[Pour l’esclavagiste, l’idée, c’était d’invoquer un esprit à l’intérieur de son corps, au moment où mon perso lui attrape le poignet, et puis de le tuer de l’intérieur au bon moment. Ouai je sais ça fait un peu mauvais film d’horreur mais ia ni parasite qui sort du ventre, ni effusions de sang, donc ça va.
A part ça, la réplique sur le jeu de jambes, j’ai l’impression de l’avoir déjà entendue, c’est une citation ?]
A la remarque sur la tête lancée par sa chef, Séraphina eut un drôle de sourire pas du tout joyeux. Elle voulait bien trancher la tête, quoi que le chef des paladins devait être quelqu’un de bien redoutable. Mais le fait était que s’ils laissaient ses subordonnés en vie, ils le paieraient par un combat plus rude le moment venu, à moins que cet imbécile de Gabriel DiNevrin ne décide subitement qu’il en avait assez de combattre. Ce qui, somme toute, était aussi probable que de la voir battre des bras et s’envoler.
Séra observa Jessie tirer sa balle, mais il y avait dû avoir un malentendu quelque part, car notre ami le paladin au visage d’ange avait bondi à bonne distance de Jessie, si bien que son jeu de jambes n’eut pas grand-chose à avoir avec la façon l’attaque de la jeune chef ne le toucha pas, il en allait plutôt d’une force impressionnante issue d’un entraînement de longue haleine.
Ainsi, bien que Jessie ait évité le coup qu’il entendait lui porter, il se réceptionna lestement et se remit debout dans une roulade, avant de pivoter sur lui-même et de lancer sa dague vers Séraphina. La prêtresse défroquée la dévia d’un bras gainé de métal et riposta à coups de feu. Virevoltant et bondissant, le paladin tira un coutelas et vint au contact, portant un estoc vers la gorge de la jeune femme. Son armure ne la protégeait pas ici, et le moindre coup aurait été fatal. Sa gunblade dévia la lame et elle lança son poignard vers le visage de Gabriel.
« On vise la tête, on vise la tête…Facile à dire, mais c’est qu’il est collant ce salop ! »
Un rire grinçant aux lèvres, le paladin se rejeta en arrière, décochant un coup de pied vers le visage de Séra avant de faire un tour complet en l’air puis de repartir à l’assaut. La jeune femme bloqua sa lame, et lui saisit le poignet alors qu’il s’apprêtait à la frapper au visage, enfonçant pour de bon son casque cette fois, et lui donna un coup de genou dans les côtes. Il émit un sifflement endolori malgré sa protection, et l’ancienne prêtresse voulut recommencer, mais il saisit lui-même son poignet, et, retirant son arme, il pivota autour de la jeune femme, lui tordant le bras au passage pour lui enfoncer sa lame dans le dos. Mais une lame tekhane, avec assez de force, devait bien pouvoir traverser une armure ash. Séra décocha un coup de pied en arrière, dans une position qui aurait été comique en d’autres circonstances, déviant le bras armé du paladin, et elle pivota sur son autre jambe pour revenir dans une position acceptable pour son propre bras tordu, donnant un coup de taille vers le cou de son adversaire. Il se baissa et lui donna un coup de poing dans le thorax qui la fit partir en arrière, même avec la gangue de métal.
-Qu’est-ce qu’on s’amuse, pas vrai, Séraphina ? Tu sais, c’est dommage que tu sois partie, petite sorcière. Vraiment vraiment vraiment…
Il partit d’un grand et franc rire et se mit à donner des coups désordonnés et à dévier les attaques au poignard volant de Séra, malgré les angles toujours plus improbables selon lesquels elle le lui lançait dessus. Il semblait lire dans ses mouvements et anticiper ses feintes. Quant à ses coups, certains étaient tellement mal placés qu’elle était presque convaincue qu’il frappait réellement au hasard, mais ça ne devait pas marcher trop mal puisque plusieurs avaient déjà passé sa garde et ripé sur sa cuirasse, et un sur sa joue, lui faisant verser le premier sang. Pourtant, elle se doutait que si elle agissait pareillement, ce serait elle qui se ferait tuer. C’était des coups au hasard, mais un hasard travaillé. Presque collé à la jeune femme, il lui envoya un coup de coutelas qu’il évita de justesse, mais le revers, comme une gifle mais point fermé, la sonna. Le poing rencontra le métal qui rencontra sa chaire et elle sentit du sang couler.
-Dis-moi, Séra, est-ce que tu goûtes la saveur de la peur ? Est-ce que tu aimes l’idée de mourir ?
Ses mots étaient suaves, comme ceux d’un amant qui murmure à l’oreille de sa maîtresse, ce qui représentait en fait une idée d’une grande perversité.
-Je suppose que non, c’est trop subtil pour toi, pas vrai, Séraphina ? Moi, j’aime, j’aime te sentir offerte au bout de mes doigts, tu saisis ? Tu es à moi…à moi…
La jeune femme retenta de lui donner un coup de genou, mais il n’eut qu’à se décaler de quelques centimètres pour ne pas le subir. La jeune femme innova alors et lui donna un coup de crâne. DiNevrin poussa un râle et eut un mouvement de recul, mais pas assez pour lâcher prise. Il arma son coup de grâce, et plutôt que toute sa vie, ce fut un éclair blanchâtre que Séraphina vit défiler devant ses yeux. La tête du paladin tomba à la renverse et sa main armée suivit, n’atteignant jamais sa cible. L’homme aux sabres ne s’arrêta même pas, ne jeta pas un regard à son invokeuse. Elle-même, ne chercha pas à savoir ce que pouvaient bien avoir de particulier ces sabres pour couper comme du beurre dans les armures de conception tekhane. Elle suivit l’esprit du regard pendant quelques secondes, et quand elle le vit se faufiler entre trois ennemis, en décapiter un d’un sabre tout en empalant un de l’autre alors que le troisième s’effondrait, sa cage thoracique comme enfoncée par un poing surhumain sans même que le guerrier ne l’ait touché, elle jugea qu’il devait bien pouvoir se débrouiller seul. Elle ne savait pas qui elle avait invoqué ; elle avait choisi au hasard cette étincelle de vie dans un autre monde en prenant celle qui brillait le plus fort, et l’avait tirée à elle. Il n’y avait pas à regretter son choix…
Elle vit qu’autour de la zone où elle s’était battue avec le paladin gisaient une dizaine de cadavres. Les soldats dans le camp n’étaient pas plus de vingt ou trente [il me semble…], et nombre de ceux qui n’étaient pas allongés là l’étaient non loin de Jessie ou là où passait l’homme aux sabres.
-O’Keefe est mort ! cria-t-elle, avec un long temps de retard, à sa chef.
Elle comprit pourquoi elle n’avait pas pu venir l’aider en observant ses adversaires plus distinctement. On vise la tête, hein ? Bah elle l’avait trouvée, ne restait plus qu’à l’achever, car la tête, ce n’était pas un couard qui s’enfuyait, c’était un officier de l’ordre des paladins qui lui fonçait dessus, une épée double qui semblait sortir d’un conte pour enfants dans une main et un P90 beaucoup plus sérieux dans l’autre. Les paladins avaient cette habitude de mener avec eux au moins deux armes à feu et deux blanches, pour parer à toutes les situations. En tout cas, c’était ce qu’avait entendu dire la jeune femme, mais jusque là, il lui semblait que c’était vrai. Elle comprenait cependant difficilement comment certains qu’elle avait vus pouvaient se trimballer de l’armement lourd.
Le paladin qu’affrontait Jessie était plus grand et plus large qu’elle, avec la même armure étonnante que son confrère, que les balles magiques de la jeune pourraient sans doute entamer, mais contre laquelle le calibre de la gunblade de sa dernière recrue était inefficace.
Séra vit le paladin sauter derrière des tonneaux dont elle ignorait le contenu puis lui tirer une rafale de balles avant de bondir de nouveau pour éviter que les projectiles magiques ne l’atteignent, se rapprochant le plus vite possible de la jeune femme, mais il y avait des impacts de balle là où il n’y aurait pas dû en avoir, et Séra balaya le campement chaotique du regard pour trouver un autre paladin posté aux portes d’entrée fermées, tenant des deux mains un fusil, pour sa part, à accélération magnétique, le même genre que ceux des trois qui les avaient attaqués dans la plaine. Chaque balle, si elle ne touchait pas forcément sa cible, à cause du recul, elles faisaient la démonstration de leur puissance en traversant la palissade ainsi que tous les obstacles entre le tireur et elle. Séra le visa et fit feu, mais il se recula prestement, ce qui déstabilisa la jeune femme car elle s’attendait à ce qu’il ne l’ait pas vue.
C’est alors qu’elle remarqua une myriade de sphères colorées qui fusaient à toute allure de derrière le paladin. Il les vit du coin de l’œil, bondit de côté et plusieurs des sphérules percutèrent le mur de bois, faisant voler des copeaux de bois, mais d’autres infléchirent leur course pour poursuivre le paladin qui n’eut d’autre choix que de courir. Les sphères le rattrapèrent en moins d’une seconde et plusieurs explosèrent dans son dos. Par chance pour lui, aucune ne toucha sa tête, mais quand il eut cessé son roulé boulé, la jeune femme put constater que du sang suintait des points d’impacte. Le paladin se releva, avisa l’auteur des sphérules de couleur et fit feu. A cette distance sur une cible qui se tenait immobile, il n’avait aucune chance de manquer son coup, pourtant, il le manqua et en quelques enjambées, l’homme aux sabres fut sur lui, décochant un coup de taille qu’il para avec son fusil. Ce dernier fut coupé en deux mais ralentit suffisamment l’arme pour lui permettre de rouler en arrière et de tirer le même pistolet mitrailleur que son collège mort décapité. Il fit feu, mais cette fois sur une ombre mouvante insaisissable. Un cimeterre dans l’autre main, il se retrouva lui aussi à combattre au contact, mais ayant appris sa leçon, il laissa parler ses années d’expériences et évita le tranchant des sabres de l’homme en noir. C’étaient des armes d’excellente facture comme on en fabriquait à l’ouest d’Ashnard, dans un pays lointain et gros exportateur d’armes. Ils les appelaient katanas et se vantaient de pouvoir dire que c’étaient les meilleurs armes blanches, mais ça ne justifiait pas le tranchant de celui-là en particulier !
Séraphina ne chercha pas à aider l’esprit, de ce qu’elle en avait vu, c’était surtout le paladin qui aurait eu besoin d’un coup de main, bien qu’elle ait du mal à le croire, car les mouvements de l’adversaire de son serviteur lui semblaient déjà à la limite de l’humain. Elle courut plutôt aider Jessie, sans trop savoir si cette dernière avait l’avantage ou pas, elle se contenta de repérer le dos du paladin et lui lancer son poignard dessus. Au-dehors, Sekhmet avait sans doute dû rencontrer des patrouilles pressées de rejoindre le camp, attirées comme des papillons de nuit par la lueur des flammes, et peut-être même un paladin en maraude qui jugeait que voir une tente prendre feu était une raison suffisante pour oublier son ordre de patrouiller non loin du campement.