Il faisait étrangement froid. Son regard balayait tristement le sol devant elle. La toile de sa tente. Les objets troqués. Les vivres. Tout le matériel, durement gagné, s’étalait pauvrement à ses pieds. Elle fouilla, tira sur la toile durcie et lourde. Affaiblie de découragement et de déception, sa colère animait sa recherche, de plus en plus certaine qu’il manquait des choses. Les petites perles blanches qu’elle avait repêchées dans la rivière manquaient. Plusieurs bijoux et armes étaient introuvables. Sa rage retentit dans toute la baie. Elle qui se surmenait à vivre dans cette forêt, subissait les vols des clandestins qui croissaient son logis. Elle avait mainte fois offert son aide à plusieurs d’entre eux, en leur offrant un lit pour la nuit. Sans rien demander en retour. Mais Anaïs recevait là les retours de sa bienveillance et de son imprudence…
Quand les grognements et lamentation la vidèrent de son désarroi, ils cessèrent peu à peu. Il fallait remonter la tente. La nuit tombait. Le froid la gagnait. Mais dans le silence, Anaïs priait. Au tréfonds de son être, de son esprit, elle réclamait l’aide. La force qui défendra son territoire.
Le velouté de son regard monta instinctivement vers la lune, pleine et haute. Anaïs s’aperçut qu’un grand réconfort remplissait sa poitrine, en signe de réponse à ses prières. Une douce chaleur, qui s’amplifia à chaque inspiration, enveloppa son épiderme. Le froid disparu. Sous ses mains, elle sentit la moiteur du sol. Son odorat. Son ouïe. Ses sens étaient en total éveil. Un vent doux caressait le pelage de bronze qui formait à présent sa peau. Dans la découverte de ses pouvoirs, elle avait pleinement consciente de ce qui naissait en elle.
Now, I am The Hunter.
Les plus valeureux, ou simplement ignorants, continuaient à emprunter cette vielle forêt. Le bruit courait pourtant qu’il valait mieux se méfier de ces bois. Infranchissable, si l’on se fit aux rumeurs. Les sentiers devenaient de plus en plus houleux. La lumière, de plus en plus faible. Dû à la végétation ample et vaste. Aucune âme ne semblait y vivre. En dehors des bêtes. Le bruit courait également que ces derniers dominaient le terrain.
Le bruissement ambiant se rehaussa du claquement régulier du pas de cheval qui s’enfonçait aveuglement vers les abysses du Bois des Loups. Et pour l’instant, seul la noirceur des lieux daignait l’irréfutable évidence qu’une atmosphère étrange s’y dégageait. Lourde, chargée de senteur florale, mêlé à l’odeur de sous-bois, elle s’opprimait. L’air devenait frais. La végétation garnissait le sol, à travers les filins de lumière qui constituait l’unique éclairage des lieux. C’était là, la nature sauvage dans toute sa splendeur. Mais lorsque sauvage est évoquée, les bêtes s’y raccordent naturellement. Dont celui qui prenait en chasse l’aventureux sur sa monture.
Il ne se doute de rien.Pour l’instant. Elle suivait. Traquait gracieusement. Sa silhouette franchissait brièvement l’espace de deux arbres, restant dans la pénombre des Bois. Son royaume. Fascinante bête. Habile. Maîtresse de chaque avancé vers sa proie qu’elle cultivait. Laissant l’écho de ses pas frotter les feuilles mortes. Derrière lui. Puis plus loin vers la droite. Furtive jusqu’au prochain soupçon de sa présence.
L’homme se doutait-il de sa mise en chasse ? Percevait-il la forme gracile et couverte de pelage disparaître derrière les arbres, pour ensuite revenir ? Se doutait-il que son voyage s’arrêterait ici et dans un instant imminent ? Quoiqu’il en soit, la bête rusée ne laisse jamais sa proie agir. Elle savait quand le doute le gagnait. Un grognement singulier retentit au pied du cheval qui s’affola immédiatement. Pattes d’avant levé face à la bête qui menaçait de le broyer par sa mâchoire. La réaction défensive de l’étalon fit vite renverser son maître hors de la monture avant de fuir à vif allure vers les profondeurs de la forêt…
La bête en cause s’avérait être un loup. Plutôt massif. Le regard pénétrant. Les canines découvertes et la position du corps indiquèrent malheureusement de l’hostilité face à l’homme. Un long grognement s’émettait même de sa gorge. Immobile et prête à l’attaque… Mais le loup s’éloigna subitement en bondissant et disparue derrière une bute. Sachant pertinemment qu’elle laissait sa proie en questionnement, seul un jappement retentit, comme s’il l’avisait de fuir.
De s’en aller.