"Si je te reprends à vendre ta merde sur mon territoire, je te bute, t'as compris ?"
"T'inquiète, Scarface, j'ai tout pigé ! J'ai passé ma maternelle, je suis capable de comprendre le sens d'une phrase."
Peu impressionné par le manque de peur dans le ton de voix de la jeune femme, le dealer sentit une vague de colère lui monter, et il tenta de lui asséner un autre coup de poing. Contre ses attentes initiales, cependant, le visage de la demoiselle s'écarta de la trajectoire de son poing qui rencontra, à pleine vélocité, un objet immuable et, pour être franc, beaucoup plus solide que ses os.
Dire qu'Em ne ressentit aucun plaisir à entendre la veine et les jointures du dealer éclater sous l'impact serait évidemment un mensonge ; elle adorait particulièrement tourmenter ceux qui étaient plus faible qu'elle.
"Tu as déjà pensé à te reconvertir en pirate ?" demanda Em avec une voix pétillante. "Déjà que tu manques de bon sens, voilà qui te manque une main, maintenant. Oh ! S'il te plait, dis-moi que tu considères un crochet !"
"Putain, tu m'as pété la main!"
"Ah non, j'ai simplement manqué de bloquer ta main avec mon visage, chéri. Mais je sais me faire pardonner. "
Elle s'approcha d'un pas, glissant sa cuisse galbée entre les jambes du dealer, avant de glisser sa main derrière sa nuque, l'autre venant le rapprocher de lui, et avant que l'homme n'ait le temps de la repousser, elle ouvrit la bouche et posa ses lèvres sur sa gorge. L'homme figea et tomba légèrement vers l'avant, parvenant tout juste à s'éviter de se prendre le mur de brique en plein visage d'une main, alors qu'elle le serrait davantage, une main se glissant même dans le creux de son dos.
Un passant les aperçut, l'espace d'un moment, mais il détourna les yeux, probablement en marmonnant quelque chose par rapport à l'indécence de la scène.
Nagamoto se mit à trembler un peu, et ses genoux fléchirent. Em fit un pas sur le côté, et il termina sa chute à genou contre le mur dans une position qui lui garantirait un mal de dos. La paralysie du Baiser l'avait frappé, physiquement et mentalement, laissant une simple loque dénué d'énergie derrière. Elle lui tapota gentiment le sommet du crâne en souriant, avant de s'éloigner, ses bottes noires clapotant sur la neige, la glace et le pavé de la ruelle.
"Je savais qu'on trouverait un moyen de s'entendre~" fit la jeune femme en quittant cette dernière.
Il valait mieux ne pas trainer trop longtemps. Tirant un petit miroir de poche, elle s'assura que son rouge à lèvre tenait la route. Elle jura en remarquant que son masquara avait coulé, probablement pendant que l'autre débile l'avait étranglée. Elle ronchonna légèrement, tirant un mouchoir de sa poche, pour essuyer les larmes noires et refaire rapidement son maquillage.
"Emi ! Yo, Emi ! Emi ! Fais gaffe !"
Em ne porta pas assez rapidement attention à son interlocuteur pour l'éviter et se planta directement dans le torse de Mathieu. Mathieu, comme elle, n'était pas originaire du Japon ou de Seikusu, ce qui, cependant, ne l'empêchait pas de lui attribuer le surnom d'"Emi". Elle ne savait pas si c'était lui ou elle qui lui avait affublé ce nom. Toujours est-il qu'elle se contenta de sourire plutôt que de rabrouer ce pauvre garçon.
"Oh, hey, Marty!" le salua-t-elle en se penchant pour récupérer son miroir de poche (qui, bien sûr, était maintenant foutu parce qu'il n'y avait plus de miroir).
"Mathieu," la corrigea-t-il.
"Oh, tu sais, ca n'a pas d'importance."
La phrase était peut-être un peu méprisante, mais son sourire sembla suffire à convaincre son interlocuteur qu'elle ne cherchait pas sciemment à l'insulter. Il poussa un soupire.
"Tu devrais faire gaffe où tu vas", dit-il avec un peu d'agacement. "Mais enfin… tu as des plans, ce soir ?"
Elle le regarda un moment, et il s'empressa de poursuivre.
"Je veux dire, est-ce que tu as envie de faire un peu d'argent ?"
Encore un autre regard silencieux.
"En chantant, Emi."
"Oh ! Oui, bien sûr ! Pardon, je croyais que tu allais me demander d'être ta copine."
Il roula des yeux, puis plongea sa main dans sa poche.
"Écoute, c'est simple; tu entres, tu montes sur scène, tu chantes une chanson ou deux, histoire de mettre l'ambiance, puis tu peux bouffer et boire à l'œil."
"Tu sais, moi, la bouffe…"
"J'ai vu quelques mecs et nanas qui ont l'air d'avoir le porte-feuille plein, si tu vois ce que je veux dire."
Les probabilités qu'une personne pleine de thunes fréquentent un cabaret sans au moins avoir de quoi se faire quelques lignes. Et qui dit ligne, dit qu'elle peut leur en chaparder un peu, la revendre et se faire un peu d'argent par la même occasion, et peut-être leur vider le portefeuille ou, s'il est mignon, les bourses et en profiter pour faire juste un gros paquet de contenu pour son fichier de chantage… Oui, cela semblait un excellent plan.
"Okay!"
"Parfait," dit-il en tirant un passe de sa poche et en le passant autour de son cou. "Alors, c'est simple; tu entres…"
"Yep."
"Tu attends la fin du spectacle…"
"Uh-huh."
"Tu montes sur scène à ton tour…"
"Ça s'annonce réalisable…"
"Et tu chantes. Vraiment, n'importe quoi qui te fait envie. Je te fais confiance."
"Euh…"
"Partiellement confiance."
"Ah ! C'est ce que je me disais aussi."
"Vas-y."
Il s'écarta de son chemin et Em grimpa les escaliers vers la porte du cabaret.
"Em ?"
"Hm ?"
"Merci."
"De rien, bébé," répondit-elle avec un clin d'œil.
À l'intérieur, au moins, la température était clairement plus chaleureuse. Il n'y avait pas beaucoup de monde; les artistes, principalement, et les quelques habitués qui étaient arrivée beaucoup trop tôt. L'endroit était clairement inspiré des cabarets des années 20, mais avec quelque chose de plus… moderne dans sa présentation. Les sièges avaient quand même une certaine distance de la scène, avec un bon écart entre la zone restaurant et la zone spectacle pour permettre aux danseurs de s'amuser.
Elle s'installa sur un coin de la pièce, faisant mine de réchauffer ses mains en croisant les bras, non sans réajuster une mèche de ses cheveux noirs.
Alors qu'elle attendait son tour, elle sentit quelque chose presser contre son profil. C'est une expérience étrange que d'être si conscient d'un regard que vous pouvez presque le palper, le sentir pousser contre votre peau, et elle en chercha l'origine. Son regard rencontra très brièvement celui d'une jeune femme, parmi les danseurs, avant qu'un des aides du directeur ne pose une main sur son épaule.
"Emi ?"
"Yep !" répondit-elle avec un air parfaitement convaincu. "Emi, c'est moi, ça."
"Ils sont prêts pour toi. Tu sais ce que tu veux chanter?"
"Yep !"
"Okay, bien. Verre d'eau avant de commencer ? Un peu de jus de fruit ?"
"Non, merci !"
"Okay. Le micro est à toi. Danseurs, on s'échauffe, et vous dansez ce qui vous vient."
Elle monte donc sur scène, avec un peu de pep dans son pas, sautillant presque vers le micro, avant de regarder les membres du band, qui attendaient patiemment. Elle prit le micro d'une main puis approcha ses lèvres, murmurant les premiers versets de sa chanson. (Après deux heures à chercher, je me suis rendu compte que je n'ai aucune chanson dans mon répertoire qui a du piano et qui serait adaptée pour un cabaret ;-; Donc je vais avec le classique; Fever)