Et bien, pour quelqu'un qui le détestait quelques heures encore auparavant, Eric semblait avoir fait un pas de géant dans l'estime de la jeune femme. Elle riait à sa blague, vaseuse tout de même il faut l’avouer, lui souriait et son visage semblait bien plus détendu que dans le café. La clé serait donc de faire un tantinet étalage de sa culture ? Si Marine savait seulement, le dixième de choses qu’on lui avait inculqué… Le nombre de trucs bourrés dans sa tête, qui ne lui servaient qu’à embobiner les filles sans un sou de profondeur d’esprit… A noter qu’Eric ne considérait pas Marine comme superficielle, ou dénuée de profondeur d’esprit comme dit précédemment. Sinon, c’est dans un grecque qu’il l’aurait emmenée et pas dans ce petit restaurant sympa, il faut l’avouer. Ca n’était pas le must, un resto onéreux de grand standing, mais il jugeait l’ambiance appropriée pour un déjeuner prit au pied levé avec une inconnue, que seul un certain goût commun pour l’œuvre de Conan Doyle rapprochait de lui. Enfin, elle avait tout de même admis qu’il ne ressemblait au Von Ormstein, quand même… Il avait une plus belle gueule, non ?
Des spaghetti bolognaise. Le plat de base. Pourtant, il y avait tellement de plats italiens à manger ! La polenta par exemple. Mais les gens ne connaissaient que les pâtes et les pizzas. C’était aussi réducteur que de dire que les anglais ne mangeaient que de la gelée, ou les français des cuisses de grenouilles, des escargots ou du camembert. La vérité, c’était qu’on ne pouvait dire aimer la cuisine d’un pays qu’une fois qu’on avait mangé plusieurs fois local, qu’on en avait fait le tour en somme. D’ailleurs à l’heure actuelle, Eric lui avait un faible pour la Grèce et son huile d’Olive… les feuilles de vigne… La moussaka… Non, ça n’était pas l’heure de penser à ça.
Enchanté de même, Miss Marine.
Aussi désinvolte que paraissait le trentenaire dans la posture décontractée qu’il affichait, il était parfaitement conscient du regard de Marine glissant sur lui, et faisait mine exprès d’être inspiré par le menu. Lui l’avait pris pour la forme, il savait déjà ce qu’il allait manger avant même d’être entré dans le restaurant. Mais il aimait bien se la jouer un peu comme ça, mine de rien. Le plus magnifique, c’est que comme Marine avait assisté à son petit numéro, elle ne pouvait pas se douter qu’il faisait exprès de lui présenter une pause avantageuse de lui, qui mettait en avant ses épaules carrées, ses bras puissants ou encore la coiffure soignée de ses cheveux diaphanes. Il délaissa cependant le menu, le refermant et le posant avec douceur sur le côté, lorsque Marine lui avoua ne pas savoir quoi manger. Une fois encore elle eut droit à un sourire amusé de la part d’Eric.
Les femmes avec de l’appétit se font rares, je suis ravi d’être tombé sur vous. J’aurai peut-être moins l’air d’un goinffre si vous vous joignez à moi.
Il se redressa légèrement sur sa chaise et reprit son menu, l’ouvrant à une page précise et le tendant à Marine. Son doigt désigna sous ses yeux l’un des plats.
Je vous suggère les Lasagnes au saumon, qui sont un véritable délice. C’est un plat copieux, qui parvient à me caler moi donc je pense qu’il pourrait en être facilement de même pour vous. Le plat est baigné de crème fraîche, c’est un vrai régal.
Et pour le dessert, moelleux au chocolat, fondant à l’intérieur et croquant à l’extérieur, avec une petite surprise tout au cœur du gâteau, accompagné de sa boule de glace à la vanille. Rien que d’y penser, il en bavait déjà.
Si vous n’aimez guère le poisson cependant, ce que je peux concevoir, je vous conseillerai dans ce cas l’escalope de dinde. Elle est préparée d’une façon qui la rend tout à fait délicieuse, et accompagnée de pâtes ou de frites, à votre convenance.
Il ôta ensuite son doigt et joignit l’ensemble en ayant posé ses coudes sur sa la table, l’observant en attendant qu’elle fasse son choix. Au cou, une chaîne discrète. Celle qu’il portait à l’armée mais trop lâche pour que Marine puisse la voir sous sa chemise. Sur son torse, entre la peau et le tissus, ses plaques. Il les portait par automatisme. A des doigts, pas de bijoux. A ses oreilles, pas de bijoux. A ses poignets, pas de bijoux. Il était pimpant mais pas blingbling. Ca montrait qu’il savait être raisonnable. Il avait des goûts de luxe, le revendiquait, aimait s’habiller chiquement et être élégant. Mais il était loin des nouveaux riches qui s’empressaient d’acheter une chevalière avec leurs initiales, une grosse chaîne et autres attributs vulgaires du genre. Il était bien plus soft.
Alors ? Allez-vous opter pour le poisson ou la viande ?
Petit sourire en coin pour souligner la question. Intérêt poli.