Quantité négligeable { PV Nathaniel Essex }

Sur Terre, il vaut mieux être humain. Mais cette discrimination me hérisse, alors je fais exprès de me balader sous diverses formes en attendant de retrouver un portail pour Terra. Hier, c'était semi-métamorphe. Je ne vous dis pas la tête de la caissière quand j'ai piqué un pack de Desperados Red. Tétanisée la vieille. J'ai pu sortir tranquillement, en sifflotant, le pack sous le bras. Je me suis vite fait barrée ensuite, sautant sur les toits pour regagner ma cachette provisoire. Et je viens de finir la dernière bouteille de Despé' d'ailleurs. Avec un bon petit poulet rôti, volé au centre commercial avant la boisson. Un bon repas ma fois.

Je m'étire, vais prendre une douche dans une maison in-occupée, et enfile ma tunique avant de me métamorphoser en fée. Ma longue chevelure prune est retenue par des tresses roulées en chignon. Et une nouvelle fois, ma dague me fait office d'épée sous cette forme-là. Je la glisse dans le foureau et vole un peu partout dans la maison jusqu'à retrouver la sortie. J'ai tout laissé allumé, mais tant pis. Pour le fun, je repasse dans le magasin où j'ai volé la bière aromatisée à la tequila et je nargue les quatre flics qui montent la garde, armés jusqu'aux dents, collant un nouvelle frayeur à la vieille en sautant sur sa tête. A force, elle va avoir un arrêt cardiaque.

Ceci fait, je sème mes poursuivants dans le quartier de la Toussaint avant d'aller faire un tour au centre-ville. Je me pose sur une une statue d'un type portant une couronne d'épine sur la tête, vêtu d'un espèce de pagne et... Oh, crucifié à une croix. Haaa, j'y suis ! C'est ce Jésus dont tout le monde parle ! Il m'a pas l'air bien vivant. Depuis combien de temps il y est accroché ? Il ne m'a pas l'air bien frais non plus. J'agite ma main devant son visage, saute sur son crâne dur comme de la porcelaine, et je l'insulte même de tous les noms. Finalement, ayant piqué une lourde pochette de feutre à des gamins, j'entreprends de rendre des couleurs à ce mec un peu trop pâle. Je prend le rouge, d'abord, pour orner ses iris et ses lèvres. Puis le noir pour les pupilles. Je dessine des moustache aussi.

• Tiens, du vert réhaussera ton teint mon bonhomme.

Je prend le feutre vert et dessine une chaîne d'émeraude autour de son cou, ainsi que des petits points sur sa peau. Peau que j'ai d'abord coloriée en beige, mais qui m'a l'air orange. Au final, je passe bien quatre heure sur ce type, à le colorier. Tant pis pour ceux qui me voient.

C'est une poigne de fer qui se referme sur elle.
Les doigts la maintiennent prisonnière, lui interdisant la plupart de ses mouvements, mais ses ailes semblent avoir été volontairement épargnées par la prise digitale; preuve en étant qu'elles peuvent continuer à battre frénétiquement à travers les phalanges jouant les geôlières. Le mouvement de poignet sec la fait de déplacer dans l'air, la mettant nez à nez avec un regard évooquant immanquablement la couleur de l'or. Agréable teinte, qui n'a pas de métallique que le rappel du précieux métal. Non, cette oeillade redoutable semble scruter l'âme, n'admettant aucune rebellion où protestation, a aussi la dureté du métal.
Cet homme (car c'en est un, au vu de son collier de barbe et de sa moustache) est visiblement un prédateur. Et la petite chose entre ses doigts sévères n'est pour l'heure rien de plus qu'une proie, une sorte de petit papillon déjà épinglé au coeur par l'action d'un entomologiste.

Son souffle est chaud sur elle, chargé de sucre. Agréable, sûrement. C'est peut-être la seule chose qui l'est chez lui, car sa voix grave et basse n'a vraiment rien de la sucrerie. Son côté impitoyable et absolu s'accorde finalement bien avec son regard d'oiseau de proie.

- La punition pour ton blasphème devrait être exemplaire, Fée. Longue. Pénible. Je peux me charger de te l'infliger jusqu'a ce que tu récite la Sainte Bible en guise de repentance, agenouillée devant le Christ.

Certains profèrent des menaces pour se donner de la consistance, pour masquer leurs propres faiblesses. Pas cet homme, dont le large chapeau masque une partie du regard d'un voile de ténèbres. Non. Lui ne fait qu'exposer une vérité ne demandant qu'a prendre corps par delà les mots, par le biais des actes.
Et si sa réplique cingle dans l'air comme le cuir d'un fouet, il n'en applique pas un mot. Pas encore.

- Justifie toi. Où débat toi. Défie moi, si ça te chante. Mais si tu fuis...

Il ouvre les doigts pour la libérer, son regard toujours dardé sur elle, comme prêt à la fusiller d'un battement de paupières.

- ...je ferais en sorte de ne laisser aucune trace de toi.

Alors que j'étais en train de rajouter des points bleus sur la peau du type d'albâtre, je sentis des doigts se refermer sur moi, comme l'autre jour dans le quartier de la toussaint. J'ai beau me débattre, seules mes ailes peuvent battre frénétiquement. La main qui me retient se déplace, me rapprochant de celui qui avait osé m'attraper. J'ouvre la bouche, mais c'est un couinement qui s'en échappe alors que le déplacement d'air, et l'air impur de ce monde, m'étouffe à moitié. Je reprends calmement ce souffle qui me manque alors que l'homme parle. Je sens d'ailleurs une fragrance sucrée dans l'haleine de cet homme. Mon regard, d'améthyste observe la couleur d'or de cet étranger. Pas courant non plus ça, sur Terre. Je prend mon air boudeur, à ses mots, et penche la tête sur le côté, mes ailes battant toujours au cas où il me libèrerais.

Ce qui arrive bien vite finalement. J'en suis tellement surprise que mon corps s'élève brusquement dans l'air lorsque la prison de ses doigts disparaît. Et je n'entends presque pas la fin de ses paroles. Je redescend à sa hauteur, le fusillant du regard, et commence à râler :

• Nan mais hé ! Tu pourrais prévenir quand tu me lâche, hein ? On t'as pas appris les bonnes manières ?

Pour faire bonne mesure, je fais mine de dépoussiérer ma tunique courte. Ma voix, fluette, peut-être entendus par quelques humains. Je ne sais pas trop comment marche ce processus de sélection, c'est au hasard sans doute. Mais pour les autres, ce n'est que des bruits de clochettes. J'espère au moins qu'il comprend ce que je dis, parce que le mimer...

• Et puis ta Sainte Bible, j'en connais pas un mot alors tu pourras toujours attendre. C'est qui ce Christ ? Lui là-bas ? Jésus ? Ha oui, c'est vrai que son nom complet c'est Jésus Christ... Vous êtes compliqués, vous les humains...

Je prend une pause pour reprendre mon souffle, avant de continuer mes reproches.

• Et puis j'faisais quoi de mal hein ? Regarde, il est plus cool comme ça. Avant on aurait dit un vieux grincheux malade. De toutes façons, vous les humains, vous êtes des ignares et des imbéciles. Prend garde à mon courroux si tu m'énerves, brute !

Je sors ma lame de son fourreau, la brandissant victorieusement, avant de la pointer vers cet homme qui, ma foi, est malgré tout impressionnant. Mais chut, j'ai pas peur.

Il la regarde virevolter, ne la lâchant pas une seconde des yeux même lorsqu'elle se trouve surprise de sa libération au point de manquer de s'écraser contre le plafond de l'église.
L'Apôtre la voit redescendre à son niveau, apparement en colère contre lui. La petite ouvre la bouche et sa voix fluette semble mâtinée de sons légers de petites clochettes douces et tintanibulantes. Visiblement, la Créature est agacée et se met en devoir de le faire savoir à la cause de ses tourments, qui ne cille ni ne bouge. Bras à présent croisés, chapeau toujours abaissé pour ne laissé que l'un de ses yeux apparents, l'homme de foi écoute les doléances de ce minuscule bout de femme.

- Parce que les bonnes manières laissent les Fées dénaturer un lieu de culte par d'infâmes peinturlurages ?

Bien qu'il ne le reconnaitra pas à voix haute, l'homme au chapeau ne peut s'empêcher de noter mentalement que son interlocutrice modèle réduit ne manque pas de caractère. Ca l'amuserait presque, si elle n'avait pas craché à la face du Christ Sauveur. La Fée lui évoque une gamine excitée, adolescente insolente. De celles que seule une superbe baffe retentissante remettrait à la place qui est la sienne.
Il n'en fait rien, se contentant de rendre son regard encore plus meurtrier lorsqu'elle commence à parler du Sauveur.
La pulvériser. C'est la première chose qui lui vient à l'esprit et pour parler franchement, l'Apôtre s'apprête même à la vaporiser dans un rayon d'énergie, comme en témoiogne la Bulle s'étant ouverte au-dessus de la Fée. Il n'en fait pourtant rien, décidant que la leçon devrait être assimilée plutôt que la punition dispensée. La tuerie aveugle ne possède aucun éclat, aucune subtilité. Pas son genre.
Ses yeux regardent un instant l'arme pointée fièrement sur lui, avant de venir se poser impitoyablement dans ceux de la belle.

- Ainsi, tu me défie. Bien.

D'un geste sec, il écarte un des pans de son large manteau couleur aile de corbeau et vient se saisir du manche de l'épée qui en dépasse, dégainant l'arme dans un mouvement lent qui laisse tout le loisir d'entendre l'acier de la lame glisser le long du fourreau la cintrant.
Lui aussi tends son arme, plaçant le fil aiguisé au niveau du coup de la jolie petite libellule.

- Te faire ravaler tes mots sous cette forme n'aurait pas de sens. Je te laisse donc la possibilité de changer d'apparence, si tant est que tu en sois capable. Quoi qu'il en soit... Pointer une arme dans ma direction après avoir souillé la Sainte Croix mérite que je te corrige. Tu ne t'en sortira pas indemme, d'une façon où d'une autre.

Point positif, au moins il me comprend. Point négatif ? Ce serait trop long ! Je sais que je bouge les bras dans tous les sens lorsque je suis une fée en colère. Faut bien gesticuler pour se faire prendre au sérieux par ces grands dadets.

• Infâmes peinturlurages ? Infâmes peinturlurages ? Non mais oh ! Regardes un peu ! Il a meilleur mine nom d'un loup en jupe ! ... Bon, okay, j'ai raté les lèvres. Un rose saumon aurait été mieux. Mais y avait que ça dans la pochette de feutre des gamins. Et puis franchement, pas étonnant que ce lieu de culte soit vide, rien n'est attrayant. A part l'or pour les voleurs. Pff...

Ma lame pointée vers lui, je ricane légèrement. Trop sérieux ce type. Mais y f'rait mieux de se dépêcher. Parce que bon, j'ai beau être forte, une dague comme celle-là pèse son poids lorsqu'on est une fée. Comme s'il m'entendais penser, le voilà qui sort son... Euh... Monstre. C'est vrai. J'avais oublié ce léger détail qui fait que son épée risquait d'être plus grande et plus grosse que moi. Je relève la tête pour ne pas être coupée, et c'est à ce moment que ma dague décide d'être trop lourde. Je suis élastique sous forme de fée. Aussi, la dague tombe au sol avec un bruit sourd et ma main suit le même chemin. Mon bras s'étire et je vacille dans l'air alors que ma main touche le sol. Heureusement que j'ai reculé ma tête, ou j'aurais été décapitée.

• Heum... J'vais paraître pointilleuse, mais la croix j'y ai pas touché. Juste le bonhomme. Jésus machin chose. Bon, t'écartes ton couteau deux secondes, que je me pose ? C'est pas agréable de tomber de... Un mètre et les brouettes alors qu'on est sous forme humaine.

Mais, sans attendre qu'il s'exécute, je pousse le plat de la lame avec mes pieds et vole vers le dossier d'un siège. Un banc dirait-on. Je m'y pose, tirant mon bras toujours accroché à la dague vers moi, et regarde l'homme d'un air sévère.

• Tournes-toi donc, et passe-moi ton manteau. Ma tunique passe très bien de forme humaine à féérique, mais j'arrive pas l'inverse. Hé.

Et je croise à nouveau les bras, ayant posé la dague près de moi. Non mais ho ! S'il se retourne pas, c'est un pervers. Et après, ça s'dit religieux, et gna gna gna ?