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Le meilleur des instants, quand l'on est une créature dont le temps et les âges surpassent de loin ce que l'ensemble de l'humanité a pu produire depuis le commencement de son existence, c'est bien de pouvoir se faufiler dans leur petit monde plein de candeur, de découvrir quelles sont les nouveautés de cette espèce en pleine redécouverte d'elle-même. Plus les époques s'enchaînent, et plus savoureux il devient de voir combien ces petits êtres se perdent, autant par le biais de leur égo sans fin que de leur manque de retenue, mais aussi s'aliénise de chacune de leurs nouvelles sciences, de leurs nouveaux savoirs, s'abandonnant corps et âmes dans une course contre le temps où ils accélèrent d'eux-mêmes les aiguilles qui marqueront la fin de leur règne. Chaque occasion devient donc le plaisir coupable de pousser les uns à agir contre leur propre bien-être, les autres à fournir les outils pour creuser leurs propres tombes, tandis que les derniers ont alors l'inconfort et le déplaisir de contempler l'ensemble de cette déchéance en se rendant lentement compte qu'ils se trouvent désormais piégés, à attendre nerveusement une fin tout aussi peu ragoûtante.

C'est pour tout cela, pour toutes ces délicieuses raisons, qu'en ses heures perdues celle qui originellement sert les cercles infernaux en tant que Loi absolue du monde infernale se revêt d'une tenue bien différente, dont l'utilité n'est pas de pouvoir affronter quelques entités ancestrales aux pouvoirs phénoménaux, mais de représenter un rang, une force qui n'existe que dans le verbe et le bon mot. Oui, quand Keleth décidait de prendre des vacances, soit elle partait se dégourdir les jambes, soit elle prenait en main les rênes d'une multinationale vieille de plus de cent ans, son dernier petit bijou de maléfice et de secret dont elle conservait les actions et la direction d'une poigne de fer. Forcément, elle se devait alors de posséder une identité propre aux règles de la Terre, tant et si bien qu'elle avait depuis longtemps prit l'identité d'une famille fantôche, se faisant passer pour la grand-mère d'abord, puis désormais la petite-fille. Keleth Shalothy, héritière de la dynastie Shalothy, entreprise experte en placement en bourse, non sans parler d'usine à information la plus crainte dans plus d'une trentaine de pays. Après tout, il y avait mille manière de se faire de l'argent, surtout dans un monde aussi politiquement sulfureux que celui de cette époque !

Bien entendue, elle n'était pas la seule créature à y employer de tristes talents, mais elle restait encore à ce jour la figure majeure, surtout que maintenant qu'elle avait en plus obtenue de nouveau le statut d'une jeune femme pleine d'ambition, la démone pouvait de nouveau revêtir une forme qui avait en plus le don de la beauté comme arme. Autant dire qu'il s'agissait là d'un moyen plus qu'efficace pour confondre les bêta, les abrutis, les orgueilleux, et une grande partie de ces hommes qui pensent avoir une chance de prendre le monde entre leurs doigts... Pour alors découvrir qu'ils n'étaient rien de plus qu'une autre valeur marchande dont la démone se faisait le plaisir de balancer les croustillantes informations à ceux qui en payaient le prix. Elle ne reculait devant rien, se faisait un plaisir d'user des création de l'humanité contre eux. Et encore en ce jour, alors qu'elle était derrière son bureau, observant les derniers rapports avec un verre de cognac à la main, la créature des Enfers profitait avec joie du contenu de ses dossiers, un fin sourire sur les lèvres. Pourtant, au milieu des différents messages professionnels, des comptes-rendus de performances et des graphiques sur les actuels mouvements boursiers du territoire nippon, une bien étrange proposition s'était glissée, obligeant la dame aux cheveux blancs de poser son verre, se redresser sur son siège en cuir, puis d'en lire le détail avec un intérêt croissant.

Un clan local l'invitait à une mondanité. Le seul moment où elle quitta le texte des yeux, se fut pour procéder à quelques vérifications à l'intérieur des banques de données de la société, y découvrant alors quelques détails qui ne manquèrent pas de redoubler son intérêt. Tout d'abord, le clan Rochefort possédait finalement une base monétaire stable, solide, s'étant établie à l'étranger de manière pérenne et ce au fur et à mesure des années, démontrant par là une activité entrepreneuriale sérieuse, réfléchie. Point de gros scandales, les informations réellement croustillantes les plus lointaine revenait à plus d'une dizaine d'année, lors d'un enlèvement. Autant dire, ce n'était pas parce que l'on souhaitait qu'elle fasse disparaître quelques affaires compromettantes qu'elle avait été conviée à cet événement. Puis, quand elle eut en plus l'occasion de revenir au texte principal, à l'observation du lexique, des la tournure des mots, elle se demanda un court instant si elle avait affaire avec le dirigeant du clan où quelqu'un d'autre, peut-être un peu moins expérimenté ? Mais peu lui en coûtait de s'abandonner à sa curiosité : Elle y serait, c'était une évidence, cela lui fera un peu de bien de jouer en dehors de son bunker pour une fois. Un peu de renouveau dans ses habitudes ne lui feront jamais de mal, mieux encore, peut-être même y trouvera-t-elle une nouvelle source d'amusement ?

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La voiture ralentissait doucement pour se garer aux abord de l'entrée principale du superbe domaine du clan Rochefort. Passant un coup d'oeil au travers de ses lunettes rondes, superbe accessoire pour l'occasion, Keleth ne put s'empêcher de détailler les deux mastodontes et la jeune femme qui se trouvaient à l'entrée des lieux, accueillant visiblement les arrivants. Cela promettait d'être bien chouquet. Quand on lui ouvrit la porte, elle tendit simplement le pied vers l'extérieur pour se stabiliser, puis s'extirpa du véhicule d'un seul mouvement, se redressant de toute sa hauteur. Toutefois, hormis ses traits éminemments féminins, rien de sa tenue ne venait souligner son appartenance à la gente féminine. Un superbe costard taillé à son envergure mettait l'accent sur sa taille surprenante pour une dame, tandis que les gants et les souliers légèrement réhaussés qu'elle portait finissaient de cacher sa peau, ôtant naturellement les habituels jeux de séduction qu'elle pourrait mettre en oeuvre. Ou plutôt, disons qu'elle troquait une séduction franche, cheville découverte et décolleté fringant, pour une séduction pleine d'assurance : Elle était ici en tant que maîtresse absolue d'une entreprise, elle était le lion capable de dévorer les agneaux trop ambitieux.

Et rien que pour cela, elle avait dû bander sa poitrine. Heureusement qu'elle avait pratiquée le corset quelques époques auparavant, c'était un bon entraînement pour ce genre d'épreuves mammaires.

C'est donc d'un pas assuré qu'elle quitta les abords de son véhicule pour se rapprocher de la porte d'entrée. Elle n'avait pas besoin de garde du corps, ou de guide, elle savait trouver l'entrée d'une maisonnée, aussi c'est de manière bien solitaire qu'elle apparut dans la lumière du pavillon d'entrée, une main dans une poche tandis que l'autre avait déjà sortie, de manière préemptive, l'invitation accompagnée de sa carte de visite. En réponse honnête et solennelle aux premiers échanges, la femme pleine d'assurance tendit cordialement le document, avant de parler d'une voix basse, laissant ses yeux vert se planter dans ceux de celle qui l'accueillait :

" Keleth Shalothy, de la dynastie Shalothy. Vous remerciant bien chaleureusement pour votre invitation par ailleurs, dois-je être mise au courant de quelques règlements spécifique à cette soirée ? "