Plan de Terra > Eglise et couvent de l'Ordre

Après la pluie... [Rayne]

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Powder:
Le déguisement de soubrette, c'était presque la même chose. Même couleur, même matière, même lingerie, la disposition du tissu n'était juste pas pareille évidemment, mais on avait un truc sur la tête dans les deux cas. La longueur du tissu était très discutable, mais ça restait du tissu et ça s'enlevait facilement.
Alors, pourquoi diable le costume de nonne lui allait si mal ? Et c'était pas la peine de la gruger, elle s'était vu dans une flaque d'eau il y a un peu plus d'une demi-heure et cet horrible accoutrement, en plus d'être en opposition totale avec ses idées, avait l'air de lui donner deux ou trois bourrelets imaginaires, et non content de ce superbe travail de base, lui filait des fesses grandes comme le tour de Nexus et lui aplatissait les seins à lui faire mal.

"... Patronne, vous m'écoutez quand je vous parle ou non ?.."
"C'était si compliqué de me filer un costume à ma taille, franchement ? Ou mieux, de me laisser m'habiller comme d'habitude ?!"
"Si je peux vous parler franchement, l'utilisation de votre slime aurait été un résultat... limité au niveau véracité du produit. Quant à la taille, elle est bonne. Vous nous avez vous-même donné votre poids et vos mensurations."
" ... Heum, oui. Dans ces conditions, évidemment qu'on ne peut pas se tromper."
"...A moins que vous n'ayez volontairement faussé les mesures-"
"Bon, tu étais en train de me parler, non ?!"

Mélanie, la garde du corps officielle de la femme-slime actuellement rougissante, soupira un bon coup en cherchant quelque chose dans le coffre de l'automobile tekhane. Incorrigible, pensa-elle en se coiffant elle-même de la coiffe de nonne pour compléter son propre déguisement (qui tombait à merveille sur ses hanches dans son cas). Mais malgré tout, laisser sa patronne entre les mains d'une seconde protectrice lui plaisait moyennement : il fallait croire que la femme uniformée de noir et au service aussi discret qu'impeccable avait fini par s'attacher à la chef de société.
Elles se trouvaient actuellement devant la gigantesque bâtisse qui composait le couvent de l'Ordre, point de rencontre pour le rendez-vous, et elle attendaient. Sous la pluie. La sulfureuse Miss Powder n'était pas dérangée par ce dernier élément outre-mesure, puisque l'eau glissait sur ses habits, sa peau et ses cheveux de toutes façons. En revanche, la patience n'avait jamais été une de ses rare qualités. Contrairement à sa collègue, la tête sous un parapluie de haute technologie composé de lumière pure, qui réduisait les gouttes à néant avec sa chaleur avant qu'elles n'atteignent son crâne.

"Effectivement, je vous disais que votre nouvelle garde du corps ne devrait plus tarder à arriver maintenant."
"Franchement, cette histoire m'énerve. Tu as un problème à "jouer à la crèche" avec moi, comme tu le dis si bien à chaque fois ?"
"Pas spécialement, non. Mais votre mère a décidé qu'après les récents évènements, il était plus prudent que vous changiez votre position géographique et vos contacts habituels pour quelques temps. C'est pourquoi votre protection sera assurée par quelqu'un d'autre, qui vous est complètement inconnu. Si les affaires s'aggravent, son travail sera prolongé en temps et en heure."
"Si les affaires s'aggravent, oui ! Mais ça sera fini dans une semaine !"

Pour toute réponse, les épaules de Mélanie s'affaissèrent. Sa patronne ne comprenait définitivement pas la situation dans laquelle elle était fourrée. Tout ce qu'elle en avait retenu, c'était qu'"on avait cru que je tapais la causette avec les morts-vivants, alors qu'il y a suffisamment de types en vie à qui j'ai pas envie de parler !"
Au moins, ils avaient appris à la boîte que faire affaire avec de mystérieux réseaux dont personne n'avait d'autre infos que les profits qu'ils faisaient à l'année n'était pas une très bonne idée. Il s'était avéré que ce réseau, en plus d'être criminel, n'avait pas son siège à Tekhos : la justice était dans ce cas praticable en théorie, mais impossible dans la réalité. D'ailleurs, celle-ci n'aurait jamais penché en leur faveurs, puisque c'était bel et bien leur propre société qui était en tort pour avoir impunément pratiqué le marché noir. De là, il n'avait pas fallu bien longtemps pour que l'on soupçonne une cible facile, en l’occurrence Powder. Ses gênes formiennes n'aidaient pas à persuader le grand public (car même la presse tekhane s'en était mêlé) qu'une rencontre entre une demi-alienne et de dangereux démons incontrôlables était impossible.

Le mois qui suivit fut mouvementé : entre les altercations avec le tribunal auquel la directrice n'acceptait jamais de venir, les coups fourrés de la mère pour retarder la moindre exécution pénale (entraînant mort de juges miraculeuse au petit matin), les écologistes qui en profitaient pour tout mettre sur le dos de la société, le siège restait malgré tout aussi solide et élevé qu'une pièce montée de qualité cinq étoiles. La preuve en était que malgré tout, les profits continuaient malgré les attaques. Powder était peut-être une piètre menteuse, mais restait une excellente femme d'affaires qui aurait sûrement été capable de faire croire à ses acheteurs que les petits oiseaux volaient au-dessus de sa société, à la place d'un Godzilla à retardement.

Le jour était tout de même arrivé où au cours d'une simple sortie, l'attaque contre la demoiselle aux cheveux roses avait été tenace. La tekhane avait été obligé d'en arriver aux affrontements tentaculaires par pure défense, le slime aussi dur que de la pierre et qui avait assommé une quinzaine de tekhanes furieuses. Mélanie avait débarqué dans ce chahut avec un moyen de transport et toutes deux avaient quittés la ville en trombe. Elles n'avaient pas vu l'ombre d'un building depuis trois jours et n'avaient aucune idée que ce qui advenait de la société.

Ils avaient pris le goût des affaires avec des inconnus et en payaient le prix dés maintenant. Et comme si ça ne suffisait pas, l'interlocutrice qui allait prendre soin de la slime pendant une durée indéterminée était tout aussi inconnue que les autres, et d'une discrétion qui n'aurait rien dû annoncer de bon. Powder y songeait, mélancolique, tout en sirotant un milk-shake à la framboise sorti d'on ne savait où. Elle ne sortit de la voiture que lorsque sa compagne lui annonça l'apparition d'une silhouette sombre, au loin, blottie entre les gouttes et qui grossissait rapidement.

Rayne:
La pluie tombait… En le réalisant Rayne leva légèrement la tête, sentant les gouttes venir sur son visage. Elle cligna des yeux à plusieurs reprises, brièvement distraite, avant de replonger son attention.

« Nous en étions où, au fait ? demanda-t-elle à l’attention de l’homme se trouvant en face d’elle. Quand j’étais petite, je crois que je rêvais d’être chirurgienne… »

L’homme poussa un léger gémissement en sentant la lame glisser le long de son bras, découpant son vêtement pour s’enfoncer dans sa peau. Pieds suspendus dans le vide, l’homme ne devait sa survie qu’à la seconde lame de Rayne, enfoncée dans le creux de son épaule droite. En-dessous de ses pieds, il y avait un boulevard très animé, plusieurs dizaines de mètres en contrebas, et la pluie commençait à tomber.

« Écoute, mon cher, je ne vais pas me répéter… Je n’ai besoin que d’un nom, rien de plus…
 -  Pu… Putain, ça fait mal !
 -  On ne doit pas jurer devant les dames, vilain garnement. »

Elle le punit en tranchant l’un de ses doigts, le faisant à nouveau hurler. La lame remonta pour caresser son cou, s’enfonçant très doucement dans sa peau, laissant jaillir une ligne de sang.

« Un nom ! Est-ce si dur ça ?
 -  Bla… Blackthorne… Oliver Bla…
 -  Et ben, c’était pas si compliqué que ça, tu vois ! »

Rayne tira ses deux épées rapidement, et l’homme tomba dans le vide dans un hurlement, suivi d’un coup de klaxon furieux.  Elle avança le long du toit. Il lui avait fallu au moins une demi-heure pour rattraper ce fuyard, mais il avait été sa seule piste dans cette sinistre affaire… Ou presque la seule. Elle s’avança sur le toit, quand son téléphone portable se mit à vibrer. D’épais nuages noirs commençaient à recouvrir le ciel. Elle s’empara de son téléphone, et sourit en voyant le nom de l’émetteur, et prit l’appel, avançant sur le toit, alors que la tempête approchait. Severin parla en premier, sans même saluer Rayne.

« Miss Powder approche du couvent, Rayne. Je pensais que tu serais là pour m’aider à l’accueillir.
 -  J’ai été… Occupée.
 -  Sûrement un homme…
 -  Du genre tenace, oui. J’ai eu du mal à rompre avec lui, mais je crois que nous nous sommes quittés en bons termes.
 -  J’en suis ravi. Peut-être pourrais-tu songer à revenir, maintenant ?
 -  Je n’ai même pas une seconde pour moi… »

Severin raccrocha. Rayne soupira. Un éclair fendit l’air, et la pluie continua à s’abattre.

Loin de là, hors de Tekhos, Severin accueillait devant l’entrée d’un des couvents de l’Ordre la voiture qui arriva au milieu de la pluie. Severin était jadis l’agent de liaison de Rayne entre cette dernière et Brimstone. Néanmoins, quand Rayne et lui avaient été déclarés persona non grata par Brimstone, ils s’étaient réemployés ailleurs, Rayne continuant à faire ce qu’elle savait faire de mieux… Et Severin faisant aussi ce qu’il savait faire de mieux, à savoir tenter de diriger l’incontrôlable Rayne. Il s’approcha de la voiture, alors qu’une femme en sortit, sortant un parapluie lumineux. Enfoncé dans un long manteau noir, l’homme s’avança, sortant d’une poche intérieure de son manteau une cigarette, l’allumant. Alors qu’il s’avançait, il vit la porte de la voiture s’ouvrir, et une femme aux cheveux roses en sortir, en tenue de nonne, une curieuse mixture à la main. Severin ne s’en étonna nullement. L’eau ruisselait sur ses cheveux, mais ça ne le dérangeait pas, tant qu’il pouvait fumer.

« Miss Powder, je présume. Je m’appelle Severin, et c’est essentiellement moi qui, compte tenu des circonstances particulières liées à votre situation, suis en charge de votre protection. »

L’affaire était assez spéciale, difficile à résumer. Depuis plusieurs semaines, le monde des affaires de Tekhos vivait une espèce de procès médiatique qui impliquait l’entreprise que dirigeait Miss Powder, une femme dont les gènes formiennes avait toujours posé problème au sein de l’intelligentsia locale. Elle dirigeait une société influente, héritée de sa mère, une criminelle, spécialisée sur les animaux. Bien des rumeurs avaient circulé sur le fonctionnement de cette entreprise, notamment sur le traitement des animaux. On ne comptait plus le nombre de manifestations écologiques, ou de tentatives de blocages, devant certaines des usines. En soi, Severin et Rayne se désintéressaient de ces histories politiques, mais, depuis plusieurs semaines, Powder avait été accusée de participer à des trafics criminels impliquant de la génétique et des animaux. Son entreprise trempait dans le fonctionnement d’un influent réseau de Terra, s’étendant de Nexus à Ashnard. D’après les informations de Severin, les animaux que Powder traitait étaient, pour certains, modifiés génétiquement, devenant des monstres, et il soupçonnait une influence démoniaque. L’enquête de Rayne avait établi que Miss Powder n’avait rien à voir avec cela, mais que certains de ses conseillers devaient être mêlés à ce qui se passait. Après plusieurs tentatives d’assassinats sur la personne de la Formienne aux cheveux roses, Rayne et Severin avaient décidé de s’occuper de cette histoire.

Tenant compte du haut degré de corruption dans les services de protection de Tekhos, il n’avait pas été difficile d’obtenir à pouvoir protéger Powder. Sur Tekhos, Severin dirigeait une société de protection privée, et avait décidé, pour protéger efficacement Miss Powder, de l’isoler dans l’un des couvents de l’Ordre. Ce couvent se situait hors de Tekhos, et était relativement grand, comprenant plusieurs bâtiments, un mur d’enceinte, et des jardins. Severin et Rayne s’étaient infiltrés dans ce couvent, Severin en tant que mécanicien, vivant dans un entrepôt de maintenance isolé, Rayne… En tant que sœur.

Il s’approcha donc des deux femmes, et sortit une carte d’identification. C’était Rayne qui avait parlé avec elles, compte tenu de la discrimination forte à l’égard des hommes sur Tekhos.

« Nous avons trouvé de quoi vous protéger, Miss Powder, le temps que la situation se résolve sur Tekhos. Une couverture… Efficace. »

Il comptait en faire une sœur. Sous les lourds vêtements des sœurs, Powder serait difficile à remarquer.

« Je vous en prie, venez. »

Severin se retourna, et entra dans l’entrepôt. Il y avait de multiples étagères avec divers objets, et, dans un coin, une section informatique aménagée par Severin.

« Ce couvent nous sert de couverture, expliqua-t-il. Et aussi de lieu de protection. »

Étant de parfaits inconnus, il avait été difficile d’obtenir la confiance de Powder pour la protéger. Une enquête avait été livrée sur eux. Officiellement, dans cette histoire, Rayne était une ancienne soldate Tekhane, qui avait été licenciée, et Severin son assistant. Ils étaient les membres uniques d’une société de protection privée indépendante. Ils avaient inventé des CV pour réussir à obtenir la confiance de Powder et de ses gardes du corps. Severin s’approcha des multiples écrans.

« Votre nom d’emprunt, Miss Powder, sera… Clara. Sœur Clara », précisa-t-il.

Severin entendit soudain un bruit venant du dessus, et leva la tête. Une porte ne tarda pas à s’ouvrir, et une femme surgit, portant deux longues lames accrochées à ses poignets. Elle descendit rapidement un escalier, et déposa ses lames sur un bureau.

« Severin, il pleut, dehors… »

Rayne remarqua soudain Miss Powder, avec sa garde du corps.

« Ah, vous êtes déjà là, observa-t-elle. Tu ne m’avais donc pas menti, Severin… »

Elle s’approcha de la Formienne. Powder était plutôt grande, presque autant que Rayne.

« Bienvenue, Miss Powder… Ou petite soeur Clara, vu que nous sommes maintenant intimement liées. »

Severin ne tarda pas à donner des explications.

« Dans ce couvent, vous serez la petite sœur de… De Rayne, précisa-t-il. Je pense qu’il n’y a pas un meilleur endroit pour vous protéger que l’un des couvents de l’Ordre. »

Severin pensait sincèrement ce qu’il disait, mais il soupçonnait sans doute l’ingéniosité de ceux qui cherchaient à tuer Miss Powder. Dehors, dans un arbre, un être dans une armure avait utilisé des jumelles pour voir Miss Powder rentrer dans l’entrepôt, avant d’en informer d’autres individus dans son récepteur. Severin était cependant loin de s’en douter, et enchaîna envers Miss Powder, étant assis sur l’un des fauteuils autour des ordinateurs.

« J’espère que ça vous convient… C’est la meilleure façon que nous avons trouvé pour vous protéger. »

Powder:
"Ce... c'est une plaisanterie ?"

Voilà tout ce qu'elle avait trouvé à dire, quand il lui avait annoncé sans passer par quatre chemins, que sa couverture serait celle d'une... nonne. Dieu, rien que le mot sonnait creux, dans sa tête pourtant bien pleine (selon elle...). Adieu les fourrures, les talons et les sacs à mains, pour manger de la soupe à la place du homard et s'habiller avec des sous-vêtements dont même sa grand-mère (si elle en avait une) ne voudrait pas... d'innombrables histoires racontés entre collègues devant la machine à café lui revinrent en mémoire et elle se vit l'espace d'une seconde dormir avec une ignoble ceinture de chasteté, inconfortable et dangereuse y compris pour elle et pour... ses doigts. Effectivement, s'il n'y avait personne pour la satisfaire durant les prochains jours qui risquaient d'être longs, elle serait bien obligée de se satisfaire toute seule... et si cette histoire s'avérait vraie, elle ne pourrait même pas s'autoriser ça !
Déjà, l'image d'une pince monstrueuse de la ceinture lui attrapant ses vilains doigts pour les saucissonner et la punir la fit déglutir. Et parler fort de nouveau, furibonde.

"Combien de lieux il y a sur cette maudite planète, hein ? COMBIEN ? Et vous me proposez le COUVENT ? Vous savez ce qu'on raconte sur les so-"
"Patronne, taisez-vous."

Powder ouvrit de grands yeux en direction de Mélanie qui regardait la carte que lui avait tendu Severin. Les sourcils de la garde du corps étaient froncés et ses doigts gantés tremblaient. C'était peut-être la peur de laisser sa protégée entre des mains étrangères, mais ceux qui la connaissaient, en l’occurrence ici sa chef, aurait plutôt opté pour de la colère. C'était la première fois qu'elle osait s'adresser à la Miss de cette façon, d'où l'étonnement de celle-ci qui ferma automatiquement ses lèvres, furieuse comme une enfant que l'on aurait envoyé au coin.

"La révolution ne devrait pas s'éterniser là-bas". (La garde du corps s'adressait à présent à l'homme en face d'elle). "Nos employés ont eu le temps de faire un rapide pronostic, et les choses devraient se calmer d'ici deux mois."

Powder ressentit ce que devait éprouver un glaçon en train de fondre. Deux mois... sous les jupes des Mères Supérieures ?  Qu'est-ce qu'elle avait fait pour mériter ça ?..
... Bon, au moins, sa "grande sœur" était un minimum mignonne. Et peu bavarde. Et ça, c'était bien : Powder n'appréciait pas les femmes qui parlaient beaucoup... ça lui faisait de l'ombre. C'était bien pour ça que Mélanie était une garde du corps idéale et jamais remplacée.

Entre-temps, l'autre tekhane avait reçu un coup de téléphone et raccrocha peu après.

"Ils me réclament, je dois y aller."
"Où est-ce que tu vas aller, Mélanie ?" (Un peu d'inquiétude se lisait dans la voix de la jeune femme aux cheveux roses). "Tu vas retourner au QG ? Te cacher ailleurs ?"
"Vous n'avez pas le droit de le savoir, Patronne... je ne le dirais même pas à ma propre fiancée."

Une pointe de culpabilité piqua Powder quand sa protectrice évoqua celle avec qui elle partageait sa vie à Tekhos. La "fiancée" devait être morte d'inquiétude, restée dans la ville à regarder les émeutes. Cette culpabilité l'empêcha même un instant de réaliser que c'était une des premières fois que l'on lui interdisait de recevoir une information. Ou qu'on lui interdisait quelque chose, plus simplement.

Mélanie serra la main de Severin et de Rayne en les remerciant encore pour leur services et en excusant d'avances toutes les comédies que la formienne pourrait faire. Après quoi, elle monta l'escalier et on ne la vit plus, aussi discrète et rapide que d'habitude. Il ne restait plus rien d'autre que le bruit des unités centrales d'ordinateurs. Powder se retourna, boudeuse, et s’efforça de se concentrer sur la suite des évènements.

"... C'est quoi mon nom, déjà ? Clara... On va s'y faire, on va dire."

Au milieu des embuscades et autres découpages de chair, Rayne avait peut-être eu la chance de travailler dans les écoles maternelles... ça lui aurait fait un bon niveau de départ pour dealer avec une enfant pareille. Mais comme il y avait peu de chances que ça se soit passé, elle avait juste intérêt à avoir de la patience...

Rayne:
Deux mois ? Même pour Rayne, la perspective de passer deux mois dans ce maudit couvent ressemblait à une espèce de cauchemar éveillé. Elle y était depuis déjà une semaine, et elle avait déjà, dès le premier soir, rêvé de décapiter les trois quarts des sœurs avec qui elle avait eu la « chance » de discuter. Pour que cette mission abracadabrantesque fonctionne, pour que Rayne accepte de s’enterrer dans un couvent, Severin avait du déployer toute sa force de persuasion, et la seule chose qui avait vraiment été efficace n’avait pas été de susciter l’appétit financier de Rayne en lui faisant miroiter les sommes que représentait la protection de Miss Powder, mais plutôt de réveiller sa haine farouche envers son père, Kagan. Vaincu sur Terre, le vampire s’était réfugié sur Terra, et Rayne continuait à le traquer, lui et toute sa famille, ayant déjà à son actif décimé une bonne partie de la famille de Kagan, de sa maudite progéniture. Severin était partiellement convaincu que l’un des enfants de Kagan était mêlé à cette histoire, et que Miss Powder était le meilleur moyen de les atteindre, en les forçant à agir le premier.

La dame ne semblait guère ravie à l’idée d’être une nonne, ce qu’on pouvait comprendre, et la manière dont Mélinda, sa garde du corps, réagissait aux phrases de Powder indiquait une femme assez capricieuse, excentrique et gamine. Le duo parfait pour Rayne, en somme, qui était bien connue pour être un véritable puits de patience… Après le départ de Mélinda, Severin avait regardé Rayne, qui, de son côté, ouvrait un placard comprenant plusieurs robes de nonnes. Le modèle en cuir paraissait de loin le plus tentant, mais il y avait fort à parier que les Sœurs supérieures ne l’accepteraient pas. Rayne opta donc  pour sortir deux robes plus classiques, tandis que Severin discutait avec Miss Powder.

« Je suppose que vous n’avez sans doute pas eu le temps de lire le règlement du couvent, alors, je vais vous faire un petit résumé. C’est un couvent relativement strict, où les Sœurs supérieures attachent un grand respect à la ponctualité… Ce qui risque de poser problème, vu que nous sommes déjà en retard, précisa Severin avec un regard de reproche vers Rayne.
 -  Que ces salopes aillent se faire foutre, se contenta de dire Rayne, en se déshabillant.
 -  Hum… Quoi qu’il en soit, Miss Powder, vous allez devoir vous forcer… Je ne pense pas que vous aurez à séjourner là pendant deux mois, car nous ne faisons pas que vous défendre. Nous enquêtons également pour essayer de mettre à jour ceux qui veulent vous tuer, et je pense que l’enquête avance plutôt bien… Pour l’heure, vous devrez veiller à ne pas attiser le courroux des Sœurs supérieures, en sachant qu’une journée au couvent est très réglementée.
 -  On se lève tôt, on prie, on suit les cours de catéchisme, on va à confesse pour dire que notre ancienne vie était un torrent de péchés, et qu’on souhaite obtenir l’absolution… D’un ennui mortel, résuma la Dhampir en étant totalement nue, enfilant la robe.
 -  C’est plus ou moins ça… Les Sœurs supérieures ignorent qui vous êtes, et il vaudrait mieux éviter qu’elles ne le découvrent. Par conséquent, vous dormirez au moins dans la même chambre que Rayne, ce qui est toujours mieux que rien. Pour les inconforts quotidiens, si vous êtes surpris à… Hum… A avoir des gestes déplacés ou malheureux…
 -  … Comme se doigter en pleine messe, lâcha Rayne, à titre d’illustration.
 -  … Entre autres… Vous bénéficierez de l’inconfort d’une ceinture de chasteté. Les sanctions peuvent aller jusqu’à vous isoler dans une cellule, mais soyez certaine que Rayne aura toujours un regard sur vous. »

Dans sa tenue de sœur, Rayne était méconnaissable. Elle avait également délaissé ses précieuses lames, se sentant particulièrement nue, et se mit à marcher.

« C’est aussi inconfortable que laid, confirma-t-elle. Putain…
 -  Précisons que, comme c’est votre premier jour, les Sœurs vous attendent dans le Hall central pour une séance d’intronisation. Vous êtes officiellement deux femmes ayant eu une enfance difficile, deux sœurs qui étaient maltraitées par leur père, et qui avaient sombré dans les voies occultes de la délinquance, de la drogue, et du sexe. »

Severin ayant fini son exposé, Rayne s’approcha de lui, tandis que Powder se changeait à son tour.

« Qu’a donné ton excursion à Tekhos ? La piste était bonne ? demanda-t-il sur un ton un peu plus bas.
 -  Juteuse, oui… Le trafiquant m’a donné un nom. Oliver Blackthorne. Je te laisse chercher et trouver ce qui correspond le plus. »

Severin hocha silencieusement la tête, pianotant sur ses claviers en sirotant une tasse de café. Ses nuits étaient relativement courtes, mais il avait perdu le goût du sommeil depuis longtemps. Éveillé, il n’était au moins pas assailli par ses propres cauchemars. Rayne regarda Powder dans sa robe, et s’approcha d’elle en souriant, avant de l’embrasser sur les lèvres. Un geste spontané, qui lui permit de goûter à la saveur des lèvres de Powder.

« J’ai tenu à préciser dans le dossier que nous nous réconfortions mutuellement…, précisa-t-elle. Bien… J’aurais adoré poursuivre cette conversation, Severin, mais la vieille peau risque à nouveau de m’amener à vouloir raccourcir ses jours si nous continuons à traîner. J’espère que la pluie ne te fait pas peur, soeurette.
 -  Rayne, at… ! »

Un soupir termina la phrase de Severin. Ayant ouvert une porte, Rayne était sortie rapidement, traversant le grand parc du couvent, sous une pluie battante. Des éclairs dansaient furieusement dans le ciel, et Rayne avança rapidement vers les lumières du perron du couvent. C’était un sinistre manoir, avec des lumières allumées, et elle ouvrit l’une des grandes portes, tenant toujours la main de Powder. La porte donnait sur un grand hall d’entrée, avec un immense lustre et plusieurs escaliers. Formant un demi-cercle, les sœurs se tenaient fidèlement là.

« Vous êtes en retard, Sœur Rayne », annonça la voix froide et revêche d’une vieille femme.

Se tenant dos par rapport à elle, Rayne serra les lèvres, ce que Powder dut naturellement voir, avant de se retourner, et de baisser la tête.

« Pardonnez-moi, je montrais à ma sœur…
 -  Les vertus qu’il y a à être en retard ? Votre sœur est désormais notre sœur. Tâchez de ne pas l’oublier, et de vous rappeler quelles sont les vertus directrices de notre Ordre.
 -  Oui, Mère… Pardonnez…
 -  Il suffit ! tranche la mère d’un ton autoritaire. Sœur Clara, l’Ordre Immaculé est fier de vous compter parmi ses rangs, et se fait fort de vous guider vers la voie de la Lumière, peu importe les sentiers tumultueux que vous avez emprunté dans le passé. Bienvenue, Sœur Clara !
 -  Bienvenue, Sœur Clara ! » répétèrent les sœurs en boucle.

Powder:
Dés lors que sa compagne fut partie, la slime laissa ses épaules s'affaisser, dans une certaine lassitude. Mais les recommandations du mâle en face d'elle fit naître l'inquiétude dans sa poitrine. Pas très douée pour masquer ses émotions, ça se vit tout de suite sur son visage rond qui se crispa. Pour se détendre un peu, elle posa ses fesses sur un bureau proche et s'appuya avec ses mains dessus. Le fait que la légende urbaine sur le fameux accessoire de torture soit à moitié vraie la fit s'exclamer de soulagement.

"Je vous remercie pour les recommandations, heum... Severin... (appeler un chat un chat ? Elle n'était pas assez stupide pour croire qu'il y avait un autre endroit que Tekhos où les mâles acceptaient qu'on ne prenne pas la peine de les nommer... Et heureusement que Mélanie l'avait informé du nom de l'homme en noir, et surtout qu'elle l'avait écouté à ce moment-là...). Par contre, puisque j'imagine que toute communication est coupé là-dedans, j'aurais aimé avoir un moyen d'avoir quelques contacts pendant ces deux mois. Ma cité bouge sans cesse, c'est déjà difficile de se tenir au courant de l'actualité quand on y est pas..."

Pendant cette demande, Powder s'acclimatait davantage au rôle de femme d'affaires qui lui collait à la peau qu'à la miss bégueule que Rayne avait pu voir au début des évènements. L'apparence n'était pas la seule chose que la tekhane savait modeler à volonté : son caractère y passait parfois aussi, plus souvent qu'on pouvait le penser. C'était un point obligatoire à développer quand on évoluait dans son domaine professionnel, et Rayne devait en savoir quelque chose.
La négociation terminé, il était temps de se changer et de s'acclimater au véritable uniforme du couvent. C'était un vêtement lourd et sombre, au tissu de qualité médiocre malgré que l'Ordre brassait l'argent des fidèles en toute impunité et discrétion. Il n'y avait aucune grande organisation dans ce monde avec laquelle la jeune femme n'avait pas négocié, et ils ne sortaient pas de la règle.

Quand sa nouvelle protectrice déposa ce baiser sur ses lèvres, elle sursauta légèrement. Rayne s'était approché avec une telle discrétion que ça l'avait surpris.
Sans être désagréable, cela dit.

"Voyez-vous ça."

Elle répondit à la justification de la Dhampir avec un léger sourire sur le visage. Rayne avait l'allure d'une femme qui s'efforçait de respecter les lois, tout en inventant ses propres règles. Elle devait avouer que ça lui plaisait et elle se laissa volontiers entraîner dehors, la pluie ayant à peine le temps de mouiller ses nouveaux vêtements.

Et les nonnes ? Ben... pas vraiment comme elle se les imaginait. La seule expérience que la demoiselle en avait, c'était les simulations virtuelles qui se vendaient dans les équivalents tekhans des sex-shops. Là... y en avait peut-être qui aimait, mais... pas elle. Enfin, le moment était mal choisi pour penser à ce genre de choses.

La présidente tekhane salua poliment les femmes...

*Oh, appétissante la petite rousse à droite. ♥*

... tout autour d'elle.
Quel gâchis, sérieusement.


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