Il pleurait, lui aussi, mais elle, elle était totalement perdue. Elle ne savait même pas ce qu’il lui voulait, ce qu’elle devait donner pour avoir le droit de manger ce pain, pour avoir le droit de pleurer, elle ne savait même plus ce que c’était de recevoir sans être forcée de payer par la suite, et cela lui faisait affreusement mal. Elle voulait rien, elle voulait juste être tranquille, retourner dans la rue et aller se cacher le temps que tout se calme, ce n’était pourtant pas un miracle qu’elle réclamait, non? Elle agissait tout simplement en bébé, et elle en avait très honte. C’était souvent à ce moment-là que ses tortionnaires décidaient de débarquer pour lui faire vivre une autre séance de long calvaire. Déjà, elle avait mal partout, ses blessures n’étaient pas près d’être guérie, son nouveau propriétaire n’était même pas clair dans ce qu’il voulait et il n’en demandait pas assez, ce qui la troublait profondément après tout ce temps passé coincée chez des hommes très peu fréquentables et surtout très mesquin qui ne cherchait qu’à lui faire du mal et/ou de la peine. Elle avait du respect pour Loki, et elle avait même le béguin pour lui, mais elle se doutait que sous son étrange gentillesse se trouvait un homme mauvais qui n’allait pas tarder à lui faire voir des couleurs très sombres ou alors, à force d’être cognée, très vives.
Elle fut surprise d’être redéposée sur le sol. Elle regarda le Renard puis elle baissa la tête, honteuse d’elle-même. Il devait être très fâché contre elle. Elle resta donc là, toute seule, à tenter de retenir ses larmes qui lui brûlaient les yeux. Elle se mit à sangloter, restant droite comme un clou là où elle avait été déposée. Elle ne voulait pas qu’il soit mécontent d’elle, elle voulait qu’il soit gentil avec elle, qui la traite doucement, elle ne voulait pas redevenir une esclave, mais elle ne comprenait pas s’il était avec ou contre elle. Il disait des choses gentilles pour ne pas lui faire peur, pour la mettre en confiance, avant de lui sauter plus tard dessus et lui faire du mal. Elle resta un long moment debout, raide comme si quelqu’un la tenait dans cette position inconfortable. Elle continuait néanmoins de pleurer, regardant de nouveau Loki. Elle se retenait du mieux qu’elle pouvait, mais bien vite, son besoin se fit trop pressant. Elle s’élanca pour le rejoindre, lui enleva le couteau des mains puis elle le serra dans ses bras en déposant un bisou sur la bouche de la créature, cette sorte de bisous que l’on donne aux personnes qu’on aime ou alors aux membres de sa famille, et elle cacha sa tête dans son cou en le serrant très fort. Elle avait terriblement besoin d’affection, elle avait besoin que quelqu’un fasse attention à elle, qu’on lui dise qu’elle n’avait plus rien à craindre.
-Véro être gentille… pleura-t-elle dans la fourrure du Terranide. Véro faire tout ce que Renard dire… Véro être sage… Renard gentil, Véro méchante…
Elle devait parler. Elle devait communiquer avec lui. Elle devait le faire, même si elle n’aimait pas ces sons bizarres qui sortaient de sa bouche. Elle voulait que Loki l’aime aussi, qu’il soit gentil avec elle, et même, elle souhaitait secrètement qu’il l’aime assez pour ne jamais la laisser partir. Vous savez, Véro n’est jamais tombée amoureuse d’une autre personne que son grand frère. Elle avait eu bien des maîtres qui étaient beaux, mais aucun ne faisait battre son cœur, alors qu’aujourd’hui, son cœur battait très fort dans sa poitrine. Elle avait du mal à savoir si c’était des pulsations cardiaques ou alors un solo de batterie qui se faisait dans sa poitrine. Peut-être les deux, qui sait? Loki était le seul être qui lui ressemblait un peu, maintenant. De la même branche des Terranides même s’ils n’étaient pas acclimatés aux mêmes températures, lui étant naturellement plus velu pour combattre le froid de la neige et de la vie sauvage alors qu’elle était fait pour les villes et les climats plus chauds et plus humides. Elle le serra longtemps et très fort, craignant qu’il ne s’évanouisse entre ses bras comme par magie. C’était déjà arrivé dans un rêve, mais dans la réalité, elle doutait de pouvoir y survivre.
Après un moment, elle se rendit compte de ce qu’elle faisait. Elle prit peur. Elle le relâcha immédiatement, puis elle le regarda… avant de détaler à toute vitesse vers la porte. Dans son élan, elle parvint à sauter suffisamment haut pour défaire la poignée. Elle s’élanca immédiatement dans l’ouverture et disparut derrière, comme si elle avait le diable aux trousses. Comment avait-elle put être aussi familière avec quelqu’un qu’elle venait de rencontrer? Quelqu’un qu’elle ne connaissait même pas, hormis sa réputation de tueur? La peur lui étreignait le cœur et la panique se lisait mieux que n’importe quel mal au fond de ses yeux. Elle courut parmi les passants à quatre pattes, accentuant sa vitesse de propulsion. Elle passa entre les jambes d’un Terranide, le faisant trébucher, elle courut encore et heurta de plein fouet un homme de deux mètres, un Terranide-tigre, et elle évita de justesse son coup de botte agacé. Elle continua encore de courir, laissant derrière elle des étalages renversés, des fruits plein les routes, des gens tombés et pire encore, elle avait déclenché le feu dans une maison en renversant un homme portant une torche. La calamité Véronique, c’était ainsi que les gens la surnommaient dans son état de frayeur et de confusion. Elle courut encore, maintenant pourchassée par des gens en colère, et elle redoubla d’ardeur, n’y voyant rien à force de pleurer comme un bébé tout en courant. C’est dans une ruelle qu’elle s’arrêta alors, suivie immédiatement par les hommes en colère. Ils s’approchaient, ils étaient grands, ils étaient forts et ils étaient furieux. Elle les regarda, mais ses larmes n’émurent personne. Leur vie était déjà dure, et il fallait qu’une calamité vienne foutre le bordel chez eux. Un des Terranides s’approcha avec son couteau. Elle se blottit dans un coin. Il approchait, et chaque pas accélérait son rythme cardiaque. N’y tenant plus, son cœur émit un dernier cri.
-Mamaaaaaaaaan! Hurla-t-elle à plein poumons, effrayant des oiseaux qui avaient installés leur nid à cet endroit, déchirant l’air de ce son de désespoir.
Soudain, tout se ralentit. Le Terranide s’immobilisa dans son pas. Les grands yeux de la petite fixèrent ce pas qui s’étirait à l’infini. Elle respirait vite, elle respirait fort, et sa respiration sonnait comme le son d’un battement d’aile de dragon dans ses oreilles. Son cœur ralentissait. Deux cents battements par minute, cent quatre-vingt, cent soixante, cent trente, cent, soixante, vingt, dix-neuf, dix-huit, dix-sept, seize. L’adrénaline mourrait, mais le cœur n’en pouvait plus, elle ne pouvait déjà plus respirer. Elle cherchait son air, elle respirait, elle essayait du moins. Puis, ses battements de cœur reviennent en flèche, comme si le temps reprenait son cours normal.
-Espèce de sale petite garce! S’écriait le Terranide-Tigre en colère.
Mutisme. Elle ne pouvait plus crier. Elle ne pouvait pas supplier, elle ne pouvait que voir et se protéger. Elle se mit à prier. Personne ne l’aimait, de toute façon, personne ne la regretterait. Pas Bruja, pas Marine, pas Jason, pas Mélisende, personne. Personne ne pleurerait la petite Véronique si elle disparaissait là. Personne ne le saurait, puisque la chose ne s’ébruiterait pas. Elle regarda son collet, c’était les vêtements que Loki lui avaient donnés. Ils étaient chauds, ils étaient propres, ils étaient comme draps dans lesquels elle dormait quand Mélisende voulait qu’elle dorme avec elle. Ils étaient chaleureux comme les bras de Marine quand elle avait peur, ils grattaient un peu, comme ses blessures après les traitements de La Bruja, ils étaient réconfortant comme la présence de son frère, et finalement, c’était le Renard qui les lui avait donnés.