Elle grimaça. Apparemment, que le monde soit petit ne lui plaisait pas. Mais cela allait dans le sens de mes pensées : c’était bien lié à Manchester. Alors, est-ce que j’avais eu un truc spécial à Manchester, au juste ? Il fallait que je repasse ça mentalement en tête… en tout cas, elle se renferma physiquement, c’était impressionnant, recroquevillée et ainsi positionnée, elle donnait clairement l’impression de ne pas être droite dans ses bottes.
« Je vois. Et maintenant, vous êtes dans quelles études ? C’était plus ça, ma question sur le cursus. Pour vous aider à acquérir le vocabulaire qu’il peut vous manquer, à l’écrit… mais je note que du coup, le sport de manière générale, ça vous parlera… »
Sport, ça me parait plus de psycho, en tout cas. Et si je rajoutais sport au reste de mes idées la concernant, est-ce que le tout prenait forme ? Pas sur… un peu, peut être… il me manqua un élément…
« Ah... eh bien, j’ai toujours aimé transmettre. Et puis mes études m’ont permis de voyager, donc j’en ai profité… la littérature c’est passionnant, quoique l’on puisse en dire, savoir, au travers des mots – des kanjis – choisis, aller jusqu’à essayer de comprendre la pensée de l’auteur, la raison d’un choix de mot plutôt qu’un autre. C’est…. Passionnant ! »
Clairement, on voyait que j’aimais cela.
« Et puis, j’aime apprendre. En étant enseignant je pense pouvoir continuer à apprendre encore et encore. »
Récapitulons.
Priscilla Nichols.
Blonde.
Etudiante.
Manchester.
Sport.
On en était là. Pourquoi ça me titillait autant.
Bref, reconcentrons-nous. Je me raclais la gorge et je regardais un peu le pc, puis je sortais de ma serviette un autre cahier, que j’avais préparé, pour commencer.
« Dans ce cahier, nous avons la liste des kanjis qui sont sensés être obligatoirement acquis à la sortie du secondaire. Je les ai recopiés un à un. Il y en a beaucoup, et il faudra les apprendre. A chaque visite, je commencerai par des images de kanjis que vous êtes sensée avoir appris et vous devez les reconnaitre. Nous irons par étape bien sûr. Par exemple… »
Je fouillais dans ma serviette pour trouver, au fond, un petit tas de cartes liés par un élastique.
« Je prendrai dans un tas de carte préparé à l’avance un kanji au hasard. Et je vous demanderai de le lire. »
J’abattais une carte au hasard sur la table. Le kanji « inu » se révéla.
« Je demanderai du tac au tac la réponse. Par exemple, là, vous le connaissez ? »
Il y avait, sous le kanji, les hiraganas pour le prononcer. C’était facile. « Inu ».
« Bon, là, c’est pour un collégien, donc c’est facile, mais c’est seulement à titre d’exemple... »
Et là je bugauis un peu. Le mot en avait rajouter une couche dans ma tête et ça avait fait chboum. Je savais ! Je savais. Ben merde alors ! Si je m’y attendais. Je savais. C’était un truc malsain qui avait couru parmi les étudiants, notamment, au milieu de cela, un couple. Quand je l’avais découvert, ils m’avaient proposé de participer anonymement contre mon silence… ça avait été divertissant. Et pas qu’un peu.