Hmm... La chaleur ambiante des bains est un régal qui délasse peu à peu mes muscles tendus, qui apaise légèrement le feu qui brûle mon esprit et mes pensées. Le cours de la soirée repasse inlassablement devant mes yeux, des premiers instants à poser le regard sur Yamagashi sensei à notre arrivée à l'auberge. Les pires souvenirs sont encore frais dans ma mémoire et je sens une puissante bouffée de colère m'envahir quand je la vois maintenue en respect sur le capot, livrée toute entière à ces porcs excités. L'ai-je sauvée ? Une part de mon esprit me souffle que oui, que j'ai évité le pire malgré tout. L'autre partie me flagelle de reproches en me disant que si j'avais été sur le qui-vive dès le départ, ma prof n'aurait jamais eu à subir toutes ces humiliations. Est-ce que je deviens négligent ? Moins bon ? Possible aussi que je me repose sur mes lauriers et que j'en paie ce soir les pots cassés. Enfin, que ma sensei les paye, plutôt. Je passe une main lasse sur mon visage et je grimace aussitôt, la douleur de mon cocard et de ma lèvre se rappellant à mon bon souvenir. En plus de tout, je vais avoir une sale gueule pendant quelques jours. Heureusement, la belle rousse n'a pas été touchée au visage et je m'autorise à penser que c'est un réconfort bien maigre dans le tourment de ce qu'elle a vécu. Vais-je arriver à la regarder dans les yeux, maintenant ? Pas sûr.
Me redressant un peu, je décide de m'inspecter rapidement. Mon buste musculeux est couverts de bleus, comme mes bras et mes jambes. Rien de cassé semble t'il. C'est au moins ça de prit, pas vrai ? Bon, je ne pourrais pas draguer pendant quelques temps, c'est un fait. Mais de toutes façons, Bah ! Je n'ai jamais réussi à séduire quiconque et dans un soupir las, je me dis que ce n'est certainement pas avec Yamagashi que ça commencera. C'est peut-être ça, mon lot, mon revers de la médaille : ma solitude. Tiens, d'ailleurs, je ne me souviens pas avoir entendu parler ma compagne d'infortune d'un quelconque partenaire. Dans ce genre de cas, on veille à appeller la personne qui pourrait nous attendre à la maison, non ? Elle, si belle, seule ? J'en doute. Peut-être préfère t'elle multiplier les sex-friends, un truc du genre ? D'un sens, je me dis que la tournure de cette soirée n'est pas un mal en soi : j'aurais détesté imaginer que je n'étais qu'un nom sur une liste.
Mince... Me voilà possessif ? Exclusif ? Tu divagues, Macross. C'n'est pas le moment de t'occuper de ce genre de futilités ! Je me tape le front de ma propre bêtise alors que j'entends le bruit caractéristiques de getas sur un sol boiseux. "Les Amants" nous sont réservés, donc ce n'est pas un potentiel client. Pas plus qu'un des gérants, qui s'interdisent ce genre d'intrusion sauf en cas de demande ou de force majeure. Donc... C'est elle. Yamagashi sensei.
Mon coeur fait un bond dans ma poitrine avant de me donner l'impression de ne plus vouloir battre et mon estomac se noue pour descendre plus bas que mes couilles. Que vais-je dire ? Que vais-je faire ? Je n'en sais rien, je... je...je suis perdu, en détresse. Je me sens si mal envers elle...
Lâche, comme trop souvent ce soir, je ne la regarde pas et feint de ne pas l'avoir entendu, préférant m'interesser à l'agencement des roseaux entourant le bassin. Je suis soulagé que ce soit elle qui brise le silence que je trouve un peu trop pesant, lançant une banalité avec une gentille pique. Son sourire quand on s'est quittés dans la cour me revient en mémoire, rayon de soleil dans cette soirée de merde. Instinctivement, je regarde la main qui quelques minutes plus tôt serrait la sienne. C'est drôle, cette sensation me manque. Cette proximité aussi. C'est sûrement pour ça que je pose enfin sur elle un regard doux, empreint de tendresse. Sa petite leçon de chose parvient à me faire sourire un peu et je décide de tenter de lui rendre la pareille.
- Fais simple, appelle moi "chéri" ou "mon coeur" ?
Un sourire à son encontre. Pas de piège dans mes mots, pas davantage de proposition. Juste un trait d'humour léger, pas forcément fin. Mais qu'importe ? L'air est lourd de tension entre nous et je pense qu'il faut arriver à changer ça. Je la vois changer de tête quand elle regarde la mienne et je me sens mal. Je sais que ce n'est pas la vue qui la dérange, mais plutôt les raisons de ces maux qui me défigurent. Se sentirait elle coupable ? Bon sang, mais elle est passée entre les mains de ces brutes, elle ! Je n'ai que quelques marques que le temps effacera. Elle est blessée plus intimement, et... et... Et un silence gêné se pose alors que je ne parviens plus à la regarder en face, que je me mords l'intérieur de la joue pour ne pas hurler ma peine. Celle que je ressens pour elle.
Yamagashi sensei décide de jeter son dévolu sur la boîte de premiers secours sous prétexte de m'aider et moi, je m'interesse à ses mains qui fouillent un peu trop fort le contenu pharmaceutique. Sa voix a commencé à se noyer dans les larmes et ses adorables yeux commencent à également en être envahis. Je voudrais fuir, la laisser là. Je dois lui parler, je le sais... Mais je ne vois pas comment je pourrais la calmer, la rassurer. Je suis mauvais dans tout ce qui touche le sentimental, c'est un fait avéré.
J'envisage de m'écarter d'elle, d'aller me baigner. De filer, simplement.
Pourtant, mes mains se posent avec toute la délicatesse du monde sur les siennes et leur font cesser l'inutile chambard alors que mes doigts pressent les siens, que je me penche un peu plus sur elle. Je pourrais presque l'embrasser. J'ai terriblement envie de goûter à ces lèvres qui en cet instant m'ont l'air de tremblotter un peu trop.
La pulpe ourlant ma bouche s'ouvre délicatement non loin de la sienne, à un souffle...
Et quelques mots viennent combler l'espace nous séparant.
- Ce n'est pas ta faute. J'ai choisi de me faire casser la gueule, comme à chaque fois. Je soupire et continue. Je pensais que ça suffirait pour qu'ils te laissent tranquille, c'est tout. Ce que tu as fait là-bas, c'était stupide, inconscient. Héroïque. Tu as fais face malgré tout et ça, c'est... Respectable. Si je dois me faire briser l'échine pour des femmes comme toi, ce sera sans hésiter. Surtout si c'est pour toi. Plutôt moi que toi, et ce quoi qu'il arrive. Plutôt moi que toi.
Je le pense vraiment et mon oeil valide en témoigne bien : pour elle, je pourrais me faire rosser cent fois. Ma voix s'est éteinte avec douceur, comme pour une déclaration d'amour. Ce n'en est pas une, mais il est temps que nous jouions franc-jeu après tout ce qui s'est passé. C'est pour ça que je continue à lui parler après un petit moment, collant mon front au sien par instinct.
- Je suis désolé de ne pas t'avoir sauvée. Je sais... Je sais qu'aucun mot, aucune parole ne te fera oublier... enfin... ce qui s'est passé. Tu as été forte, tu continue à l'être. Si ça peut... Si ça peut te rassurer, te consoler ou je ne sais quoi et bien... dis toi que je vais veiller sur toi. Le temps que tu me laisseras une petite place dans ta vie, je veillerais sur toi.
Ce n'est toujours pas une déclaration, même si ça en a tout les attraits, tout les atours. Je passe ma langue sur ma lèvres blessée pour l'humecter un peu, je serre un peu plus les mains de ma sensei dans les miennes. Et maintenant ? Je dois attendre quoi ? La gifle ? Je dois m'avancer un peu pour l'embrasser, comme dans les films ? Non... Je ne pense pas qu'elle ait besoin du contact d'un homme, surtout pas. Mais je sais ce qui lui fera du bien.
- Déshabille toi et profite des bains, d'accord ? Je ne vais pas te regarder, je file dans notre chambre préparer un matelas pour que je puisse dormir ce soir. Ne t'en fais pas, tu ne crains rien ,ici.
Un long regard ponctue ma dernière phrase, avant que je ne relâche délicatement ses mains dans un tout petit sourire. Je me relève doucement face à elle, déployant mon corps aux muscles dessinés par l'eau y ruisselant. La vapeur et la chaleur se sont associées pour souligner mes courbes masculines, oui. Mais je n'ai aucune envie d'en jouer, aucune envie de m'exhiber. J'avais d'ailleurs pris soin de garder une serviette pour me couvrir le bas ventre et c'est en la ceignant autour de ma taille que je prends d'un pas lent la direction de la sortie.