Zola & Tengen Je respirais doucement, en sentant mon souffle remplir ma poitrine et s’échapper par mes narines. L’inspiration était vigoureuse tandis que l’expiration, faible. La première était pleine de vie tandis que la seconde semblait liée à la mort. La forte inspiration venait toujours satisfaire le corps en proie de désir de nettoyer mon erreur jadis, mais un jour rien ne suivra l’expiration. L’air cesserait d’entrer et de sortir mon corps. Même mes os finiront par se désagréger. Mais mon esprit ? Qu'adviendrait-il de lui ? Renaîtrait-il dans un cycle sans fin des vies et des morts ? Où se rendrait-il dans les Enfers, ainsi que le sanctuaire des âmes impures ? A moins qu'il ne réside dans un lointain sanctuaire, semblable à celui des morts comme le croyait certains paysans. L'air entrait et sortait de mon corps, ma conscience me demandait de surveiller mon souffle alors je m’exécutais. Je devrais plutôt continuer à nourrir mon imagination quand tout en regardant la vallée qui s'étend jusqu'aux plaines. Au loin je pouvais voir un ruisseau qui s’écoulait d’une source et je la voyais serpenter entre les buttes arrondies. Le ruisseau s’élargissait et se mit à couler lentement. Au bout du fleuve, j’pensais voir une modeste colline qui se dressait abruptement.
Sa partie inférieure recouverte d’arbres lui donnait l’air d’un animal hirsute. En entendant l’appel bruyant d’un oiseau insolite dans les branches, j’ouvris les yeux. Perché au dessus de moi, l’animal ne m’était pas tout à fait inconnu, mais j’ai pu l’identifier tout de suite : c’était le Houou, l’oiseau sacré qui n’apparaissait que pour prédire un mauvais présage… Je ne suis pas vraiment superstitieux mais c’est tout de même une chose sur laquelle je devrais me pencher. Et en y pensant, je pensais naturellement à Hina, Makio et Suma. L’oiseau me regarda de ses yeux dorés et brillants, ouvrant son bec jaune et poussa un nouveau cri. Tout se tut autour du moi, cloué sur place, je n’osais pas respire. Une brise légère fit onduler les feuilles mortes. Souriant d’un air neutre, j’ai malheureusement fermé les yeux et quand j’ai voulu ouvrir les yeux une nouvelle fois. L’oiseau avait disparu… Je me suis senti un peu honteux de ne pas l’avoir vu partir… après tout, malgré mes bonnes résolutions sur le fait que je ne devais pas dormir. Mais le rêve avait été si vif – et une apparition, même dans un songe, ne pouvait être négligée. Ouais, je devrais sans doute rentrer maintenant qu'il se fait extrêmement tard. Je serai bien resté encore un peu en extérieur, mais au vu de ce qu'il se passe dans le monde en général... Rares sont les fois où j'ai gardé l'esprit tranquille. En reprenant la route vers notre demeure, je prenais un chemin qui m'attirait tout particulièrement.
Oui je l’avoue, il m’était parfois impossible de résister à l’attrait des montagnes, et à la fin je m’éclipsais dans le bois des hauts bambous aux troncs satinés, baigné d’une lumière verte et oblique. Je prenais un chemin rocailleux qui menait jusqu’au magnifique et fier Mont Bandaï. M’enfonçant dans la forêt de bambous afin de guetter cerfs et renards et d’entendre au dessus de ma tête le cri mélancolique des milans. Et enfin, je passais la porte de la demeure. Déposant armes et autres affaires silencieusement, je constatais que dans le lit de ma chambre reposaient mes trois épouses - silencieuses, endormies. Souriant tendrement, je m'éclipsais le temps de me changer. Ouvrant alors la porte d'une autre chambre, de l'autre côté de la demeure, j'enlevais mes vêtements que je déposais soigneusement sur une chaise. En me retournant, je fus surpris de voir que le lit était occupé par un petit animal blessé. Blessé certes, mais dont les blessures avaient été pansées. Sans doute par les soins de Suma. Derrière sa fragilité émotive, elle pouvait très bien s'être occupée de cet animal. Roulant des yeux en souriant, je m'approchais du lapin, m'asseyant sur le rebord du lit, mon épaisse main caressa le poil doux de la petite bête.
«
T'as vraiment de la chance d'être tombé sur Suma toi... »