Ville de Seikusu, Kyoto, Japon, Terre > Salles de cours et bibliothèque

Parmi le troupeau (PV Dextra/Senestra )

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Victoria Campbell:
**Avouons-le ... l'uniforme me va plutôt bien.**

C'est en m'accrochant à cette pensée que je me console en cette morne journée de cours. Mon plan d'infiltration dans cette ville n'est clairement pas exempt de défauts. Parmi-eux on peut compter le fait que je doive me conformer au mode de vie que j'ai choisi comme couverture.

Je fréquente le Lycée Mishima. Je dois donc rentrer dans la peau du personnage que je me suis fabriqué : Victoria, la lycéenne étrangère sage et raisonnable, la "nouvelle" de bonne famille anglaise qui vient de débarquer. Avec mon uniforme propret, mes bijoux et mon sac de cours, je me fond dans le décor de mon mieux. Et j'observe. Je prend le temps d'analyser ce qui m'entoure. Je suis à l'affut des phénomènes étranges soit-disant présents dans cette ville avec l'intention de pouvoir les comprendre ou les utiliser à mon profit.

Ca ... c'était le plan.

Dans les faits je suis juste enfermée dans le même espace pendant plusieurs heures par jour avec une quantité déraisonnable de mes congénères humains. Je les trouve tous plus immatures, inintéressants et idiots les uns que les autres ! Ils m'agacent. Ils m'ennuient. Ils me tapent sur les nerfs. Avec leurs considérations bassement matérielles, leur manque d'ambition, leur fainéantise et leur pensée à court terme. Si j'étais enseignante de ce troupeau j'aurais envie de me pendre.

N'allez pas croire que je suis de nature misanthrope, oh non. Mais quand même vous avouerez que toute cette jeunesse décérébrée dont le niveau intellectuel rivalise avec celui des bulots est d'une inutilité crasse ! Quel est le sens fondamental de leur existence ? Ils naissent, ils gesticulent, ils meurent. Et n'auront rien fait de leurs vies à part forniquer pour peupler le monde avec davantage d'idiots de leur espèce. Me faites pas croire que si un ou deux disparaissait dans le tas, l'humanité s'en porterait plus mal, si ?

...

Bon d'accord, je vais un peu loin. J'ai des défauts mais je ne suis ordinairement pas le genre de fille à avoir des pensées homicides. Je vais mettre ces humeurs sur le compte de la fin de journée. Et du mal de tête qui insidieusement commence à me vriller les sinus.

Accoudée sur ma table en train de me masser les tempes avec les doigts, j'attend avec résignation que l'ultime et dernier cours de la journée débute. Je suis assise au beau milieu de la classe. Ni au premier rang. Ni au dernier. Pas plus côté radiateur que côté fenêtre. Je me mets là où je peux me fondre au mieux au milieu de la cohue humaine.

La pause traine en longueur, l'enseignant tarde à arriver. Je me demande si il a un empêchement. J'avais ouvert devant moi un livre traitant d'astronomie. Un ouvrage de très haut niveau, dont la compréhension et même l'apprentissage pouvait avoir un lien direct avec les sciences occultes. J'avais compté avancer dans sa lecture le temps de la pause, mais ma migraine en a décidé autrement. Je pense que je ne vais pas tarder à renoncer et à le ranger.

Un commentaire émanant d'un anonyme camarade de classe me parvient aux oreilles.

- Si il est pas là dans 5 minutes ca veut dire qu'on a le droit de rentrer chez nous ??

Ah ! Une question fort intéressante. Pour une fois je suis plutôt d'accord avec un de mes semblable ... Je lâche un soupire, papillonne des cils et baisse un regard sur le cadran de la petite montre-bijou que je porte.

Combien de temps est-ce qu'il allait encore falloir attendre ... ?

Dextra-Senestra:
Les journées de cours étaient toutes semblables pour le jeune lycéen qu’était Senestra. L’on se lève le matin, on préparer le petit-déjeuner pour deux, puis on part en direction des études après avoir englouti la préparation en moins d’une minute. Finalement, rien de bien étrange pour lui. Après il en avait pour trente petites minutes de vélo, et passait la journée à attendre la fin des cours pour se diriger vers son petit boulot, seule source de revenue constante dans la maisonnée qu’il partageait avec sa sœur, Dextra. Et ainsi les journées se répétaient. De temps à autre, quelques petits événements lui provoquait une agréable surprise, des camarades de classes qui l’invitait à un match amateur dans un des clubs de sports martiaux de la cité ou bien la possibilité d’entrevoir certains de ses professeurs dans le restaurant où il officiait comme serveur et cuisinier. Dans le deuxième cas, on le taquinait sur l’alcool des lieux, bien trop proche des mains d’un mineur, mais il rappelait toujours qu’il était là pour bien faire les choses, non pas pour risquer de perdre sa seule source de revenue. Enfin… Sa vie de tout les jours était calme et il en profitait. L’éventuel point noir au tableau était son évident manque de chance avec la gente féminine. Depuis qu’il était arrivé au lycée, c’était presque comme si on le fuyait. Alors oui, bien sûr, il s’était déjà sentit l’émoi d’une passion amoureuse, mais les concernées, d’abord relativement sensible, s’était très vite retrouvée à le fuir comme la peste, sans jamais ne lui en donner la moindre justification. Dé dépit, depuis lors, il ne se laissait pas vraiment l’occasion d’y songer, jugeant que quelques mauvais esprits devaient lui tourner autour… Ça, ou un mauvais karma.

Mais pourquoi donc ces détails ?

Eh bien depuis peu, quelqu’un avait fait une petite entrée relativement candide dans cette vie paisible qu’il menait. Une personne qui n’avait sûrement pas du tout conscience de l’effet qu’elle produisait sur l’innocent jeune homme, mais qui commençait lentement à grignoter son esprit, à lui faire perdre sa concentration en cours, voire même plus, à occuper ses pensées en des instants où il n’était plus du tout au lycée. Ce dernier point lui avait occasionné une belle brûlure alors qu’il avait maladroitement penché un bac de friture, et s’était ainsi éclaboussé l’huile bouillante sur sa main directrice. Rien de suffisamment grave pour que quelques bandages ne puissent suffire à soigner, mais ce fut l’instant exact où Senestra se mit enfin à comprendre ce qui était en train de se jouer pour lui. Lui qui avait fait une croix sur les amourettes lycéennes, qui s’était bien dignement dit qu’il saurait attendre que les temps soient plus propices à ses amours et son besoin de vivre une relation sereine… Le voilà qu’il y réfléchissait de plus en plus, bien vainement par ailleurs, cherchant auprès de qui il pouvait la meilleure des manières de présenter ces sentiments à celle qui en avait plantée la graine. Ses camarades ? Disons que les quelques-uns dont il avait jugé la maturité suffisante pour lui donner de réels conseils ne semblaient pas plus capable que lui de proposer une solution, ou des indices suffisamment probants. Ses professeurs ou son chef en restaurant ? Même si il s’entendait passablement bien avec eux, il se trouvait aussi bien incapable de parler d’un sujet aussi intime avec eux, non sans parler des taquineries qui pourraient en naître.

Alors un soir, il s’était permit quelques mots auprès de sa sœur, et cela avait sûrement été la pire des initiatives qu’il avait prise. Autour de leur repas, elle s’était immédiatement empourprée, réagissant avec une vivacité qu’il ne lui connaissait que dans ses pires moments :

« COMMENT ÇA : ‘‘si tu étais amoureuse comment tu le lui dirais ?’’ !? Expliques toi !
- Non mais… Rah écoutes ce n’est qu’une supposition, je ne cherches pas à…
- ‘‘Je ne cherches pas aaaaaaa…’’ Tu me prends pour une buse ? Quoi, y’en a une des petites poufs de ta classe qui t’intéresse c’est ça ? Tu veux aller fricoter, peut-être même aller lui pilonner le jabot après les cours, HEIN !?
- Oh c’est bon ! Pas besoin de le prendre comme ça. Oui, oui, c’est vrai … Y’en a une qui me plaît mais … enfin bon, tu me connais, moi et ma chance dans le domaine. J’voulais éviter de tout faire foirer.
- Pfuuuh. Mon petit Sen, rappelle-toi : Tu es un adorable petit ange jeté au milieu d’une fosse au lion. Les gens n’ont que faire de tes bonnes volontés, tant que tu leur sert à quelque-chose. Honnêtement… Je ne crois pas que quiconque est à même de te juger aussi bien que je ne le fait, et pour tout dire, je pense simplement que les minettes de ton âge cherche simplement à se faire labourer leur minou, pas avoir un mignon compagnon de vie qui prend soin d’elles ! Fais moi confiance, c’est voué à l’échec cette histoire.
- … Merci pour tes encouragements.
- De rien, c’est honnête. »

Ce dialogue, maladroit et déplaisant au possible, lui occupa l’esprit pendant plusieurs jours. Par ailleurs, et bien malgré lui, il se rendit compte que sa chère sœur voyait désormais du plus mauvais des oeils la mention d’un de ses camarades, ou membre de sa classe, résultant en grondement sourd et en rejet complet de la discussion si il avait le malheur de le faire. En somme, Senestra se trouvait bien solitaire, avec ses sentiments pour lui rappeler que malgré les termes de sa sœur, il conservait cette petite sensation d’apaisement dès lors que les traits de la demoiselle lui paraissait à nouveau dans ses pensées confuses. Il n’avait pas trop le choix, que ce soit en bien ou en mal, il fallait qu’il parvienne à une solution. Il se devait d’aller quérir une réponse auprès de la jeune femme, même si elle allait peut-être cruellement l’éconduire, le repousser en bloc, peut-être même avoir des mots qui sauront le glacer d’effroi à leur écoute. Le plus honnêtement du monde, il avait osé imaginer la situation où, lors de sa tentative d’approche, il prendrait pour seul et unique retour un cinglant « Non, sûrement pas, tu es qui déjà ? », et cette simple idée lui avait lacéré les entrailles avec cruauté. Mais il faisait l’effort de ne pas se laisser guider par ce pessimisme navrant. Il allait y aller, avec courage, et s’il se devait de perdre pied et de chuter … Eh bien au moins aurait-il prit le temps d’agir en accord avec ce qu’il ressentait, même si cela ne devait pas durer sur un plus long terme. Le lendemain était sa chance … et il allait la prendre !

*
*   *
Dernier cours de la journée … Et il n’avait toujours pas été capable de faire un premier pas vers celle qui occupait ses pensées. Pourtant elle était là, si finement élégante, si calme et posée, avec cette moue un peu boudeuse qu’elle risquait parfois à dévoiler, sûrement par lassitude face aux longueurs de l’après-midi. La nouvelle étudiante était … Finalement très proche de tout ce qui pouvait venir le toucher, l’affecter, le séduire, il en avait conscience, et si une attirance pour elle s’était développée, ce n’était clairement pas un hasard. Sans parler du fait qu’elle semblait bien moins sotte que certaines autres gourgandines qui vivaient leur vie gaiement avec l’argent de papa et maman, ce avec pour seul objectif d’en dépenser le maximum sans jamais réfléchir aux conséquences de leurs actes. Non, effectivement, elle lui semblait … parfaite ? Peut-être trop pour un couillon gentillet comme lui, mais … mais il n’avait pas le choix, il se l’était promis, il devait au moins faire un geste, tenter une approche, quitte… Quitte à avoir le malheur de se faire jeter comme un malpropre. Tout au plus devait-il attendre la fin des cours désormais, une fin qui étrangement semblait se hâter : Le professeur était aux abonnés absents et pas la moindre information quant à ceci ne leur avait été communiqué. Tout le monde était encore dans la salle, dans un brouhaha général, et rien ne semblait pouvoir troubler ce court instant d’euphorie, encore plus après que l’un des élèves avait suggérer de partir d’ici cinq petites minutes si le prof n’arrivait pas.

Mais finalement, n’était-ce pas le genre de situation qu’il attendait ? Après tout, il pouvait aller lui parler dès maintenant, rien ne le surprendrait, personne n’y ferait attention, et au pire … Eh bien l’arrivée du prof le sauvera d’une retraite maladroite après avoir subit un rejet violent ? Quant au meilleur qui puisse survenir, il aurait un peu plus de temps pour discuter avec elle avant de devoir courir au restaurant ? Ce serait juste parfait !

Alors le voilà qui prend une grande inspiration, se redresse en faisant le moins de bruit possible, et commence à s’approcher du point central de la salle de classe, où se trouve la belle ennuyée. Allez, c’était le moment, pas besoin d’avoir l’air stupide, un propos clair, un propos net, et surtout, surtout… Ne pas regarder ses amis, qui auront sûrement les pires comportements du monde si ils l’ont effectivement vu démarrer son opération « première rencontre ». Il s’approche calmement, le bruit des battements de son coeur pulsant au creux de ses oreilles. Grand dieu elle est encore plus jolie de prêt :

« B-Bonjour mademoiselle Campbell. Je.. Hum, je m’appelle Senestra, et je … eh bien je sais que tu n’es pas arrivée depuis longtemps donc je voulais savoir si je pouvais éventuellement t’aider … pendant ou après les cours, afin que tu puisses trouver tes marques au lycée et dans cette nouvelle ville ? »

Il se détestait, ses camarades qui l’avait entendu le détestait aussi. C’était pas une déclaration ça, ni même une demande amicale… Non mais quel crétin !

Victoria Campbell:
Je remarque une présence à côté de moi. Je lève lentement mon regard vers lui. Instinctivement je suis méfiante, mon regard doit paraître froid. Un jeune homme. Un camarade de classe. Beau garçon si on s'en tient aux critères esthétiques. Sportif (donc probablement d'une intelligence médiocre). Et il est pauvre. (Ca se voit, même quand on porte un uniforme. Regardez moi ces chaussures). Même si j'avais le moindre intérêt pour les relations amoureuses, celui-là ce serait non merci. Zéro intérêt. Au revoir.

Sitôt la phrase commencée, pleine de bafouille, je me mets davantage sur la défensive. J'écoute son monologue maladroit, avec la même résignation teintée de patience que quand apparait un démarcheur devant sa porte. On attend, on laisse parler sans vraiment écouter ni interrompre parce qu'on sait par avance qu'on finira par lui claquer la porte au nez. L'histoire aurait pu s'arrêter là. Une rebuffade. Un ego brisé. zéro remords de ma part. Quelques autres garçons qui font mine de ne pas nous écouter mais que j'ai parfaitement repéré viendraient le voir et lui donneraient des claques sur l'épaule en rigolant. Et la scène aurait pu se clôturer ainsi.

Mais en dépit de tout, j'écoute ce qu'il a à me dire. Et ... tiens ... ? Un de mes sourcils se lève un peu. Ce n'est pas une déclaration amoureuse, contrairement à ce que son langage corporel et la situation annonçaient. Non. C'est une offre. Une offre d'aide. Et d'accueil.

Je prend le temps de reconsidérer ma position. De l'aide ... ? Oui ca pourrait être utile. J'ai beaucoup à faire dans cette ville et c'est vrai que je manque cruellement d'alliés sur lesquels m'appuyer. Au point de ne pas faire la difficile et accepter la main qui m'est tendue, tout en continuant de me méfier du poignard que pourrait contenir l'autre main. Le refus sec que j'avais préparé ne sort finalement pas. Je décide au contraire de donner une suite favorable à l'opportunité proposée. Elevée comme une aristocrate, versée dans l'art de l'hypocrisie et du mensonge, je suis parfaitement en mesure d'adapter mon comportement.  Je reste dans mon rôle de petite poupée précieuse et perdue, seule et loin de chez elle. La petite anglaise que je suis doit paraitre soulagée de rencontrer quelqu'un de gentil alors qu'elle est seule, déboussolée au milieu de cette grande ville.. Je me détend de manière visible. Mon visage s'éclaire d'un sourire qui ne doit pas totalement être dénué de chaleur ni d'un zeste de reconnaissance. (mais sans excès ! Ne surtout pas trop en faire !

- Bonjour Senestra. C'est ... vraiment très gentil de me le proposer. Le mélange entre le "Miss Campbell" et le "tu" donne un étrange mélange des styles qui trahit un manque de maîtrise de la part de mon interlocuteur. Une maladresse qui pourrait presque être touchante. Enchantée de vous connaître, Senestra. Vous ...   fausse hésitation ... pouvez m'appeler Victoria ... Un prénom se rapprocher. Un vouvoiement pour garder une distance raisonnable en attendant de voir comment les choses évoluent.

Et pendant que je baisse un peu le regard et que je donne à mon sourire un air de timidité, je réfléchis. Mon esprit froid et calculateur prend le relais pendant que mon visage continue d'afficher le masque de la comédie. Je m'interroge : où est le piège dans la proposition qu'il vient de me faire ... ? Où est son intérêt à lui ... ?

La sincérité et la générosité ne font pas partie intrinsèque de ma nature. Chez moi toute relation humaine est dictée par un jeu subtil et complexe d'intérêts et de pouvoirs. Ca ne veut pas dire que dans la vie, c'est tout le monde contre tout le monde, loin s'en faut heureusement. Mais étudier et analyser avec finesse la somme des intérêts de chacun
permet de trouver les meilleurs alliés : Ceux capables de vous apporter quelque chose, qui n'ont pas intérêt à vous trahir et qui gagnent quelque chose en retour de leur aide. C'est ainsi qu'une relation stable et de confiance peut naître.

Dextra-Senestra:
Tandis qu’il s’approche, qu’il s’apprêtait à s’exprimer, difficile de trouver autre chose en Victoria qu’une certaine forme de désintérêt. Cela ne l’aidait pas, ni à conserver une posture logique, une certaine forme de confiance en soi qui permet aux mots de s’écouler simplement, avec clarté, mais surtout cela laissait entendre dès le départ que sa tentative de rapprochement était vaine. Le fait est qu’il pouvait aussi le comprendre : Non seulement elle n’était pas présente depuis longtemps, ce qui pouvait laisser entendre que l’esprit de camaraderie, d’appartenance à un groupe scolaire n’était pas encore présent, ce qui rendait naturellement les échanges moins cordiaux, mais il fallait aussi prendre en compte que c’était bien la première fois que lui, Senestra, lui adressait la parole. Et comment dire que l’approche d’un étranger complet, dont l’ensemble de la gestuelle et des paroles était, somme toute, assez confus, ne devait pas du tout aider à faire confiance, ou à abaisser les quelques barrières du langage et de la méfiance pour se permettre à un éventuel propos courtois, quel qu’il soit. En tout cas, là, la charmante jeune femme qui le mettait si mal à l’aise à cause de ses propres sentiments ne lui renvoyait guère l’attention qu’il lui portait. Ni signe d’une quelconque gêne, d’un petit brun de surprise, de volonté de le regarder, elle semblait tout à fait indifférente. Forcément, il en désespérait un minimum à mesure qu’il présentait sa proposition de soutien, mais vu qu’il était déjà lancé, il ne pouvait pas vraiment s’arrêter en chemin. Et quand il eut finit son propos, il s’attendait presque à se voir jeter au loin, ou parfaitement ignoré par cette si belle demoiselle. Pourtant …

« Bonjour Senestra. C'est ... vraiment très gentil de me le proposer. »

Euphorie. Du moins en son coeur, car il n’oserait montrer une telle joie naturellement, il manquerait clairement de contrôle et pourrait immédiatement se tirer une balle de pied. Non, il se contient, tout en trouvant dans le sourire de la jeune femme une beauté qu’il n’aurait sût définir avec précision. Elle était … lumineuse ? Radieuse ? Quelque chose du genre, ses pensées étaient en train de partir en tout sens, et il avait ainsi bien du mal à retrouver quelques repères pour ordonner un minimum sa réflexion. Mais elle venait de le remercier ! Alors même qu’il s’attendait à se faire envoyer paître d’un mouvement de main, accompagné de quelques propos d’une humeur exécrable ! Enfin, c’est vrai que le changement physique de la jeune femme avait été assez soudain, mais le simple fait que ce premier contact se déroule finalement de bonnes manière éclipsait toutes formes de méfiances ou de doutes de son esprit. Un simple idiot transi de bonheur, et qui s’apprêtait à tout faire pour que les événements se poursuivent de la meilleure des manières ! Par ailleurs, elle continuait de lui parler, et ainsi le jeune homme se rendait parfaitement attentif, buvant le moindre petit morceau de son verbe avec le plus grand des intérêts :

« Enchantée de vous connaître, Senestra. Vous ... pouvez m'appeler Victoria …
- Eh bien je … enchanté de même Victoria. »

Emporté par la situation, le voilà à jouer les andouilles sans charme. Ce n’était pas tant qu’il ne voulait pas dire bien autre chose, mais vu qu’elle lui avait plus ou moins fauché l’herbe sous le pied, à lui qui s’attendait à un rejet violent, il se retrouvait un peu désarmé, incapable de reprendre le contrôle de la situation. Elle-même s’était un peu abaissée, une timidité surprenante compte tenu du premier désintérêt qu’il avait crû lire sur son visage, mais peut-être devait-il prendre en compte qu’elle venait de faire un grand effort en lui octroyant le droit d’utiliser son prénom ? Bonne question d’ailleurs, mais le jeune homme ne connaissait pas l’origine exacte de la jeune fille, aussi ne connaissait-il pas non plus si, culturellement parlant, Victoria avait vécue dans un milieu où le fait d’autoriser autrui à user de son prénom était une forme particulière d’intimité ou de respect. C’était le cas au Japon, bien sûr, aussi s’en était-il sentit touché, mais il ne pouvait pas non plus omettre de se demander si elle le faisait par pure habitude ou par considération pour les us et coutumes du pays.

En tout cas, le silence se faisait long entre les deux, et il était peut-être temps qu’il se mette un petit coup aux fesses pour reprendre l’échange. Après tout, les deux jeunes gens semblaient avoir trouver un point neutre de communication, aussi se devait-il de … De quoi ? De lui proposer un moyen de l’aider ? C’était ce qu’il avait avancé, et il se questionna un court instant quant à la manière d’avancer ses idées sans qu’elle ne le prenne comme une manière cachée de la charmer. Il ne manquerait plus que ça, qu’en voulant bien faire, il ai l’air de l’attirer à lui pour mieux la confondre et la cueillir. Il sait que certains idiots agissent comme cela, mais ce n’était pas son objectif, il préférait sincèrement lui être utile et … et peut-être trouver le bon moment pour lui exprimer quelques formes d’attentions plus importantes, plus … Eh bien plus sentimentales qu’amicales. Malheureusement, il ouvrit la bouche quand le délégué principal de la classe prit parole à la table du professeur :

« Bon, on est allé demander à l’accueil, puis à l’administration, et visiblement notre prof à du rentrer en urgence pour cause de problème familial. Nous sommes donc libre pour la fin d’après-midi. Pensez juste à quitter calmement le lycée pour ne pas gêner les cours des autres classes. »

Parfait ! Bon dieu, mais tout allait en son sens ! Peut-être que finalement la malédiction qu’il avait connue pendant si longtemps était enfin en train de se lever ? Peut-être qu’il allait finalement pouvoir se montrer sous son meilleur jour auprès d’une jeune femme qui avait attirée son regard et attrapée son coeur ? En tout cas, dans le brouhaha relativement maîtrisé de la salle de cours, où chacun était en train de ranger ses affaires et de déplacer les chaises avec le moins de bruit possible, Senestra se retourna vers la jeune femme et lui adressa un air confiant, avant de nerveusement se passer la main dans les cheveux, lui proposant donc sa toute récente idée :

« Eh bien je crois que c’est parfait. En fait je … Je bosse à partir de 18h30, mais si on sort maintenant, ça nous donne … quoi, trois petites heures devant nous ? Je vais ranger mes affaires, pendant ce temps là, si tu as envie que je te montre le lycée, ou un coin de la ville, réfléchis-y et dis moi ce qui t’intéresse, d’accord ? »

Ponctuant cette proposition de son sourire le plus charmant et honnête, le voilà qui retourne à sa table, côté couloir, et qu’il récupère à la fois son sac et son matériel de classe avant de fusionner les deux dans un certain empressement. Si elle voulait qu’ils fassent le tour du complexe universitaire, ce ne serait pas compliqué, éventuellement le seul problème resterait que nombre de cours sont encore prodigués aux autres classes, ce qui fait qu’ils devraient se déplacer dans le calme le plus absolu. Sinon, ils pouvaient tout simplement quitter les lieux et se diriger vers le coeur de Seïkusu. Cela leur permettrait de faire un joli tour des différentes activités et boutiques des lieux avant de finalement se séparer quand lui partirait travailler. Il se voyait mal l’inviter au restaurant, surtout qu’il sentait venir d’ici les taquineries de son chef. Quoi de mieux en plus pour mettre une jeune femme mal à l’aise, n’est-ce-pas ? Alors que la possibilité de faire le tour de la galerie marchande, de se perdre dans les vieux quartiers médiévaux, lui offrir un petit truc à boire et éventuellement lui parler des quelques points de la ville qui pourrait l’intéresser selon ses centres d’intérêts ça … ça … ça pourrait presque avoir l’aspect d’un rendez-vous galant ? Oh bon dieu il se devait de sortir immédiatement cette image de la tête. C’était clairement le coup à ce qu’il se perde dans ses émotions et finisse par faire une connerie. Le genre de connerie dont on ne se relève pas !

Enfin, une fois toutes ses affaires bien rangée, le voilà qui rabat sa chaise et se retourne pour chercher du regard la jeune femme, puis de s’élancer afin de la rejoindre, prêt à ouïr sa décision et ses objectifs de la fin d’après-midi.

Victoria Campbell:
Ah ? Visiblement mon interlocuteur ne s'attendait pas à ma réponse. Sa réaction de surprise mal dissimulée m'amuse. Un moment de flottement s'ensuit, interrompu par la déclaration du délégué de classe.

Une heure de mon temps vient de se dégager. Un temps que j'ai accepté de passer à sympathiser avec ce Senestra dans l'espoir de pouvoir en tirer un jour un quelconque avantage. Rien ne m'affirme que l'investissement sera fructueux mais après tout, ca me coûte fort peu.

Le jeune homme m'annonce qu'il doit travailler d'ici quelques heures. Parfait. Les choses ne se prolongeront donc pas au delà du raisonnable quoi qu'il advienne et ca me convient parfaitement. Ca m'informe également sur plusieurs choses : le lycéen est du genre courageux (tous ne se donnent pas la peine de travailler après les cours) et ca me laisse supposer qu'il ne dispose pas d'un entourage familial très aisé. Voire pas d'entourage familial du tout. Comment je le devine ? Allons réfléchissez. Un étudiant disposant de ressources normales qui travaille utilise son salaire pour s'offrir "des extras" qu'il exhibe alors comme gage de succès.

C'est sa récompense pour son travail acharné, il à toutes les raisons de les montrer. Je ne vois sur Senestra aucun de ces trophées étudiant. Ni baskets neuves, ni bijou, ni téléphone portable dernier cri. Bien sûr il reste la possibilité que l'adolescent assouvisse une passion cachée et cache quelque chose comme un engin motorisé quelque part dans un garage. Gardons ces suppositions en tête pour l'heure et voyons ce que j'arriverais à glaner de plus précis.

Je lui souris quand il propose de m'emmener où je souhaite et hoche un peu de la tête, donnant mon accord pour l'accompagner lors d'une visite.

-C'est entendu.

J'ai envie de l'attraper par le col, lui intimer de me montrer les bibliothèques de la ville, les vieux temples, les boutiques d'antiquaires. Tous ces lieux potentiellement marqués par l'histoire et le pouvoir. Mais ce serait abattre mes cartes trop rapidement. Je ne dois pas révéler mes intentions trop rapidement. Je dois me contenir et m'en tenir à une première phase d'observation et d'analyse.  La discrétion est mon plus grand atout si je veux commencer à percer les secrets de cette ville. Je vais donc continuer de jouer mon rôle de petite nouvelle désorientée, ingénue et heureuse d'avoir trouvé une bonne âme pour lui venir en aide.

Nous récupérons chacun nos affaires. Les miennes tiennent dans un cartable en cuir de belle marque. Pas Vuitton non (Les motifs affichés par cette marque française sont vulgaires et m'as-tu-vu). Il existe des créations anglaises bien plus sobre dans leur apparence mais tout aussi qualitatives et élégantes.

Senestra revient vers moi. Je remets machinalement en place une mèche de mes cheveux avant de lui répondre d'un ton que je veux amical.

- Je ne connais pas vraiment le lycée et encore moins la ville. Mais je suis curieuse de tout découvrir. Alors ... nous pouvons considérer que je vous laisse carte blanche ... ?

En vérité je suis surtout impatiente de découvrir vos intentions monsieur Senestra. Qu'est-ce qui motive votre approche ... ?  Si votre plan est de m'emmener dans une ruelle sombre pour profiter de moi, vous découvrirez vite que je ne suis pas sans défense et nous n'aurons pas tergiversé pendant des heures pour arriver à ce résultat.

Je le laisse ainsi m'entrainer où il le souhaitera, décidée à le suivre et continuer de le jauger. Elle profitera du début de leur "promenade" pour commencer à glaner les réponses qu'elle cherche, sous le masque d'une conversation légère.

-  Vous avez évoqué un travail. Qu'est-ce qui occupe votre temps, Senestra ?

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