Jamais Soeur Alix n'a connu pareille vitesse ! Ni pareille soudaineté. Encore moins pareil vide dans son esprit. Comme aspirée !
La montée aux cieux ? Si jeune ? « Mais pourquoi, mon Dieu ? Qu'ai-je fait ? T'ai-je trahi ? ». C'est fou comme, même dans la fulgurance de l'instant, l'esprit réagit, réfléchit, s'interroge, questionne.
Alors que le corps est inerte, sans maîtrise, mais étrangement avec des sensations, celle de la vitesse, celles alternées de la froideur et de la chaleur, celle du tourbillon.
Un tourbillon vers le haut, la spirale de la montée au Paradis.
Eh bien non !
Ça va très vite, mais, dans cette étrange lucidité que conserve Soeur Alix, sans doute celle où l'âme se dissocie du corps, ah justement non, son âme ne se dissocie pas de son corps, son âme ressent même d'étranges effets corporels. Lui aurait-on menti au couvent, quand on lui ressassait à longueur de temps que le corps est mortel et que l'âme abandonne cette chair lorsqu'elle devient inerte ?
Lui aurait-on aussi menti sur la montée aux cieux, alors qu'elle a l'impression de descendre ? Comment peut-elle ressentir cela, cette descente, ce tourbillon, cette tête vers le bas sans que « le sang lui monte à la tête » ? Plus absurde encore, elle sent cette gravité, la tête en bas, pousser sa longue robe vers le bas et révéler ses dessous qu'elle choisissait toujours sexy, n'en déplaise à la Mère Sup.
Rien ne colle ! Soeur Alix essaie de rassembler ces bribes, ces absurdités, quand elle se sent comme éjectée, un peu comme quand, enfant, elle était éjectée au bas du toboggan. Cette même force, un rien violente, mais sans bac à sable à l'arrivée. Plutôt une espèce de sorte de truc, qui ressemble à un gros matelas.
« C'est quoi, ça ? », ses mains ont essayé d'amortir l'impact, touchant ce machin qui lui fait pousser un hurlement. Cris stridents que l'écho lui renvoie, assourdissants. « C'est ça, le Paradis ? Ils se sont bien foutus de moi ! ».
Soeur Alix essaie de deviner ; son regard fonctionne mais ne lui indique que du noir, avec le sentiment de percevoir une lueur sans vraiment en déterminer la source ni la matérialité.
Et ses mains ? Ses mains lui ont indiqué un ressenti ; ça ne colle pas avec la mort.
Et ses fesses, Oui, ses fesses nues à part cette petite culotte qu'elle avait enfilée au matin, ses fesses nues d'avoir été dévoilées lors de la chute, ses fesses nues posées à même le machin. Une autre volée de cris, stridents, elle se relève, effrayée.
Se relever, se tenir debout, sentir la robe de nonne redescendre en désordre, ça ne colle pas davantage avec la mort.
Le Purgatoire, peut-être ? Ce serait donc ça ! « Oui, bon, je n'ai pas été parfaite, mais ce n'est pas une raison pour me la jouer comme ça ».
Soeur Alix réfléchit, elle a vraiment toute sa lucidité, va se contenter de l'idée du purgatoire. « Faut que je sois présentable à Saint Machin, sinon c'est mal barré ». Alice rajuste comme elle le peut sa longue robe, sa coiffe.
« Bordel de merde, je viens de comprendre ce qui cloche ! », la révélation est soudaine, évidente. Autant la tenue religieuse est sobre, grise, sinistre même. Autant porter dessous, à part la petite culotte noire sexy et le soutien-gorge bien pigeonnant, ce qui serait presque sage face aux bas noirs accrochés au porte-jarretelles assorti, tout cela subtilement masqué, ça n'a pas dû plaire au gardien du Paradis, quand il a vu tout ça.
Soeur Alix glisse la main entre deux boutons, touche aussitôt le soutien-gorge toujours aussi réel, mais la froideur de son doigt au contact de ses seins, la fait sursauter. « Attends, c'est quoi le délire ? J'ai les seins qui sont bien vivants ! ». Ca ajoute de la confusion à son esprit. Vivante, oui elle est bien vivante !
« Faut que je vérifie ça ! ». Sure d'être protégée par la noirceur du lieu, Soeur Alix remonte sa longue robe grise. De petites chaussures noires à talons, ses fines jambes gainées de noir, le chemin du porte-jaretelles, son doigt arrive aussitôt à sa petite culotte finement ciselée de dentelle.
« Allez, vas-y, comme dans ta cellule de bonne sœur ! ». Peu importent les circonstances, c'est une question de vie ou de mort ; ses doigts s'enfoncent aussitôt sous le tissu, sans ménagement, comme quand, après avoir vu quelque joli séminariste, elle courait s'enfermer pour s'adonner à ce plaisir d'imaginer le solide gourdin carillonnant sous la bure monastique.
Et, là aussi, ça répond vite. Son sexe est toujours vivant, lui ; elle savait comment utiliser ses doigts, et, même s'ils sont froids, ils se trouvent très vite dans la chaleur. Un choc si violent, que Soeur Alix manque vaciller.
« Bordel de merde, je suis vivante ! Je suis où, là ? Un taré, oui, un taré m'a enlevée. Peut-être même qu'il vient de me voir me tripoter. Oh, mon Dieu, aide-moi. Je ne veux pas finir comme ça ! ».