Le Grand Jeu - Forum RPG Hentai

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Le hasard fait si bien les choses… [Flint Eklepios Adaenika]

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AsepTimusoth

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Cela faisait quelques semaines qu’Asep’Timusoth avait pris la route et parcourait ce qui se révélait être les Contrées du Chaos. Il lui avait fallu quelques heures pour réaliser qu’il se trouvait sur un monde appelé « Terra », et quelques jours pour avoir une meilleure vision de la géographie locale. Ces terres étaient une large succession de plaines et de steppes, où, de ça, de là, se trouvaient quelques villages éparpillés de manière parfois parfaitement aléatoire. Quelques montagnes se trouvaient au loin, déchirant l’horizon de leurs formes grises et acérées. La faune et la flore étaient particulièrement changeantes avec des animaux qui semblaient parfois aussi paisibles que des moutons – des créatures herbivores placides dont les peuplades tondaient la fourrure laineuse pour, notamment, réaliser des vêtements – et dont certains, qu’il avait pris soigneusement soin d’éviter, semblaient être de redoutables prédateurs avec lesquels même un Démon comme lui aurait maille à partir. Néanmoins, ce voyage était particulièrement intéressant et rafraîchissant. Après autant de temps à être resté aux Enfers, à s’occuper de quelques affaires pour Asmodée, la possibilité de prendre quelques vacances avait été presque inespérée. Une fois n’était pas coutume, son invocateur l’avait demandé personnellement. Il était rare qu’on le demande directement. Le plus souvent, les invocations étaient anonyme et n’importe quel Démon pouvait y répondre selon sa propre humeur, rendant d’ailleurs l’expérience bien plus délicate pour la personne qui se retrouvait à l’extérieur du pentacle. Mais la perspective de se retrouver face à une personne qui le connaissait – et qui souhaitait donc le voir – était une expérience rare et encore plus délicieuse.

L’invocatrice, car il s’agissait d’une femme, avait visiblement entendu parler de lui. Elle semblait également savoir qu’il avait eu une faiblesse – selon ses termes à elle – pour une autre femme rousse, comme elle, et s’était visiblement mis en tête de tourner cette similitude à son avantage dans les négociations. Il était clair que le traité de Cranley Huwbert était encore dans la nature et plus exactement dans les natures puisqu’il n’était pas de ce monde. Néanmoins, cela n’importait pas beaucoup. Il avait eu l’occasion de lire ce qui était dit de lui et à part quelques éloges et une description physique assez précise, le reste était trop vague pour être d’une véritable utilité contre lui. Au moins, l’invocatrice n’avait pas retenu la seule phrase de l’ouvrage le concernant qu’elle aurait dû retenir : fuir. Jouant le jeu du Démon conquis par la simple couleur de cheveux de celle qui l’avait fait venir en ce monde, il endormit sa méfiance, se fendit même de la laisser le posséder physiquement – et cela ne fut qu’un moyen de confirmer qu’elle n’était qu’une pâle copie de celle dont elle espérait tirer avantage – avant de l’enfermer dans les termes d’un contrat dont elle ne tirerait qu’une chose : la mort. Alors qu’elle signait d’une goutte de sang le document qui scellait son âme alors qu’elle pensait mettre un collier autour du coup d’Asep’Timusoth, il lui offrit d’un claquement de doigt ce pourquoi elle venait de signer et dont, par l’artifice de quelques mots bien choisis, il avait pu lui offrir sans effort. Alors qu’elle semblait comprendre la situation, son assurance s’était effondrée tel un château de carte soufflé par le vent. Et avant même qu’elle ne puisse protester, le Démon s’était emparé de son âme, ne laissant qu’un corps sans vie au milieu de la demeure. Enfin libre, il s’était glissé hors du pentacle et avait entreprit de visiter la demeure où il se trouvait. Il y était resté alors quelques jours afin de récupérer de ses possessions les connaissances nécessaires à son voyage en ce nouvel espace-temps.

L’observation discrète de quelques spécimens de ce monde lui permit de prendre une apparence adéquate. Il avait opté pour de l’Humain – classique – bien qu’il semblait y avoir des créatures dont les standards de morphologie se détachait de celui-ci, plus universel. En fouillant dans les possessions, il avait trouvé de quoi s’acheter des vêtements mieux adaptés à sa taille et de quoi se préparer à son petit voyage. Asmodée ne lui reprocherait pas de prendre un peu de temps pour lui et sa curiosité naturelle le poussait généralement à vouloir découvrir les endroits dans lesquels il se retrouvait invoqué. Après tout, il restait difficile de résister à l’opportunité de corrompre quelques âmes au passage, n’est-ce pas ? Il quitta son point d’origine après quelques jours, profitant de la nuit pour se dérober aux regards et aux potentielles personnes qui auraient pu s’étonner de voir sortir un homme de la maison qu’il occupait. A la lueur des astres nocturnes, il s’engagea sur un chemin qu’il emprunta d’abord à pied. Une petite erreur. Il avait mésestimé la distance relative entre les différentes bourgades, mais cela avait au moins le charme de lui permettre de réellement profiter de son expédition improvisée. Il paya avec quelques pièces d’or ce qui s’appelait un cheval, une créature dont l’intelligence était palpable et l’endurance et la vitesse lui permettraient de parcourir les plaines plus rapidement. La suite de son épopée fut alors complètement différente. Il devait admettre que les chevauchées étaient une expérience grisante. Même s’il devait désormais penser à entretenir son nouveau compagnon en eau, en nourriture et en soin. Il s’avérait qu’il s’agissait d’une femelle, une jument, avait précisé son ancien propriétaire. Docile et affectueuse, loin d’être farouche, ils dormaient souvent l’un contre l’autre, ce qui était loin d’être désagréable, même si d’aucun aurait estimé que le parfum qui en découlait n’était pas des plus charmant.

La lumière du jour glissait doucement vers l’horizon, remplacée par la noirceur implacable de la nuit. Sur le chemin, les rares voyageurs qu’il avait rencontrés s’étaient évaporés désormais. Heureusement, à l’horizon déjà des lumières annonçaient qu’ils – Suie et lui – ne dormiraient pas à la belle étoile comme les derniers jours. Il flatta l’encolure de sa jument et l’encouragea à accélérer légèrement la cadence afin qu’ils arrivent en même temps que la nuit. Ils passèrent en effet l’entrée du village alors que les ténèbres finissaient d’engloutir la plaine environnante. Au pas, Asep’Timusoth dirigea sa jument sur ce qui semblait être la route principale jusqu’à ce qu’ils tombent sur un large bâtiment, avec une cour et une écurie : l’auberge, ou la taverne, selon les préférences locales. Descendant de son cheval, il gratifia sa jument de quelques caresses – il fallait croire qu’il s’était lié à sa compagne de route plus qu’il ne l’avait initialement pensé – avant d’attacher sa bride à un montant en bois prévu à cet effet. « Je m’occupe de te trouver une place confortable pour la nuit. » Lui murmura-t-il dans un sourire avant de se diriger vers l’auberge elle-même. Il en poussa la porte sans timidité aucune, pénétrant dans la grande salle où l’accueillirent des rires et des cris. La pièce était relativement pleine et l’activité qui en découlait n’était que logique. Un barde jouait de la musique dans un coin, et dont le son ne portait guère que jusqu’à la moitié de la salle. Sans s’inquiéter des regards qui se posèrent sur lui, il se dirigea vers le comptoir où se trouvait l’aubergiste dont le langage fleuri se déversait sur un pauvre client. Un langage qui contrastait pas mal avec son apparence, plus qu’agréable. Il posa ses mains sur le bois du comptoir et attendit qu’elle fasse attention à lui. C’était une Elfe – du moins était-ce ainsi que s’appelaient ces créatures, plus gracieuses et agiles que les Humains – à en juger par les extrémités pointues de ses oreilles. Quand elle en eut fini elle se tourna vers lui avec un sourire lui souhaitant la bienvenue. « Bonsoir, charmante aubergiste. J’aimerais savoir si vous auriez une chambre disponible et, si possible, une place pour ma jument dans votre écurie. » Avec sa demande, il posa discrètement quelques pièces sur le comptoir pour étouffer la première question qu’elle aurait pu être amené à poser. Oui, il avait de quoi payer. Il avait remarqué que les peuples de ce monde-là, eux aussi, avaient un penchant certain pour les jeux de hasard, ce qui n’était pas pour lui déplaire. Et facilitait sa vie pour régler la question de ses finances.

Elle fit glisser les pièces d’or sur le comptoir jusque dans ses mains et lui tendit une clef avant d’appeler un jeune garçon pour sa jument. Une indication de la position de la chambre plus tard, elle s’occupait à nouveau de ses autres clients. Un léger sourire sur les lèvres, le Démon reporta son attention sur le garçon et l’emmena vers Suie. Il attrapa ses affaires et déposa une pièce dans la main du petit palefrenier. « Veille à ce qu’elle ait à manger, à boire et la meilleure place dans l’écurie et il se peut bien que d’autres viennent rejoindre celle-ci. » Le garçon acquiesça promptement et emmena la jument avec lui. Bon garçon. Son sac sur le dos, le Démon retraverse la grande salle en prêtant davantage attention aux personnes présentes : quelques alcooliques déjà pas mal arrosés, une serveuse, ce qui ressemblent à des locaux et d’autres, comme lui, qui n’ont l’air que de passage. Il prend ensuite la direction des escaliers et entreprend de visiter sa chambre. Un bon bain sera le bienvenu, mais avant toute chose, se mettre quelque chose dans l’estomac semble une priorité. Après avoir posé en vrac ses affaires au pied de son lit, il retourne dans la grande salle, repère une table un peu à l’écart et s’y installe. Sans réel besoin de se presser, il essaye d’attirer l’attention de l’aubergiste ou de sa serveuse d’une main tandis qu’il joue avec une pièce de l’autre.


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Flint Eklepios Adaenika

Créature

« Des dettes…. Des dettes…. Vous m’en foutrez moi, des dettes ! Vous jure... »

Celle qui maugréait actuellement, c’était Flint. Il faut dire qu’elle était des plus mauvaises humeurs depuis quelques jours, et que les événements n’allaient guère en son sens. Cela faisait maintenant deux semaines qu’elle travaillait dans cette auberge, et la situation qui l’avait amenée à s’embaucher sous la bonne garde de Tissandre Julperion, la maîtresse des lieux, était à la fois saugrenue et passablement déplorable…

L’imp était en plein voyage. Du moins à l’origine. Elle était partie depuis les confins des sables Ashnardiens pour ensuite passer les hautes chaînes montagneuses des Cols Gris, un nom qu’elle trouva par ailleurs fort peu original. Sitôt les rocs quittés, elle avait alors entamé une suite d’escales dans plusieurs petits villages, à mesure que ses pas la rapprochait de milieux moins hostiles, puis elle s’était retrouvée dans un néant absolu de civilisation. Pas une chaumière à la ronde. Pas la moindre forme de présence humaine sur des kilomètres, et des kilomètres, et encore un peu plus de kilomètres. Rien, pas âme qui vive, ni le plus petit aventurier, encore moins de pauvres hères en quête de lieux calmes, et pour parachever le tout, ni paysan de quelques extractions pour lui présenter le chemin le plus court vers un éventuel lieu de repos. Simplement le vide. Elle s’y était donc perdue, errant comme une pauvrette sans carte et sans sens de l’orientation. Et si le premier point n’était guère faux, le second fut bien plus difficile à avaler pour elle, qui tenait de son orgueil l’impression naturelle d’être capable de se sortir de la moindre situation que ce monde aurait sût lui faire connaître. Désormais, ce dernier semblait vouloir prendre une triste revanche sur la petite forme de vie démoniaque qu’elle était, et elle en subissait les outrages : En une semaine, puis en deux, enfin en trois, elle se trouva lentement de plus en plus fatiguée, de plus en plus ternes, de moins en moins vives, et entama bien malheureusement des rencontres qu’elle n’aurait jamais voulu avoir à faire. La dernière de son long voyage dans ce grand axe sans civilisation comprenait la présence d’un bourron, titanesque sanglier aux défenses naturellement épineuses, et d’un perclin, forme de vie hasardeuse que l’on pourrait rapprocher du slime, en plus inoffensif. Le résultat fut une tenue en triste état, un souvenir déplorable, ainsi qu’une imp hurlant à la lune moqueuse que plus jamais elle ne fera de feu de camp près d’un point d’eau.

Par bonheur, elle trouva alors enfin une bourgade, modeste, mais qui avait par le plus grand des bonheur une forme de petite route rocailleuse et enherbé qui semblait y conduire, lui facilitant la marche tout en occasionnant quelques espoirs qu’elle puisse bientôt rejoindre une véritable cité. Malheureusement, ses malheurs ne purent qu’aller grandissant : Non seulement son état physique déplorable ne manqua pas de faire hurler la première personne chez qui elle se permit de rentrer, à savoir l’aubergiste, mais même une fois qu’elle put la convaincre de ne pas la jeter dehors à grand coup de pied aux fesses, ce ne fut pas sans qu’elle ne se complique passablement la tâche par la suite. Effectivement, commandant à cette occasion un repas, dont elle avait le plus grand besoin, puis demandant le plus proche point d’eau pour se débarbouiller, elle avait profiter d’être aux jeunes heures de la journée pour se baigner non sans se douter des futurs événements. Grand mal lui prit de faire ce choix. A peine sa tenue ôtée, ou du moins les lambeaux qui en restait, et plongée dans les ondées calmes de l’étang le plus proche, elle y perçut la présence étrangère d’un quelconque voyeur. Peut-être eut-elle un mouvement d’humeur un brin trop hâtif, mais la forme indélicate qui passait par les buissons voisins entendit alors l’imp prononcer quelques mots en une langue étrangère avant de se faire rôtir l’arrière-train, l’obligeant lui aussi à bondir à l’eau pour préserver ses parties génitales proches des flammes, et sûrement sa vie par la même occasion. Flint ne découvrit que bien plus tard qu’il s’agissait du chef du village, et ce n’est qu’une fois à l’auberge, avec un bon repas et l’annonce proche d’un repos dans un lit douillet, que finalement le couperet tomba droit sur sa nuque, l’annonce de son enfermement en ses lieux arrivant de pair.

Car le lubrique chef s’en prit à l’aubergiste, et l’aubergiste s’en prit à elle. N’ayant guère de moyens de riposter contre l’elfe, dont elle découvrit avec le plus grand des malheur qu’elle était capable d’avoir la langue aussi tranchante qu’elle-même, la discussion tourna vite à une résolution des plus claire : Si Flint lui avait attirer des ennuis, il ne tenait désormais qu’à elle de les lui faire oublier, notamment au travers d’un travail particulièrement assidu durant les prochains jours. Très honnêtement, l’imp voulu tenter de fuir à la dérobée, mais un lancer de couteau à viande à quelques centimètres d’une de ses précieuses cornes décoratives fut un argument relativement percutant pour qu’elle finisse par se résoudre à son triste sort. Elle avait donc abandonné, prenant la bonne résolution de répondre positivement à l’ordre de Tissandre, et finissant par travailler pour le mois dans son auberge afin de pallier à la hausse de paiement foncier que le chef de village avait collé au commerce de l’elfe.

Ainsi donc, cela faisait deux semaines. Tissandre ne faisant pas grand cas des codes de son métier, et ne voulant guère manquer la possibilité d’une véritable poule aux œufs d’or en la personne de Flint, elle s’était rapidement permise de plus ou moins la mettre en spectacle afin de ramener du monde en boutique. En deux jours, elle avait troquée une tenue parfaitement normale pour une tenue beaucoup trop courte à son goût, la moitié de ses fesses étant visible dès lors qu’elle ne se tenait plus droite, tandis qu’une moitié de sa poitrine tentait désespérément de quitter le haut de son tablier. Trois jours encore après, Tissandre ne faisait plus attention quand certains de ses clients passaient une main baladeuse en direction de la petite Imp, occasionnant alors échauffourées et prises de becs entre la serveuse et les habitués de l’établissement. Autant dire qu’elle ne gagna pas vraiment ces batailles, encore plus quand la mention du chef du village fut ramené sur la table. Elle eut au moins le bonheur d’apprendre que ce dernier n’était pas franchement apprécié, ce qui faisait qu’elle n’avait pas non plus mauvaise presse parmi les habitants du coin. Elle avait juste le malheur d’être malgré tout un joli brin de fille que l’on avait « envie de taquiner » des dires des plus audacieux. Et là, ce soir, après qu’elle ait eut le temps de faire la moitié de son devoir en ces lieux, elle se retrouvait à la fois aux fourneaux et au service, courant dans tout les sens, et profitant des courts moments où elle était seule pour pouvoir déverser un peu de sa rage dans un coin de la cuisine. Dans le fond, elle était quasiment certaine que cette vieille bique à l’allure de jeunette dans sa vingtaine pouvait l’entendre, mais par le plus grand des bonheurs, elle était encore capable de comprendre que la jeune petite démone avait besoin de vider son sac régulièrement… tant qu’elle conservait bonne mine devant les clients.

« Le prochain qui me pelote je le castre. Non, mieux, je le défroque devant tout le monde et lui coud l’anus. Non, mieux, j’attends qu’il sort, ivre, et je le guide chez le chef pour qu’il le sodomise. Non, mieux : je... »

C’est alors qu’elle se laissait baigner dans ses illusions qu’un violent frisson lui parcourut l’échine. Comme si soudainement, l’ensemble de son instinct lui hurlait de se faufiler dans un coin et de ne plus en sortir. Et elle connaissait bien ce genre de réaction naturelle ! Cessant immédiatement son petit monologue personnel, elle se glissa près de la porte de la cuisine et observa par l’entre-ouverture de celle-ci la salle, actuellement pleine à craquer. Par chance, ou non d’ailleurs, elle ne tarda pas à remarquer celui qui se trouvait au devant de sa patronne, présentant quelques belles pièces en quémandant nourriture pour sa bête, lit pour dormir, et un bon repas pour un repos complet. Viscères et mouche des enfers, un démon ! Et pas le plus petit par ailleurs, une grosse bestiole, un sacré corniaud, un bel éléphant si on voyait en elle une fourmi. Mais qu’est-ce que ce genre de saloperie foutait ici, paumé en pleine campagne ? Pire, même pas la campagne, un coin de bouseux arriérés avec un vieux pervers pour chef, et une carne soigneusement gommée comme aubergiste ? Mais elle … Elle ne pouvait pas décidément vivre sa petite vie tranquille sans que les mondes infernaux ne se rappellent à elle de la pire des manières ? Qui sait, peut-être … Peut-être même qu’il était sur ses traces ? Qu’il avait été envoyé pour la capturer et la ramener dans les tréfonds sanguinolents des hauteurs infernales, afin qu’elle soit enfin envoyée au prince qui avait tant voulut la posséder, autant comme servante qu’en tant que joli petit jouet de ses plaisirs ? AAAAAh ça, JAMAIS ! Elle allait se barrer, tant pis, elle risquait moins de chose à tenter le risque d’un lancer de couteau que de rencontrer cette saloper…

« FLINT !
- IIIIIK ! Quoi !? Putain tu m’as fais sursauter !
- Ferme-la, bonne à rien, et retourne taffer ! Y’a encore la moitié des clients qui attendent d’être servis, et je parle pas des nouveaux-venus. En selle, où j’te colle à poil à côté du chanteur en herbe.
- … Pitié non. »

Comme toujours, ses protestations, déjà rarement extériorisée, moururent dans l’oeuf. En peu de temps, la voilà sur pied, et qui entame de rapides allers-retours dans la salle, apportant boissons et gamelles, tout en priant de ne pas devoir s’approcher trop près du barde, dont les talents musicaux se restreignent très clairement à l’usage de la lyre. Malheureusement, elle se retrouve bien rapidement avec une main haut levée, une main qu’elle ne peut ignorer… Alors, très discrètement, et avec au coeur le bonheur de ne pas s’être retrouvée à porter sur elle les cornes ornementales qu’elle affectionne pourtant énormément, elle vient gagner les abords du démon savamment déguisé. Elle a la chair de poule au simple fait de se trouver près de lui, mais préfère faire la fière, ne voulant guère montrer qu’elle puisse avoir vu au travers de son grimage, ou qu’elle le craigne de quelques manières que ce soit. Pourtant, grand dieu que sa proximité l’a met mal à l’aise :

« Bonsoir voyageur, que puis-je pour vous ? »

Elle priait intérieurement qu’il ne lui fasse pas la discussion.

AsepTimusoth

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L’endroit ne méritait clairement pas qu’on s’y attarde réellement longtemps, mais il avait le mérite d’être un oasis de repos dans une contrée qui n’en comptait pas beaucoup. Avec les jours de voyage qu’il avait dans les pattes et les bivouacs réalisés à la belle étoile, Asep’Timusoth pouvait comprendre qu’une auberge comme celle-ci n’avait pas besoin de respirer le propre pour attirer ses clients. Les locaux eux-mêmes ne devaient pas avoir mille sources de divertissements dans les environs et il n’y avait probablement rien de mieux à faire dans les environs que de venir s’installer autour d’une table, s’enfiler une pinte, jouer aux cartes et maltraiter une pauvre serveuse. Ou l’inverse. De ce qu’il avait pu en voir, les relativement modestes origines des habitants, ou plus exactement la manière qu’ils avaient de s’enjailler grossièrement, laissait présager que l’ensemble de la localité n’était qu’une bourgade mineure, un simple rassemblement de maisons dont les occupants n’avaient pas plus d’éducation que celle nécessaire pour s’occuper des animaux et faire pousser les cultures locales. Cela ne posait, en soi, aucun problème au Démon, au contraire. Il enviait parfois certains mortels qui avaient la chance de vivre une vie plutôt simple, au-delà de toute considération politique ou guerrière. L’Incube n’avait aucune réelle indication quant aux enjeux politiques qui secouaient la région mais, de ce qu’il avait pu en voir jusqu’à présent, il fallait simplement voir en ces terres un lieu où la vie suivait presque paisiblement son cours et où rien de réellement incroyable ne venait perturber la monotonie du quotidien. Son séjour, s’il allait probablement s’éterniser quelques jours, au minimum, afin de permettre à Suie de prendre un repos bien mérité, ne serait probablement que peu égayé par les subtilités relatives des environs. Néanmoins, il se retint de porter un jugement trop hâtif. Les apparences étaient souvent trompeuses et, au milieu de cette auberge, il en était l’exemple parfait.

Un sourire sur les lèvres, il se pencha en arrière s’adossant au mur de bois du bâtiment, détendant ses jambes et posant ses bottes sur la table qu’il occupait. Avant de penser à ce qu’il pouvait faire en ces lieux, il avait besoin de détendre ses muscles, de prendre un bain, de manger un morceau, rien que pour donner le change et glaner des informations en laissant traîner ses oreilles, et, surtout, se détendre tout court. Jouant adroitement avec sa pièce dans la main gauche, le Démon donnait l’impression d’essayer de se laisser emporter par le sommeil, mais, bien entendu, il n’en était rien. D’abord parce que le barde jouait à l’autre bout de la pièce et même si Asep’Timusoth n’en entendait pas grand-chose, le brouhaha ambiant de la grande salle rendait la perspective de reposer son esprit ici parfaitement impossible. Néanmoins, en feignant l’indifférence, on avait plus de chance de ne pas attirer l’attention et c’était ainsi que l’on récoltait les meilleurs ragots. D’ailleurs, il eut rapidement le nom de l’aubergiste, Tissandre, et quelques remarques plutôt grivoises sur la serveuse qui assurait le service et dont on disait qu’il était possible de tâter la générosité sans même réellement craindre la furie de la tenancière des lieux. L’Incube ne savait pas ce que la pauvrette avait fait pour mériter d’être ainsi livrée en pâture à tous ces hommes en manque flagrant de femme, mais ce n’était pas réellement son problème. Le reste de son écoute ne fut que le moyen d’entendre parler de quelques menus problèmes de récoltes, des trouble-fêtes que représentaient certains spécimens de la faune locale, voire quelques suggestions fort peu convaincantes sur la manière d’arriver à séduire la dénommée Jolly dont la croupe était visiblement une autre attraction dont beaucoup d’hommes rêvaient de profiter dans cette ville.

Abandonnant pour le moment la perspective d’obtenir des informations vaguement intéressantes, il essaya d’attirer l’attention de la fameuse serveuse dont il avait pu repérer les quelques allées et venues entre la cuisine et la salle,  et qui essayait effectivement d’éviter quelques mains baladeuses dont les propriétaires ambitieux se gaussaient à chaque fois qu’elle se tortillait dans des mouvements, qui ajoutés à sa tenue, rendaient parfois les esquives parfois plus révélatrices encore que ne l’auraient été les mains atteignant leur lubrique but. Après quelques instants, elle s’approche finalement de lui, probablement incertaine de savoir quelle conduite tenir avec lui. Il n’est certes pas un représentant habituel de sa clientèle, mais rien ne doit indiquer qu’il ne cherchera pas à faire de même après tout, n’est-ce pas ? Alors qu’elle lui adressait ses salutations et lui demandait ce qu’elle pouvait faire pour lui, et tandis que sa pièce finissait un dernier aller-retour pour finir dans l’écrin de sa main, le Démon se redressa d’un mouvement fluide, repassant ses jambes sous la table en bois et levant les yeux vers la jeune femme. Il l’observa pendant quelques secondes de ses iris d’or dont il avait, en quelque sorte, uniquement donné une apparence plus adéquate mais conservé l’éclat d’origine. « Bonsoir, Mademoiselle. » Il esquissa un sourire étonnamment sincère. En réalité, il la prenait un peu en pitié, sans réellement le montrer, et n’avait aucune intention d’ajouter à son calvaire actuel. « Un repas chaud et une pinte de votre boisson la plus fraîche seraient les bienvenus. » Le voyageur pencha légèrement la tête sur le côté, observant la serveuse avec un sourire bienveillant. Sa tenue était effectivement du genre affriolante et il était étonnant qu’elle porte ce genre d’accoutrement. Mais peut-être que ses prestations ne se limitaient pas au service. Après tout, les bourgades de cette taille mutualisaient généralement les services faute d’employés adéquats…  « Vous pensez que c’est possible, Mademoiselle ? »
« Modifié: mardi 20 avril 2021, 16:24:25 par AsepTimusoth »

Flint Eklepios Adaenika

Créature

Re : Le hasard fait si bien les choses… [Flint Eklepios Adaenika]

Réponse 3 dimanche 25 avril 2021, 18:12:42

« Bonsoir, Mademoiselle. »

J’t’en donnerais du bonsoir. Un démon poli est un démon qui trame quelques terribles schémas, pour quelques horribles buts. Et compte tenu du fait qu’il se permettait en plus le sourire charmeur et l’air attentionné, elle était presque certaine qu’il avait la satisfaction d’approcher de son objectif. Autrement dit, elle avait en face d’elle une entité dangereuse qui avait, pour des raisons dont elle n’avait pas la connaissance, réussi à se retrouver dans un coin paumé par sa propre volonté, et surtout, avec une quelconque mission qui ne devait guère se trouver encore bien éloignée. Autant d’éléments qui ne la mettait guère en joie, voire même qui faisaient résonner en plus d’un endroit de sa caboche les alarmes terribles et implacables lui annonçant moult problèmes. Ce type, dont elle n’avait pas le nom… Elle souhaitait le voir partir, au plus vite. Et surtout, qu’il se barre sans n’avoir jamais remarqué ce qu’elle était. Avec un peu de chance, cela devrait se faire : Après tout, elle n’avait pas fait usage de sa magie depuis un moment, et à devoir vivre comme une humaine, elle n’avait pas non plus entretenue quelques actions éveillant sa nature démoniaque. Autant de choses la rendant sûrement imperceptible … Mais bon, allez savoir de quel genre de pouvoirs cosmiques phénoménaux pourrait être dôté le margoulin en face d’elle. Peut-être même qu’il l’avait déjà percée à jour, et ne faisait que profiter de la situation pour la voir paniquer et se débattre avant de la piéger ! Quelle catastrophe ce serait ! Mais bon, pour l’instant, il avait besoin d’être servie, et si elle ne faisait pas son boulot, elle allait avoir une autre sorte de calamité sur le dos !

« Un repas chaud et une pinte de votre boisson la plus fraîche seraient les bienvenus. Vous pensez que c’est possible, Mademoiselle ? »

Le démon restait courtois… Même plus que certains membres coutumiers de l’établissement, c’était pour dire à quel point cela obligeait Flint à se méfier ! Elle s’apprêtait à lui répondre quand elle remarqua le regard glissant du voyageur commencer à la … la … La déshabiller, difficile de trouver un autre mot pour définir cela, si bien qu’elle s’arrêta un instant, une pique d’insolence et de revendication fort naturelle lui remontant du plus profond des entrailles. Une petite voix dans sa tête qui lui dit de rester calme, de ne pas se comporter n’importe comment en face d’un type qui avait assez de pouvoir pour vaporiser les lieux… Puis du plus profond de son être, ce besoin brûlant de remettre à sa place ce voyeur qui, à l’instar de bien d’autres personnes ici, cherchait à voir au travers de sa tenue la superbe plastique dont sa nature l’avait grâciée… Un court instant de combat intérieur qui ne se traduisit à l’extérieur que par un frémissement frénétique de son sourcil droit, comme si celui-ci tentait de montrer paradoxalement un air amical sur la bouille de l’imp alors que les feu bouillonnant de l’enfer cherchait à quitter ses lèvres pour se déverser sur le visage de l’homme rompu par sa journée de voyage.

Mais finalement, ce fut la fierté de la petite démone qui gagna, encore. Elle n’avait pas quittée les enfers sans raisons, elle souhaitait être respectée, et si elle avait apprit à la moitié des villageois du coin que lui toucher les miches correspondait à une gifle également bien placée de sa part, il était essentielle qu’elle le fasse aussi comprendre à ce nouveau-venu ! Oui, c’était stupide, mais la demoiselle était bien souvent trop sotte dans sa colère pour se rendre compte que c’était en ce genre de coup de chaud qu’elle avait souvent la mauvaise tendance de creuser sa propre tombe. Alors, comme pour le réveiller de son observation lubrique, elle frappa du plat de la main le bord de la table, puis se permit de parler avec calme, même si l’aigreur de sa voix laissait parfaitement entendre qu’elle n’appréciait pas le moins du monde la manière dont elle avait été contemplée :

« Oui, ce serait possible, et d’autant plus rapidement de ma part si vous évitiez de me contempler comme un chien affamé contemple un putain de jambon. J’vous jure, marre de ces zouaves. C’quoi la prochaine, vous allez participer à la coutume locale ? Non parce que si même les voyageurs s’y mettent, à vouloir me chopper les miches, autant que je mettes moi-même le feu à l’en…
- FLIIIIIIIIIINT !
- Oh non ! J’ai rien dis j’vous jure patronne ! »

Ne finissant pas son monologue pour le coup, la voilà qui se retourne d’un coup et s’empresse de parcourir la salle principale pour filer en direction des cuisines. Elle ne se rend d’ailleurs même pas compte qu’en agissant ainsi, la relative couverture de sa jupe eut tôt fait de la trahir, affichant son ravissant fessier à quelques yeux, et notamment ceux du voyageur, mais elle a priorité à accomplir son boulot plutôt que de protéger sa vertu. Faut dire, le simple fait d’entendre Tissandre vouloir lui roussir le poil alors qu’elle parlait de faire brûler l’auberge eut bon don de la calmer. Des fois, elle se demandait bien pourquoi elle lui obéissait à cette femme, sans trop comprendre ce qui la terrifiait aussi derrière chacune de ses hausses de ton. Une sorte d’instinct, sûrement.

En tout cas, elle avait effectivement laissée le démon au beau milieu de sa révolte, et quittée ses abords, se retrouvant donc à l’abri des regards entre la marmite et les fûts. Au moins, elle se sentait en sécurité ici, malgré le fait que la monstruosité occupait encore les lieux, qu’elle allait devoir le servir, et que dieu seul sait quant est-ce qu’il allait repartir ! Elle allait devoir en apprendre plus, si elle ne voulait pas faire une sorte de crise cardiaque dans les heures à venir, entamant de remplir une chope tout en réfléchissant à la bonne voie à suivre. Bon… Elle venait de lui ronchonner à la gueule, ce n’était clairement pas le meilleur départ. Le questionner quand elle s’approcherait de nouveau ? Non plus, plus elle se trouvait loin de ce monstre, mieux elle se portait. Alors peut-être …

Elle regarda la chope un instant, désormais pleine d’une belle bière ambrée. Peut-être pouvait-elle simplement chercher à le faire partir ? Ce n’était pas un mal, il avait déjà payé sa chambre, et de toutes façons, elle pouvait sûrement trouver les quelques bonnes idées qui lui suffiront pour rendre le séjour du démon suffisamment désagréable ! Bon, elle ne devait pas non plus faire à ce que cela coûte à Tissandre, sinon elle était certaine que l’elfe aurait l’intelligence de découvrir qu’elle serait à la base de quelques supercheries, mais … Avec un peu de chance, le démon ne remarquerait pas sa présence, mais serait suffisamment incommodé pour reprendre la route sans chercher plus longtemps les lieux ? C’était peut-être un peu paranoïaque de sa part de voir les choses ainsi, mais bon… Elle était une imp, donc pas loin de l’animal de compagnie à forme humaine aux enfers, aussi ne pouvait-elle pas vraiment vivre les choses autrement qu’en s’imaginant qu’un type comme celui qui venait de s’installer aurait tôt fait de lui placer un collier et une laisse autour du cou dès qu’elle baisserait sa garde ! Non, elle en était sûre maintenant, elle voulait que le mec se barre, le plus rapidement possible, et si elle se devait d’avoir de tristes comportements pour cela, alors elle n’hésiterait pas un instant !

Mais d’abord… Le service. Elle posa la chope sur une surface sans danger, puis elle alla quérir une écuelle, et y versa une lourde quantité de bouillon de légume, accompagné d’une dose respectable de chou, de carotte et de poumelle. Elle n’aimait pas la poumelle. C’était amer, ça avait le goût d’un navet mariné dans du jus de poisson, et franchement elle ne parvenait pas à le considérer comme un aliment comestible. Ah bah tiens, la voilà sa première crasse. Normalement elle ne devait pas trop en servir aux clients, mais pour ce démon, autant ne pas se laisser aller à la « radinerie » ! Triple dose de poumelle pour le voyageur exténué, cadeau de la maison, avec amour bien entendu ! D’ailleurs, avec un peu de chance, il s’étouffera tout seule avec l’un des gros morceaux qu’elle lui colle au bord de l’écuelle. Enfin, un maigre bout de viande en sus ! Personne ne maugrée pour un bout de viande n’est-ce-pas, même si il se trouve un peu sec et nerveux ! Parfait, elle allait l’épuiser moralement, il allait tellement être indisposé qu’il finirait par partir sans demander son reste. Magnifique, comme quoi elle pouvait se tirer des pires situations sans avoir recours à la magie.

Se chargeant donc de son matériel, elle ressortit tranquillement de la cuisine avec la mine haute et fière, prête à aller apporter dignement son repas au pauvre voyageur qui attendait là. Après tout, elle faisait bien son travail, n’est-ce-pas, même Tissandre ne pourrait pas lui en vouloir ! En parlant de sa patronne d’ailleurs, elle ne la voyait pas derrière le comptoir, où était-elle allée se poser pendant qu’elle fomentait son plan diabolique en cuisine ? Boarf, pas trop grave, au pire cela pouvait vouloir dire que si l’un des clients lui touchait les miches, elle pourrait lui enfoncer le crâne dans la table. Esquivant une première main d’un geste qu’elle maîtrisait désormais à la perfection, à savoir un jeté du bassin qui l’éloignait immédiatement du membre ennemi, elle se glisse entre deux rigolards qui semblent s’extasier du travail misérable du barde, puis enfin peut s’approcher en ligne droite du voyageur couvert par l’illusion et la tromperie.

« Chaud devant, une boisson et un repas pour le monsieur. Me suis permise de vous filer une dose supplémentaire, j’imagine que la route n’a pas été simple. »

Voilà, un peu de considération en sus. Avec un peu de chance, cela le fera culpabiliser quand il aura l’envie de se plaindre de son plat !

AsepTimusoth

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Re : Le hasard fait si bien les choses… [Flint Eklepios Adaenika]

Réponse 4 dimanche 25 avril 2021, 20:21:06

Il n’aurait réellement su dire pourquoi, mais Asep’Tisumoth avait le drôle de pressentiment de ne pas être particulièrement le bienvenu. Il était facilement concevable qu’un client supplémentaire était, pour la serveuse, une source potentielle d’ennuis supplémentaires, sans parler de la charge de travail additionnelle, mais, malgré tout, les auberges étaient le plus souvent contentes d’avoir des clients, même si celle-ci semblait se débrouiller très bien, sans lui. Quoiqu’il en fût, le Démon ne s’en formalisa pas plus que cela. Il pouvait comprendre que la demoiselle était passablement épuisée à devoir naviguer entre toutes les mains baladeuses qui se dressaient sur sa route et la perspective d’avoir un client de plus, suscitait déjà probablement son lot d’ennui à l’idée de devoir faire le trajet entre les cuisines et sa table, passablement éloignée de ces dernières. Le voyageur prit le temps de mettre les formes et la politesse nécessaires, comme il avait l’habitude de le faire pour toute personne qui croisait habituellement son chemin. Ses manières ne souffraient généralement que d’un manque flagrant de politesse de son vis-à-vis et son caractère se modelait alors en quelque chose de beaucoup moins cordial, voire carrément provocateur et agressif. Après tout, chacun récoltait généralement ce qu’il semait et certains regrettaient parfois amèrement d’avoir manqué de respect à un inconnu, mais uniquement lorsque le mal était fait. De son côté, l’Incube essayait de garder bonne figure et la serveuse ne lui avait pas manqué de respect aussi ne voyait-il aucune raison de s’en formaliser. Il lui demanda donc avec politesse de quoi se rafraichir le gosier et également faire bonne figure auprès de toutes les têtes de cette auberge. Un homme de passage qui ne prend pas la peine de se nourrir n’est décidément pas quelqu’un de normal. Il espérait seulement que quelle que soit la nourriture qui chauffait dans la grande marmite de l’auberge, cette dernière serait suffisamment mangeable pour ne pas regretter cette couverture. Certaines de ses anciennes expériences démontraient que la qualité des établissements en la matière était passablement… aléatoire.

Toutefois, alors qu’il s’attendait à ce que la serveuse opine du chef et se contente de prendre sa commande, il remarqua que quelque chose semblait la contrarier. Le Démon haussa légèrement un sourcil de surprise tandis qu’il observait le visage de la concernée qui semblait contrite. Avait-il dit quelque chose de mal ? Peut-être n’avait-il pas été assez courtois ? La jeune femme lui rétorqua alors d’un ton parfaitement aigre, qu’elle avait bien pris sa commande mais avait visiblement mal interprété la manière qu’il avait eu de la regarder. S’il avait effectivement jeté un œil sur elle de pied en cape, elle l’avait visiblement pris comme une tentative, de sa part, de se mêler à la pratique du sport locale. Une mésinterprétation qu’il pouvait concevoir mais pour laquelle elle n’avait aucune raison de s’inquiéter. Malheureusement, elle semblait en avoir gros sur le cœur car elle ne lui laissa aucune ouverture pour éventuellement tenter de se justifier. Dans tous les cas, cette serveuse n’avait pas sa langue dans la poche et c’était là quelque chose de particulièrement savoureux. Un léger sourire glissa sur ses lèvres alors qu’elle le houspillait sans aucune considération autre que celle de lui imposer sa vision des choses quant à son geste déplacé. Ce fut finalement la tenancière qui l’interpela au travers de l’auberge en hurlant ce qui semblait être son prénom : Flint. Cette dernière, immédiatement interrompue dans son élan, apparut, pendant un instant, prise la main dans le sac, et, sans même une considération supplémentaire pour son client, ni même tenter de terminer son monologue ulcéré, elle retourna vers le bar et la cuisine en hurlant de la même façon qu’elle n’avait rien fait. Amusé par la situation, Asep’Tisumoth observa la serveuse jusqu’à ce qu’elle disparaisse de son champ de vision en entrant dans ce qui semblait être les cuisines. En voilà une qui avait du caractère et il était d’ailleurs étonnant que les clients de cette taverne n’avaient pas encore de multiples bleus, fractures ou blessures diverses tant il semblait évident qu’elle était prête à faire payer à n’importe qui le simple fait de la regarder avec davantage d’avidité qu’un poivrot regarderait une chope pleine.

Peut-être était-ce du fait de la tenancière ? Cette elfe au caractère bien trempé savait visiblement ce qui était bon pour les affaires et ce qui ne l’était pas. Et, indubitablement, entre une serveuse légèrement maltraitée et des clients malmenés, le choix commercial était rapidement fait. Néanmoins, si la petite avait été livrée à ces sauvages sans une once de retenue, celle dernière aurait très bien pu plier bagage depuis longtemps. À moins qu’elle ne soit retenue ici, contre son gré, pour une raison obscure. Une dette peut-être ? Dans ce cas-là, cela justifiait à la fois la manière dont la tenancière jouait avec cette dernière plutôt que de prendre son partie face aux clients, ce qui arrivait plus souvent qu’on ne le croyait. L’Incube se rappelait de cette petite auberge où les malheureux qui avaient l’audace de toucher ne serait-ce qu’à un cheveu d’une serveuse se retrouvaient le nez dehors, avec un coup de pied en règle dans l’arrière-train en prime. Avec la promesse de devoir se séparer de leur main coupable si d’aventure il leur prenait l’idée de recommencer. Silencieux, l’intéressé observait donc la tenancière dans son élément, afin d’apercevoir, peut-être, quelque chose qui pourrait trahir l’une ou l’autre des possibilités. Elle sortit quelques instants plus tard, suivant l’un de ses clients à l’extérieur pour une raison qu’il n’avait malheureusement pas pu saisir compte-tenu du brouhaha ambiant. Soupirant doucement, il s’en était retourné à sa position initiale, les pieds posés sur la table, le dos contre le mur de bois de l’établissement, jouant à nouveau distraitement avec sa pièce. Quelques ragots mineurs lui parvinrent aux oreilles jusqu’à ce que, finalement, la serveuse sorte à nouveau des cuisines. Le mouvement ne l’attira pas immédiatement mais ses prouesses pour éviter les mains baladeuses l’arrachèrent à sa contemplation alors qu’elle se dirigeait vers lui.

Abandonnant sa position d’observation, il rattrapa la pièce au vol et la plaqua sur la table alors qu’elle arrivait au niveau de cette dernière. Elle posa la gamelle, plutôt bien chargée, et une chopine sur la table, lui indiquant qu’elle lui avait mis une portion supplémentaire, pour le voyageur affamé. Le Démon lui offrit un sourire cordial. « Voilà une attention des plus agréables. » Il jeta un œil à la gamelle fumante dont le fumet n’était pas désagréable et augurait un repas probablement au minimum passable. Il releva alors les yeux vers la serveuse. « Je vous prie de bien vouloir accepter mes excuses pour tout à l’heure, il n’était pas dans mon intention de vous dévisager, ni même de participer à ce qui semble ici être une pratique… courante. Mais… » Il s’interrompit un léger instant, comme s’il semblait chercher ses mots. « Je dois admettre être un peu troublé de voir que votre patronne semble tolérer qu’on s’en prenne à vous ainsi. Autant si cette dernière avait été un homme, peut-être aurais-je pu avoir une idée du pourquoi, mais là… » La dernière chose que souhaitait probablement la serveuse était de s’attarder, avec un inconnu, sur le pourquoi de sa position précaire, mais il semblait nécessaire pour l’Incube d’au moins mettre les points sur les « i » quant au sermon qu’il avait, peut-être mérité, mais pour lequel il ne souhaitait pas laisser un malentendu. Cela n’avait aucune importance en réalité, mais puisqu’il avait déjà décidé de rester quelques jours dans les environs, mieux valait éviter de se mettre le personnel de l’auberge à dos dès le premier soir, n’est-ce pas ?


Flint Eklepios Adaenika

Créature

« Voilà une attention des plus agréables. »

C’est ça mon gros, mord à l’hameçon. L’assiette va tellement te faire serrer les mâchoires que tu vas t’en déchausser les dents ! Et déjà, un démon majeur sans chicots, c’est plus agréable à imaginer ! Franchement, la petite Imp n’en laissait pas voir un traître aspect, mais son agressivité naturelle était à son maximum. La haine des plus forts par les plus faibles, y’avait que ça de vrai dans ce monde de chien, et elle en était la principale personnification. Après tout, elle s’était barrée des enfers pour une raison des plus similaire, ne voulant pas le moins du monde finir en objet de luxure pour démon avide de modèle réduit à remplir de son énorme mandrin. Alors bon, avoir le fin plaisir de voir un homologue de ce genre de fada orgueilleux se détruire l’estomac avec un légume, il n’existait pas de projet plus satisfaisant à ses yeux. En revanche, même si elle avait presque l’envie d’être aux premières loges pour contempler ce spectacle, elle ne se sentit pas le courage d’être en sa présence lorsque l’amertume viendra lui décoller une droite sévère, aussi s’apprêtait-elle déjà à tirer sa révérence après ses remerciements. Du moins était-ce ses prévisions, mais malgré son sourire feint et son air naturellement enjoué, ce fut à l’instant où elle voulut décoller ses pieds du sol qu’elle fut intimement interrompue par le regard de l’étranger venant se poser dans le sien avec l’appui d’un bloc de béton que l’on jetterait sur une fourmi. Bon sang qu’elle haïssait son instinct naturel de soumission pour ce genre de situation, mais elle ne … pouvait tout simplement pas s’extraire de cette impression qu’elle ne pouvait pas bouger pour l’instant, ce qui offrit la demi-seconde nécessaire à l’homme pour s’exprimer :

« Je vous prie de bien vouloir accepter mes excuses pour tout à l’heure, il n’était pas dans mon intention de vous dévisager, ni même de participer à ce qui semble ici être une pratique… courante. Mais… »

Pitié pas la causette de base, elle n’en avait pas envie le moins du monde, elle avait encore quinze autre lourdaud qui allait demander une bière fraîche d’ici dix minutes, et si elle les faisait attendre, c’était autant de temps pour eux afin qu’ils dégrisent et remarque qu’elle leur servait de la boisson tiède. Puis bon, les excuses d’un démon supérieur, hein, elle y croyait autant qu’en l’existence du sacro-saint plat de spaghettis volant, protecteur des peuplades opprimées des terres australes. Et elle ne savait même pas si il existait des peuplades là-bas, autant dire que les mots de l’homme étaient bien tombés dans l’oreille d’une sourde. Toutefois, malheur de sa triste nature, elle ne se sentait ni de le couper, ni de lui dire un petit mot gentil pour s’esquiver. Tout au plus pencha-t-elle la tête sur le côté avec une mine gênée, comme si elle se doutait de ce qu’il allait lui dire. Dans le fond, pas le moins du monde, mais mieux valait jouer la simplette qui a l’air de porter tout les fléaux du monde sur le dos plutôt que d’accorder à cet homme l’occasion de voir au travers de son jeu. Il reprit donc ses termes avec le même ton courtois (qu’elle concevait comme la plus évidente des tromperies par ailleurs) et elle l’écouta d’un air plus ou moins entendu, faisant bonne figure. Et, étrangement, ce qu’il se permit de lui dire la fit tiquer, suffisamment pour que l’envie lui prenne de s’exprimer. Mais bon sang, c’est qu’il était doué pour tirer sur la corde sensible ce bougre, à croire qu’il avait vraiment été maladroit un peu plus tôt, qu’il s’agissait juste d’un démon supérieur plein d’honnêteté et de considération. Comme si ce genre de mélange aussi contre-nature qu’abject pouvait réellement exister en cette terre !

« Je dois admettre être un peu troublé de voir que votre patronne semble tolérer qu’on s’en prenne à vous ainsi. Autant si cette dernière avait été un homme, peut-être aurais-je pu avoir une idée du pourquoi, mais là…
- Ne vous bourrez pas le mou avec ça. J’ai fais une connerie en arrivant dans cette bourgade et j’en paie les frais, rien de plus.. C’est vrai que la patronne est une sacrée mégère, dans le fond, mais bon, au moins je ne suis pas vraiment mal-lotis, j’ai juste eut le malheur d’attirer les foudres de la mauvaise personne, et ça me retombe dessus par correspondance de responsabilité… M’enfin, j’vais pas raconter ma vie, hein ? »

En fait, si c’est exactement ce qu’elle faisait, et elle s’en rendit compte à l’instant même où elle s’était permise d’en faire le commentaire. Raaaaah plus un mot, pas un seul ! Allez, une formule de politesse, et elle allait s’éclipser le plus rapidement possible, elle ne voulait pas être là quant il allait se permettre sa première bouchée.

« Sur ce, j’m’occupe de votre chambre une fois que j’ai fini mon slalom de la journée, bon appétit. »

Voilà, simple, efficace, et la voilà repartie en laissant le démon supérieur derrière elle. En un sens elle se félicitait de toujours cacher ses petites cornes rondes sur les bords de sa tête avec ses cheveux, elle était quasiment certaine que l’homme n’y voyait que du feu quand à son apparence des plus humaines. En revanche, elle était en train de se faire une montagne de cheveux blanc à chaque fois qu’elle était devant lui, ça allait être un véritable problème si il restait un peu trop longtemps. Décidément, hâter son départ allait être des plus nécessaires. Peut-être se devait-elle de lui faire une autre crasse pour sa chambre ? Flint ne manqua pas de se secouer un peu la tête pour se reprendre quand cette idée saugrenue lui vint à l’esprit : non, si elle agissait ainsi, son animosité à son encontre serait on ne peut plus évidente. C’était un coup à ce qu’il l’attrape peu après et l’agonisse. Ou qu’il raye de la carte cette auberge d’un claquement de doigt. Elle ne savait pas ce qui serait le pire, honnêtement. En tout cas, elle fit sa part du travail, oscillant entre les tables et entamant à nouveau de prendre les commandes tout en évitant ses ennemies communes de la soirée. Un bal curieux, sous les yeux des quelques curieux qui préféraient observer le spectacle plutôt que d’y participer. Elle ne fit pas attention à sa patronne, qui restait, à ses yeux, aux abonnées absentes, ce qui ne manquait pas de lui permettre une belle bouffée d’air frais, dans cette situation déplorable qu’elle vivait. Personne pour l’engueuler au moins !

Ce ne fut qu’une fois l’ensemble des éméchés du coin servit qu’elle put enfin quitter la salle et aller à l’étage pour s’occuper des lits. Pas besoin de grandement se prendre la tête, mais au moins elle se permit le minimum syndical pour la chambre supplémentaire qu’elle se devait de préparer pour le démon. Elle comptait en endormir la vigilance pour mieux le pourrir le jour suivant. Une vraie chasseresse dans l’âme, elle se préparait à appâter sa proie pour mieux lui pourrir l’existence. Et tout en tapotant les draps et l’oreiller, elle ricanait sous cape.

*
*   *

« J’vous jure, ces crétins finiront par me tuer d’ennui. Saloperie de peigne-cul au nez crasseux. »

Tissandre, dans la pire des humeurs, revenait de l’extérieur de l’auberge avec la mine la plus sombre qui soit. Non pas qu’elle n’ait l’air plus aimable naturellement, mais la tempête qui couvait au creux de ses prunelles laissait présager que la moindre forme d’inconvenu risquait sévèrement d’être payée au centuple. Une courte observation des lieux ne manqua pas de lui donner le minimum d’informations dont elle avait besoin : Flint n’était plus au coeur de la pièce, mais les habitués semblaient être servis et personne ne ronchonnait quant à l’existence d’une choppe vide. Cette petite peste avait donc, de manière tout à fait exceptionnelle, fait son travail. Incroyable. Quel qu’en soit les raisons, elle n’allait pas s’en enquérir, à la place elle tourna son attention en direction du charmant voyageur arrivé un peu plus tôt. Ce n’était pas comme si elle l’avait fort courtoisement accueilli, mais il était assez charmant pour qu’elle tente une approche mesurée maintenant que la soirée allait lentement approcher de sa fin. Il ne semblait pas avoir quitter sa table, aussi n’eut-elle que quelques pas à faire pour le rejoindre, et ne se targuant pas de mesures, l’elfe tira à elle une chaise afin de s’asseoir au devant du curieux personnage, avant d’ouvrir la discussion sur le premier sujet qui lui vint en tête. Pour le coup, et quitte à faire siffler les oreilles de celle qui se trouvait actuellement à s’occuper des literies, ce fut à propos de sa néophyte de serveuse qu’elle engagea l’échange, cherchant à paraître la plus professionnelle possible :

« Bonsoir à nouveau. Désolé pour la petite, elle n’est pas du métier, et la courtoisie semble avoir passée son chemin lorsqu’il fallut la lui inculquer. J’espère qu’elle ne vous a pas trop brusqué ? »

AsepTimusoth

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Bien loin de se douter qu’on venait de lui offrir un cadeau empoisonné, le Démon profitait du fumet chaud et relativement accueillant de l’assiette de ragoût qu’on venait de lui servir. Il se serait probablement douté, ou à minima inquiété, de ce qu’aurait pu lui servir une Imp, et encore plus, d’une d’entre elles ayant décidé de fuir des Enfers, mais encore aurait-il fallu qu’il puisse se rendre compte de qui était réellement en face de lui. Contrairement aux autres créatures des Enfers, les Imps, surtout s’ils ne recouraient pas à la magie depuis quelques temps, pouvait littéralement ne fournir aucune indication de leur origine extra-planaire. D’autant plus, Asep’Timusoth se contentait de profiter de sa liberté sur ce monde, ne cherchait aucune Imp et ne s’attendait pas à croiser une entité de son plan d’origine. Tout autant de raisons supplémentaires faisant que, pour lui, cette serveuse, bien que dans une situation apparemment peu enviable, ne cachait rien d’autre derrière ses yeux bleu qu’une certaine malchance et un caractère bien trempé ; les deux allant généralement de pair car les pires situations étaient souvent le fruit non pas du seul Hasard, mais souvent d’une langue bien trop pendue. Quoiqu’il en fut, bien que la serveuse ne semblait pas encline à s’attarder à la table pour écouter ses excuses quant à l’interprétation de son comportement, il parvint à saisir l’opportunité de leurs regards qui se croisèrent pour parvenir à glisser quelques mots. Elle l’écouta poliment, mais il semblait qu’elle avait réellement envie d’être déjà ailleurs, que ce soit pour ne pas prendre de retard dans son service, ou simplement parce qu’elle n’avait aucune envie de lui tenir compagnie, aussi l’Incube essaya de faire au plus vite.

Lorsqu’il eut finit, la jeune femme se contenta de botter en touche. Sa manière de pousser sur le côté les tracas de sa vie quotidienne laissa le Démon quelque peu perplexe. Intrigué, il dut admettre que sa curiosité avait été piquée au vif. Une connerie ? Il était facile d’imaginer que des étourderies puissent amener à des compensations pécuniaires et si la jeune femme n’avait pas d’argent à ce moment-là, rembourser en travaillant était une conclusion logique. La tenancière estimait-elle alors qu’elle rentabiliserait mieux cet investissement en s’en servant comme d’un appât pour les mâles de la bourgade ? Probablement. Dans tous les cas, elle semblait visiblement être dans les mauvais papiers d’une personne de cette ville et lui devait son sort, qu’elle ne reprochait pas pour le moins du monde à sa patronne. Le Démon esquissa un sourire quand la serveuse coupa court à l’explication, cherchant dans l’affirmation de l’inintérêt de sa vie pour le voyageur, l’excuse pour enfin pouvoir tourner les talons. Lui offrant la porte de sortie tant espérée, il n’insista pas, esquissa un léger sourire avant qu’elle ne lui confirme qu’elle s’occuperait de sa chambre une fois ses autres clients satisfaits. « Prenez votre temps, je n’ai pas prévu de dormir tout de suite. » Il lui offrit un hochement de tête poli et la laissa repartir vers ses clients tandis qu’il se tournait vers son ragoût toujours fumant. Il attrapa la chopine d’une main, venant porter à ses lèvres la mousse de la bière fraîche qu’on venait de lui servir. L’alcool était léger, mais avait quelques notes d’arômes particulièrement savoureuses et s’il lui avait été donné de goûter des bières de meilleure qualité, celle-ci était clairement dans le haut du panier du milieu. Reposant la chopine, satisfait, l’Incube observait toujours la pièce. Les déambulations de la serveuse entre les tables, les rires gras de certains clients, la manière de certains de parler fort à leur camarade juste à côté d’eux. Beaucoup de ces hommes, s’ils étaient probablement habitués à boire jusqu’à plus soif, auraient tout de même une matinée difficile…

Sans chercher à aller plus en avant dans ses observations, Asep’Timusoth concentra son attention sur son assiette de ragoût. Beaucoup de soupe, des légumes et un bout de viande. Ca ne brillait pas réellement par l’apparence, mais au moins cela aurait le mérite de donner le change. Il attrapa la cuillère en bois et la plongea dans l’assiette. Il porta à ses lèvres de la soupe dont il apprécia le goût bien qu’une légère amertume semblait s’en dégager. Il gouta à la viande, un morceau malheureusement pas nécessairement très facile à manger compte-tenu de sa nervosité, mais ce n’était pas comme s’il s’était attendu à des morceaux de choix pour être plongés dans un ragoût. Les légumes étaient corrects, le chou et les carottes étaient un peu trop cuits, mais c’était inhérent dans ce genre de préparation. Par contre, il y avait un légume non-identifiable, en grande quantité d’ailleurs dans l’assiette et lorsqu’il en mit un morceau en bouche, il fallut une sacrée dose de volonté à l’Incube pour ne pas le recracher. Au moins il savait désormais d’où venait l’arrière-goût amer de la soupe. Alors qu’il avait mordu dans la texture visqueuse et molle, l’amertume l’avait frappé en pleine face. Il s’était alors astreint à mâchouiller le morceau de légume qui était incroyablement long à broyer avant de pouvoir l’avaler. Le Démon avait alors prit sa chopine pour faire passer le goût d’une longue rasade de bière. Il avait certes eut son lot de curiosités culinaires avec le temps, mais ce légume-là était particulièrement… atypique. Sa présence en grande quantité devait se justifier par sa production facile, qui en faisait un aliment peu cher et, malgré son goût difficile, probablement nourrissant. Prenant sur lui de ne pas laisser trop dans son assiette, il alterna entre ce légume mystérieusement peu ragoûtant et le reste de son plat, prenant une rasade de sa bière à chaque fois que cela devenait un peu trop fort au niveau gustatif.

Il repoussa son assiette, quasiment terminée malgré la dose de ce légume étrange, à mi-chemin entre le navet et le poisson, qui se trouvait au préalable dans cette dernière. Son estomac était plein et, avec cette découverte culinaire, il y avait toujours la probabilité que sa digestion soit particulièrement… aléatoire. L’Incube reprit une position plus décontractée, attirant la chopine vers le bord de la table pour la garder à portée de main tandis qu’il essayait de se concentrer sur autre chose que ce qu’il venait d’ingurgiter. La porte de la taverne s’ouvrit et Asep’Timusoth put apercevoir la tenancière qui se décidait finalement à revenir dans son établissement, néanmoins ce qui l’avait poussé à sortir n’avait apparemment pas arrangé ses affaires. Détournant le regard dans sa chopine pour ne pas donner l’impression regarder ce qui ne le concernait pas, le Démon fut cependant surpris de voir cette dernière se diriger vers sa table. Et alors qu’elle arrivait à hauteur de sa table, il releva son nez de sa chope pour poser son regard sur l’Elfe. Elle portait ses longs cheveux auburn en une queue de cheval qu’on devinait descendre entre ses épaules, son visage un peu sévère, était agrémenté de deux yeux gris clair soulignés par des taches de rousseur qui avaient l’agréable avantage d’adoucir ses traits. Elle l’aborda, le saluant à nouveau, glissant quelques excuses pour sa serveuse en guise d’entame pour leur discussion. Le Démon esquissa un sourire tandis qu’il repassait ses bottes sous la table. « Non, non, pas du tout. Un malentendu malheureux. J’ai eu l’impolitesse de la regarder peut-être un peu trop longtemps et, de ce que j’en ai vu, je peux comprendre pourquoi la petite ait pu mal le prendre. » D’un geste, il invita l’aubergiste à s’installer, bien qu’elle n’ait pas besoin de son invitation, l’encourageant ainsi à la discussion si c’était ce qu’elle était venue chercher. « Et vous-même ? Vous semblez avoir été contrariée ce soir, je n’ai pu m’empêcher de m’en apercevoir lorsque vous êtes arrivée. Peut-être puis-je vous aider ? » Il avait nécessairement les moyens de l’aider, même si elle n’en savait rien. Mais l’Incube n’avait pu s’empêcher de profiter de cette occasion, où elle était venue d’elle-même lui parler, pour essayer d’en apprendre plus sur elle. Après tout, ils allaient se côtoyer pendant quelques jours et, comme pour la serveuse, il avait tout intérêt à ce que leurs relations restent à minima cordiales…


Flint Eklepios Adaenika

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« Non, non, pas du tout. Un malentendu malheureux. J’ai eu l’impolitesse de la regarder peut-être un peu trop longtemps et, de ce que j’en ai vu, je peux comprendre pourquoi la petite ait pu mal le prendre.
- Qu’elle le prenne mal, de toutes manières les gens du coin l’apprécient aussi pour son caractère. A croire que ces bouseux trouvent cela amusant de l’entendre gueuler, personnellement ça finit par me vriller les tympans. Et je ne vous parles pas des moments où je dois lui expliquer le métier ! »

Visiblement, elle avait le souhait de discuter avec lui. Rien de bien ordonné toutefois, point de volonté supplémentaire derrière, Tissandre n’ayant simplement pas le désir de se retrouver seule derrière son bar, ni même de devoir faire la discussion avec quelques-uns des pochtrons habituels de sa clientèle. Aussi avait-elle décidée en avance de son interlocuteur, en la personne d’Asep, et s’apprêtait à se laisser aller à quelques échanges cordiaux, sans jamais ne chercher à mâcher ses mots. Ce n’était pas que l’elfe ne connaissait pas les bonnes mœurs et les comportements adéquats en société, son éducation désormais lointaine et sa vie d’autrefois auprès de ses homologues lui ayant largement permise de les maîtriser, mais il s’agissait là aussi des raisons de son départ, de son exil. Marre des discours lisses, des demi-mots pleins de faux-semblants, et de bien d’autres choses par ailleurs. Donc désormais, elle parlait avec autrui dans la plus franche et la plus directe des langues, ses voyages lui ayant en plus offert l’occasion de découvrir un lot de jurons et d’expressions capables de faire rougir de honte une prostituée. Le démon, qu’elle prenait pour l’instant pour un humain, n’ayant pas de particularités magiques lui permettant de voir au travers de son déguisement, allait peut-être souffrir un peu de ce verbe, ou s’en étonner, mais il n’y avait pas de raison qu’elle le gracie de son originale locution. Et puis, désormais, en l’ayant gestuellement invité de se mettre à son aise, il s’était de lui-même engagé dans cette petite entrevue distrayante, et revenir sur son action serait bien impoli, n’est-ce-pas ?

« Et vous-même ? Vous semblez avoir été contrariée ce soir, je n’ai pu m’empêcher de m’en apercevoir lorsque vous êtes arrivée. Peut-être puis-je vous aider ?
- Je pourrais vous dire qu’un client n’a pas vraiment à s’en faire pour son hôte… Mais dans le fond, grand bien m’en fasse de ne pas tenir ma langue : J’ai des déboires avec le maire depuis quelques semaines. Non pas que ce corniaud ait été agréable une seule fois dans sa vie, mais dernièrement, il se trouve passablement infect. »

Une certaine logique pourrait inviter l’elfe à ne pas plus en parler, ne serait-ce que par un minimum de discrétion. Certains de ses clients pouvaient être des proches de ce lourdaud dont elle n’appréciait ni la présence, ni l’existence, et de se permettre ce genre de propos à haute voix avait vite tendance à passer pour de la diffamation aux yeux des fidèles de ce rat. Ils n’étaient pas nombreux toutefois, ce qui était déjà un point de détail agréable, et Tissandre savait en plus que même si ces idiots pouvaient fréquenter son établissement, ce n’était pas pour autant qu’ils pouvaient estimer qu’ils auraient, par leurs contacts, le dernier mot sur ses agissements et ses réactions. Il n’existait qu’une barman et aubergiste dans ce trou paumé, et c’était elle ! L’elfe était la Loi et l’Ordre dans son auberge, tant et si bien que si elle décidait de foutre quelqu’un dehors à grand coup de pied aux fesses, ce sera fait de manière aussi expéditive que douloureuse pour le récalcitrant qu’elle aura dû punir de la sorte ! La seule chose qui pourrait lui faire tenir sa langue est cette idée : au vu des relations conflictuelles qu’elle a avec le pourceau qui sert de chef de village aux maisonnées environnantes, rajouter de l’huile sur le feu ne saurait être que déficitaire pour elle, voire même un véritable suicide commercial si il ose agir ouvertement pour la fermeture de son gîte et commerce de boisson. Elle voyait mal ses habitués l’abandonner, mais certaines formes de « marchandage » et autres manipulations diverses pouvaient porter leur fruit. Pourtant, comme toujours prime l’honnêteté simplette de Tissandre, ne supportant de s’écraser par peur des retours de bâton.

« Disons qu’en gros, un de mes clients a eut le malheur de lui rosser le cuir un peu violemment. Dès lors, il s’est affairé à me faire porter la faute pour le bon plaisir d’abuser un peu plus de sa position, ne pouvant s’en prendre à une voyageur. Et j’ai le droit chaque soir à la visite d’un nez brunie pour me rappeler la situation. Ce qui me fout les nerfs ! »

Elle commençait à monter en pression, c’était un fait. Pour être parfaitement honnête, elle aurait put mentionner le fait que la petite serveuse qui servait désormais d’attraction locale n’était autre que la trouble-fête qui l’avait foutu dans ce merdier, mais elle s’en abstint. À la place, elle regarda autour d’elle, la mine dépitée, cherchant à voir où se trouvait son « apprentie » pour la rappeler à l’ordre. Si certains se permettaient de lui taper sur les nerfs, alors elle pouvait aussi se le permettre, et Flint avait été jusqu’ici la meilleure source de détente qu’elle avait trouvée. Et justement, elle la vit passer en haut des escaliers, la mine fière et le menton haut, le genre d’expression que cette gourgandine n’a qu’au moment où elle se sent enfin suffisamment à l’aise pour recommencer à réfléchir à sa prochaine bêtise. C’était parfait. Comment allier l’utile à l’agréable ? Voici la réponse : Mettre un coup de pression à une serveuse au demeurant bien trop lâche pour lui rappeler qu’elle n’avait pas le temps de se laisser à l’oisiveté, tout en y trouvant le plaisir de se défouler un peu envers la personne qui vous a poussé dans une situation défavorable. Et elle allait le faire dès maintenant, avec le plus grand des plaisirs.

*
*   *
Couette secouée, oreiller battu, drap tendu, et ce pour chaque chambré, Flint avait désormais tellement l’habitude de le faire que cela lui venait naturellement, rendant son travail autrement plus efficace. Un vrai modèle d’aubergiste, à ce rythme elle pourrait même sûrement reprendre la boutique mais …

Mais elle s’en foutait bon sang ! Des connaissances comme celle-ci, elle n’en avait pas besoin, elle n’avait pas quittée les enfer pour vivre sous les ordres d’un autre, encore moins une elfe mal-léchée qui est capable d’avoir un dialogue encore plus fleuri que le sien ! Non mais franchement quelle merde ! Et dire qu’elle devait faire ça tout les soirs alors que les trois-quarts des chambres ne sont de toutes façons jamais utilisées, mais franchement qui lui a foutu dans les pattes une telle dévaine ! Tant pis, au moins ça lui donnait du temps pour poncer un peu ses plans, en arrondir les bords et en parfaire la forme. Elle avait besoin de virer le nouveau venu, et cela fait, il ne lui resterait qu’à subir encore un bon mois ces horreurs pour ensuite fuir, loin, très loin, vers d’autres aventures que l’on peut espérer bien meilleures que celle-ci ! Elle s’était donc imaginée les possibilités qui s’offraient à elle : Bêtes dans le lit du vilain cachottier démoniaque, disparition de ses affaires durant la nuit, bouffe de mauvais goût, esprits vengeurs dans la nuit pour lui faire craindre quelques malédictions ! Parce que oui, elle le savait, même si les démons sont puissants, que peuvent-ils faire face aux esprits réincarnés des défunts, hein ? Rien ? Bah voilà ! En fait, c’était même la meilleure idée qu’elle avait eut : Jouer de ses infimes pouvoirs pour lui faire croire que les lieux sont hantés, et que pour éviter tout retour de bâton, il se devait de décamper vite fait ! En somme, un plan parfait, qu’elle mettrait sûrement en œuvre le lendemain matin.

C’est donc toute joyeuse qu’elle avait quittée les chambres et s’apprêtait à descendre les escaliers, observant la salle qui se vidait peu à peu, avant d’entendre sa patronne la héler de l’autre bout de la pièce. Oh mon dieu et en plus elle parlait avec son ennemi !

« FLIIIIIIIINT ! Ramènes moi le poisseux ! Et deux verres, j’en offre au monsieur !
- Ah non, la dernière fois que vous en avez bu, j’ai dû vous traînez jusqu’au…
- Flint, ma puce… Obéis où c’est moi qui te traîne à la porcherie du vieux Foudraix.
- Hé hé et … et un poisseux, de suite, à vos ordres ! »

Très vite, la voilà qui s’éclipse à nouveau derrière le bar, puis en arrière-boutique, traversant les cuisines à pas rapide pour ensuite se glisser dans le garde-manger, toujours aussi sombre et humide. Ici, il n’y avait que des pots bien remplis, généralement scellés à la cire d’abeille pour ne pas que la moiteur ambiante ne vienne gâter les denrées qui s’y trouvent, ainsi que des bouteilles bien bouchées un peu plus loin, rangées d’une manière que seule la gérante des lieux pouvait comprendre. Toutefois, tandis qu’elle allumait l’énorme bougie qui allait lui permettre d’y voir d’un peu plus prêt en s’approchant des range-bouteilles, elle se remémorait avec précision l’endroit où se trouve la fameuse boisson que venait de lui quémander Tissandre : Le poisseux. Tout en bas du deuxième mobilier se trouvait cette large forme de poire, un peu gonflé en sa partie supérieure, et dont l’apparente surface brune permettait rarement de méconnaître. S’approchant donc, elle la vit rapidement apparaître à la lueur chancelante de sa lumière de fortune, et vint s’accroupir avant de tirer l’étrange contenant. L’odeur étrange qui en sortait malgré l’épais bouchon était suffisante pour lui assurer qu’elle ne se trompait pas. Mélange de fruit confis et de colle forte, seule Tissandre en demandait, et généralement pour les meilleures … ou les pires occasions. Au moins, si le démon y goûtait, il avait toutes ses chances de finir sur ses rotules, et les joues aussi rouges que les braises, ce qui l’arrangerait. Ressortant donc du garde-manger, elle souffla la flamme de la bougie, puis attrapa deux verres sur son chemin avant de retourner à la table de la gérante … et de son terrible invité.

« Tenez, deux verres, et une bouteille de Tue-Dragon. »

AsepTimusoth

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Il était difficile de déterminer réellement qu’elle était la relation entre l’aubergiste elfe et son employée. Il y avait quelque chose dans sa voix qui indiquait clairement une relative marque d’affection, mais teintée également d’un ras-le-bol certain, qui provenait peut-être également d’autre chose. Il suffisait de se fier au choix des mots prononcés pour comprendre que la tenancière avait probablement eu une longue journée et que sa collaboration avec sa jeune employée ne l’aidait pas particulièrement à alléger sa charge mentale. Le Démon esquissa un léger sourire, se voulant quelque peu compatissant. Il pouvait parfaitement comprendre le problème qu’était de mener du personnel quand il s’agissait de prendre en compte leurs spécificités. Car si les Enfers étaient avant tout faits d’individualité et d’égoïsme, il fallait parfois gérer des efforts de groupe, ce qui était bien entendu, un véritable cauchemar compte-tenu de tous ces égos surdimensionnés à considérer. « Les fortes personnalités font toujours l’attraction dans ce genre d’endroits, mais ce n’est pas les plus dociles, j’en conviens. » Le voyageur attrapa sa chopine et en but une longue gorgée, la terminant par l’occasion. Il reposa la grande tasse en bois sur la table passant un pouce sur ses lèvres pour enlever le léger excédent de liquide qui s’était agrippé à ces dernières. Le franc-parler de l’aubergiste n’était pas pour lui déplaire. Même si Asep’Timusoth était habitué au langage soutenu et faussé, que ce soit par ses propres implications ou bien simplement par ses expériences avec de nombreux Mortels, il devait admettre que la franchise avait une saveur particulièrement agréable, d’autant qu’elle lui permettait d’être moins alerte et lui offrait un avantage certain. Même si, présentement, il n’était pas convaincu que cela lui fut d’une quelconque utilité. La dénommée Tissandre n’était pas son invocatrice et il n’avait aucune raison valable de vouloir s’en prendre à son âme. Même si, une fois encore, un Démon n’avait pas nécessairement besoin d’une bonne raison pour cela.

Il n’avait pas fallu grand-chose pour pousser l’aubergiste à se confier davantage qu’il ne l’aurait même pu imaginer. C’était la politesse qui avait conduit ses mots à s’inquiéter de son état compte-tenu qu’il avait pu voir qu’elle n’était pas vraiment d’humeur en rentrant dans son établissement quelques secondes plus tôt. Un esprit peu affuté aurait également pu déduire que c’était en partie la raison pour laquelle elle était venue l’aborder lui. Un peu plus de déduction laissait suggérer qu’elle l’avait choisi lui, en particulier, parce qu’il n’était pas du coin, et, en particulier, que son problème, ou ses problèmes, étaient intimement liés à quelque chose de local. Visiblement, le Maire de ce petit trou perdu semblait causer quelques problèmes à l’Elfe, en sus d’une relation qui, apparemment, n’était pas des plus cordiales. Le Démon l’écouta silencieusement, intéressé. Non pas que les ragots locaux l’intéressaient véritablement, mais il était de toute façon plus passionnant de faire un brin de causette que de se contenter d’écouter des poivrots à moitié avinés dont les seuls motifs de rigolade étaient les pirouettes d’une pauvre serveuse essayant d’éviter leurs mains perverses tremblotantes. Ainsi donc le Maire s’était fait rosser le cuir et comme le coupable était une voyageuse sur laquelle il n’avait aucune autorité, la culpabilité était automatiquement retombée sur les épaules de celle qui était à l’origine du passage et du séjour des voyageurs dans le village. A la dernière phrase de la tenancière, le Démon haussa un sourcil. « Un nez-bruni ? » Son ignorance sur ce qui semblait être une expression n’était pas une source de honte pour le voyageur, simplement une curiosité inhérente à celui qui essayait de comprendre la situation que lui exposait son interlocutrice. Après tout, il n’était pas du coin, et, pour autant que cela pouvait lui servir, pas de ces contrées non plus. Qui pouvait savoir combien de temps il parcourait les routes ?

Cependant, au-delà de cette expression, le récit qu’on venait de lui résumer avait éveillé chez l’Incube une nouvelle curiosité insatisfaite. Y’avait-il tant de voyageurs, ou plus exactement de voyageuses, capables de s’en prendre à un homme ? Il n’avait jamais vu le Maire en personne et peut-être ce dernier était-il à l’image du piètre discours qu’on avait fait de lui. Néanmoins… L’auberge, si elle semblait accueillir beaucoup de monde, n’avait pas l’air de crouler sous les voyageurs. L’écurie était quasiment vide et la plupart des saoulards du coin parlaient de leurs femmes qui les attendaient derrière la porte de la maison, la poêle à la main. Alors qu’il s’interrogeait en silence, Tissandre interpella sa serveuse, faisant relever le regard du Démon vers les escaliers desquels la jeune femme descendait. Amusé face à la petite scène, la créature des Enfers posa son regard d’ambre, au travers de ses lunettes, sur celui gris clair de l’aubergiste. « Merci pour le verre. » Un léger sourire s’était glissé sur ses lèvres. Peut-être ne fallait-il y voir qu’un retour de politesse pour avoir accepté de tailler une bavette en sa compagnie, peut-être pas. Dans tous les cas, un verre ne pourrait pas lui faire de mal. Alors que Flint revenait à leur table, déposant deux verres et une bouteille, à la forme étrange, sur la table, l’Incube se fendit d’un regard, moins insistants, mais reconnaissant à l’adresse de cette dernière. La dénomination de la boisson lui fit hausser un sourcil de surprise. S’il y avait une chose qu’il avait apprise des Mortels, c’était bien que la plupart du temps, les noms des alcools étaient particulièrement bien choisis et qu’un tord-boyaux avec un nom aussi évocateur ne pouvait qu’augurer une boisson particulièrement sauvage. L’odeur qui se dégagea de la bouteille quand l’Elfe la déboucha pour leur en servir un verre chacun était suffisamment équivoque, bien qu’un bouquet fruité, derrière des relents évidents d’alcool, venait l’adoucir légèrement, très légèrement. Il prit entre ses doigts le verre que poussa Tissandre dans sa direction et le leva vers elle. « A quoi buvons-nous ce soir ? »

Flint Eklepios Adaenika

Créature

Arrivée à la table, Flint ne fit pas plus de commentaire que les servir, et observant un court instant sa chef, remarqua bien qu’elle se trouvait dans les prédispositions mentales suffisante pour qu’effectivement, elle ait à la raccompagner à son lit dans quelques heures. Aussi malheureux cela pouvait-il être, l’évidence qui s’imposait à l’Imp ne pouvait pas trouver d’autre finalités, et c’est avec une mine un brin désespérée qu’elle décida de faire un petit pas en arrière, de saluer le regard de ce démon en pleine infiltration d’une mine boudeuse, puis de filer en arrière cuisine pour aller s’occuper de la désinstallation des équipements de cuisine, ainsi que du sallage de ce qui pouvait être conservé, afin de pouvoir en faire quelques repas à petit prix pour les gens du coin durant la journée prochaine. Visiblement, Tissandre tenait à coeur de donner les restes à ceux qui travaillaient le jour d’après, aussi, les matinées étaient souvent synonyme de longues heures de livraisons pour l’imp, qui préférait donc prendre de l’avance sur ses futurs labeurs. De toutes manières, sa présence auprès des deux adultes en pleines possessions de leur moyen et de leurs choix n’était plus nécessaire. Et quitte à avoir à les déplacer jusqu’à leurs lits, autant qu’elle soit encore en état de le faire, ce qui suggérait qu’elle ne puisse pas être emportée dans la consommation de Tissandre. Le meilleur moyen pour cela était de rester loin, et c’est bien ce qu’elle comptait faire !

Mais à la table, l’elfe aux tâches de rousseur n’avait pas du tout la même retenue. Elle attrapa la bouteille d’un geste franc, et l’amenant à portée de son autre extrémité, agrippa le bouchon à pleine main pour forcer l’ouverture de la boisson. En un court instant, les effluves savoureuses du tord-boyaux emplirent l’air. Bouquet de fruits intenses mêlé à l’alcool brut, les herbes sauvages qui servaient aussi à la conception du breuvage étaient totalement éclipsée par la force brute des autres senteurs, même si Tissandre avait le don de les connaître par coeur. Si au nez cela ne se ressentait pas, une fois en bouche elle savait parfaitement quelle fraîcheur glacée allait précéder le feu intense et infernal qui collait les larmes aux yeux de tout ceux avec qui elle partageait sa boisson favorite. Nombre de ses homologues aurait le bon goût de juger ce poison comme parfaitement infâme, et indigne du plus petit des intérêts… Encore une chose qui la séparait de ses congénères, elle, charmant mouton noir perdue au milieu des humains. Eh bien merde à eux, ils n’auront jamais à profiter d’un tel bonheur, celui de l’ébriété sans concession provoqué par le plus onéreux des alcools qu’elle pouvait se fournir dans la région. Elle en versa donc deux verres, sans aucune forme de retenue quant aux dosages réglementaires auxquels elle devrait normalement se conformer. Puis tendit l’un des deux à son compère de tablée pour la soirée. L’homme était tout en retenue et en sagesse, et même si elle ne cherchait pas à le mettre au défi par cette consommation, elle ne pouvait s’empêcher de se demander si l’imbiber d’alcool saurait le métamorphoser.

Après tout, ne dit-on pas que les beaux et galants humains cachent toujours les pires bassesses derrière leurs bonnes manières ?

« A quoi buvons-nous ce soir ?
Au plaisir que j’ai de vider mon sac avec quelqu’un tout en sachant parfaitement que ça ne me retombera pas dessus ! »

Son propre verre en main, elle l’apporta à ses lèvres. Puis sans la moindre modération, elle se permit de faire ce que toute personne avec un peu de bon sens éviterait à tout prix : Elle vint engloutir l’ensemble de sa boisson en trois gorgées, se délectant des fausses sensations de fraîcheurs à chaque fois que le liquide épais s’écrasait sur sa langue, avant que la chaleur ne lui remonte des entrailles pour lui carboniser la gorge. Quelle satisfaction. Quel délice. Il ne fallait pas plus d’un verre pour sentir l’ébriété pointer le bout de son nez, mais elle n’avait pas prévu de recevoir uniquement des salutations de sa part. Oh non, quitte à se laisser porter par l’alcoolisme, autant qu’elle y aille franchement, et l’embrasse avec passion. Son verre fut reposé sur la table avec un brin de sécheresse dans le geste, puis elle ne put s’empêcher de ricaner un court instant, avant de reprendre la bouteille et se servir à vif goulot, laissant le breuvage s’écraser contre les parois du verre à grandes vagues bruyantes. Si l’alcool pouvait avoir un instinct de survie, il est clair qu’il aurait déjà battu en retraite face à la lueur folle d’avidité qui commençait à naître dans le regard de Tissandre, mais pris au piège, elle ne l’aurait de toutes manières pas laissé filer. En revanche, le confort joyeux qu’elle ressentait l’amena à reprendre ses déblatérations oisives, tout en observant l’homme en face d’elle :

« Oh, nez-bruni ça veut dire … hum… un truc se rapprochant de lèche-cul. Du sous-fifre, en somme, qui se sent bien protégé parce qu’ils sont dans les petits papiers du chef du coin. Un enfer. Enfin bon, pour l’instant il ne peux même pas se lever de son lit, donc normal qu’il envoie du monde pour vérifier que je tiens ma part du marché… Quant à la fauteuse de trouble initiale... »

Instinctivement elle passe un coup d’oeil au dessus de son épaule, puis les hausse avec une certaine désinvolture, reprenant une gorgée de son breuvage avant d’enchaîner :

« Disons qu’elle sait désormais que culpabilité et responsabilité sont deux choses parfaitement différentes. Enfin … Je passe à autre chose, mais z’êtes dans le coin depuis longtemps ? J’veux dire, ces terres sont grandes, les villages peu nombreux. Le dernier…. La dernière voyageuse que j’ai vu arriver était dans un tel état que je me suis demandée si le Diable n’était pas à ses trousses ! Vous faites bien plus propre pour le coup ! »

AsepTimusoth

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Re : Le hasard fait si bien les choses… [Flint Eklepios Adaenika]

Réponse 10 lundi 12 juillet 2021, 19:38:09

L’alcool était un excellent moyen de délier les langues, même si, en la matière, ce n’était pas lui qui poussait à la boisson. La manière dont la tavernière s’était entichée de venir directement à sa table pour se confier avait quelque chose de troublant. Il n’y avait aucune chance qu’elle ait pu déceler sa nature démoniaque et, si cela avait été le cas, il y avait fort à parier qu’elle ne se serait pas approché de manière aussi désinvolte, à moins, bien entendu, qu’il ne s’agisse là que d’un habile subterfuge. Malgré tout, l’aubergiste semblait surtout préférer l’idée de pouvoir vider son sac, sans craintes de tomber sur quelqu’un qui n’avait finalement aucun parti pris et donc, a fortiori, n’allait pas particulièrement chercher à se faire mousser en s’empressant de rapporter d’éventuels propos désobligeants. Cette proposition convenait parfaitement au Démon, d’autant que cela lui permettrait éventuellement d’obtenir quelques informations supplémentaires sans même avoir à les demander et, qu’ainsi, il n’aurait même pas le risque de donner l’impression de rechercher quelque chose en particulier. Après avoir jeté un dernier regard interrogatif en direction de la serveuse qui se contenta de lui offrir une moue boudeuse avant de s’en retourner vers les cuisines, il offrit toute son attention à son employeuse qui versait déjà l’alcool dans les verres dans des proportions loin du raisonnable. Au moins cela avait le mérite de donner le ton de ce qui allait suivre. Le Cambion attrapa le verre à son intention et le leva en même temps que l’Elfe mais, contrairement à elle, se permit le luxe d’observer les reflets colorés du breuvage ainsi que de sentir brièvement ses fortes effluves avant d’en ingérer une bonne gorgée, sans aller jusqu’à terminer son verre d’un trait.

Une brève sensation de fraîcheur envahit sa bouche avant d’être très rapidement remplacée par une forte chaleur qui eut le mérite de le surprendre. Il était rare que les alcools mortels puissent se révéler particulièrement puissants, ou au moins suffisamment pour éveiller une once de surprise pour un Démon, mais là, il fallait croire qu’ils s’étaient surpassés. L’Incube fit mine d’accuser un peu le coup, appréciant la violence du liquide qui glissait dans le fond de sa gorge, tout en démontrant une certaine habitude. Il était relativement crédible qu’un voyageur ait goûté à toutes sortes de spécialités alcoolisées et puisse ainsi s’adapter aux liqueurs les plus fortes, mais n’importe quel buveur invétéré se serait retrouvé secoué par la chaleur saisissante qui attrapait violemment le palais sans réellement le quitter. Voilà une boisson qui devait coucher bon nombre de mortels peu habitués à la boisson ! Posant son verre sur la table, il ferma les yeux quelques instants pour apprécier cette sensation nouvelle avant de rouvrir les yeux qu’il posa sur sa vis-à-vis. « Voilà longtemps que je n’avais pas été secoué par une boisson ! » Il avait dit cela avec un sourire amusé et un ton enjoué. D’abord parce que cela l’amusait beaucoup et, surtout, parce qu’il se doutait que cela ferait plaisir à son hôte. Elle-même s’était laissée aller à descendre son premier verre cul-sec, l’habitude, très certainement, ou alors une forte volonté à vouloir défaire sa raison le plus vite possible. Elle profita du fait de se resservir pour lui expliquer l’expression qu’elle avait utilisée un peu plus tôt, avant de digresser sur la responsable, sans néanmoins faire une référence immédiate, bien que logique, à la serveuse en question. L’incube se contenta d’hocher la tête en silence aux conclusions tirées par l’aubergiste, conscient que c’était souvent dans l’adversité que les plus naïfs finissaient par comprendre les réalités du monde.

Elle dévia ensuite rapidement de sujet, s'enquérant davantage de son invité désormais. Une curiosité somme toute bien placée. L’arrivée de nouveaux-venus devait être une attraction dans le coin. Comme l’Elfe l’avait fait remarqué, les terres étaient grandes, il avait pu le constater, et les villages peu nombreux, si bien que les voyageurs devaient probablement se faire assez rare, suffisamment pour presque devenir une attraction. Profitant des remarques de son hôte pour finir son verre ponctué d’un petit rictus, il reposa son verre devant lui, suffisamment prêt de la bouteille pour indiquer, silencieusement, qu’il n’était pas contre un remplissage en règle, s’il était toujours d’actualité. « Je prends le temps de voyager tranquillement. Mais je ne dois mon état présentable qu’à l’endurance de ma monture, et sa taille au garrot. » La créature des Enfers esquissa un large sourire. « Une raison de plus de profiter de votre hospitalité pour permettre à ma fidèle monture de prendre du repos bien mérité. Quant à moi, j’apprécie toujours de pouvoir discuter de temps en temps avec des gens, car si ma jument a de bonnes qualités physiques, et si elle a un tempérament adorable, elle n’est malheureusement que de piètre compagnie sociale et, comme vous l’avez dit, les étapes les étapes entre deux lieux habités sont parfois longues. » L’intéressé se détendit un peu, prenant un peu plus ses aises avant de terminer sa réponse. « Enfin pour ce qui est de l’aspect propre… Ce n’est pas parce qu’on voyage beaucoup qu’on est obligé de se séparer de certains… standards d’hygiène, même si, et vous m’en excuserez, j’espère, je pense que je dois davantage sentir le cheval que ma propre odeur corporelle ce soir. » Il esquissa un sourire un peu plus finaud. « Si j’avais su que la tenancière viendrait s’asseoir à ma table, je me serais probablement permis de prendre un bain avant de descendre diner. » Peut-être y avait-il une pointe de séduction dans sa manière de parler ? Cela ne coûtait rien après tout non ?
 


Flint Eklepios Adaenika

Créature

Re : Le hasard fait si bien les choses… [Flint Eklepios Adaenika]

Réponse 11 mercredi 18 août 2021, 22:40:15

« Voilà longtemps que je n’avais pas été secoué par une boisson ! »

Le propos honnête de l’homme qui se trouvait en face de Tissandre ne manqua pas de la faire rire. Elle préférait ses rencontres quand elles étaient simples, directes. Pas moyen de s’entendre avec un type qui, après avoir consommé une bonne rasade de son alcool favori, se mettait à jouer les fier, à faire mine qu’il n’était pas un peu brusqué par ce qu’il venait de boire. Ce n’était pas que l’elfe ne les imaginait pas capable de tenir cette liqueur si étrange et chaleureuse, non, mais surtout qu’elle savait particulièrement bien qu’un type n’acceptant pas d’offrir une qualité à une boueille d’alcoll n’aurait pas non plus la force de le faire avec une dame. Ici, le voyageur venait de remporter un bon point sans même s’en rendre compte. Après, elle n’allait pas non plus le relever, au point de lui en offrir des félicitations. En revanche, elle n’en était que mieux disposée pour cette rencontre si particulière, aussi n’allait-elle clairement pas se plaindre plus que de mesure, et se résolvait doucement à l’évidente suite de l’histoire : Elle avait suffisamment confiance en ce bonhomme pour se laisser aller à l’alcool sans compter. Et tant pis pour les éventuels résultats !

Donc elle buvait ! Se resservant en premier lieu, sans pour autant remettre une claque à son verre comme la première fois, elle parla de tout et de rien dans une situation de confort qu’elle ressentait avec la plus grande des satisfactions. Contrairement à l’imp qui s’était rapidement éclipsée, pour des raisons que l’aubergiste ne cherchait pas vraiment à découvrir, elle était des plus avenantes avec le voyageur, à tel point qu’elle pourrait même lui parler un peu trop de tout et de rien, oubliant la discrétion pour lui servir quelques informations valables… Mais pas tant qu’elle était lucide, ça elle en était certaine. Tout au plus alla-t-elle plutôt en direction d’un autre sujet : son interlocuteur. Simple curiosité, elle avait envie de le connaître un peu mieux, tout simplement. S’il ne lui répondait pas ou éludait ses questionnements, ce ne serait pas un mal pour autant, tout au plus saurait-elle alors qu’il avait encore des secrets à protéger, même au plus profond de la cambrousse ! La rousse se mit à boire quelques nouvelles goulées quant elle eut finit de monopoliser la parole, meilleur moyen pour enfin donner un peu droit à son compagnon de table de parler. Il ne sembla guère en avoir prit outrage, reprenant le fil de leurs échanges avec une claire amabilité. Vraiment, un plaisir pour l’elfe :

« Je prends le temps de voyager tranquillement. Mais je ne dois mon état présentable qu’à l’endurance de ma monture, et sa taille au garrot. Une raison de plus de profiter de votre hospitalité pour permettre à ma fidèle monture de prendre du repos bien mérité. Quant à moi, j’apprécie toujours de pouvoir discuter de temps en temps avec des gens, car si ma jument a de bonnes qualités physiques, et si elle a un tempérament adorable, elle n’est malheureusement que de piètre compagnie sociale et, comme vous l’avez dit, les étapes entre deux lieux habités sont parfois longues. »

Ah bah tient, visiblement de parler un peu de lui permettait à l’homme de se détendre ? A moins que ce ne soit le fait de la voir boire comme quatre qui le mettait enfin un peu en confiance ? Elle ne pouvait pas vraiment trancher entre les deux possibilités, mais il était assez évident pour la femme que son camarade de breuvage avait enfin fait le choix de se tenir moins droit, de cesser de prendre l’aspect d’un fort gaillard plein d’assurance. Elle trouvait que ça lui allait mieux. Non pas qu’il n’était pas intéressant avant qu’il prenne ses aises, mais elle n’avait pas vraiment d’affinités avec ceux qui n’étaient pas capable de se relâcher un minimum. Avoir l’air « présentable », c’était plus une affaire de nobliaux et d’orgueilleux qu’autre chose. Les mecs qui vivent par eux-même, les femmes qui cherchent à s’en sortir, voire même les puissants qui cherchent à agir pour un bien-commun sont généralement facile à reconnaître : Leurs bottes sont sales et leurs postures souples. En tout cas, elle se laissait porter par la discussion, se permettant même de sourire avec amusement à son dernier propos, qui n’était clairement pas malhonnête, même si elle percevait derrière celui-ci une certaine forme de charme qui allait en un sens qu’elle ne parvenait pas encore à entendre. Sûrement la nervosité et le manque d’alcool, autant de choses qui seront remédiées d’ici quelques temps :

« Enfin pour ce qui est de l’aspect propre… Ce n’est pas parce qu’on voyage beaucoup qu’on est obligé de se séparer de certains… standards d’hygiène, même si, et vous m’en excuserez, j’espère, je pense que je dois davantage sentir le cheval que ma propre odeur corporelle ce soir. Si j’avais su que la tenancière viendrait s’asseoir à ma table, je me serais probablement permis de prendre un bain avant de descendre diner.
Vous en faîtes pas … Hum, pardonnez moi un instant. »

Elle avait voulu l’appeler par son prénom et se sentie passablement stupide, ne l’ayant tout simplement jamais eut. C’était là un problème qu’elle allait devoir régler d’ici peu ! Enfin, elle reprit sa parole après avoir but une grande goulée de sa boisson, se brûlant une nouvelle fois la gorge. Technique rapide pour dissimuler une erreur bête, et même si il l’avait remarqué, elle se doutait bien qu’une personne de sa trempe n’oserait pas la mettre en colère en la poussant dans ses retranchements. Il y perdrait sûrement bien trop au vu de ce qui s’annonçait pour la fin de soirée :

« Je disais donc, il y a des crapauds dans le coin qui sont peut-être plus propre physiquement que vous, mais dont la simple haleine laisse entendre un peu le degré d’excréments qu’ils relâchent à chacune de leurs paroles ! J’préfère voir des bottes crottées que des merdeux se donnant des grands airs … Parce qu’au moins, dans un cas, on peut les nettoyer sans souci. »

Le sous-entendu était sûrement un peu plus fin que celui que c’était permit le voyageur, mais ce n’était pas pour autant une compétition de lyrisme. En revanche, la discussion se portant sur un sujet qui …. commençait à prendre peu à peu de l’attrait pour elle, l’elfe rousse ne manqua pas de se redresser un petit peu, s’enfonçant un peu plus dans sa chaise avant d’abandonner tout effort et de laisser sa joue s’écraser contre son poing levé, coude sur la table, afin qu’elle soutienne sa tête devenue un peu plus lourde. Oh elle n’était pas ivre non, juste en un peu meilleur état que plus tôt, et intéressée par-dessus le marché, donc elle ne faisait pas plus mine de garder de la distance, se relâchant définitivement. Il voulait se nettoyer hein ? Elle avait déjà sa petite idée à lui proposer, mais peut-être se devait-elle de poser d’abord la question si importante dont elle avait relevée son manque de connaissance plus tôt : Le patronyme de son invité. Alors, elle le resservit d’abord, voyant bien qu’il avait avancé déjà un peu plus sur son verre, puis s’en versa elle-même une belle lampée, pour finalement reposer le divin nectar de ses nuits et se permettre enfin de lui demander l’ultime étape de cette rencontre :

« Tiens, d’ailleurs… Je crois que nous ne nous sommes même pas présentés, non ? Moi c’est Tissandre. Et … Je vous échange votre prénom contre un bac d’eau chaude afin que vous puissiez vous nettoyer ici, et pas là où notre cher chef de village s’est fait rosser le fondement. Plutôt sympathique comme marché non ? »

Regardant par-dessus son épaule, elle observait par la-même occasion la petite Imp qui courrait dans toute la pièce principale afin d’encaisser les clients, puis de les inviter à partir pour ceux qui n’avaient pas cherché à prendre une chambre. Au moins, l’elfe n’avait même plus à s’en occuper, la jeune femme s’en sortait comme une cheffe. Ne restait plus qu’à attendre qu’elle ait finie son petit tour pour lui demander qu’elle prépare le bain de cet invité qui l’intéressait de plus en plus. Peut-être d’ici une bonne dizaines de minutes ? Assez pour qu’elle se permette d’aller dans le sens de son compagnon de beuverie, et l’aide à comprendre qu’effectivement elle répondait positivement à ses charmes. Volontairement, c’était un fait, mais qu’elle acceptait effectivement cette entreprise maline entre eux deux. Plus qu’à attendre sa réponse, tout en prenant encore une belle gorgée de Tue-Dragon.

AsepTimusoth

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Re : Le hasard fait si bien les choses… [Flint Eklepios Adaenika]

Réponse 12 dimanche 29 août 2021, 17:21:45

« Le plaisir est pour moi, alors. » Le Démon se fendit d’un sourire aguicheur en levant son verre. Jouer la comédie n’était toujours réellement crédible que lorsqu’on y ajoutait suffisamment de vérité pour la rendre authentique. C’était la règle numéro une et, en tant que Démon, rompu à l’exercice, Asep’Timusoth était parfaitement conscient de cela, mais, en cet instant, il n’avait pas particulièrement la volonté de mentir plus qu’il ne le faisait déjà en masquant ses véritables origines et apparence. Après tout qu’elle aurait été l’intérêt ? Obtenir quelque chose de l’aubergiste ? Il lui semblait qu’il n’avait pas particulièrement besoin de jouer un personnage pour avancer dans la bonne direction. L’Incube ne voyait pas de mal à l’idée de passer un moment en sa compagnie et c’était l’occasion probable d’obtenir des informations sur ce monde de manière assez agréable. Cependant, s’il l’avait su, il aurait effectivement essayé de prendre un bain avant de descendre. L’odeur de sa jument ne le dérangeait pas personnellement, mais il avait cru comprendre que les Mortels étaient parfois un peu à cheval sur certaines choses, aussi était-il naturel qu’il s’en excuse, même si, visiblement, ce n’était pas du genre à déranger son hôte. Il nota néanmoins son trouble, évident, comme si elle cherchait ses mots. Etait-ce le produit de l’alcool ou bien avait-elle peut-être essayé de l’appeler par son nom tout en se rappelant qu’il ne s’était pas encore présenté. Cela le fit sourire légèrement tandis qu’il finissait son verre. Il n’y avait aucune utilité d’essayer de comprendre réellement, il semblait à la créature des Enfers que son interlocutrice était suffisamment avenante pour qu’il soit confiant que la réponse viendrait toute seule, en temps et en heure.

Sa remarque concernant l’hygiène corporelle le fit sourire. En un sens, elle n’avait pas tort. Il était beaucoup plus facile de laver la souillure physique que celle de l’âme. En tant que Démon, il était d’ailleurs probablement le mieux placé pour s’en rendre compte. Les Mortels avec lesquels il avait passé des contrats par le passé était souvent bien propre sur eux et, pourtant, n’étaient pas loin d’être des pourritures, parfois presque à même de pouvoir se comparer à certains des siens. Heureusement, ces personnes-là avaient le droit à un traitement tout particulier à leur arrivée aux Enfers, un traitement dont il ne manquerait potentiellement pas, et l’aubergiste non plus, d’apprécier l’ironie, même s’il ne pouvait pas réellement lui expliquer les tenants et les aboutissants. « Généralement, ces personnes-là ne se rendent compte bien plus tard de leurs erreurs, mais ils finissent toujours par le regretter. Inévitablement. » Le Démon gratifia l’aubergiste d’un signe de tête en remerciement alors qu’il tirait son verre, à nouveau rempli, vers lui. Il le porta à ses narines pour profiter davantage des odeurs puissantes qui se dégageaient de ce liquide avant d’en prendre une nouvelle gorgée. Son hôte lui fit remarquer qu’ils ne s’étaient pas présentés jusqu’à maintenant, et elle lui offrit son nom, tout en lui proposant, non pas de lui dévoiler le sien, tout simplement, mais de le troquer contre une bassine d’eau chaude pour se nettoyer ici et non là d’où elle venait, à en croire ce qu’elle disait. La proposition était étonnante, car elle aurait pu lui demander son nom presque naturellement, mais le fait qu’elle propose d’y rajouter un échange sous-entendait probablement qu’il y avait davantage derrière les oreilles de cette elfe que la simple volonté de lui demander son nom.

« C’est un marché tout à fait sympathique en effet. Je l’accepte volontiers. » Il esquissa un sourire légèrement séducteur avant de prendre une nouvelle gorgée de son verre dans une très légère grimace. Il reposa ce dernier sur la table et posa son regard sur Tissandre. « Je m’appelle Zackary, mais le diminutif Zack convient aussi, si vous préférez. » Bien entendu, il ne pouvait pas lui donner son véritable nom. D’abord parce que c’était là le meilleur moyen de se mettre en mauvaise posture, mais également un moyen de lever un nombre certain d’interrogation dans l’esprit, certes peut-être embrumé par l’alcool de son hôte, mais probablement suffisamment aiguisé pour se poser l’une ou l’autre question embêtante. Et l’Incube trouvait qu’il serait particulièrement malvenu de devoir se retrouver à faire le ménage dans cette taverne si cela devait se produire. L’idée de prendre en bain, en compagnie de cette dernière, était beaucoup plus engageante. Il n’était pas encore certain de ce que l’Elfe avait réellement derrière la tête en lui proposant de prendre un bain ici, mais l’idée qu’elle essaie de l’attirer sur cette discussion n’était vraiment pas problématique. Il termina à nouveau son verre, secouant légèrement la tête avant de repousser ce dernier vers le milieu de la table. « Que diriez-vous d’un petit jeu pour pimenter un peu notre discussion ? » Il fit apparaitre sa pièce entre ses doigts, comme si elle venait de nulle part et la posa sur la table à côté de son verre en s’avançant et s’appuyant sur la table comme s’il s’apprêtait à lui faire une confession presque intime. Leurs visages s’étaient rapprochés beaucoup plus désormais et son regard ne quittait pas celui de Tissandre. Il baissa un peu le ton de sa voix, vu qu’ils étaient suffisamment proches désormais, sur un ton peut-être un peu plus chaud. « Vous choisissez une question ou une action de votre choix, puis vous tentez de deviner de quel côté tombera la pièce. Vous la lancez. Si votre pari est le bon, je réponds, dans le cas contraire, vous répondez à votre propre question. » Il esquissa un sourire tout en laissant la pièce à côté de son verre, se redressant légèrement, sans la quitter du regard. Il s’adossa au dossier de sa chaise et jeta un regard à la taverne qui désormais se vidait tranquillement. Peut-être ne tarderaient-ils pas à rester en tête à tête… 



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