Dernières traces d'un calepin précieux. [Valimuté]

Jour 1

On me dit que je présente des symptômes qui pourraient mener à une amnésie temporaire, chronique ou permanente. Il est donc temps de commencer ce petit carnet, à part de mes notes d'investigation, afin de pouvoir me souvenir toujours de qui je suis. Je vais tenir ce calepin assez régulièrement, je n'ai pas envie d'oublier quoi que ce soit. Commençons par le commencement. Mon nom est Eunis Neira, j'ai 26 ans et je suis né le 15 Novembre. Je suis un homme, même si je doute l'oublier un jour... et pitié, ne me faites pas oublier mon hétérosexualité.

Pourquoi je pense pouvoir oublier ce genre de détails, de toute manière ? Et pourquoi les mentionner ? Bah, il est normal pour un humain de se soucier de ce genre de détails, je suppose... Cela me semble être un bon début. Je consignerai quelques détails supplémentaires demain.

Jour 2

Autant continuer à écrire dans ce carnet, à propos de tout et de rien. Surtout, noter les détails évidents. Si l'amnésie me guette, ce sera ce qui me semblera le plus évident qui me sera difficile à retrouver. Je suis détective privé, et fumeur. Ce sont deux détails que je peux retrouver en fouillant mes poches, mais si je perds la mémoire je ne saurai pas où se trouvent mes dossiers, ni mes clopes. Et ça pourrait être embêtant. Donc je le note ici : j'habite au numéro 11, rue de Villeverte à Seikusu. C'est au nord, ce n'est pas compliqué. J'habite au premier étage, le rez-de-chaussée étant mon bureau. Mes dossiers sont donc au rez-de-chaussée et mes clopes au premier étage. Il faut que je trouve un moyen de consulter ce carnet à coup sûr si jamais j'ai une panne de mémoire.

Je chercherai un moyen plus tard. Ce n'est pas urgent, j'ai encore toute ma tête. Le plus important, en ce moment, c'est de consigner tout ce que je peux à propos de moi, mes connaissances, mes liens avec le monde... Commençons par moi. Même si c'est stupide, il vaut mieux que je me décrive, non ? Si jamais je me retrouve défiguré. Une photo ne suffira pas, il vaut mieux que je fasse une description.

Allez, ça peut paraître ridicule, mais quand il faut le faire, on doit le faire. Donc je vais m'observer dans le miroir et tout ira bien. Le ridicule ne tue pas. Ce qui ne tue pas rend plus fort. Alors être ridicule me rendra plus fort.

La première chose que je vois est mon teint plutôt sombre, une sorte de bronzage qui provient en partie de mes origines. Le pays du soleil levant est un endroit où un nordique comme moi devrait être en train de brûler, mais je ne suis pas totalement nordique. Mi-japonais, mi-finlandais. J'ai hérité du nom de mon père et d'un prénom atypique, mais j'ai hérité de la langue et du teint de ma mère. La forme de mon visage est plus carrée que ce que je croise dans la rue ou au travail, donc je pense que ça vient de mon père. Tout comme ma corpulence, d'ailleurs. Du haut de mon mètre 85, je dépasse la foule d'une bonne tête. J'ai renoncé à coiffer mes cheveux, d'un brun plutôt foncé. Du moins la partie droite. Le côté gauche se laisse coiffer. Mes yeux ne sont pas bridés, étrangement. Je dois tenir ça de mon côté européen. Je n'ai pas grand chose d'autre à dire, si ?

Bon, c'était mauvais et très embarrassant à écrire. Mais c'est fait. Qu'est-ce qui pourrait être intéressant à écrire... Mon attitude, ma manière de penser, tout ce qui se rapporte à ma personnalité. C'est ce qui pourrait disparaître si j'oublie tout. Il est temps de faire une petite introspection.

Que suis-je, sur le point de vue psychologique ? Disons que je suis un humain, j'ai donc mes qualités et mes défauts. Ma première qualité et mon premier défaut, c'est l'honnêteté. Je suis très honnête, voire un peu trop. La vérité est une vertu que je garde profondément ancrée en moi, et adoucir mes propos, ce serait cacher un peu la vérité. Que dire d'autre... je suis quelqu'un d'assez naïf, mais méfiant à la fois. Même si je prends du recul de temps en temps, je reste quelqu'un qui va prendre des propos pour argent comptant. Tout en me demandant si les propos en question ne sont pas un tissu de mensonges. Ensuite, je pourrais parler de mon côté fouineur. Ce n'est pas de la curiosité, non. Je ne saurais pas poser un mot sur ce que je ressens, mais c'est un devoir pour moi de rechercher la genèse et la conclusion de tout ce qui m'intrigue. Il ne s'agit pas de curiosité, puisque je ne suis pas vraiment curieux.

Je ne suis pas du genre à aller chercher mes clients. Ils viennent à moi, et je ne suis pas l'homme qui ira se mêler des affaires des autres sans une bonne raison. Quoi d'autre... même si je le regrette, je ne sais pas vraiment m'amuser. Je suis toujours un peu sérieux, peu importe la situation. Ceci pourrait s'arranger si je perdais la mémoire, soit... mais je suis ce que je suis, et cela ne veut pas dire être parfait. Tout ce qui compte à ce point, c'est de rester cette personne obsédée par une seule chose : le désir de savoir et de comprendre. L'extase d'être dans mon monde lors d'une investigation, ou plutôt de faire de mon investigation un monde à part entière.

Ca devrait être assez pour aujourd'hui. A partir de maintenant, il faudrait que je me concentre sur mon passé. Le plus important, si jamais je perds la mémoire. Je ne me laisserai pas dominer par la menace : je dominerai la menace.

Jour 3

Je ne sais pas grand chose de ma vie comme enfant. Je n'en ai déjà pas grand souvenir. J'en ai tout de même quelques bouts, par-ci par-là. Comme par exemple les circonstances de ma naissance. Mes parents se sont rencontrés lors d'un voyage touristique au Japon, il y a trente ans de cela. Mon père n'est jamais revenu de ce voyage. Il est resté au Japon, s'est installé là-bas. A Ikebukuro. Quatre ans plus tard, je naissais et plus jamais on n'a revu mon père. D'après ma mère, il est parti un matin en prétextant aller chercher le journal. Quand elle est remontée dans sa chambre, les affaires de mon paternel n'étaient plus là et celui-ci était déjà loin. Il n'a pas pu supporter la responsabilité d'être père.

J'ai vécu seul avec ma mère jusqu'à mes dix ans. Elle a ensuite trouvé quelqu'un d'autre, celui qui s'avère être mon beau-père aujourd'hui. Je n'ai jamais vraiment eu de problèmes avec lui, ni n'ai eu de réelles affinités. Mon enfance a été banale, en soi. Une scolarité sans encombres, j'étais un bon élève sans vraiment m'intéresser à mes études. Ce qui me passionnait vraiment à l'époque ? Je ne sais plus. Ma passion pour l'enquête s'est déclarée vers la fin de mon adolescence. Et c'est devenu ma vie à partir d'ici. J'ai coupé les ponts avec ma famille à la fin de ma scolarité. J'avais travaillé à côté pour me constituer assez de fonds pour ouvrir mon propre cabinet dès que possible. Et à dix-huit ans, j'entrais donc dans la vie active. Enfin, active... aussi active qu'elle pouvait l'être. C'est à dire un client tous les trente-six du mois et une rémunération minable. J'ai été obligé d'enchainer les petits boulots pour survivre, et les fins de mois étaient extrêmement difficiles.

Et c'était à ce moment que l'inspiration m'a frappé. J'en ai déjà assez mis pour aujourd'hui, je pense. Je parlerai de mes débuts demain, ce sera plus simple.

Jour 4

Le coup d'inspiration, ce fut mon premier client important. Il s'agissait du PDG d'une entreprise assez importante pour une affaire d'adultère. Mon premier grand dossier, qui a lancé ma réputation. Ce PDG avait des doutes sur la fidélité de sa femme pendant que lui travaillait au siège de sa firme. J'ai donc enquêté sur elle durant un mois. Chaque jour, je faisais un rapport détaillé à mon client qui en était enchanté, bien qu'un peu dépité. L'affaire s'est terminée le jour où j'ai réuni toutes les preuves nécessaires pour prouver qu'elle avait non pas un, mais trois amants. Et que chacun de ses amants se pensait amant unique. J'avais tout ce qu'il fallait. Témoignages de gérants d'hôtels, photos compromettantes, enregistrements audio et avant tout les aveux des trois amants, rédigés et signés.

J'ai été appelé à témoigner durant le procès pour le divorce. J'ai été appelé en tant que détective privé, et non pas en tant que témoin. Ce fut un grand moment pour moi, avoir la reconnaissance de la Loi elle-même. J'ai exposé tout ce que je savais, ainsi que mes preuves et les preuves que mes éléments n'étaient ni falsifiés, ni inventés. Le procès s'est terminé en faveur de mon patron de client, qui m'a remercié et m'a payé bien plus que ce que je ne l'aurais imaginé.

Lorsqu'il s'apprêtait à partir, je lui ai demandé pourquoi il m'avait choisi moi, à la place de n'importe quel détective privé avec une certaine renommée. Ce qu'il m'a répondu alors, je m'en souviendrai toute ma vie, mot pour mot. A moins, bien sûr, que l'amnésie me frappe. «Pourquoi ? Simplement parce que je savais que vous n'alliez pas bâcler ce dossier.»

Et cette inspiration, ainsi que la renommée qu'elle m'a donné, a fait de moi ce que je suis devenu. Un gardien de la vérité, peu importe à quelle point elle sera douloureuse.

Jour 5

Cela ne suffisait plus. Nombre d'affaires se sont avérées infructueuses, et j'ai compris comment la plupart des "grands" gardaient leur réputation. Falsification. Ils falsifiaient les éléments afin d'apporter à leurs clients non pas la vérité, mais une vérité qu'ils recherchent. Mon prochain dossier et mon prochain client étaient tout trouvés : j'allais être mon prochain client, et exposer toute cette falsification au public. Même si je m'auto-détruis dans la procédure, il était de mon devoir de le faire. Et je ne comptais pas fuir mon devoir.

J'ai passé deux ans à retracer tous les dossiers concernés. J'ai passé deux ans à comprendre ce qui s'y passait. Et il m'a fallu deux jours pour faire mes affaires et quitter Ikebukuro, après avoir donné mon compte-rendu à la presse locale, qui s'est empressée de tout divulguer le matin suivant. Le lendemain, j'ai reçu une caisse entière de lettres diverses : remerciements et menaces confondues, preuves que je n'avais pas tout falsifié moi-même. J'ai passé la matinée à répondre à tout le monde, et l'après-midi entière à faire mes cartons. Je connaissais du monde sur Seikusu, il ne m'a pas fallu énormément de temps pour m'installer dans un vieux local au nord. J'ai dû abandonner mon travail pendant quelques temps, le temps de rénover ce que j'avais acheté pour quasiment rien.

Ma réputation m'avait précédé. La presse elle-même avait parlé de mon déplacement. Pour un détective privé, la renommée n'était pas quelque chose qu'il fallait que je conserve, et je pensais que tout cela avait été trop loin. Mais un miracle arriva. Les médias m'oublièrent, ma renommée s'était estompée. J'avais de nouveau un nombre de clients convenables. Tout va bien, à part un diagnostic.

Ce que j'ai entendu il y a cinq jours de cela, les risques pour que je devienne amnésique. Du moment que je tiens ce carnet, je n'ai pas à m'en préoccuper.

Ce carnet a été retrouvé au domicile de la victime, M. Eunis Neira. Seules les informations des cinq premiers jours étaient encore présentes dans le calepin. Le reste des pages a été sauvagement arraché. L'enquête continue, en absence de suspects. Le meurtre de M. Neira reste un mystère complet, en absences de preuves, de témoins et de suspects.

20 Septembre 2023, 14:55.

Bienvenue ^^

Merci.

Je peux me tromper, mais je dirais rebienvenue

Rebienvenue.

Merci, merci. :D

Bonsoir et bienvenue !

Je te valide ! Bon jeu à toi !