La vampiresse n’avait aucune idée de pourquoi le robot lui enseignait tout cela. Certes, elle-même avait été la première à faire un pas vers lui et lui offrir une vision plus exacte de son être que toutes celles qu’avaient pu envisager les autres créatures qui avaient été de passage dans sa vie, mais ce n’était pas une raison pour lui de lui montrer toute sa vie, de même. Kira avait vécu des choses qu’elle considérait moins intimes que lui, sûrement en raison de son manque de sentimentalisme, et qu’elle avait pu montrer, pour la plupart, sans honte, ni envie de rougir. Tous ses actes avaient été réalisés, en majeure partie, sans influence sur son futur, et sur sa mentalité. Sa vie avait été plutôt banale, pour un vampire. Après tout, quand on est mort, la mort est une habitude. En revanche, pour son compagnon, la chose avait été toute autre. Sa vie avait visiblement été influencée en fonction des divers sentiments qui étaient apparus tout au long de sa vie, et aujourd’hui encore il fonctionnait par son cœur, même s’il pouvait le nier. Aussi, maintenant qu’elle avait compris qu’il haïssait les gens qui succombaient au vice pour des raisons sentimentales, elle n’avait plus rien à reprocher à ses agissements, même si elle se demandait toujours ce qu’il s’était passé pour qu’il devienne ainsi. La première chose qui lui venait à l’esprit était que cette fille dont il semblait amoureux, Mélanie, se soit faite violer et tuer sous ses yeux. Un truc du genre. Ceci expliquerait cela. Elle ne le souhaitait cependant pas pour lui, car plus les minutes passaient, plus il lui était sympathique. Et pourtant, à ce moment présent, elle avait autre chose en tête. Quelque chose qui pouvait le blesser, mais quelque chose qui lui tenait à cœur. Loki, le père de son fils, celui qui avait réussi à lui inspirer de la sympathie pour les êtres vivants. Car bien entendu, la seule vraie affection qu’elle avait éprouvée pour quelqu’un avant cela était dirigée vers Mélusine, sa fille de sang. Qui n’était pas ce qu’on pouvait qualifier de vivante. Aussi, maintenant qu’elle avait l’occasion de retrouver son amant d’une nuit, elle n’allait pas la lâcher. Donc, la vampiresse accepta la proposition du robot, mais à une condition, qu’elle lui montra aussitôt, sans lui laisser le temps de s’inquiéter quant à ce qu’elle allait demander. Au fur et à mesure que le souvenir se déroulait sous ses yeux, la vampiresse sentait le robot passer de l’étonnement, à la colère. Pourquoi donc ? Car pendant qu’elle présentait à ses yeux les évènements passés, la jeune femme réfléchissait, son cerveau tournait à plein régime, et elle analysait les réactions et sentiments de son compagnon vis-à-vis de ce qu’elle lui montrait.
Crony ressentait de la colère envers Loki, Kira s’en doutait, devinant qu’il n’appréciait pas de voir celui avec qui il avait travaillé et sauvé des vies terranides faire ce qu’il réprouvait le plus au monde. Mais en même temps, ce n’était pas vraiment du vice, n’est-ce pas ? Après tout, ils n’avaient pas « baisé » sans sentiments, comme des brutes, pour assouvir une envie sale venue comme ça, d’un coup. Ils se connaissaient, et s’étaient mutuellement sauvé la vie. Si ils en étaient venus à ça, c’était parce que la vampiresse avait senti une attirance naturelle pour le terranide, son corps, son être, sa race. Elle n’avait, à aucun moment, eu envie de le tuer, ce qui était un fait rare chez elle lorsqu’elle se retrouvait en présence d’êtres à demi animaux, sachant que le cœur de ces derniers a tendance à battre légèrement plus vite et plus fort que la normale. Et si Loki avait répondu à ses avances, c’était parce que nul être ne pouvait résister au charme vampirique qu’offrait la mort en personne. Ou peut-être avait-il lui aussi été attiré par la jeune femme, qui sait ? Quel qu’ait été la raison, cependant, le fait demeurait : les deux créatures s’étaient mutuellement honorées et de leur union naquit un être aussi surprenant qu’inattendu : Tarma. Mais ceci, Kira ne pouvait l’expliquer à celui qui lui avait tant enseigné sur son être, du moins elle ne trouvait pas les mots exacts à formuler pour lui expliquer ce qu’il s’était passé, et pourquoi. Car il était évident qu’il chercherait désormais à interroger le terranide sur les évènements auxquels il avait assisté dans les souvenirs de sa comparse, et il naîtrait sûrement une gêne dans leurs relations, gêne dont Kira n’avait point envie d’être la cause. Aussi, alors qu’elle avait formulé ses questions et qu’elle attendait une réponse, cherchait-elle à rétablir la situation. Car effectivement, Crony était tendu, il suffisait d’enquêter un peu sur son esprit pour s’en rendre compte. Et elle craignait de tout avoir gâché sur une impulsion, comme d’habitude. Sauf que cette fois, ladite impulsion était due à la surprise et non à sa soif mortelle.
Le silence emplit alors la salle, tandis qu’une réponse tardait à venir, des deux camps. Ce fut finalement le robot qui le brisa, se passant une main sur la nuque afin de manifester un embarras certain. Il lui avoua avoir rencontré le soldat renard pour la dernière fois une semaine auparavant, mais ajouté qu’il ne pouvait lui révéler l’endroit. Kira comprenait très bien qu’entre « sauveurs d’esclaves », les deux compagnons devaient garder secrets les endroits où ils emmenaient les rescapés, ou bien ceux où ils se rendaient en mission, aussi resta-t’elle calme, très calme. Après tout, un vampire n’est pas censé afficher d’émotions particulières, si ? Le simple fait de savoir que le terranide était vivant la rassurait. Tarma pourrait rencontrer son père. Néanmoins, quelque chose d’autre en elle lui donnait envie de cesser tout de suite cette discussion, de ne plus chercher à obtenir des nouvelles du père de son enfant. Cette chose n’était autre que de la jalousie. Oui, elle désirait garder son fils auprès d’elle, et n’avait surtout pas envie que ce dernier se mette en tête de suivre les traces de son père et d’aller loin, très loin d’elle sauver des gens qu’il ne connaissait pas, et l’oublier. Malgré son statut de vampire, notre jeune femme était très attachée sentimentalement à ceux qui croisaient sa route. Du moins ceux qu’elle n’avait pas tués, ou qui ne lui avaient fait aucun mal. D’ailleurs, elle mettait un point d’honneur à ne tuer que des assassins, voleurs ou bandits, ne s’attaquant à des innocents qu’en dernier recours. Cependant, la mort attire la mort, et des fois, rien ne pouvait empêcher la tragédie d’arriver.
Revenant à la situation présente, et donc au problème qui s’imposait à elle, notre jeune vampiresse inspira profondément, habitude qu’elle avait prise en essayant de se camoufler avec les humains pour mieux les traquer. Non qu’elle ait besoin de respirer, juste de faire semblant. Mais pas que. Après tout, chaque bouffée d’air qu’elle recevait lui apportait une multitude de renseignements. Ce qui l’entourait, le temps qu’il faisait, l’humidité, les quelconques dangers qui pouvaient survenir. En ce moment, rien à signaler, tout était calme. Il n’y avait donc qu’elle qui bouillonnait de l’intérieur. Pas très étonnant. Alors que le robot venait de manifester son amitié à celle qu’il venait de rencontrer, elle se décida, et le coupa dans son élan, d’une voix douce mais troublée.
- Non. Non, ce n’est pas la peine… Si le destin veut que nous nous croisions à nouveau, cela arrivera. D’ici là, ce n’est pas la peine de vouloir forcer la chose, et après tout, nous ne sommes pas ici pour parler de mes affaires de famille. Merci de te soucier de moi et de mon enfant, je te suis très reconnaissante, Crony.
Elle le laissa donc méditer sur ce qu’il s’était passé, sur la réponse qu’elle lui avait fournie, sur les souvenirs qu’elle lui avait montré, et sur tout le reste. Il était désormais celui qui devait décider de la suite. Après avoir compris qu’elle n’était pas la jeune fille innocente qu’il aurait pu espérer d’une interlocutrice digne de ce nom, allait-il quand même lui ouvrir la porte de sa vie, de son véritable être, ou bien déciderait-elle qu’elle en avait beaucoup trop vu, et qu’une créature comme elle ne méritait pas de continuer à vivre, surtout après ce à quoi elle avait assisté ? Kira ignorait ce qu’il déciderait, mais il était sûr que c’était avec impatience qu’elle attendait sa réponse, et suivait le moindre de ses gestes de ses yeux aux pupilles effilées et inhumaines, félines. Il semblait hésitant, pensif, et s’approcha de la porte afin de caresser d’un air absent le cadenas qui l’ornait. Que se passait-il ? Y avait-il un problème avec ce cadenas ? Ou était-ce juste l’effet de sa méditation ? Les secondes passèrent sans que rien ne se passe, laissant la vampiresse anxieuse. Finalement, il se retourna vers elle, et annonça qu’il était temps d’ouvrir la porte. À son ton, elle comprenait fort bien qu’elle n’était pas la seule à qui il s’adressait, mais que sa phrase lui était aussi destinée, comme s’il s’annonçait son propre choix. Kira, avec toujours autant de douceur, acquiesça sans répondre, ne sachant d’ailleurs pas ce qu’il conviendrait qu’elle ajoute. Aussi se tourna-t’il vers la porte, puis exécuta une transmutation. La jeune morte était toujours étonnée par cet étrange spectacle qu’il livrait en employant de telles méthodes, peu habituée à ce genre de technique. Admirative, elle observa le résultat, contemplant les chaînes qui glissaient, défaites, laissant choir le pesant cadenas au sol, dans un bruit sourd et macabre, qui mit quelques secondes à s’estomper, laissant place à un nouveau silence, plus glacial que le précédent. C’est alors qu’un autre bruit se fit entendre, les oreilles sensibles de la jeune femme n’ayant aucun problème à en localiser la source. Aussi avait-elle lever les yeux vers le plafond avant le robot, mais n’avait rien perçu, si ce n’est un mouvement furtif, si rapide qu’elle crut l’avoir imaginé. Redescendant le regard, elle se rendit elle aussi compte que les étranges symboles représentés sur le battant des deux portes jumelles avaient disparu. Cherchant des yeux un éventuel coupable, Kira ne trouva rien, mais sentit la détresse de son compagnon, à ses côtés. Avec inquiétude, elle regarda en sa direction, et constata l’apparition du symbole qui venait de disparaître, ou du moins un semblable. Interdite, elle cherchait une explication plausible mais, ne trouvant rien, abandonna, et attendit que Crony parle, ou lui fasse signe. Après tout, ils étaient dans son monde à lui, et ce qui pouvait être logique chez elle ne l’était pas forcément chez lui. Tout dépendait du point de vue…
Soudain, il sembla sortir de ses pensées, et entrouvrit la porte auparavant cadenassée, puis lui fit signe d’entrer, sans prendre la parole. Quelque peu surprise par cet échange muet, elle se mordit légèrement la lèvre puis s’exécuta. Et tout devint noir, aussi noir que l’encre, aussi noir que l’enfer, aussi noir que l’étreinte charnelle de la mort. Puis tout commença. Ils se trouvaient dans une pièce ornée d’un grand miroir. Ce qui la choqua ne fut pas tant la scène en elle-même, mais les sentiments étrangers qui la submergèrent, sentiments étonnants, car la pièce étant vide et inoffensive, on pouvait difficilement s’attendre à retrouver de la haine et de la tristesse chez l’homme qui s’y trouvait. Il se prenait la tête dans les bras, et Kira, comprenant qu’il s’agissait de l’aspect humain du mécha, fut prise d’un élan de tendresse. Elle l’aurait pris dans ses bras pour le consoler, si elle avait pu, si ils ne s’étaient pas retrouvés dans un souvenir et non dans une situation actuelle. Soudain, il releva la tête, et elle put voir les larmes qui maculaient un visage plutôt beau, pour un humain, mais que la tristesse rendait étrange. De longs cheveux bleus, des yeux vairons… Rien que le physique de l’homme était contre-nature. Elle n’avait pas souvent vu de gens comme lui, et était comme fascinée par ce qu’elle voyait. Car, n’étant pas vivant et réel, il ne l’attirait pas avec son sang, son cœur battant rendu frénétique à cause de la tristesse, mais par le fait qu’elle comprenait parfaitement ce qu’il éprouvait, Crony le lui transmettant. C’était la première fois qu’elle se sentait aussi intimement liée à quelqu’un, elle en tremblait presque intérieurement… Soudain, alors qu’elle s’apprêtait à détailler plus en avant le visage de son interlocuteur lorsqu’il était vivant, le souvenir changea, et ils se retrouvèrent dans une toute autre pièce. Cette fois, il n’était pas seul, une femme était là, à lui faire des reproches qu’elle considérait infondés. Une humaine, jeune. Plus jeune que lui. Kira sentit la colère la submerger. De quel droit pouvait-elle le critiquer, le traiter de la sorte ? Au lieu de sembler réfléchir à ses paroles et vouloir s’excuser, elle s’en alla avec un autre homme présent dans la pièce. Lorsqu’il vit cet homme, une rage impressionnante, plus grande que la plupart qu’avait pu ressentir la jeune femme s’immisça dans son esprit, et elle fut tentée de se jeter sur le couple afin de les détruire, de dérober à la vue de son ami ce qui lui faisant autant mal. Car, autant lors de la première vague de souvenirs, elle n’avait pas bronché parce qu’il se rapprochait d’elle niveau sentiments et n’était pas sans défense, autant ce nouvel aspect lui rendait toute son affection maternelle, et la dirigeait vers l’humain aux cheveux bleus. Tarma en aurait été jaloux. Un flash, et le souvenir changea. La même jeune femme était là, mais ils étaient dans une piscine, cette fois. Elle semblait s’amuser à provoquer du désir chez lui, et Kira comprenait pour une fois ce qu’il ressentait, malgré son aversion pour l’humaine, car elle se doutait bien qu’ils avaient affaire à ce qu’elle appelait une salope. Oui, elle n’attribuait pas souvent ce surnom, mais lorsqu’elle le faisait, elle y mettait toute sa haine. Et bien sûr, ce à quoi elle s’attendait ne tarda pas : malgré l’érection évidente du jeune Crony, la mortelle quitta la piscine, rejoignant celui qui l’attendait dehors. L’adolescent ne put sortir, son enveloppe corporelle le trahissant, et la vampiresse en fut gênée et honteuse pour lui, comprenant très bien une nouvelle fois ce qu’il lui transmettait sur ses sentiments.
Un nouveau souvenir survint, différent cette fois. Elle voyait du regard de son compagnon, qui était assez différent du sien. Mais elle n’en tint pas compte, ouvrant ses oreilles, outrée par ce qu’elle entendait. La jeune humaine était au lit avec l’homme de la dernière fois, et semblait visiblement se moquer de Crony. Avec les émotions qui surgissaient à chaque fois, Kira avait commencé à se douter de tout ce qu’il ressentait pour elle, et ne pouvait que le regretter pour lui, et s’estimer heureuse de ne pas avoir de cœur. Bien évidemment, la jeune femme transmettant ce qu’elle pensait à son compagnon actuel, histoire de ne pas le gêner en recevant toutes ses émotions sans rien lui donner en retour. Le noir revint, et une nouvelle image s’offrit à elle. Crony se trouvait devant une paire de ciseaux, et s’en saisit. Alors qu’elle comprenait ce qu’il allait faire, la vampiresse lâcha un « Non… » silencieux, horrifiée. Oui, elle prenait à cœur ce qu’elle voyait, ressentant pour la première fois la douleur d’un autre, et sa peine. La femme l’engueula, mécontente, et la vampiresse siffla bruyamment, en colère. Puis cela alla plus vite. Dans la rue, discussion sur le sexe, laissant le jeune homme en plan. Dispute, faisant pleurer la femme. Kira était haineuse, et ne comprenait pas pourquoi l’autre ne l’était pas aussi, et pourquoi il n’abandonnait pas celle qui ne semblait pas le mériter. Mais les humains étant incompréhensibles, elle ne fit que lui transmettre mentalement sa question, ne s’attendant même pas à une réponse. Elle n’avait agit ainsi que pour la forme. Soudain, une autre image. Des papiers échangés. 13 ans… Cousin… La vampiresse comprit enfin tout ce qu’il se passait et sembla dégoûtée. Enfin, elle trouvait la vraie raison de la haine de son compagnon par rapport au vice. Enfin. Mais elle se demandait toujours pourquoi il continuait à s’efforcer… Il ressentait juste du désespoir et de la haine. Enfin, il se fit rejeter. Kira espérait que ça lui servirait de leçon, elle ne supporterait pas de devoir continuer quelques secondes de plus à vivre la vie d’un faible. Le prochain souvenir lui apporta une autre image. Le même jeune homme, mais en plus vieux. Quelques années devaient s’être écoulées. Il discutait avec une autre femme, et se remplissait petit à petit d’espoir. Alors, la vampiresse s’éloigna mentalement de l’humain, lui devenant moins proche. Elle sentait que cela tournerait encore mal, et n’avait pas envie de recevoir de plein pot la déception qu’il en ressentirait. Il écrivait une lettre, et signait en faisant une déclaration d’amour. Un léger soupir agacé franchit les lèvres de celle qui n’avait jamais pu aimer qui que ce soit. Vu la joie qu’il sembla ressentir en lisant la réponse, ses sentiments étaient réciproques. Finalement, Kira vit le visage de l’intéressée, celui présent sur la tombe de la précédente vague de souvenir, et comprit une nouvelle fois ce qu’il se passait. D’autres flashs. Ils semblaient heureux, rien d’annonciateur de la future mort de la femme. Soudain, tout changea, et devint sombre. Un appel téléphonique. Une annonce qui disait tout. Une peur panique s’insinuait dans son esprit, ainsi qu’un mot « suicide ». Kira ne comprenait pas. Si elle était si heureuse avec Crony, pourquoi se suicider ? Avait-il un don, pour ne tomber que sur des salopes ou des connes ? Du moins c’était le point de vue de la vampiresse, qui ne comprenait décidément rien aux humains. Tout s’accéléra encore. La fille. Une discussion. Un cercueil. Elle ressent sa tristesse, son désespoir, tout, et se retient pour ne pas faire de geste irréfléchi afin de tout faire cesser. Les dernières images furent le désir de mort, et le museum où ils s’étaient retrouvé il y a des minutes de cela, qui paraissaient être une éternité.
Et les souvenirs se tarirent, les deux jeunes gens se retrouvèrent propulsés hors du souvenir, à une vitesse étonnante. En quelques secondes, ils étaient revenus à la réalité. C’était comme si rien ne s’était passé, mis à part que l’androïde était au sol, allongé sur le dos. Il semblait assailli mentalement par quelque chose, et la vampiresse fit un pas pour se rapprocher de lui, inquiète malgré tout, guettant quelque chose qui lui permettrait de savoir quelle initiative prendre afin de lui venir en aide. Soudain, il sembla se calmer, et se redressa difficilement, avant de se relever. Il la regarda, puis lui annonça avec gêne qu’elle savait désormais ce qu’il était. Kira comprenait très bien ce qu’il pouvait ressentir, après tout elle aussi lui avait montré ses souvenirs personnels pour lui enseigner ce qu’elle était. S’approchant de lui avec une douceur insoupçonnée, elle écarta tendrement les bras, et en entoura le corps métallique de son compagnon. Plongeant l’esprit de son ami dans le sien pour le consoler, elle lui insuffla de la paix, entourant son esprit du sien pour le protéger, le réchauffer. Soudain, elle réfléchit, se disant que ce n’était pas l’endroit idéal pour s’étendre sur de l’amitié. À ce moment précis, une douce brume noire les entoura, les soulevant. Ce fut le noir complet, le silence. À part la voix de la vampire, qui murmurait à son compagnon, rassurante :
- Ne t’inquiètes pas… Aie confiance en moi, je ne te ferai pas de mal… C’est promis… Tu ne souffriras plus…
Quelques secondes après, ils se retrouvèrent dans une pièce grande et aérée, à l’intérieur d’une cour couverte. Des arbres en fleur offraient leur beauté, et au centre gazouillait une petite fontaine d’eau claire. Autour de la fontaine, un grand bassin, parsemé de grandes pierres où l’on pouvait s’asseoir pour méditer. Soudainement, la vampire semblait changée. Comme si ils avaient pénétré dans une sorte de bulle où elle se sentait enfin à l’aise, chez elle. Un grand sourire adoucissait ses traits, tandis qu’elle écartait les bras pour délaisser son compagnon et lui faire signe de bienvenue.
- Nous voici dans ma demeure. C’est un château abandonné que j’ai restauré, en plein cœur des landes dévastées, dans les contrées du chaos. En fait, c’est Tarma qui a choisit l’endroit, il semblait apprécier l’idée de séjourner dans un château, mais comme il n’est encore qu’un enfant, c’est moi qui ai dû tout faire... Il n’est pas là pour le moment, il joue dehors avec les nymphes et autres créatures peuplant les landes. Je ne m’inquiète pas pour lui, je lui ai appris assez de choses pour qu’il sache se débrouiller en cas de danger, ou qu’il m’appelle. Parlons plutôt de son père. Je sens que tu as plein de questions à poser, et je te comprends, surtout après avoir vu ton histoire. Et je préfère y répondre à la place de Loki, si tu n’y vois pas d’inconvénients. Tout d’abord, ne t’imagines pas que nous ayons été des « vicieux » comme ceux que tu as l’habitude de punir. Tout a été très doux, nous avons été consentants, et il n’y a rien eu de mauvais, à part l’apaisement de deux être complémentaires se rapprochant et s’unissant pour former un nouvel être. Donc, je te prie de ne pas voir ceci d’un mauvais œil. Ou alors tu devrais tuer toutes les mères, et toutes le femmes.
Elle laissa s’échapper un rire cristallin et doux à sa dernière phrase, visiblement à l’aise et heureuse. Elle était dans son univers, ce qui la métamorphosait assez radicalement. Il y avait ici une part indéniable de son humanité, ainsi que son affection pour son fils. La vampiresse prit le mécha par la main, et l’entraîna vers la cascade, traversant une petite allée d’arbres fruitiers. Elle tentait toujours d’apaiser et de rassurer son ami en lui transmettant sa propre sérénité, son esprit entourant le sien. Puis, avec douceur, elle lui lâcha la main, et posa son katana contre un tronc, katana qui jusqu’à présent avait été invisible dans son dos. Enfin, avec assurance, elle alla s’installer sur un rocher, qui avait une texture assez douce, pour une pierre. Puis, elle le regarda, et sourit, désignant une place à ses côtés.
- Voudrais-tu parler… À propos de ce que tu m’as montré ? Je suis désolée si mes préjugés et émotions t’ont mis en colère, ou bien blessé. C’est juste que tu as tellement fait entrer d’émotions en moi, en un laps de temps si court… Je n’ai pas l’habitude, ça m’a bouleversé et j’ai agis comme une humaine. Je regrette, et m’excuse. Mais je ne comprenais, et je comprends toujours pas… Les sentiments humains… Par contre, je peux calmer ta tristesse, et je souhaite t'aider du mieux que je peux... Tu peux rester ici autant de temps que tu le désireras... Tu es mon invité...