Arc I. Sur la piste de la Bête.
Les grognements de la femelle orque excitaient ma vilaine queue tendue, c’était clair ; de ma vie, je n’avais jamais forniqué avec une ogresse, aussi bien bâtie, si bien qu’à l’excitation, purement organique, liée aux hormones sexuelles, s’ajoutaient sans doute nos pulsions exogames et interraciales, notre intention de découvrir le corps de l’autre, de s’approprier un autre monde inconnu, sentir des odeurs fortes, goûter à une peau, une chair, verte ou blanche, un corps sain et vigoureux. Je la sentais doucement défaillir, se laisser happer par mes habiles caresses le long de sa poitrine opulente et, confessai-je, même délicieuse, comme si elle arpentait, à pas timide, un univers sensoriel fort éloigné des stimulis nerveux et furieux procurés par des pénétrations brutales. Mon attention fut assurément captée par l’expression du visage de ma partenaire. La bougresse avait beau jeu de maintenir les apparences d’une bête balèze et brutale, elle dévoilait à ce moment-là plus béate des sensibilités féminines… Et qu’elle se laissât encore toucher par un mâle, ça me surprenait d’autant plus qu’elle m’avait avoué avoir subi des viols de la part de feu son ex-époux polygame... Mais cela m’avantageait outrageusement. Je frémis ensuite lorsque rompant avec cette tendre passivité de femelle conquise, elle s’avança avec comme quelque furieuse envie de baiser, de passer aux choses sérieuses, d’empoigner mon membre viril et flatter mes bourses remplies après avoir tâté mes muscles abdominaux. Mogak éprouvait le besoin de resituer sa situation, avec une sincérité désarmante, pour me donner la couleur de sa fiabilité. « Je n’ai plus d’attaches dans ce monde moi non plus ; je suis un bâtard, rejeté par les Elfes ; je suis une dents-longues dont la race des hommes est terrifiée », avouai-je sans ambages. C’était judicieux de sa part car je n’aurais pas apprécié qu’elle me fasse des cachotteries mesquines et un peu connes, accessoirement. Elle n’allait pas par quatre chemins, allant droit au but ; paria parmi les Orques (qui eux étaient également des parias parmi les peuples parias !), je comprenais combien précaire était sa situation en plus d’être une femelle isolée. Je voulais lui répondre et lui dire franchement ce que je pensais, mais elle ne m’en laissa pas l’occasion. Elle fondit vite sur mes lèvres fraîches, toutes de glace.
Et oui. Nous nous agitâmes dans l’eau, nous nous éclaboussions au rythme de ce baiser endiablé, nous nous baisâmes vulgairement la bouche comme deux animaux en rut avides de s’apparier, s’accoupler et se multiplier dans les environs comme une mauvaise engeance. Oh que oui ! Il n'y avait aucune finesse dans ce bécotage, c’était clair. Du pur rapport de force. J'introduisais ma langue dans celle de Mogak, tandis que ses crocs chatouillaient mon menton. Nous avions dévoré ensemble une viande rouge et grillée un quart d'heure auparavant, aussi nous eûmes l'occasion de prolonger ce plaisir en savourant jus et morceau résiduels dans nos appareils buccaux. Mes mains serpentaient le long de la plastique de ma partenaire musculeuse, alors que je bandais fort, comme un blanc étalon. Soudain, je m'arrêtais par rapport au galbe de sa hanche. Était-ce sous l'effet de cette étreinte brutale que j'éprouvât le besoin d'empoigner ses fesses avec brutalité, plantant mes ongles griffus dans sa chair ? Je dus faire mal à Mogak, elle put m'en vouloir, mais j'en tirais, à cet instant, un savoureux plaisir sadique. Je lui révélais que j'étais moi aussi doté d'une force considérable, par la présente. « Et tes incapables de semblables, ils n’ont que ça à foutre de s’en prendre à toi car tu es une femelle qui tue un chef pitoyable. » fis-je d’un ton méprisant, sourire vicieux, non sans une outrecuidance qui frisait l’intonation cavalière du typique mauvais sujet des romans populaires. « Comme je t’ai dit, on fait cause commune. Je t’accepte comme tu es avec tes problèmes, j’attends, beauté, que tu fasses de même pour moi. Je suis une dents-longues, j’ai des besoins que tu es la seule capable à satisfaire et tu ne seras pas déçue. Crois moi. Ta jouissance, tu l'auras. » Et à moi de ponctuer cette conclusion en libérant temporairement les fesses de l’ogresse… pour lui infliger une fessée mémorable, dont le claquement retentit, produisant un appréciable écho parmi les environs. Je n’allais pas la lâcher comme cela.
Quelque chose dans les entrailles de mon être s’éveillait, une violente odeur de musc viril flotta alors dans les environs… Et je compris après avoir fixé longuement cette femelle ce que mon corps, mon instinct purement atavique de conservation vampirique me commandait de faire sur Mogak. Je savais ce que cela signifiait. J’avais expérimenté cela plus d’une fois lors de mes heures les plus sombres et les plus périlleuses de mon existence. Je voulais vivre par-dessus tout, j’avais des besoins, j’avais soif, je ressentais la nécessité de me trouver une compagne et une protectrice le jour, et pour cela, je devais exécuter le rituel de séduction vampirique sur cette créature que je fixais de mon œil, d’une pâleur hypnotique. Ma voix même se muait, s’aggravait, comme du velours, tandis que ma musculature s’asséchait et gagnait en volume. « Mogak, allonge-toi sur cette maudite pierre, donne-toi à moi, entièrement », ordonnai-je en plaçant mes mains lourdes sur ses épaules puissantes, l’orientant bon gré mal gré contre ce lit rugueux. Mon sabre au clair pointait sous la lumière irradiante du clair de lune, mes yeux furetaient du côté de la nuque de l’ogresse dont le sang et la loyauté me revenaient de droit à présent.