Un être cher, une nouvelle vie. [PV Dexa]

Ashnard. Cette cité a toujours connu une certaine violence. Et voilà donc Aurore qui arrive aux portes de la ville. Elle venait droit de Nexus. Traversant les terres sauvages et les landes dévastées, elle tua un bon nombre de monstres et autres bandits de grand chemin. C'est fou comme la route entre ces deux villes est périlleuse pour les humains. Ce qu'elle venait faire là? Chercher son maitre, bien sûr. Elle avait entendu des rumeurs de cas de vampirisme dans le coin, alors elle a pris ses clics et ses clacs et est venue. Il y avait une chance pour qu'il y ait un vampire. Peut-être son maitre, peut-être que non, mais au moins pourrait-il la renseigner.

Elle portait pour l'occasion une grande cape beige avec une capuche, et des habits légers et un peu provoquant. Lorsqu'elle arriva au niveau de l'entrée, les gardes l'interpelèrent. On n'entre pas si facilement à Ashnard. Pourvu que ça se finisse vite. Cela faisait trop longtemps déjà qu'elle n'avait pas eu une goutte de sang à se mettre sous le croc, aussi était-elle assoiffée. Elle leur raconta être une catin rêvant des richesses de la capitale, leur montrant ses vêtement appropriés au métier en question. N'ayant aucune raison de se méfier, surtout une fois quelques écus tout neuf en main, elle put passer. L'agitation qui régnait dans cette ville n'était pas la même que celle de Nexus, pour sûr. Ici meurtre et torture avaient l'air communs pour une certaine population. Une planque presque parfaite pour un être comme elle. Au détour d'une rue, la silhouette encapuchonnée disparut sans que personne ne fasse attention à elle. Quelques minutes plus tard, elle s'abreuvait à la fontaine de vie qu'est la gorge d'un homme dans la vingtaine.

Elle trouva une auberge dans ses moyens, et passa quelques jours à se nourrir et se reposer. Puis l'enquête commença. Elle se resserrait autour de lui, elle avait déterminé les zones favorites, il ne lui restait plus qu'à se présenter en espérant ne pas se planter.
Il faisait nuit noire. Seule au milieu d'une petite place, elle restait debout, scrutant les coins sombres, comme si elle attendait quelqu'un. Le but était de se faire passer pour une victime potentielle, ou si le vampire avait deviné qu'elle était de sa race, peut-être viendrait-il se montrer? Elle restait néanmoins à l'affut du moindre bruit ou quelconque signe de suceur de sang. Elle se doutait que l'expérience n'avait que peu de chances de porter ses fruits, mais sait-on jamais? Ce n'est pas comme si elle avait le choix de toute façon.

Elle patienta longtemps avant qu'enfin, quelqu'un n'arrive sur la place. Mais était-ce celui ou celle qu'elle cherchait?

_Ouh, il fait frais...

… J'éclatais de rire, et repoussais du pied la jeune fille agonisante qui devait avoir... Oh, quinze ou seize ans ? C'est ce qu'elle avait sorti en me tombant dessus, "par hasard". Maintenant, elle devait en effet avoir froid, avec tous les trous dans sa peau qui devaient faire courant d'air...! J'avoue que j'y étais peut-être allée un peu fort, elle était à demi décapitée et pourtant, toujours en vie... Sa force et sa passion pour la vie étaient tout à fait louable, autant que sa dévotion pour Dieu qu'elle ne cessait d'invoquer... Dieu. Ici, sur Terra... Voilà que les humains empoisonnaient même mon terrain de chasse avec ces croyances d'un siècle passé. Et je sais de quoi je parle.

Mais il faut avouer que le sang d'une vierge, dévote et qui se raccroche de toutes ses forces à la vie... C'est quelque chose qui n'avait pas de prix. Pour tout le reste j'avais mes crocs, bien sur.
Dans un dernier élan de gourmandise, je me jetais sur son cou, finissait de la vider de son sang... elle devint sèche, la peau craquelait déjà sur les os, elle ressemblait à... Une tomate séchée. Peut-être davantage un anchois... ?

Je jetais le cadavre dans une rue en contrebas, essuyait ma bouche d'un revers de main et époussetais ma robe. C'était une longue robe, on distinguait mes hauts talons, mais c'était tout, coupe empire, fendue jusqu'à mi-cuisse sur la jambe gauche, ceinture dorée soulignant la poitrine. Je rajustais ma capeline noire brodée de fils vert et d'or.


Brusquement, une odeur monta jusqu'à mes narines. Cette odeur qui traînait dans la ville depuis déjà trois ou quatre jours. Enfin nuit. Cela empestait encore l'humain, mais comme un humain pourri tout en même temps qu'une odeur délicieuse de jeune fille de ma race. Un nouveau-né. Très jeune, au vue de l'odeur. C'était la première fois que je la sentais aussi fort, aussi proche... Cette odeur d'humain pourri, oh mais quelle horreur... ! Comment ce vampire, enfin cette future vampire pouvait-elle se supporter elle-même ? C'était une véritable infection...

En plus, elle ne savait pas se protéger, elle faisait des carnages dans la ville – cela importait peu, Ashnard est un véritable coupe-gorge de toutes façons, on ne fait plus trop attention aux meurtres – et le problème c'est qu'elle ne dissimulait pas la nature du meurtre : la nature vampiresque. Si l'on puis dire. Bien sûr, on pouvait tout à fait laisser un ou deux cadavres avec des signes évidents du passage d'un vampire, mais si on en laissait systématiquement, les autorités de la ville – enfin « autorités », si on veut – finiraient par découvrir qu'Ashnard avait finalement été élue comme domicile pour beaucoup de gens de notre race, et que de trop nombreux meurtres du genre était gage de problèmes pour notre race. Nous ne sommes pas les plus faibles, sur Terra, mais nous sommes loin d'être les plus forts. Il y a des créatures bien plus terribles qu'on ne saurait l'imaginer en ce bas monde.

Je décidai de la suivre, il n'y avait pas trente-six solutions de toutes façons, il fallait bien que quelqu'un lui dise comment se comporter...



Suivant l'odeur, je débouchais bientôt sur une vaste place, elle se tenait au centre. Son physique était amusant. Elle était comme... Allongée. Grande, plus que de coutume, et très fine, sauf sa poitrine qui faisait presque figure de disproportion dans un physique pareil. Une robe légère et une cape la recouvrait, et malgré la nuit on devinait de beaux yeux bleus, une bouche suave et des traits délicats.
Restant en repli dans l'obscurité, je l'observai un moment :

_Tu devrais faire plus attention, petite...

J'aimais soigner mes entrées, c'est très important, la mise en scène. Ayant eu l'effet escompté, sa surprise et son sursaut, de sortais de la pénombre et m'avançais vers elle, tout sourire crocs sortis :

_Bonsoir...

C'était une magnifique jeune femme qui s'avançait vers Aurore. Son teint pâle, ses yeux verts et ses longs cheveux roux, sans parler de ses formes, devaient faire craquer plus d'un homme, assurément. Les crocs garnissant sa bouche ne trompaient quant à sa nature.
Enfin elle trouvait ce qu'elle était venue chercher. Sa première rencontre avec un autre membre de sa race nouvellement acquise. Son cœur se mit à palpiter d'excitation et bizarrement, cela lui donnait soif. Elle s'imaginait, en train de chasser auprès de son maitre, lui offrant les meilleures proies, gorgées d'un sang chaud et sucré. Comment la traiterait-il? Violent et éternel insatisfait, bon envers ses serviteurs, profitant d'elle d'autres façons? Un homme ou une femme? Elle n'aurait pas su dire ce qui était le mieux, mais peu importe elle servirait de son mieux pour le reste de son immortalité mort-vivante.
Elle attendit que la femme parvienne à sa hauteur pour prendre la parole.


«-Bonsoir. Je vous attendais, cela fait des jours que je vous cherche.
Je me présente, Aurore Natko. Je cherche quelqu'un, et j'ai pensé que vous pourriez m'aider.
Peut-être avez-vous pu le constater, mais je ne suis pas encore un vampire à part entière. J'essaye de trouver mon maitre, celui où celle qui est responsable de mon état. Comme vous le savez, c'est la seule personne qui pourra achever ma transformation.
Plus je bois, plus ce qu'il me reste d'humanité me gêne.»


Elle ne savait en fait pas trop quoi lui dire, le comportement de son interlocutrice n'étant pas vraiment déterminé. Elle pourrait l'aider, négocier le prix des informations, ou tout simplement lui sauter dessus en temps qu'ennemie auquel cas la pauvre semi-vampirette ne pourrait pas faire grand-chose. Elle en était consciente, mais n'avait pas vraiment le choix. Qui sait, peut-être étaient-ils solidaires entre eux?
En fait elle ne savait que très peu de choses sur cette race, sur elle-même. Sa condition la gênait, mais en même temps elle savait que ça pourrait être un avantage à ne pas négliger pour la personne qu'elle servirait. Posséder certains de leurs pouvoirs tout en restant insensible à ce qui leur est habituellement mortel, comme la lumière du jour notamment, lui offrirait un agent incapable de la trahir et capable d'écraser un crâne humain à mains nues pouvant opérer ans des conditions impossibles pour elle. Ramener des proies alléchantes qui ne sortent que le jour, procéder à une longue traque en terrain découvert, éliminer les chasseurs de vampires préparés pour exploiter leurs faiblesses. Usages multiples, fiabilité maximale, rien à offrir en échange si ce n'est l'hébergement et un peu de temps pour qu'elle puisse chasser pour elle.

La puissante créature devant elle affichait un sourire dont elle n'aurait pu dire s'il était emprunt de gentillesse ou de mauvaises intentions. Cela montrait néanmoins qu'elle n'avait pas à faire à une abrutie, loin s'en faut. Tant mieux. Quelqu'un d'intelligent  ne saurait que mieux lui indiquer comment elle devrait s'y prendre pour atteindre son but... ou la manipuler. Dans un cas comme dans l'autre, elle allait se rapprocher du monde de la nuit, et donc, de son maitre.

La vampirette semblait fascinée par mon apparence, tant mieux, elle serait bientôt aussi fascinante pour les humains et les semi-humains. Je tournai autour d'elle. Elle avait du potentiel, voilà qui était certain... Une blonde aux yeux bleus, tout comme les rousses, les humains en rêvaient, elle ferait une vampire superbe, ça oui, je n'en doutais pas. Mais il lui fallait d'abord trouver son maître, certes... La jeune vampire me fixait, à la fois craintive, pleine d'espoir, et elle tentait pourtant de paraître impassible...
Si jeune...
Je souriais, je sentais son trouble en moi, son espoir aussi, comme c'était doux... et surprenant. Tout comme l'odeur qu'elle dégageait, les émotions qu'elles ressentaient n'avaient pas la même teneur que celles des humains ou de mes compagnons de crocs. Non, elle émettait sur des ondes encore différentes. Passionnant, incroyable, inédit... Au bout de neuf cent ans, être encore surprise par certains étaient très, très, très, mais alors vraiment très rare.
Je souri, oui, et m'approchai :

_Ton Créateur n'a pas plus de mille ans, environ... Dépassé cet âge nous sommes capables de contrôler notre venin lorsque nous mordons, nous ne créons des individus que selon notre volonté, et cela est très rare. En général nous vampirisons des humains qui ont longtemps été en notre compagnie et dont nous ne saurions nous passer.
En savoir davantage est quasiment impossible, nous nous déplaçons toujours, donc inutile de retourner là où tu as été vampirisée, quant à savoir si c'est une femme ou un homme... Je pourrais peut-être te mordre et goûter ton sang, le venin qui coule dans tes veines pourrait peut-être me donner des renseignements, des indications sur ton Créateur. Je dis bien « peut-être ». Et puis je viens de dîner, je n'ai plus très faim. Qui plus est, ton sang risque fort de m'être... indigeste, tu n'es pas tout à fait humaine, mais n'es pas tout à fait vampire...

Je m'arrêtai devant elle. Non, il était évident qu'on ne l'avait pas créé volontairement, son maître l'aurait conservé. Une nouveau-née est bien trop précieuse pour qu'on la laisse ainsi, c'est une arme formidable. Malheureusement ils ont une durée de vie très courte comparée aux vampires, leur métabolisme supporte mal cette « coexistence ». Je ne pus m'empêcher de toucher sa peau. Ah... Son sang y coulait encore, elle était une vampirette fraîche... Bientôt (du moins pour un vampire) il n'y aurait plus de sang en elle, et son cœur s'étranglerait à fonctionner dans le vide. Quel dommage. On ne lui avait sans doute pas spécifié cet aspect des choses, elle paraissait beaucoup trop détendue. Je souri encore en la regardant.

_Je veux bien t'aider, mais en attendant...

Je la plaquai contre le mur, la tenant par la gorge :

_Cesse de faire n'importe quoi partout où tu passes... Nous ne sommes pas les bienvenus dans le monde, cela n'a pas changé en plus de neuf cent ans d'existence. Si tu ne maquilles pas un peu tes repas en crime crapuleux ou autre, en action de tueur en série par exemple, ils comprendront bientôt qu'il y a des vampires ici et ils nous chasseront. Beaucoup des légendes sur notre race sont fausses, d'autres le sont, et ils réussiront bien à trouver un moyen de nous tuer, comme cela est déjà arrivé par le passé... Je ne laisserai pas une petite idiote nous mettre tous en danger.

Je la relâchai brutalement.

_Je ne suis pas ton maître, mais j'ai neuf cent ans de plus que toi, tu m'obéiras jusqu'à ce que nous trouvions ton maître.

Neuf cent ans... Oh mon... Je la regardai plus attentivement. Elle ne me rappelait rien, mais, en même temps, j'avais tué tant de gens... Et puis ce n'était que depuis que je n'étais plus avec Tino que je savais qu'en dessous de mille ans nous ne pouvions contrôler notre venin. J'avais du créer de nombreuses créatures comme cette... Aurore ? Ah, je n'avais pas relevé l'ironie de ce prénom !
Je tendis une main vers elle :

_Je m'appelle Eusébie Hylde Béatrix Yselda De Courteneuve. Appelle-moi par celui qui te semblera le plus prononçable.

Tirant sa main à moi, j'enfonçai sans préavis mes crocs dans son poignet blanc et fin.

A peine le sang effleura-t-il mes papilles que j'écarquillais le regard et reculai de stupéfaction...

_Tu es... Tu es à moi...

Aurore baissa la tête, un peu gênée, alors que son ainée marchait doucement autour d'elle, l'examinant. Elle ne put cependant s'empêcher de la regarder. Sa beauté troublante, un charisme hors normes. Serait-elle elle aussi autant attirante que ça, une fois sa transformation terminée?
Elle écouta attentivement ses paroles. Elle se doutait qu'elle n'avait pas été désirée, sinon elle n'aurait pas été abandonnée à elle-même au milieu de la campagne avoisinant Nexus. Mais elle n'avait pas le choix, elle devait le rechercher, son instinct la poussait à cela et elle ne  saurait lui résister. Visiblement, elle allait recevoir de l'aide. Un grand sourire de joie véritable se dessina sur son visage à ces paroles. Pour repartir quelques secondes plus tard, alors qu'elle était collée à un mur, une main puissante pressant sa trachée.
Pas vraiment de la peur, elle savait à quoi elle s'exposait, mais une surprise totale se lisait dans ses yeux. Elle avait mal, mais c'était supportable. Elle avait connu bien pire lorsqu'elle était dans les commandos, encore humaine. Elle se concentra sur ce qu'on lui disait.
Maquiller ses repas? Bien sûr qu'elle le faisait, elle se doutait bien qu'une créature comme elle n'était pas très appréciée et qu'il fallait être discret. Ce n'était peut-être pas elle. En fait c'était sûr que ce n'était pas elle. Elle s'était rendue ici à cause de la rumeur d'un vampire. Il y en avait donc un troisième par ici?

Soudainement relâchée, elle s'appuya contre le mur pour remettre sa respiration à la normale. Cela fut rapidement fait, c'était une soldate entrainée à qui il fallait rajouter des dons vampiriques, après tout. Elle agrippa la main tendue et se laissa tirer connaissant maintenant le nom de qui elle avait en face d'elle. Une douleur vive mais pas inconnue lui transperça le poignet. Elle était en train de boire un peu de son sang.
Elle ne comprit pas pourquoi elle lui relâcha la main et recula subitement. Du moins jusqu'à ce qu'elle dise qu'Aurore était à elle. C'était donc sa maitresse? Elle, la première véritable vampire qu'elle a rencontré? Elle n'en revenait pas d'une telle chance. Le choc de la surprise passé, elle pris un air sérieux et s'agenouilla à la façon d'un chevalier.


«-Vous êtes ma maitresse. Ma mère dans cette nouvelle vie. Prenez-moi à vos côtés et je vous servirai fidèlement pour l'éternité.
Apprenez-moi à être vampire, à être moi.
Je ne suis pas aussi gauche que vous avez pu le penser. Les meurtres non camouflés ne sont pas mon œuvre, ce sont eux qui m'ont conduits jusqu'ici. Il y a donc un troisième vampire.
Je vous prie de bien vouloir m'accepter. Je suis à vous corps et âme.»


Un nouveau départ. Une vie de servage éternelle s'avançait sous ses pieds et elle ne rechignerait pas à emprunter cette voie. À nouveau, son cœur palpitait. Elle était si heureuse d'avoir trouvé la personne envers laquelle elle était liée, celle à qui elle devait tout, qu'elle se sentait comme une jeune pucelle à qui le beau jeune homme dont elle est éperdument amoureuse fait sa déclaration. Ses pommettes rougirent, elle avait le souffle court dans l'expectative de la réponse. Un refus n'était pour elle pas envisageable. Elle était sa propriété, que deviendrait-elle toute seule?
En fait elle était amoureuse. Comme une fille peut l'être de sa mère. Elle accepterait tout d'elle. Tout sans exception.

Je restai tout simplement abasourdie par ma découverte. Elle était ma progéniture... Cette fille était mienne, elle était mes entrailles... Et maintenant que j'en avais conscience, je me rendais compte en effet que je captais ses émotions mieux que quiconque, et je lisais là sa dévotion qui commençait à la submerger, son amour sans borne, sa fascination, son adoration... Un tel lien était presque effrayant.
Elle m'avait rejoint en quelques pas, s'agenouillant devant moi, comme si j'allais l'adouber.

_Vous êtes ma maîtresse. Ma mère dans cette nouvelle vie. Prenez-moi à vos côtés et je vous servirai fidèlement pour l'éternité.
Apprenez-moi à être vampire, à être moi.
Je ne suis pas aussi gauche que vous avez pu le penser. Les meurtres non camouflés ne sont pas mon œuvre, ce sont eux qui m'ont conduits jusqu'ici. Il y a donc un troisième vampire.
Je vous prie de bien vouloir m'accepter. Je suis à vous corps et âme.

Je la regardai, là, à genou, et je sentais son abandon, son abandon à moi, pour moi ! Je souriais : j'avais le meilleur jouet qu'il m'eut été d'obtenir, le meilleur soldat, la meilleure arme du monde...

Je passais ma main dans ses cheveux et la faisais glisser jusqu'à son menton pour lui relever le visage :

_Bonjour, Aurore...  Bienvenue à mes côtés, mon enfant...

Je souris largement, la redressant.

_Je te formerai, je t'apprendrai tout ce que l'on m'a appris. Si je t'estime digne de devenir une vraie vampire, je te transformerai, pour le moment tu resteras dans cette coexistence humaine – vampire, et tu me serviras comme personne. Je ferai de toi ma princesse...

Je lui caressai le visage, voilà que j'avais le plus beau présent que ma nouvelle vie m'ait donné, après Tino. J'embrassai le front de ma nouvelle protégée.
Les conseils de mon aîné si pareil cas se présentait firent irruption dans mon esprit : établir d'abord un rapport strict d'autorité qui évoluerait avec le temps.

_Tu ne m'appelleras plus que « Maîtresse », « Mère » et, si jamais tu en as l'envie, « Maman ». Lorsque je te ferai vampire – si je te fais vampire – tu pourras m'appeler Euldexa. D'ici là contente-toi des noms que je t'autorise...
En attendant, dis-moi, que sais-tu de l'abruti qui laisse ses traces partout et comment peux-tu être sûre que ce n'est pas toi ? Sais-tu seulement chasser correctement ?

Je la dévisageai de haut en bas. Et je souris en passant ma main sur son opulente poitrine :

_Sais-tu au moins te servir d'appâts... ?

Il n'y avait aucun doute, elle saurait m'obéir au doigt et à l’œil. Ce nouveau lien était incroyable :

_Ma belle Aurore, ma rose, voici mon premier commandement : montre-moi comment tu chasses...

Elle était si douce, si affectueuse. Elle caressait son visage, ses cheveux, sa poitrine, même. Elle était plus considérée comme une fille que comme une esclave. Elle n'avait pas l'envie d'être une princesse, juste de rester avec sa maitresse et la servir. Ne pas la quitter.
Le premier ordre vint: lui montrer sa façon de chasser. Sans soucis, à ce niveau, elle était sure de ses compétences, du moins suffisamment pour savoir ne pas être la dernière des débutantes.


«-Il y a quelques jours encore, j'étais à Nexus. Là-bas, j'appris la rumeur de meurtres qui auraient été perpétrés par un vampire ici, à Ashnard. Je suis donc venue en toute hâte, pour la raison que vous savez. Ce ne sont certainement pas votre œuvre et je n'étais pas encore ici lorsque ça a débuté. Entre le temps que la rumeur atteigne Nexus et maintenant, cela doit bien faire 3 semaines un mois, soit logiquement avant que vous n'arriviez ici, puisque j'ai quitté ma vie humaine à peu près à cette période.
Pour la chasse, j'étais dans les forces spéciales d'intervention quand j'étais humaine, je suis donc entrainée à neutraliser des cibles sans me faire remarquer. Si par appât, vous entendez mon corps, il suffit de regarder ma tenue. J'ai remarqué que s'habiller léger fait venir pas mal de proies, et pas que des hommes. Mais vous m'avez demandé une démonstration, maitresse, alors allons-y avant le point du jour.»


Elle retira sa cape et la fourra dans une sorte de sac qui pendait à ses côtés. Elle avait maintenant tout l'air d'une prostituée. Elle vagabonda un peu jusqu'à trouver une rue de taille moyenne menant à une auberge pour aventuriers, et avec une petite ruelle non loin. Elle patienta un peu, faisant la catin en mal de clients. C'est une femme d'une petite trentaine, visiblement habituée à se battre vu le nombre d'armes qu'elle transportait. Elle avait l'air las, et s'adressa à Aurore sans détour.


«-J'aurai bien besoin de me détendre après cette vacherie de mission, et je suis sure que tes seins de salope feront parfaitement l'affaire.
*Elle tâta abondamment la marchandise*
-Ils sont tout à vous, suivez-moi.»


Elle vérifia que personne ne les voit entrer dans la ruelle, et l'entraina au milieu de celle-ci. Des chats cherchaient à manger un peu plus loin et ne semblaient pas dérangés de cette apparition. La femme colla la vampirette contre un mur de la main gauche, passant l'autre dans ses habits pour mieux apprécier la volumineuse poitrine. Et elle s'écroula. Aurore était formée au corps à corps en connaissait donc des techniques permettant d'assommer quelqu'un sans problème, et sans laisser de traces. Elle prit son poignet gauche et commença son repas. Elle ne la vida pas complètement. Elle dégaina le couteau de chasse de la victime et lui entailla profondément le poignet, camouflant les marques de morsures. Il y avait du sang sur la lame, qu'elle posa parterre, près de la main droite, ainsi que sur son poignet. Quelques gouttes coulèrent au sol. Elle attrapa deux chats en les tuant sur le coup, afin qu'ils ne fassent pas de bruit. Elle les visa de leur sang, non pas en le pompant, mais à l'endroit où aurait dû se répandre celui de sa victime humaine. Les félins balancés dans une poubelle, la scène ressemblait véritablement au suicide d'une aventurière blasée.
Rien n'avait été laissé au hasard, elle avait même attendu suffisamment longtemps pour déterminer si elle était droitière ou gauchère. Remettant sa cape, cachant son visage et ses habits, elle partit retrouver sa maitresse.


«-J'espère ne pas vous avoir déçue, mère.»


Se devait être la seule activité vampirique pour laquelle elle avait un quelconque talent. C'était un peu plus compliqué de chasser pour elle que pour sa maitresse, puisqu'elle n'avait pas son charisme ni sa discrétion. Elle devait compenser par son expérience des scènes de crime.
Elle espérait rendre sa mère bien-aimée fière d'elle, de son travail de vampirisation, même si involontaire. Elle était comme une jeune fille rapportant une bonne note à ses parents. Elle n'avait jamais connu les siens et faisait figure de bébé dans sa nouvelle race. Un doux retour en enfance, mais avec cette fois-ci, une mère pour l'aimer et pour qui elle pourrait donner le meilleur d'elle-même.

Je sentais son amour pour moi croître en elle, elle s'épanouissait comme une fleur au soleil, enfin... à la lune, dans le cas présent. Je souriais tandis qu'avec presque fierté elle me faisait un compte-rendu des affaires de la ville :

_Il y a quelques jours encore, j'étais à Nexus. Là-bas, j'appris la rumeur de meurtres qui auraient été perpétrés par un vampire ici, à Ashnard. Je suis donc venue en toute hâte, pour la raison que vous savez. Ce ne sont certainement pas votre œuvre et je n'étais pas encore ici lorsque ça a débuté. Entre le temps que la rumeur atteigne Nexus et maintenant, cela doit bien faire 3 semaines un mois, soit logiquement avant que vous n'arriviez ici, puisque j'ai quitté ma vie humaine à peu près à cette période.
Pour la chasse, j'étais dans les forces spéciales d'intervention quand j'étais humaine, je suis donc entraînée à neutraliser des cibles sans me faire remarquer. Si par appât, vous entendez mon corps, il suffit de regarder ma tenue. J'ai remarqué que s'habiller léger fait venir pas mal de proies, et pas que des hommes. Mais vous m'avez demandé une démonstration, maîtresse, alors allons-y avant le point du jour.

Intéressant... Il y avait donc au moins un troisième vampire à Ashnard. Un second nouveau-né, sans doute, puisque la créature était incapable de dissimuler ses traces... Je pourrais peut-être le prendre sous mon aile, il ou elle travaillerait avec Aurore, et j'aurais à mes ordres les plus formidables soldats que la terre aient produits... Formidable, oui.
Ancienne militaire ? Jackpot ! Comme disent les Humains. J'avais décidément trouvé l'arme la plus redoutable et je la manierai mieux qu'une lame. Je lui embrassais le front avant qu'elle ne parte et se mette en chasse.
Brave petite merveille, ma toute petite merveille, ma propriété, ma chose, mon enfant...

Je la suivais, pas peu fière, déjà, de la voir arpenter les rues avec une si grande discrétion. Silencieuse, belle et dangereuse. Une vraie future vampire, une véritable merveille, vraiment, ma merveille. Je me dissimulais dans un recoin sombre, observant ma progéniture à l’œuvre. Elle était maligne, efficace, rapide et silencieuse.

Son jeu macabre était des plus inventifs, créatifs et... admirables, tout comme son entraînement à la mort. Je n'aurais que peu de travail à faire. Tant mieux, cela laisserait plus de temps à la théorie, à l'histoire, ce genre de choses... Elle revint vers moi, les yeux étincelants, fière, certes, mais toute tendue dans l'expectative de ma réponse. Je souriais encore une fois, lui embrassant le front.

_J'espère ne pas vous avoir déçue, mère.

Je lui caressais doucement le visage, l'écartais de mon chemin et marchais vers le cadavre. Mon regard balaya la scène, et je prenais un visage d'expert examinant une sculpture d'apprenti. Du doigt, je désignais le sang au sol :

_C'est une bonne idée, ma petite, mais... Imaginons qu'ils décident d'enquêter là-dessus, comment pourra-t-on expliquer le sang d'animaux mêlés à celui d'un Humain, ma belle... ? C'est une bonne idée mais, si tu veux que cela soit plus crédible, il faudrait que tu boives moins afin qu'elle saigne davantage... Mais, ceci dit, si tu tiens à la thématique du suicide...

Agrippant brusquement son poignet, je l'entraînais dans les rues, hilare, afin de trouver une proie, à mon tour. Je flairais leurs émotions, jusqu'à trouver un Humain qui paraissait si triste qu'il serait aisé de le penser suicidaire. Je laissai Aurore au coin d'une rue et déployais mon charme pour l'entraîner dans un coin. L'homme me suivait, docile, comme d'ordinaire. Je nous menais jusqu'à une vue superbe, une sorte de balcon sur la ville, à plusieurs mètres de hauteur. Je me glissais dans son dos et, brusquement, le mordais à la base du crâne, dans la nuque. Ayant étanché ma soif, je jetais le corps par dessus la balustrade, le crâne explosait, éradiquant toute trace de ma morsure. Je souriais, essuyais mon menton et me tournais vers ma progéniture :

_Le problème avec cette technique de couverture, c'est que le sang des dépressifs est... peu goûteux.

Me recoiffant, j'approchais d'elle, lui prenant le menton entre mes doigts délicats :

_Moi, mon petit truc, c'est de descendre tous les cinquante ou soixante ans dans une ville, voire davantage, et de jouer au tueur en série... regarder la nourriture se débattre pour se sauver c'est... Si drôle ! Tu verras, tu verras ma petite...

Elle regarda sa maitresse examiner la scène, et attendit le verdict. Il fut accueillit comme un véritable compliment, malgré la remarque sur le sang animal. Malgré son jeune âge, et le fait qu'elle n'était pas particulièrement douée dans ce domaine, elle avait été formée à mener l'enquête, et elle avait bien remarqué que le niveau technologique d'Ashnard ne permettait pas de distinguer un sang d'un autre. Mais peut-être qu'une quelconque magie le pouvait? Elle n'avait appris l'existence de ce genre de pouvoirs que très récemment, et elle avait beaucoup à apprendre sur le sujet.

Puis elle se laissa entrainer pour assister à la chasse de sa maitresse. Celle-ci se montra envoûtante. Un charisme surnaturel se dégageait de sa personne, et n'importe quel être humain serait tomber à ses pieds. C'était grandiose, quoiqu'un peu risqué. En effet, il y avait beaucoup de chance que le cadavre ne tombe pas sur la tête, auquel cas il aurait fallut trouver autre chose. Mais ce n'était pas le principal souci.


«-Je ne demande qu'à apprendre, Mère. Mais à l'heure actuelle, j'ai bien peur de ne pas être capable de faire la même chose.
C'est à dire que... Je ne dégage une aura de séduction comme la vôtre. Je pense qu'une telle personne ne s'émoustillerait pas de mes atours et passerait simplement son chemin.
*Elle soupira*
-J'ai tant à apprendre de ce monde que j'en perd mes esprits.
Je vous propose de trouver un endroit où s'abriter, il fera bientôt jour. Je suis pour ma part logée dans une auberge qui n'est pas des plus propres. Ils ne prennent pas les chèques terriens, donc je n'avais pas le choix.»


Elle prononça cette dernière phrase à la façon d'une blague légère. Elle se disait qu'un peu d'humour, ça ne fait jamais de mal.
Elle estimait le lever du soleil à environ une demi heure. L'habitude de dormir à la belle étoile. Et elle ne serait pas contre une bonne douche. L'aventurière qui l'avait tripotée tout à l'heure avait les mains sales et elle désirait se débarrasser de cette souillure. Cependant quoi qu'elle veuille, elle ferait passer les désirs de cet être aimé qu'elle appelle Maitresse avant les siens. Obéissante, reconnaissante et pleine d'admiration, elle la suivait comme un petit chien curieux. Le vampire allait lui montrer son antre du moment.