En fuite (Ryuga)

Ryuga glissait son regard sur cette chevelure rousse, puis ses yeux émeraude. Cathleen n’allait pas en être à ses dernières péripéties, si elle comptait aller jusqu’à Achnard, et le policier en avait ses deux cicatrices pour preuves, celle à sa joue gauche, et l’autre beaucoup plus grand qui traverse tout son buste. Il n’osait pas imaginer ce qu’il adviendrait d’elle si elle tombait nez à nez avec le monstre tentaculaire qui lui a fait ces blessures. Lui ne devait son salue qu’au talent d’une Noble d’Ashnard, et il espérait vraiment qu’elle puisse retrouver son frère avant que ce genre d’ennuis ne lui arrive. Quoi qu’il en soit, le policier la suivra le plus loin qu’il pourra.

Le marché était conclu, dès demain Ryuga escortera Cathleen jusqu’aux portes de la ville, et peut être plus si elle lui permet. En attendant, il fallait occuper la soirée, et c’est donc le meilleur moment pour que la magicienne apprenne quelques tours à son nouveau protecteur. Elle prit deux paquet de cartes dans sa besace, et en lança un à Ryuga afin qu’il puisse tenter de reproduire ses gestes. Finalement ce n’était pas si sorcier que ça, pensa l’inspecteur, alors qu’il s’étonnait lui-même de réussir des tours qui l’avait longtemps fasciné. La nuit tomba bien vite, et lorsque le policier voulu allumer quelques bougies, un mot incompréhensible, puis un simple geste de la main de la jeune femme, suffit pour toutes les allumer. Et là… Il n’y avait pas de « trucs », elle venait de faire ça d’une manière très naturelle, alors que pour lui c’était quelque chose de tout à fait extraordinaire.

Comment avez-vous fait ça ?...

Le temps qu’elle réponde, il essaya de reproduire le geste qu’elle lui a montré précédemment, rendant presque invisible à l’œil nu le fait de dissimuler une carte dans sa manche. Mais Ryuga manque un peu de… « finesse », il n’avait certainement pas les doigts de fée de Cathleen, ses mains étaient beaucoup plus grosses que les siennes, et du coup, un tour de passe/passe comme celui-ci devenait tout de suite plus délicat. Il essaya tout de même de réaliser le tour de carte à l’identique, mais celui-ci finit par lui échapper des mains, et les 32 cartes s’éparpillèrent d’un coup sur lui, ce qui ne manqua pas de faire rire la jeune femme. Il afficha un sourire bon enfant, tournant lui-même en dérision son manque de doigté.

Eh bien je crois que je manque encore un peu de pratique…

Ryuga ce soir là, avait opté pour un marcel blanc, et un jean simple ( image), mais qui mettait tout de même parfaitement en valeur sa musculature développé. Pour venir saisir quelques cartes récalcitrante, il dût relever  le bas de son marcel, et entre autre ses abdos parfaitement sculptés, ce qui pouvait attirer l’œil, était le début de son impressionnante cicatrice qui ne se finissait qu’au dessus de son pectoral gauche. La couleur de celle-ci correspondant à celle de sa joue, on pouvait facilement comprendre qu’elles étaient liées.

Ryuga était un élève attentif et plutôt doué, il apprenait vite les bases. Pourtant, il me demande comme j'ai fait "ça", je ne pense pas un instant que ce soit pour la lumière, seulement pour le tour. J'essaye de le faire plus lentement, avec difficulté cependant, mais rien à faire : le jeu tombe des mains de Ryuga de façon désastreuse. J'en ris doucement, pas pour me moquer, mais juste parce que ça me rappelle mes propres débuts.

- Vous savez, avec de l'entraînement, ça viendra naturellement. Ca fait sept ans que je fais ça.

La séance est finie pour ce soir, visiblement ; il commence à se faire tard, et je crois que je vais être incapable de continuer. Si depuis que j'ai fui le Couvent avec Alastor, je suis moins peureuse, je suis toujours hyper inquiète et anxieuse à son sujet tous les soirs. Je me lève pour m'étirer quand je remarque la cicatrice qui orne le torse de Ryuga, comme une prolongation de celle de sa joue. Je me demande comment il a pu être ainsi blessé, mais cela ne me regarde pas, après tout. Je détourne les yeux, pas par pudeur, mais seulement pour regarder par la fenêtre. La lune est déjà haute, accompagnée de ses myriades de compagnes. Je me prends à me demander, nostalgique, si Alastor observe le même ciel que moi. Ce serait ironique qu'il ait atterri par erreur dans le monde de nos parents, et celui de Ryuga. Quand je me retourne, il me rend le jeu de cartes que je lui avais prêté, et je ne peux m'empêcher de sourire et de lui dire :

- Il manque une carte.

Et de sortir la carte de derrière l'oreille du policier. Bizarrement, pour la première fois, être aussi près de quelqu'un me met mal à l'aise, alors que mes doigts ont frôlés sa nuque, puis son oreille. Je prends la carte en souriant, et me baisse au-dessus de mon sac pour ranger les jeux de cartes, et sortir un flacon de ce qui semble être de l'encre. Je relève la tête vers Ryuga :

- Je ne dormirai sans doute pas, ce soir, donc ne vous en faites pas pour moi. Mais si possible, j'aimerai pouvoir me reteindre les cheveux en noir, donc si vous avez un point d'eau où je pourrai le faire ? S'il vous plaît ? Vous, vous devriez manger et dormir.

Ryuga haussa un sourcil alors que Cathleen lui dit qu’il manquait une carte, il les avait pourtant bien compté, mais peut être y avait-il une carte joker qui ce serait perdue entres les mailles de ses vêtements ? Rien de tout cela, il ne put s’empêcher de rire lorsque Cathleen fit apparaitre la dernière carte derrière son oreille. Leurs regards se croisèrent, et la jeune femme en sembla troublée, vu qu’elle détourna rapidement le sien, puis rangea la carte, avant de reposer son attention sur le policier avec un air plus sérieux. Elle lui dit qu’elle ne dormira pas ce soir et qu’elle souhaitait juste qu’il lui indique un point d’eau, et que lui pourrait ainsi manger et dormir à sa guise. Il est vrai que Ryuga avait discerné quelques mèches de cheveux roux, ici et là sur la chevelure de Cathleen, après tout elle était Irlandaise et ça ne l’étonnait pas plus que ça. De plus, il supposait qu’elle ne le faisait pas de gaité de cœur, mais parce que ça lui permettait de ne pas être directement reconnue par ses poursuivants.

Il y a une chute d’eau à quelques mètres de la cabane, qui débouche sur un petit lac, mais je viens avec vous. C’est un peu trop proche de la forêt pour que je vous laisse y aller seule en pleine nuit.

Ryuga se leva de sa chaise, et rassembla quelques affaires dans un sac, il savait mieux que personne, à quel point la nuit, la forêt était bien plus dangereuse que le jour. Une fois son paquetage prêt, il ouvrit la porte de la cabane à Cathleen.

On peut y aller. Ce soir le ciel est bien dégagée, on a de la chance, la lune nous éclairera.

Ils se mirent donc à marcher en direction de la chute d’eau, qu’ils atteignirent quelques minutes plus tard ( image  ) . L’inspecteur s’installa sur un gros rocher, à une bonne distance du point d’eau, pour laisser à Cathleen toute l’intimité qu’elle souhaite prendre. Il porta son regard jusqu’à la lisière de la forêt, pour guetter la sortie d’un possible prédateur.

Vous pouvez teindre vos cheveux tranquillement, je surveille les environs.

Je prends ce dont j'ai besoin et suis Ryuga. Bien sûr, je suis gênée de le forcer à m'accompagner, alors qu'il aurait sans doute autre chose à faire. Mais je ne dis rien, et une fois que je le vois s'installer sur son rocher, je lui souris et incline la tête.

- Dieu vous bénisse, Ryuga. Je ne vous remercierai sans doute jamais assez de veiller ainsi sur moi, et... Merci.

Oui, Loué soit le Tout Puissant d'avoir mis un homme si semblable à mon frère sur ma route.

- Je vais faire au plus vite. Promis. Je ne veux pas abuser de votre temps.

Je ne suis pas particulièrement pudique, mais Alastor m'avait fait comprendre que ce n'était pas forcément le cas de tout le monde. Je reste dos à Ryuga quand je retire mon pantalon, puis la chemise. Avec soulagement, je défais la bande qui entrave ma poitrine et je peux enfin respirer normalement. Sans plus de manière, j'entre dans l'eau, pose une serviette sur une pierre avec la teinture et le reste d'un morceau de savon. Je mouille rapidement mes cheveux qui retrouvent sans difficulté la rousseur flamboyante qui faisait la fierté de Mère. Je me lave rapidement avant de rejoindre la rive. Je me sèche rapidement, remet mon pantalon, et saisit la bouteille de teinture et un peigne. Une fois mes cheveux démêlés avec un certain amour, je regarde ma couleur naturelle avec nostalgie. Mère me tuerait si elle savait ce que je faisais à mes cheveux ! Après un soupir à fendre l'âme, je penche la tête en avant et commence à laisser couler l'espèce d'encre noire, et je peigne à nouveau mes cheveux pour étaler la teinture. Le précédé met un certain temps, et est plutôt salissant, mais j'essaye de faire au plus vite. Quand ça à l'air fini, je serre mes cheveux dans la serviette pour qu'ils sèchent et s'imprègnent de leur nouvelle couleur. Le dos droit, toujours torse nu et nullement gênée par la fraîcheur de la nuit, je regarde quelques instant l'eau, et les reflets de la lune qui y dansent. Puis, après un nouveau soupir, je remets ma chemise blanche, qui me colle un peu à la peau à cause de l'humidité. Pas question de remettre mon bandage ce soir ! Dernier soupir, où j'adresse une prière pour retrouver mon frère, un jour... J'ajoute que je souhaite que Ryuga puisse un jour revoir la femme à qui il pense. Puis je me lève et me dirige vers lui, la serviette toujours autour des cheveux je lui souris :

- J'espère que je ne vous aurai pas trop fait attendre, Ryuga.

Ryuga était resté particulièrement respectueux, tel était sa nature, pourtant la longue abstinence qu’il observait aurait fait loucher bien d’autres hommes en direction du petit lac. Cathleen quittait une à une les couches de vêtements qui la couvraient, alors que le policier se contentait de fixer la forêt, dos à elle.

Quelques minutes plus tard, elle revint vers lui, sa chevelure avait reprit un noir éclatant, et il ne put que constater que les pans de sa chemise se tendaient beaucoup plus qu’avant. Il n’eut qu’à lever les yeux pour constater d’où cela venait, les bandes qui avaient couvert son buste dissimulaient donc une belle poitrine. Pour Ryuga cela voulait dire que Cathleen se sentait en sécurité avec lui, puisque ce soir elle ne prenait plus la peine de cacher ses atouts féminins.

L’inspecteur eut un regard tendre vers elle, c’était une très belle femme, mais avant tout une personne à laquelle il commençait à s’attacher. Il se prit à rêver, qu’elle parviendrait à retrouver son frère, et que dans un futur pas si lointain que ça, ils se retrouveraient tous sur terre.

Une brise particulièrement fraîche venait se lever, et la jeune femme qui sortait tout juste de l’eau, devait y être particulièrement sensible. Soucieux de son bien être, Ryuga retira la veste qu’il portait, et vint en couvrir les épaules de Cathleen. Ils reprirent leur marche en direction de la cabane, et après avoir croisé le regard mélancolique de sa protégée, il posa une main rassurante dans son dos, comme s’il comprenait sa peine.

Je suis sûr qu’à cet instant, Alastor est à l’abri, et s’inquiète pour vous… Mais bientôt vous serez à nouveau réunis.

Et c’est avec la Lune comme guide, qu’ils rejoignirent lentement leur refuge.

Je suis surprise quand Ryuga pose sa veste sur mes épaules, un geste qui me rappelle à quel point il ressemble à Alastor. Je le remercie d'un sourire alors que nous continuons notre route en silence. Dieu, je souhaiterai tant avoir des nouvelles de mon frère ! Et Ryuga semble lire dans mes pensées alors que je sens sa main dans mon dos, et qu'il me fait une promesse : celle d'être à nouveau avec mon frère... Comment peut-il en être aussi sûr ? Je lève la tête vers le ciel étoilé, faisant le vœu que ce terrien ait raison.

Nous rentrons à la cabane, sains et saufs, et je rends la veste à son propriétaire avec un sourire :

- Merci beaucoup, Ryuga. J'espère que je ne l'aurai pas salie avec ma teinture... Vous devriez aller vous reposer, vous. Comme je vous l'ai dit, je ne risque pas de dormir beaucoup... (Avec un sourire, je rajoute : ) Ne vous inquiétez pas pour moi : si je devais être en danger, je sais crier très fort.

Je m'assois à la table avec un unique jeu de cartes, et commence à les battre, les yeux fermés, pour me concentrer. Rien de tel que travailler un peu sa mémoire pour tenter de se détendre. Je connais l'emplacement de chaque carte dans mon paquet, mais la difficulté est de savoir si elles sont bien rangées pour gagner une réussite solitaire ? Je les bats longtemps, en silence, avant d'essayer, posant lentement les cartes sur la table, formant des tas quand le jeu le permet. J'essaye de ne pas faire trop de bruit, pour ne pas réveiller Ryuga s'il dort, seulement éclairée d'une seule bougie. La nuit passe, et lassée de mes réussites, je commence à vouloir faire d'autres essais... Il y a d'abord eu ce mot bizarre qui allume les lumières, je ne sais pas ce qu'il signifie, mais j'avoue que c'est bien pratique... Il y en a quelques autres, dont je n'ai pas saisi la consonance exacte, mais qui m'ont permis de faire bien des choses. Changer la couleur de ma teinture. Faire apparaître une nouvelle chemise. Et dupliquer un sandwich. Je pourrai essayer sur mon jeu de carte. J'essaye de me souvenir de ce que j'ai dit ce jour-là. Et après maints essais infructueux, un timide "eno rehtona" prononcé du bout des lèvres duplique le jeu de cartes devant moi. Je continue pour être sûre du mot, et au bout de dix nouveaux jeux de cartes, je me demande avec quoi d'autre je peux le faire. Tout ce que j'ai sous la main y passe : couvert, bougie, carafe d'eau - avec l'eau ! D'ailleurs elle est aussi buvable que celle de la carafe d'origine. Je continue quelques instant avant de me rendre compte qu'une migraine terrible me martèle la tête. Je repose un peu ma tête entre mes bras croisés... Et me réveille avec le soleil levant ; devant moi, il y a tous les objets que j'ai pu créer hier, qui ont envahis la table...