Alors que je m'éveillais et m'étirais sous le soleil de Terra, ma peau -recouverte du liquide résultant du changement de forme d'un métamorphe- craquela. Le liquide séché tomba en paillette sur le sol. Evidemment, j'étais nue. Je bâillais un bon coup et file m'habiller d'une tunique en cuir souple, dont la ceinture souligne la finesse de ma taille. J'hume l'air pour vérifier que, durant les quatre heures où j'ai dormi, personne ne s'était introduit sur mon territoire. Puis, je retrace les contours de ce même territoire avec une poudre qui repousse tout autre animal ou terranide susceptible de s'approprier mon territoire. Enfin, je pars. Je vais m'absenter plusieurs jours. J'ai envie de voir du pays, encore. En mille cinq cents dix-huit ans, je n'avais toujours pas rassasié ma curiosité. Je quittais donc mon territoire d'un pas leste, pieds nus, alors qu'une dague était passée à ma ceinture et qu'un fusil, gigantesque, était lacé dans mon dos.
Je ne m'attendais pas, par contre, à plonger dans un portail menant vers la Terre sitôt franchies les limites de mon territoire. C'est avec surprise que je me suis retrouvée, d'un coup, à Seikusu. Dansu un quartier mal famé dirait-on même. Je fais quelques pas, puis manque de me faire étranger par un malfrat, avant de dégainer ma dague et de me débarrasser de lui. L'air est plus pollué que sur Terra, et je sens le souffle me manquer. Je cours au hasard, avant de me réfugier dans une ruelle. J'y planque mon fusil, et un chien errant vient même s'y asseoir, comme s'il montait la garde. Il faut croire que les phéromones métamorphes agissent même sur les chiens terriens. Tant mieux d'ailleurs. Puis, je ferme les yeux, et mon corps rétrécit et change jusqu'à ce que je sois minuscule, comme une main humaine, avec une longue chevelure prune. La dague, à ma ceinture, est devenue une épée pour une personne de ma petite taille. Je la soulève avec précaution et la glisse dans l'étui de mon dos. Puis je vole à droite et à gauche, un peu plus haut dans le ciel, pour respirer de l'air pur et visiter un peu. Parfois, je me risque auprès du sol, mais je provoque des émeutes face aux gens qui ne sont pas habitués à voir des fées et qui me traitent de démon. D'ailleurs, l'un d'eux va même jusqu'à tirer en l'air, dans ma direction, avec un neuf millimètres.
• Bordel ! Mais foutez-moi la paix !
Je crie, d'une voix fluette mais perçante, et je suis sûre que ça agace les gens. Enfin, je le pense. Jusqu'à ce que je me rappelle que seuls quelques rares personnes peuvent entendre les paroles d'une fées. Les autres n'entende qu'un son de clochette. Je carillonne donc, furieuse, et cela fait rire les gens. Je souffle de dépit et vais voler un peu plus loin, maudissant ces terriens.
• ...Incomprise ! Quelle bande de mufles ! Sacrebleu, j'en ferais de la chair à métamorphe si je m'écoutais !
Et je continue ma route, négligeant de regarder où je vais, pour finir par heurter un torse humain qui me parais dur comme la pierre. L'individu, surpris sans doute, referme ses doigts autour de ma taille, me tenant comme un bouquet de fleur au creux de sa main. Je sens mes joues chauffer, déjà assez énervée, et fulmine :
• Mais lâchez-moi, sale brute d'humain ! Vous pouvez pas regarder où vous marcher ? Chauffard ! Et les priorités à droite aux fées, hein ? Ah j'vous jure, des imbéciles finis ces terriens !
Mes joues doivent être délicatement rosées sous la fureur et l'agacement, tandis que je me débat pour échapper à cette main humaine presque plus grande que moi.