Erreur fatale de débutant [Phoebe]

Un sourire dans la nuit...
Quartier de la Toussaint, 23h53. Les gens peu fréquentables sont de sortie ici, voleurs, assassins, dealers, prostituées, proxénètes... Et violeurs. Au détour d'une ruelle, les badauds évitaient de savoir qui gémissait ainsi, derrière le vide-ordures. des sanglots, et des gémissements étouffés par une main plaquée contre sa bouche.
Elle avait les yeux noyés des larmes qui perlaient le long de ses joues. Ses yeux terrifiés, faute de pouvoir croiser le regard de son assaillant, fixaient les smileys qui ornaient son chapeau. Comme si ces petites décorations la blâmaient, et se riaient d'elle. Sous ce chapeau, elle distinguait le sourire prédateur de cet homme, cet homme qui l'avait soudainement poussée vers cette ruelle où on y voyait à peine plus loin qu'une longueur de bras, pour lui couvrir la bouche et relever sa jupe. Il n'avait pas perdu de temps pour abaisser son bermuda et la prendre avec violence contre le mur froid. Elle était, comme les autres victimes,jolie, âgée d'à peine la vingtaine, n'ayant fait pour seule erreur que de se promener seule dans un quartier mal famé, alors qu'X-SMYLE était de sortie. La suite du programme? Il allait la finir, et la brûler vive pour qu'on ne puisse pas l'identifier.
Quelques minutes plus tard il venait en elle. Elle n'avait plus la force de se débattre, mais il appuyait plus sur la bouche pour éviter qu'elle ne crie davantage. Il releva son chapeau, et l'embrassa. Elle pouvait enfin voir ses beaux yeux noirs, et voir aussi que c'était lui, l'homme qui lui avait fait des avances dans le café où elle travaillait, cet après-midi même. Il susurra:

"Tu es... Presque aussi belle qu'elle."

Ce n'était pas tous les jours qu'il comparait ses "partenaires" à sa femme en personne. Mais les traits et les courbes de la jeune femme avaient en effet quelques points communs avec Aphrodite. Avec quelques imperfections d'humains. Il recula d'un pas, et ses yeux devinrent orange alors qu'elle plaquait ses mains sur sa gorge en se tordant de douleur. Les cordes vocales de la jeune femme brûlaient de l'intérieur par un simple regard du jeune homme. Elle ne pouvait plus crier, alors il brûla tout le reste. Tout. Os, muscles, organes, cheveux, vêtements. X-SMYLE rabaissait son chapeau et demeurait devant elle, jusqu'à ce qu'elle ne reste qu'un squelette cramoisi et partiellement détruit.
Et puis il l'entendit, ce petit cri de stupeur. A environ trois mètres à sa gauche, un homme plutôt costaud et aviné venait d'assister à la combustion spontanée de la jeune femme. X-SMYLE se tourna vers lui, et lui, il tourna les talons, détalant aussi vite qu'il le put. Sortant de la ruelle il tourna, l'extrémité de son manteau s'enflamma à cause de la boule de feu qui l'avait suivi et qui s'était écrasée sur un dealer et son client. Le pyromane poussa un "et merde", et se lança à la poursuite du témoin gênant. Heureusement la rue n'était pas fréquentée, il n'eut à brûler vifs que trois personnes qui l'avaient vu courir après l'homme. Il finit par le rattraper, le retourner pour lui faire face et lui envoyer un poing enflammé dans la mâchoire. Ensuite de quoi il lui balaya des jambes pour le faire tomber, et fit apparaître du magma à l'intérieur de son cœur.
Il se tourna. Des cadavres cramés dans toute la rue. Un vrai travail de cochon. Il attendit que les corps se trouvent dans le même état que la femme qu'il avait violée, et se fit la malle en passant par des chemins à l'abri des regards.

Le lendemain matin, Pierre se levait en s'étirant. Il sortit de sa chambre, et fila sous la douche nettoyer les traces sur lui. Il retourna ensuite dans la chambre, vêtu d'une serviette, et ouvrit l'armoire pour prendre ses affaires. Et c'est là qu'il eut un déclic, qu'il se rendit compte de son erreur monumentale. En devenant X-SMYLE, il avait entreposé ses vêtements normaux dans la ruelle, cette ruelle où il avait violé et tué une jeune femme la veille. Dans la précipitation, il en avait oublié ses habitudes. Il piocha des vêtements et quitta le manoir. Il fallait supprimer cette preuve dangereuse.

23h53. A cette heure-là, Phoebe dormait du sommeil du juste. Elle dormait d'un sommeil sans rêve. Calme et presque éthérée dans la lueur du clair de lune qui filtrait par ses rideaux mal fermés. Elle n'entendis pas les sirènes des ambulances et des flics passer devant chez elle. Elle dormira ainsi toute la nuit, jusqu'à ce qu'un coup de fil la réveille à 5h30.

Étouffant un bâillement, elle prit son portable et décrocha, alanguie dans ses draps de teinte grenat.

« Phoebe à l'appareil. »

« C'est Dave. Faut qu'tu t'ramènes au poste. Y a eu un crime cette nuit. Et c'est loin d'être normal. »

« Hmm.. Dans combien de temps ? »

« Au plus tôt. Un quart d'heure ça serait bien. »

« Hmm. Okay. J'arrive au plus vite. »

Et ça raccrocha. Pas d'allusion mutines destinées à la déstabiliser, juste un ton grave, sérieux. Impérieux. Et le son de la conversation qui se termine. Phoebe acheva d'émerger. Elle passa sous la douche, cinq minutes, et s'habilla directement de son uniforme. Elle fourra une tenue civile dans son sac, et ses armes. Sa plaque accrochée à sa ceinture, ses clés en mains, elle attrapa un pain au chocolat dans le frigo et quitta son appart. Ses cheveux étaient encore humides dans son dos, et elle ses essora avant de s'asseoir au volant. Ensuite, tout en mangeant, elle roula vers le comissariat. Un quart d'heure après, elle franchissait les portes de son lieu de travail. Elle n'avait pas fait deux pas que la porte du Commissaire s'ouvrait en grand.

« Par ici Phoebe. »

Elle hocha la tête et entra. Tous ses collègues étaient sur le pied de guerre. On la briefa rapidement, et tout le monde se rendit sur les lieux du carnages. Il y avait encore des relents de chair brûlée, carbonisée. Toute une équipe de légiste était là. Des photographes aussi. Et, inévitablement, la presse. En sortant de voiture, ils durent se frayer un chemin parmi les vautours des journaux à scandales. Phoebe s'arrêta à la lisière d'une ruelle où il y avait un squelette carbonisé. Elle était la première à pénétrer dans cette ruelle, les légistes ayant à faire avec les quatre autres squelettes non loin. Elle fronça le nez et examina d'abord ce qui restait du corps. Un légiste arriva derrière elle.

« Individu de sexe féminin, étant donné la forme du bassin. Excusez-moi mademoiselle, poussez-vous un peu. »

La blonde obtempéra et se décala, auscultant la ruelle. Il faisait sombre, mais à l'aide de la lampe torche fournie par ses collègues, elle éclaira méthodiquement chaque pouce du lieu, en quête d'indice sur le type de créature ayant fait ça. Son regard fut attiré par une pile de vêtements, comme si quelqu'un s'était changé. Elle se retourna, ayant l'intention d'appeler un photographe, lorsqu'elle s’aperçut que des civils avaient réussis à passer le barrage de la police. Et plusieurs se dirigeaient vers là où elle était. Heureusement, ses collègues allaient intervenir. Phoebe chercha donc un photographe du regard.

Vêtu d'un T-shirt God Of War surmonté de sa sempiternelle veste en jean qui allait avec son pantalon, il lui avait fallu trente minutes à pied pour rejoindre la scène de crime. Il se fit la remarque que le chemin direct en marchant prenait autant de temps qu'en se faufilant dans l'ombre par des chemins détournés. Là, franchement, c'était la merde. Policiers, légistes, photographes, journalistes et passants. Un vrai troupeau. Pour qu'il y ait autant de monde ici à même pas six heures du matin, c'était vraiment la poisse. Il se fraya un chemin parmi la foule et arriva aux abords du cordon jaune. Il y avait facilement une quinzaine de personnes ici, et une femme avait déjà mis la main sur ses vêtements. Les brûler maintenant indiquerait que le coupable était ici. Et si quelqu'un voyait ses yeux changer de couleur, c'était cuit. Son portefeuille avec ses papiers d'identité étaient restés dans sa poche. Il paniqua, le visage déformé d'effarement. Il franchit le ruban:

"Non! Non! NON!"

Il courait vers l'entrée de la ruelle en évitant les agents qui surveillaient la zone. Ils étaient moins nombreux à cause de la troupe qui passait le barrage un peu plus loin. Arrivé près du vide-ordure, il s'arrêta net. Mais qu'est ce qu'il foutait? Autant brandir une pancarte où il était écrit "c'est moi le tueur". Alors il s'approcha du corps de sa victime, tomba à genoux et hurla, pour monopoliser l'attention. Il attrapa le bas de la chemise de Phoebe, en criant:

"Sheryl! C'est Sheryl c'est ça? Elle m'a téléphoné, je... Je lui ai dit de faire attention mais... Elle n'est jamais rentrée à la maison!"

Il faisait mine de sangloter, c'était pas la première fois qu'il faisait semblant. Il avait les yeux humides, et affichait un air triste. En réalité, si ses yeux étaient humides, c'était parce ce qu'il venait de s'éclater les genoux contre le bitume, en se laissant tomber. Et quelque chose derrière la flic attira son attention. Deux hommes en costard cravates, avec des lunettes de soleil et des oreillettes comme dans les films présentaient leurs badges à un officier. Ils se présentèrent en ces termes:

"Services internes du Japon. On soupçonne ce cas de faire partie intégrante du dossier X-SMYLE. Ce dossier d'investigations rédigé par votre police aurait dû être classé depuis longtemps."

Merde, merde, merde! C'était l'enfer là, il était vraiment coincé! Des flics, des agents, et la presse qui diffusait tout ça en direct! Il tira à nouveau sur la chemise de Phoebe:

"Faut que vous m'aidiez! Ces mecs-là, c'est des yakuzas! Ils m'ont mis la pression il y a quelques jours, ils ont dû revenir effacer les preuves! Je vous en supplie, aidez-moi!"

Un photographe approchait. La blonde lui fit signe de se presser. Il était à prendre les photos, avec une petite règle pour mettre à l'échelle, et il lui fit enfin signe qu'elle pouvait y aller. Elle enfila ses gants de protection et souleva un à un les vêtements, les fouillant rapidement avant d'en retirer quelques objets. Chaque vêtement et chaque objet trouva sa place dans un sac destiné à recevoir les preuves. Mais avant qu'elle n'ait pu mettre le dernier objet, un portefeuille, un homme arriva. "Et merde...". Elle fronça les sourcils, et leva un bras pour demander à un de ses collègues de ralentir le jeune homme qui arrivait, mais trop tard. Il se figea, au niveau de vide-ordure, et fit les quelques pas qui le séparaient de la victime de manière plus lente. Comme s'il avait eu un choc en voyant le squelette calciné. Phoebe grimaça. Encore un proche d'une victime. Ou alors quelqu'un dont une personne proche n'avait pas donné de nouvelles. Ce qui, dans un cas comme dans l'autre, état plus gênant qu'autre chose sur une scène de crime. Elle esquissa un geste pour se boucher les oreilles lorsqu'il hurla, mais se retint. Elle commençait à se sentir mal. Oppressée. Mais ne voyait rien qui signala les habituels monstre qu'elle reconnaît ainsi. Elle reposa son regard sur l'homme hurlant après avoir jeté un coup d’œil environnant.

La blondinette ne s'attendait toutefois pas à ce que l'homme s'agrippe à elle. Elle vacilla, et posa ses mains sur les épaules de l'éploré pour se rattraper. Et la sensation qui était ténue jusque là refit surface plus brusquement. Son coeur se serra, elle était à la limite du malaise. Et elle avait la nausée. Pourquoi donc ? Elle capta les phrases du jeune homme et s'efforça de le réconforter, d'une voix faible cependant. Elle ne pensais pas que ce soit lui qui ait déclenché ses nausées et ce sentiment d'oppression. Il avait l'air parfaitement normal, humain. Alors quoi... ?

« Chut monsieur... Nous ne... Nous ne pouvons pas encore déterminer de qui il s'agit pour le moment. Le... C'est en trop mauvais état. Il nous faudra des analyses plus poussées pour ce faire. Je... »

Elle ne finit pas sa phrase. Des agents à la Men In Black approchaient. Phoebe se redressa, lâchant les épaules de l'individu chagriné. La sensation de malaise s'atténua un peu. Elle put reprendre son souffle, et se dresser face à ces hommes "du service interne du Japon". Elle esquissa un sourire froid. Elle prit aussi l'un des badges pour l'examiner, vérifiant son authenticité. Elle le rendit en grimaçant un peu. Il avait l'air parfaitement en règle. Les propos tenus par celui qui parla lui fit grincer des dents. Elle allait répondre lorsqu'à nouveau le civil attira son attention. Toujours un peu nauséeuse, elle fronça les sourcils. Elle lâcha le porte-feuille alors qu'elle posait ses mains sur celles du jeune homme. Immédiatement, elle eut à nouveau mal au coeur. Mais ça finit par s'atténuer.

« Calmez-vous monsieur. Nous allons tirer ça au clair. Je.. Je vais vous aider. Mais il faudra que vous répondiez à quelques questions tout à l'heure. »

Elle se tourna vers les deux hommes en noirs ensuite et les gratifia d'un regard sévère et son ton était glacial lorsqu'elle s'adressa à eux en ces termes :

« Quant à vous messieurs... Vous êtes peut-être du Service Interne du Japon, mais vus semblez oublier que mon unité est indépendante et à tout pouvoir sur une scène de crime.. Comme celle-là. Et si le dossier X-SMYLE n'est pas classé, c'est parce qu'il n'est pas résolu. Nous ne sommes pas comme les autres commissariats. On ne classe pas les dossiers par faute de preuve. On cherche, et tous nos dossiers sont résolus. Je dis bien TOUS. Et comme vous le voyez, nous avons peut-être eu raison de ne pas le classer, s'il s'agit bien d'X-SMYLE à nouveau. »

Elle termina par un regard furieux et à ce moment-là ses collègues arrivèrent.

« Tout va bien Phoebe ? »

« Parfaitement bien. Ces messieurs des Services Internes du Japon venaient juste nous dire bonjour. Ils allaient s'en aller, car ils n'ont pas l'autorité nécessaire pour nous faire classer le dossier X-SMYLE, où pour se mêler de notre enquête en cours... N'est-ce pas ? »

Les deux hommes en noirs, des Yakuzas selon le civil éploré et paniqué, étaient furieux. Cela se voyait à la contraction de leurs mâchoires, de leurs poings. Mais Phoebe était intraitable, et ses collègues haïssaient autant qu'elle les autorités japonaises, car les autres commissariats classaient des dossiers, fautes de preuves, sur leurs ordres. Cela hérissait la conscience professionnelle de chaque bon flic. Heureusement que la Brigade Spéciale Terra avait été dégagée de l'influence des autorités, et soumise à un seul règlement, scrupuleusement suivi par tous les membres de la brigade. "'Font chier...".

"T... Tout ce que vous voulez!"

On aurait pu penser qu'il jouait la comédie, mais pas du tout. Pierre était vraiment paniqué, bien que la raison diffère de ce qu'il voulait bien dévoiler. Pour le moment, il devait s'en remettre à la personne qui était la plus proche de le percer à jour. Il ne pouvait malheureusement pas ramasser ni détruire le portefeuille, trop tard, elle savait qu'il était là. La flic congédia les deux hommes, Pierre se tint la tête en retournant près du cadavre. Les agents partirent, l'un d'eux lâcha en tournant les talons:

"Étrange, je sens que cet homme n'est pas étranger au dossier..."

La police suspectait davantage les témoins que les proches de la victime. Cependant, Pierre avait déjà été confronté à X-SMYLE, puisque ce dernier avait entièrement détruit son appartement il y avait à peine une vingtaine de jours. Galère, si on découvrait que l'homme qui pleure la morte a déjà été mêlé à l'affaire, on aurait des soupçons. Ne pas décliner son identité... Ne pas prendre le portefeuille... Sauf si...
Les yeux fixant le sol, il cachait sa hargne en tournant le dos à tous. Ses yeux se teintèrent d'une lueur orangée, et l'homme qui venait de parler se tint soudainement l'estomac. Son acolyte lui demanda si ça allait, ce à quoi il répondit:

"Brûlure d'estomac. J'ai dû mettre trop de vinaigre dans ma salade hier... Et ma femme qui veut que je fasse un régime!"

Ce qui s'était formé à l'intérieur de son estomac? Une minuscule boule de feu. Prête à exploser d'ici une heure en lui détruisant tout son appareil digestif. D'ici une heure, il serait parti. D'ici une heure, personne ne pensera que c'était Pierre. Il posa sa main sur l'épaule de Phoebe, pour l'interpeller:

"Je crois que ce malade en a après moi! Il explose mon appartement, tue ma copine... J'ai peur, mademoiselle!"

Ah ça oui, il avait peur. Il se pencha pour ramasser le portefeuille, et l'ouvrit avec précipitation.

"Je veux savoir qui en a après moi! Je le trouverai avant qu'il ne mette la main sur moi!"

Une flammèche apparut soudain sur l'objet qu'il tenait en main. La lueur de ses yeux avait été si brève, qu'on aurait juste pensé au reflet de la flamme dans ses yeux. Il lâcha l’objet dans un sursaut, qui s'enflamma en touchant le sol. Pierre s'excusa:

"Le feu, je... J'ai une peur bleue du feu... Je suis vraiment désolé!"

Il s'assit par terre et fit mine de chercher un morceau de carte utilisable quand le petit brasier fut éteint. Façon subtile de vérifier si les preuves avaient bien été effacées. C'était le cas. Parfait. Les yeux encore humides, il relevait la tête vers la jeune femme.

"Je vous dirai tout ce que vous voulez, mais s'il vous plait, tenons-nous à l'écart de tout ce monde. Si ce type a été assez malin pour piéger ses papiers d'identité, je serai pas surpris qu'il nous espionne à travers la pièce. Il est peut-être même déjà là!"

Il se releva, et regarda à nouveau Sheryl. Où avait-il pioché ce nom déjà? Ah oui, c'était un de ses flirts. Il mima un haut-les-cœurs, et commença à quitter la ruelle par l'autre côté.

"Je n'en peux plus... La voir dans cet état, c'est au-dessus de mes forces..."

Elle allait le suivre... Il le savait, elle ne pouvait pas le laisser entrer et sortir impunément après avoir involontairement détruit des preuves matérielles. Il fallait juste s'éloigner des témoins. Prendre le portefeuille, et faire comme le gars des services internes. C'était tout bête, alors ça devait marcher...

Les collègues de Phoebe s'en allèrent également, dès que les agents des services internes du Japon s'en allèrent. La blondinette se retourna ensuite vers le proche supposé de la victime encore inconnue. Les légistes diront après autopsie s'il s'agit bien de Sheryl, mais en attendant, c'était la meilleure hypothèse qu'elle avait. Elle dévisagea un instant le jeune homme, l'ayant déjà vu quelques part. Possiblement dans ce même dossier X-SMYLE. Elle fronça les sourcils, mais ce fut l'exclamation qu'il poussa qui la renseigna. "Mais oui !". Ce jeune homme était celui dont l'appartement avait été ravagé par les flammes de ce X-SMYLE. Elle n'avait pas cillé lorsqu'il avait posé sa main sur son épaule, mais à présent la nausée revenait. Elle réprima l'envie de poser sa main sur son coeur pour faire cesser cette sensation d'oppression et lui retourna un sourire compatissant. C'est vrai que vu comme ça... Si cette femme carbonisée était bien cette "Sheryl"... Il n'avait pas de chance, et pas de quoi être rassuré. Son appart', sa copine.. "Pauvre type... Qu'est-ce qu'il a pu faire pour mériter ça ?".

« Je suis désolée monsieur. On.. Nous allons vous mettre sous protection policière dans ces cas-... Non ! Laissez ceci ! On ne touche pas aux preuves sans... ! Monsieur... »

"Trop tard... Putain !". Elle allait poser sa main sur l'objet pour le récupérer quand il le laissa tomber après qu'une flamme eut fait son apparition. Phoebe prit l'air dépité. C'était peut-être la seule façon d'identifier formellement l'agresseur de ces humains.

« Oh non... Ce... Ce n'est pas tout à fait votre faute... Mais cette flamme... Comment.. ? »

Elle observait le petit tas de cendre que le jeune homme fouillait. Elle réfléchissait. Peut-être que les gars du labo pourraient en tirer quelque chose ? Elle s'accroupit aux côtés du civil, hochant la tête brièvement avant de tirer un sac en plastique de sa poche et d'y glisser un maximum de cendres. Avec un peu de chance, il resterait des bout lisibles... Elle relevait la tête pour parler au jeune homme que déjà il s'esquivait. "Normal... Avoir le cadavre calciné d'une femme qui est peut-être sa copine... Elle se releva précipitamment, confiant les cendres à un de ses collègues, et le suivit en trottinant pour le rattraper.

« Monsieur... Je comprends votre trouble, mais il faut respecter le protocole. Je... Bref. On va trouver un endroit tranquille alors, et je vous poserais mes questions... Puis-je savoir votre nom avant ? »

Elle soupira de dépit en suivant le civil, faisan un signe pour rassurer ses collègues. Elle allait juste l'interroger, et il n'avait pas l'air d'un criminel, non ? Au pire, elle était armée. aussi bien pour la chasse aux vampires qu'aux loups-garous ou encore aux harpies. Elle n'était pas une débutante, nan mais ho ! Toutefois, elle ressentait toujours cette étrange sensation qui l'avertissait quand elle était près d'un individu étranger à la Terre... Mais pourquoi avec ce jeune homme ? Hmm.. Peut-être que c'était un loup-garou... Ou un métamorphe... Ou autres... Finalement, les X-Men étaient pas loin de la vérité. Il existait des individus dotés de capacités spéciales. Très spéciales parfois.

« Ha tiens... Cette immeuble-là... Il y a un local réservé à l'administration. Il n'y a personne à cette heure-là. Suivez-moi. On y sera au calme, et je pourrais faire mon travail. »

Calmement, la blonde se saisit du bras du jeune homme pour l'entraîner avec elle, passant le cordon de sécurité, foudroyant du regard des badauds un peu trop entreprenant, et s'avançant vers un immeuble de trois étages plutôt délabré. Comme le quartier d'ailleurs...

"Je m'appelle Alexander Spade! Vous... Vu les circonstances, vous pouvez m'appeler Alex!"

Jamais il n'aurait cru que les jeux de rôles serviraient à X-SMYLE. Mais bon, c'était pratique pour s'inventer un nom et une identité rapidement. Il s'inventerait au fur et à mesure, pas besoin de se donner des détails traîtres. Elle fit un signe à ses collègues. Un plan à l'eau. Si quelqu'un  l'avait vue partir avec lui, il ne pouvait plus la tuer à ce moment-là non plus. Il allait se farcir un interrogatoire pour rien. Ce serait tellement plus facile, l'éloigner du monde, sans se faire voir, et juste la tuer...
Elle lui indiqua une bâtisse déserte. C'était bien, mais inutile. S'il la tuait là-dedans, même en simulant sa propre mort avec elle, on finirait par le reconnaitre. Réfléchir, juste jouer le jeu, attendre une occasion. Pierre prenait bien trop de précautions pour se faire coincer aussi bêtement, non? Elle le tirait par le bras, et l'amena dans le local dont elle parlait. Elle était bien tenue au courant sur le quartier. Ouais, c'est un bureau de fonctionnaires quoi. Il referma la porte derrière elle. Les stores abaissaient filtraient la lumière du jour à travers les lamelles de plastique, dessinant des stries lumineuses sur le bureau et le sol. Ils étaient seuls, et il ne pouvait pas faire grand chose. Il chercha une agrafeuse des yeux, un quelconque objet assez lourd pour l’assommer en frappant fort. Réfléchissant à cent à l'heure, X-SMYLE élaborait un plan qui servirait non seulement à se débarrasser d'elle, mais aussi à se disculper. En attendant, il devait jouer le jeu. Il retira sa veste, la posa sur le dossier d'une chaise, et s'assit sur le bureau.

"Allez-y, interrogez-moi. Je suis prêt à tout pour retrouver le salaud qui a fait ça."

Diablement jouissif, cette façon de jouer avec le danger, de se faire passer pour une pauvre victime. Et puis, au cas où...

"Vous devez savoir au cas où, Sheryl... Officiellement, c'était pas moi son copain... Je l'aimais mais... Je n'étais que son amant."

Comme ça, pas trop de questions indiscrètes, et ça parait à d'éventuels témoignages d'amis qu'elle pouvait avoir reçu. On excluait directement le crime passionnel, même dans ce cas, il n'aurait pas utilisé du feu, lui qui le craignait comme la peste. X-SMYLE et Pierre n'étaient jamais que des masques, mais autant qu'ils soient crédibles.

« Alors vous pouvez m'appeler Phoebe. »

Tout en conduisant Alexander vers la bâtisse, Phoebe faisait une liste de question dans sa tête. Elle entra dans la pièce, songeuse, et s'accota au mur alors qu'il se mettait à l'aise. Elle ne dit pas un mot, se contentant de l'observer pour le moment. Elle sourit toutefois, rassurante. Elle ferait tout pour l'aider, dans la mesure du possible. Il paraissait si bouleversé... Elle en était émue. Mais elle ne devait pas se laisser émouvoir dans son travail. Elle pouvait se montrer aussi compatissante qu'elle le voulait, elle ne devait pas s'impliquer émotionnellement. Jamais.

Pendant qu'elle l'écoutait, elle parcourait la pièce du regard. Il y avait là tout un arsenal de matériels de bureau. Agrafeuses, stylos, dossiers, gommes, post-it, etc... Il y avait aussi une armoire à pharmacie grande ouverte accrochée sur le mur. Le dernier qui avait pris de l'aspirine (le paquet était ouvert et bien en évidence) avait été un vrai sagouin. Tout était ouvert. Il y avait aussi des pansements, des sirops, et même un médicament contre le mal de mer. Étrange. Surtout que la substance utilisée pouvait être considérée comme de la drogue. la personne qui en inhalait devenait un vrai pantin, à ceci près qu'elle paraissait normale, juste un peu fatiguée. "Faudra faire une descente ici... Au cas où y ait d'autres produits pas très légaux...".

Elle releva la tête lorsqu'il mentionna le fait qu'il n'était pas le copain officiel de sa Sheryl. Juste l'amant amoureux.

« Oh.. Et bien.. D'accord. Je... J'ai déjà vu ce genre de situation.. Et s'il s'agit effectivement de Sheryl, nous devrons interroger son copain. Voyez-vous un inconvénient à ce qu'on mentionne ce fait si nous en sommes obligé, Alex ? »

Elle attendit un peu, pour sa réponse, et embraya directement sur la suite de ses questions.

« Donc... Que faisait Sheryl, s'il s'agit d'elle, par ici de nuit ? As-t-elle mentionné qu'elle devait voir quelqu'un ? Où travailles-t-elle ? Et vous ? Que faites-vous dans la vie ? Vous habitez loin d'ici ? »

Entre chaque question, elle laissait un temps de pause. Pour permettre au jeune homme de répondre. Elle se frotta les temps à la fin. Apparemment, plus elle ignorait la sensation de malaise, plus elle se renforçait. Elle devrait se mettre à chercher, et  identifier l'être responsable de ceci, mais elle ne voyait qu'Alex autour d'elle, et il ne pouvait sérieusement pas être... Un monstre... N'est-ce pas ?

« Pouvez-vous aller me chercher un sachet d'aspirine s'il vous plaît ? Ils sont à côté du médoc' contre le mal de mer. Leur boîte est semblable, leur contenus et sachet aussi. L'aspirine c'est la boîte déjà ouverte. Je vais me chercher un verre d'eau, je reviens. »

Et pendant ce temps, elle alla se remplir un verre d'eau dans la pièce d'à côté, une sorte de cuisine réservée au personnel. Elle revient bien vite dans la pièce, un grand verre d'eau fraîche à la main.

« Vous voulez quelque chose à boire peut-être ? »

"Voyez-vous un inconvénient à ce qu'on mentionne ce fait si nous en sommes obligés, Alex ?"

C'était un genre de question piège, c'est ça? Question d'usage sans doute... Non? Ah, bien, le confident idéal, qui sait garder les secrets d'une liaison! Oui? Alex passerait pour le type qui entrave l'enquête pour préserver sa personne. Alors...

"Bien sûr que j'y vois un inconvénient. Mais si c'est vraiment nécessaire, alors faîtes-le. De toute façon, ce type était déjà au courant, non?"

S'en suivit une avalanche de question, il ne sut y répondre directement. Il faisait mine de chercher ses mots, alors qu'il cherchait juste quel baratin lui sortir. Observateur, il remarquait qu'elle se sentait mal. Migraineuse, nauséeuse? Il réfrénait une envie de lui cogner les tempes pour l'assommer et s'en débarrasser bien gentiment. Sauf qu'elle avait un flingue, et que si il la ratait... Bref, il voulait faire ça proprement, plutôt que de se retrouver dans un cercle vicieux où il passerait son temps à arranger ses propres conneries. Elle lui demanda de lui trouver un aspirine, pendant qu'elle irait se chercher de l'eau. A peine avait-elle quitté la pièce qu'il fondait sur l'armoire à pharmacie, en fouillant les médocs, en en sortant plusieurs.

"Vous voulez quelque chose à boire peut-être ?"

Une occasion en or! Il ne pouvait pas la rater. Il commençait à ouvrir les boites qu'il avait sorties, sortant divers cachets, gélules et autres pastilles. Au boulot, pas de temps à perdre.

"Je prendrai bien un thé à la menthe, s'il vous plait."

Il n'aimait pas le thé à la menthe, il n'aimait pas le thé du tout. Seulement le temps qu'elle fasse chauffer l'eau et qu'elle trouve les sachets de thé, il aurait le temps de se mettre au travail. Il fallait faire vite. Ses années de fac ne lui avaient pas servi qu'à jouer les cobayes pour Tekhos: il avait eu le temps de voir les cas d'overdose, en légisme. Alors il trafiquait les médicaments.
Il ouvrit une gélule d'anti-douleur, en vida le contenu, puis écrasa avec son poing un cachet pour le mal de mer, et aussi un sédatif, et un somnifère. Ça ne serait pas suffisant. La dose n'était pas assez forte. Il en fit deux autres gélules, et épousseta la poudre restante par terre, avant de tout planquer sous le bureau. Il rangea ensuite rapidement tous les médocs qui n'avaient pas à être sortis, et se rendit dans l'autre pièce, présentant les gélules à la policière avec un sourire bienveillant:

"Vous n'aviez pas l'air bien, j'ai pris la liberté de chercher des antihistaminiques."

Comme il n'avait pas l'air convainquant, il se justifia à travers des réponses qu'il daigna enfin lui donner.

"Sheryl bosse dans un café, un peu plus loin, elle devait rentrer un peu plus tard hier soir, et me rejoindre à l'hôtel, parce que je vis à Otsu. C'est à une demie-heure de train d'ici, je fais quelques études modeste en médecine là-bas. Je compte devenir légiste, pour travailler aux côtés de la police."

Il s'affirmait comme étant pleinement dans son camp. Il espérait qu'elle le croie, et qu'elle prenne enfin ces foutues gélules, pour qu'il la tienne, enfin, et qu'il s'en débarrasse dans les règles de l'art.

Trop confiante, trop naïve. La blonde alla dans la pièce d'à côté, ne soupçonnant même pas un coup fourré de la part de celui qu'elle prenait pour un amoureux éploré et encore sous le choc. Elle hocha la tête sans répondre quand il demanda un thé à la menthe. Cherchant un peu dans les placards, elle finit par dénicher une théière électrique pour faire chauffer l'eau. Elle la mit en route, après l'avoir remplie, et farfouilla à la recherche d'un sachet de thé. Bon, il n'y en avait pas à la menthe. Elle pris le paquet quand même, pour proposer une alternative à la menthe. Puis elle se chercha un verre qu'elle rempli d'une eau bien fraîche. Lorsque la théière siffla, elle la retira du feu et la versa dans un grand mug décoré d'un mickey. Original. Elle masqua un rire, et prit la tasse, le paquets de sachets de thé ainsi que son verre et retourna dans la pièce d'à côté.

« Merci. C'est aimable à vous. Alors j'ai trouvé du thé, mais il n'y en a pas à la menthe. Faites votre choix Alex. »

Pour sa part, elle allait juste prendre deux des trois gélules. Elle savait que les anti-histaminiques avait un effet un peu soporifique sur elle, passé la seconde. Elle préférait souffrir encore un peu mais rester concentrée suffisamment pour pouvoir finir sa journée. Elle le remercia une nouvelle fois d'un hochement de tête, et avala les deux gélules, l'une après l'autre, à grand renforts d'eau fraîche. Elle se posa ensuite sur ue chaise, non loin du jeune homme, et nota soigneusement ses réponses sur un petit calepin qu'elle sorti. Puis elle reposa ce dernier sur sa cuisse, ayant toujours cette sensation de malaise. Elle décida d'ailleurs de mettre le jeune homme au courant? Après tout, il s'agissait probablement de son amante qui était dans la ruelle. Il avait le droit de savoir que son meurtrier rôdait encore par ici.

« Ecoutez Alex. Je.. Mmh. Il y a quelque chose que je dois vous dire, vous êtes après tout le premier concerné. Celui qui a fait ça, c'est.. Un être surnaturel. Je ne sais pas encore de quel type d'être il s'agit, mais croyez-moi. J'ai une sorte de.. Radar interne.. Pour les détecter. C'est ce qui me fait me sentir un peu mal en ce moment. Et ça ne se produit que lorsqu'un être surnaturel est dans les parages. A proximité. C'est pourquoi je crois qu'il nous observe toujours. Comment, je l'ignore. Mais je vous le dis pour que vous soyez sur vos gardes et je.. Oh.. Je... Je crois que je vais rester assise un moment. J'ai encore d'autres questions à vous poser de.. De toutes manières... »

Elle vacilla légèrement sur sa chaise. Le malaise qu'elle ressentait s'atténuait un peu. Mais son acuité aussi. Elle.. Semblait sur le point de s'endormir. Déjà, elle avait les doigts gourds et les muscles comme endoloris. Elle réprima un bâillement, et chercha à dénouer ses muscles, dodelinant légèrement de la tête. Et tout se passa très vite. Comme une chape de plomb lui tomba devant les yeux. Elle eut à peine le temps de gémir qu'elle se sentait mal qu'elle lâchait déjà le calepin et le verre d'eau avant de se retenir gauchement à la chaise tandis que ses yeux se fermaient.

« Ooh, je... Me sens... Mal... »

Son malaise ne durerait pas aussi longtemps que si elle avait pris les trois gélules, mais une petite demi-heure sans aucuns doutes..

Elle se sentait mal? La tête lui tournait? C'était le but. Feignant l’inquiétude, Pierre attrapa la flic par les épaules en lui parlant, lui disant de tenir bon, de rester avec lui. Pourquoi? Par pur sadisme. C'est au moment où elle ferma les yeux et que sa respiration se fit plus lente qu'il sourit, l'allongea par terre en exhibant ses dents et passa à l'action.

Il se dirigea d'abord vers une fenêtre, observant l'activité au-dehors. Il y avait encore des flics qui s'activaient, et des passants pour regarder. Il avait besoin de les faire partir, et d'en tuer tout en lavant Pierre de tout soupçon. C'est pour cette raison qu'une nuée d'araignées faites de flammes apparut sur les toits des maisons du quartier, y compris le local, et fondait vers la foule comme une coulée de lave. Ce fut très vite la panique, sur plusieurs minutes des gens furent piqués et paralysés par le venin, et certaines des créatures flamboyantes entraient dans la bouche de leurs victimes pour exploser dans la chaleur de leurs entrailles. Cohue, émeute, scène de crime saccagée, policiers débordés et en proie à l'hystérie collective, fuite. Pierre ricanait.
Il fit volte-face vers la femme inconsciente qui gisait sur le sol, tout souriant. Il avait du temps devant lui. Il retira tous ses vêtements, les plia soigneusement et les posa sur une chaise de bureau de façon très ordonnée, comme l'étaient ceux qu'il avait laissés plus loin dans la rue. Et qu'il devait à tout prix récupérer. Et puis sa tête se couvrit d'un chapeau orange, orné de smileys, un collier de perles rouge, un bermuda noir... Reluquant Phoebe, il s'approcha de son corps immobile, et ne perdit pas de temps. Il déboutonna sa chemise, et la posa sur le bureau. Il défit sa ceinture, prit les armes et la paire de menottes, et les posa sur le bureau. Il la déchaussa, puis retira son pantalon, et posa le tout sur le bureau. Puis enfin il fouilla les poches, garda la clé des menottes en poche et déplaça sa captive en petite tenue vers le radiateur éteint, passant la chaîne entre les barreaux du chauffage et lui liant les mains. Au moins, même si elle se réveillait, il avait tout son temps.

Il retourna au bureau, attrapa les armes de la femme et déchargea le flingue, jetant le chargeur dans une corbeille avant de faire chauffer le bout du canon si bien qu'il pouvait le refermer juste en le pinçant assez fort. Il ne fallait prendre aucun risque cette fois-ci. Pour ce qui était de la matraque, arme rudimentaire mais symbole de l'autorité d'un flic, il la garda intacte et la laissa sur le bureau, ayant un bon nombre d'idées sur l'usage qu'il pouvait en faire vis-à-vis d'une jolie jeune femme menottée et à demi-nue. Il repliait les effets personnels de Phoebe en fredonnant l'air d' "Hearts on Fire" comme si c'était les siens, puis jeta à nouveau un regard lubrique, armé d'un sourire pervers vers sa prochaine victime.

Il déplaça sa chaise en la faisant racler sur le sol, puis s'assit devant elle, à distance de sécurité tout de même, attendant qu'elle ouvre les yeux.

Il patienta...
Longtemps...
Au final, trois gélules auraient été de trop pour lui. Le fait de rester ainsi dix minutes à essayer de faire tenir son chapeau sur la tranche au bout de son index avaient semblé aussi interminables que ses siècles monotones à forger des objets magiques haut de gamme. Alors quand la policière sembla manifester ce qui paraissait être un réveil, il revissa son couvre-chef au sommet de son crâne, et accueillit la demoiselle avec un ton chaleureux bien trop mielleux pour être celui d'un honnête citoyen. Il faut dire aussi qu'il se rinçait bien l’œil au passage.

"Bon retour parmi nous, Phoebe-chan. Bien dormi?"

Le verre d'eau se brisa à terre alors que le calepin y trempa allègrement. La jeune enquêtrice des Brigades Spéciales glissa de sa chaise également et s'effondra sur le sol comme une poupée de chiffon. Elle s'était probablement cogné la tête en tombant, et aurait soit une petite bosse, soit un bleu. Soit les deux.

Pendant qu'Alex, ou plutôt le type que Phoebe croyait être Alex, s'activait, la respiration de la blondinette resta paisible. Inconsciente du danger, inconsciente du chaos au-dehors. Son bipeur sonna plusieurs fois au début, mais sans réponse. Et puis, au bout d'un moment, après que le jeune homme eut fait tout ce qu'il avait à faire, elle manifesta des signes de conscience. Ses paupières papillonnèrent, ses muscles se tendirent avant de se détendre, elle bougea doucement, et gémit en redressant la tête. Le malaise signalant un être anormal s'était atténué, comme s'il s'était dit qu'elle était prévenue maintenant, qu'elle n'avait qu'à faire gaffe à elle.

Et c'est là que Phoebe pris conscience qu'elle était pratiquement nue, attachée à un radiateur. En se redressant légèrement, elle tressaillit au contact du métal froid. Elle planta son regard sur l'homme en face d'elle. Alex ? Non... Quand même pas... Alex ne pouvait pas être ce fameux X-SMYLE, non ? Si ? Elle  croyait pourtant qu'on soupçonnait un certain Pierre... Perdue, Phoebe cligna des yeux.

« A...Alex ? C'est.. Vous ? Vous êtes.. X-SMYLE ? »

Elle articula difficilement, reprenant peu à peu ses esprits. Elle avisa dans un coin les vêtement pliés du jeune homme. Et les siens. Elle grimaça en voyant l'état de son flingue. Mais se rasséréna en voyant sa matraque intacte. Puis son regard retourna se fixer sur l'homme.

« Pourquoi... ? Et... Que... Quelle est cette odeur.. ? Oh non... Non... Vous n'avez pas... »

Elle venait de sentir la fumée qui s'échappait des corps carbonisés au-dehors qu'elle ne pouvait voir. Une odeur de... chair brûlée. Elle eut un haut-le-coeur.

« Ce... Ce n'était pas vraiment votre amante, n'est-ce pas ? S'appelait-elle seulement Sheryl ? »

Au lieu d'être effrayée, ou de le laisser paraître plutôt, Phoebe raisonnait logiquement, tentant de comprendre, de rassembler toutes les pièces du puzzle. Inconsciente du danger, ou bien trop naïve ?

Bien sûr que si, elle avait été son amante. Pas longtemps non, juste le temps qu'il fasse ce qu'il avait à faire dans son entrejambe. Ce souvenir était aussi plaisant que de constater l'impuissance et la naïveté de la policière. Diablement jouissif! Il éclatait de rire face à son trop plein d'assurance, à la bêtise de ses questions dont les réponses étaient maintenant évidentes. Surtout qu'elle n'était pas en position de mener son petit interrogatoire, elle n'était d'ailleurs pas en position de faire quoi que ce soit. Mais puisqu'elle semblait confuse, autant éclaircir certains points:

"Elle est autant Sheryl que je suis Alexander. En raisonnant ainsi, je suis autant X-SMYLE que tu es un problème, Phoebe-chan!"

Une façon de lui dire qu'elle devait faire ses propres déductions. Si l'une des identités était vraie, l'autre aussi, et vice versa. Ça ne l'avançait pas beaucoup, mais c'était une façon de lui montrer qu'il pouvait lui répondre sans montrer une quelconque trace d'obéissance. Il était un terroriste tout puissant, alors qu'elle, sans sa plaque, ses armes et son uniforme, n'était qu'une faible femme menottée à un radiateur. En sous-vêtements qui plus est.

Il se leva et attrapa un objet sur le bureau, puis revint s'accroupir à côté de Phoebe. Ce qu'il venait de prendre? Il lui colla sous le nez en souriant. Le téléphone portable de la blonde.

"Juste au cas où on t'appellerais, je vais le garder en main. A vrai dire, Phoebe-chan, il y a une raison pour laquelle tu es toujours en vie. Tu as donné mes vêtements à tes collègues et je veux que toi, tu les récupères avant que tes copains ne trouvent quelque chose de compromettant."

Il lui empoigna le sein gauche et serra. Ça devait être assez douloureux. Lui trouvait ça amusant et excitant. Son sourire était toujours en train de barrer son visage, ses yeux étaient grands et fous, et la température de sa main commençait à monter en flèche, comme s'il l'avait collée un bon quart d'heure devant un âtre.

"Je vais pas le cacher, que tu m'aides ou pas, pour le moment tout porte à croire que tu vas mourir, Phoebe-chan. Si tu ne m'aides pas, ce sera du gâchis. Et en plus, tu vas souffrir. Beaucoup souffrir. Pour rien en plus, imagines-tu peut-être qu'une prison, une forteresse, des chaînes, des menottes, des chiens et des gardes peuvent m'arrêter? Je suis X-SMYLE! Je n'ai juste pas envie de passer mes vacances en cavale!"

Le mot "vacances" lui avait échappé. Il la lâcha, se releva, et fit volte-face, dévoilant le tatouage de son dos. Il baissa la tête, marqua une pause et finit par ajouter:

"A moins que tu ne souhaites subir le même sort que cette fille... Pour plus de clarté, appelons-la Sheryl veux-tu?"

Phoebe s'efforçait de ne pas faire attention à l'odeur persistante qui flottait dans l'air. Elle concentra son attention sur le jeune homme. Alex. Ou plutôt X-SMYLE, comme il le confirma au fil de ses tirades.

Elle fronça les sourcils et serra les dents quand il s'en prit physiquement à elle, sa main enserrant douloureusement son sein gauche. Mais elle ne pipa mot. Elle défia volontairement le brun du regard, s'autorisant même un petit sourire narquois. Elle grogna juste légèrement quand elle sentit la main étrangère chauffer contre sa peau. Mais ça ne l'empêcha pas de répliquer avec assurance au jeune homme.

« Là, c'est un environnement familier pour moi. »

Alors qu'il se relevait, elle put observer son tatouage dans son dos. Elle le grava dans sa mémoire, avant de continuer.

« Les individus comme toi ne méritent même pas la prison. Mon unité se charge de les éliminer pour qu'ils ne fassent plus aucuns mal aux humains. Et je te garantis que tu peux toujours courir pour tes fringues. A l'heure qu'il est, elles sont au labo en train d'être analysées. Bientôt, constatant le désastre sur la scène de crime, mon unité fera le lien avec ce jeune homme que j'ai accompagné dans un endroit plus tranquille. »

Elle eut un reniflement méprisant.

« Et cette jeune femme... Je ne suis pas comme elle. Je ne suis pas aussi faible. »

Oui. Phoebe était résistante. Autant aux coups qu'aux pouvoirs. C'est justement ce qui faisait d'elle l'atout de son unité. Celle qui pouvait approcher les monstres sans problèmes pour les capturer.

« Dis-moi donc... Pourquoi passer ses vacances à tuer des jeunes femmes ? Avec ton physique, tu n'aurais aucun mal à les séduire. Or non. Toi tu les violes. Puis tu les brûles pour effacer ton forfait. Mais tu te compliques la vie. »

A cet instant, le téléphone sonna. Phoebe réussit à lire l'appelant. "Brigade", donc c'était son chef qui appelait. Parfait. Voilà qui devrait mettre un peu la pression à ce sinistre individu.

Elle appartenait à une unité dont il n'avait jamais entendu parler, c'était inquiétant. Surtout qu'elle venait de parler d'humains, et donc de dévoiler ses activités: s'il n'y avait pas que des humains, selon elle, c'est que cette section se chargeait des affaires dont le criminel n'était pas d'ici. Si ce genre de police secrète commençait à se pencher vers le dossier X-SMYLE, les choses allaient commencer à devenir compliquées. La jeune femme semblait confiante, mais il avait encore deux trois trucs à lui révéler. Oui, il allait tout lui dire. Et ensuite il la tuerait. Il en avait les moyens, et le temps. Il pouvait donc se le permettre.
Une sonnerie retentit, et il se recula. Brigade. On aurait pu croire que c'était la merde. Mais le pyromane avait encore de la ressource. Il claqua des doigts, ses yeux redevinrent oranges,et une épée de feu se forma au dessus de la tête de Phoebe.

"Tu connais l'histoire de Damoclès? Tu bouges ne serait-ce qu'une main, ou tu cries, et elle te tombera sur le crâne. Ne me prends pas à la légère, si tu évites le premier coup, il te faudra courir vite, très vite. Et avec mes... Antihistaminiques, tu n'es pas au mieux de ta forme."

Il couru dans la pièce d'à côté, ferma la porte et décrocha:

"Phoebe?"
"A-Allo?"
"Qui êtes vous?"
"Euh, je m'appelle Alexander Spade, mademoiselle Phoebe est au petit coin, elle essaye de m'aider."

Son ton était hésitant, bredouillant, il simulait l'était de choc à la perfection. Sa performance, comme avec Phoebe, était impeccable, mais l'homme n'était pas dupe.

"Vous êtes X-SMYLE n'est-ce pas? N'essayez pas de me berner avec vos conneries, j'en ai vu d'autres."[/color]

Merde, grillé. Pierre passa au plan B.

"Haha, c'est exact, bien joué. Rassurez-vous, pour le moment votre Phoebe est toujours en vie, tant qu'elle sera utile. Par exemple, je sais grâce à elle que vous êtes une unité spéciale chargée d'enquêter sur les affaires concernant Terra. C'est dingue ce qu'on obtient, avec un peu de coercition. Je me demande si vous seriez en état de la reconnaitre, maintenant..."

La carte du bluff était un excellent atout, surtout si on connaissait les méthodes d'X-SMYLE: il ne faisait pas dans la dentelle concernant ses victimes, et il était un véritable malade. Mais son interlocuteur ne répondit rien, comme s'il n'était ni inquiet ni effaré. Cela ressemblait plus à du maintien de soi qu'à de la passivité, pour Pierre.

"Écoutez, si vous connaissez le domaine de la magie, je peux me permettre de menacer la ville sans exagération. Envoyez-moi sur ce téléphone tous les dossiers des membres de la brigade. Et détruisez mon dossier. Alors, je vous rendrai Phoebe. Et Seikusu sera épargné de mes flammes dansantes."

Il entendit le bruit d'un papier qu'on passe de main en main à l'autre bout du fil. Il le sentait mal. Il avait raison.

"J'ai bien peur que cela ne soit impossible, monsieur Pierre Listan, assistant biologiste au lycée de Seikusu, dont l'appartement a été cambriolé puis brûlé par notre cher X-SMYLE. Je vais donc vous annoncer mes règles: Rendez-vous et libérez Phoebe. Il nous suffit de communiquer l'info, aux média, à d'autres forces de l'Ordre, et on vous coincera. Vous êtes foutu."

La situation devenait tendue, et il commençait à devenir nerveux. Il répondit juste, d'un ton plat:

"Je vous rappellerai."

Il ressortit du local, en souriant à Phoebe. il s'approcha d'elle, et arracha son soutien-gorge avec une rage non maîtrisée. Puis il s'accroupit encore une fois devant elle, fit disparaitre la fausse épée, et lui présenta une main incandescente.

"Tes amis sont doués. Ils savent quel faux nom j'utilise, bien qu'ils ignorent qu'il est faux, bien entendu."

Il posa la main sur le sol, une seconde à peine, et lorsqu'il l'enleva, la moquette n'était pas cramée, non. Il y avait une empreinte de main, sur le béton, que la moquette recouvrait. Mais il n'y avait plus de moquette, à cet endroit.

"Mon véritable nom est Héphaïstos. Tu comprends mieux maintenant? Je baise, je viole, je vole, je tue parce que ça m'amuse. Tu ne peux pas m'arrêter. Tu ne peux pas m'éliminer. Je suis un Dieu, je suis immortel. La seule chose que vous pouvez faire, pauvres humains, c'est tuer cette enveloppe corporelle... Rien ne m'empêche de revenir, sous une autre apparence. Vous aurez juste tué un pauvre gamin de Tekhos, qui n'a pas vécu assez longtemps pour avoir une histoire. Tu es perdue. Vous êtes tous perdus. Je viens de prendre toute cette ville en otage, et tu n'as plus qu'une chance de survivre: obéis-moi. Je dois étouffer l'affaire X-SMYLE, effacer toutes traces, comme d'habitude. Je jure devant Zeus que tu vivras si tu m'aides."