu'il se souciait de sa nouvelle Reine et que les conséquences de ses choix lui causaient énormément de tort. Il se racla la gorge dans une tentative assez inutile de chasser son malaise, puis repris un sourire lorsque la dame changea de sujet, parlant plutôt de Nöly et de Liam.

-Elle m'en avait un peu parlé dans ses lettres. Je suis heureux d'apprendre qu'ils s'entendent mieux que ce qu'elle semblait craindre. Liam est un homme chanceux d'avoir Nöly dans sa vie, et j'espère qu'il soit un homme digne d'elle.

Il y avait une petite pointe d'envie dans les mots qu'il prononcait, évidemment, car l'affection romantique qu'il éprouvait pour Nöly dans sa jeunesse n'était rien de nouveau pour Jamiël, mais Serenos n'avait plus cet amour brûlant qui lui prenait le coeur dès que l'on mentionnait le nom de la Reine de Nexus. Au contraire, il semblait que malgré son apparence, il ait beaucoup mûri, à défaut d'avoir crût, et il semblait démontrer un détachement nouveau, plus respectueux, alors qu'il n'y avait pas quelques années.

Pour en reprendre là où nous en étions plus tôt, les gardes tentaient d'empêcher le Roi d'entrer en raison de son arme, le méprenant tout d'abord pour une femme, puis le traitant comme un citoyen normal. La première partie, il était habituée, mais la seconde lui avait secrètement fait plaisir. Il n'avait jamais été traité ainsi auparavant. Ce n'était pas la première fois qu'on bloquait son chemin, et assurément pas la dernière, mais le jeune Roi appréciait le changement de régime. Être traité de façon normale lui plaisait beaucoup.

Une fois les gardes derrière eux, le Roi se hissa sur la pointe des pieds et murmura.

-Vous savez, Jamiel, nous devrions peut-être éviter de mentionner ma royauté à d'autres personnes. Le Conseil n'est pas au courant de ma visite... et j'aimerais rester discret. Et puis... j'aimerais éviter que moi ou Nöly ne devions parler politique, aujourd'hui.

Car chaque visite officielle ne tournait autour d'un seul sujet; la guerre, le commerce et la diplomatie, et pour une fois qu'il était hors de Meisa, loin de Laryë et loin de ses soucis, le Roi comptait bien passer ses vacances à l'étranger avec des gens désintéressées de son pouvoir, et rattrapper le temps perdu avec une personne qui lui avait horriblement manqué, puisque la guerre ne laissait pas grand place aux relations personnelles.

Après quelques secondes, le voilà dans la cour d'entrée. Serenos vit l'imposant palais d'Ivoire dans toute sa splendeur. Moins large que le Palais Impérial, certes, mais tellement... imposant et grand qu'il se sentait, comme le disait si bien Jamiël, tout petit devant un tel chef-d'oeuvre d'architecture. En voyant la plus haute tour, le Roi ne put s'empêcher de se demander s'il pourrait voir l'entièreté de la Ville-État de là-haut. Il se sentit même un peu faible des genoux devant une telle beauté.

-C'est... c'est magnifique. On m'en a déjà fait un portrait oral, mais ce n'est rien comparé à le voir en personne... Ma foi, je n'aurais pas assez de fonds dans ma trésorerie pour engager le personnel requis pour garder tout dans un tel état!

Comme un enfant devant une nouvelle attraction, Serenos semblait peiner à contrôler son envie de partir découvrir le Palais d'Ivoire, une structure que, dans quelques années, il connaîtrait aussi bien que sa propre demeure. C'était après tout un énorme bâtiment, avec des siècles d’histoire, et le Roi voulait l’explorer de fond en comble. Mais il y avait un temps pour tout, et aujourd’hui, il voulait surtout passer du temps avec ses vieux camarades d’études.

Il passa donc un bras autour de celui de Jamiël et lui adressa son plus beau sourire. Comme les gardes, il était parfois difficile de ne pas voir Serenos comme une jeune femme plutôt qu’un homme, et parfois même le roi se permettait de se laisser prendre au jeu.

-Nous pourrions aller faire une blague à Nöly! Est-ce que vous auriez des robes et du maquillage?

Serenos avait un énorme sourire sur les lèvres. Décidément, il voulait que ses retrouvailles soient mémorables, et cocasses. Noly ne l’avait pas vu depuis des années, et il voulait surtout troubler le jeune Liam, qui devait sûrement déjà s’attendre à un Roi, et même si les meisaens ressemblaient souvent à des demoiselles, mais pour ce qui est de s’affubler de vêtements féminins… moins fréquent, pour ainsi dire.

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