Plan de Terra > Tekhos Metropolis

Une chute aux cœur d'une cité matriarcale. [PV Lied]

(1/4) > >>

Compte Inactif:
Allez, encore une.

J'porte une énième poutre en métal qui finira sur un tas de poutres en métal pour la énième fois cette semaine. La construction d'un nouveau building lancé depuis quelques temps, j'ai été engagé à la maçonnerie pour les manipulations de force. Bizarrement j'assiste les véhicules qui sont censés prendre ma place. Mais ça va plus vite au moins, et puis, j'suis mieux payé qu'un salaire classique.

Seulement, le boulot est très binaire. Porte et pose. Porte et pose. Porte et...Bon, vous avez compris. Rien de transcendant. A ce moment, on est pas vraiment présent, nos gestes son mécaniques malgré les muscles qui travaillent. Le regard flouté, dans une sorte d'hypnose qu'on pourrait avoir quand on est au volant de sa bagnole pour rentrer chez soi. L'avantage d'être presque inépuisable, c'est de pas vivre les tourments physiques des terriens qui dégustent beaucoup, à l'usure du job. Mais comme moi, ils n'ont pas le choix.

On doit bouffer.

Dans mon état, j'regarde pas vraiment l'heure, seulement en train de broyer du noir. Pensant aux paroles de mon père biologique, qui doit être bien déçu de me voir faire ça. N'ayant aucun sens à ce que j'fais, ne compter pour personne, ne pouvoir aider personne. Du moins, pas à grande échelle. Est-ce que j'devrai m'en contenter? Hm, possible.

- Héraclès !

J'devrais pouvoir sourire alors, mais j'y arrive pas.

- Héra, merde !
- Hm ?

J'cligne des yeux à plusieurs reprises, comme pour retrouver un ancrage sur terre. Yashida mon patron de chantier qui me fait un signe de la main pour dire que c'est la fin de journée. Alors que j'suis sur mon tas de métal qui doit maintenant peser une centaine de tonnes. Une bonne journée de faite.

- J'arrive.

J'marche en trainant des pieds vers la sortie du chantier, des tapes amicales entre les collègues pour se féliciter du boulot. Le patron m'interpelle une main sur le torse.

- Héra, t'as encore oublié ton casque.
- Désolé, m'sieur, c'est pas un réflexe.
- Même si ton crâne ne risque rien, les autres c'est pas le cas. Je vais devoir prendre des dispositions sinon, et je sais que tu as besoin de ce travail.

J'le retire de mon harnais pour le foutre sur la tête, étirant un sourire timide.

- Allez, champion, demain même heure, avec ce truc sur la trogne.
- Bien compris patron.

On se dit tous aurevoir, on me propose de boire un café pour conclure cette journée, mais pas envie. J'refuse poliment pour prendre le chemin du retour. En m'envolant? Non pas cette fois, j'aimerai rester sur le plancher des vaches et marcher peinard sans prendre le risque de me prendre un oiseau par manque d'attention. Les mains dans les poches, une tenue de travail souillé par les gravas, le sable, la terre, la rouille et la peinture, sans oublier une sueur de mâle piquante pour le nez traduite par une gueule tout aussi dégueulasse, j'deviens un vrai répulsif pour les gens que j'croise sur mon trottoir. J'ai l'habitude de prendre une venelle qui est un p'tit raccourci pour aller plus vite à mon studio. Pianotant sur mon téléphone, j'fais pas trop attention ou est-ce que j'vais évidemment. De toute façon qu'est-ce qui m'attends...?

Et bien, j'm'attendais à tout, sauf ce flash blanc qui m'aveugle. J'crois même perdre connaissance dans un blackout.

Le bruit du vent me réveille alors que j'suis à ... Des centaines de mètres de haut ?! J'arrive en fendant l'air à une vitesse croissante, filant comme un boulet de canon vers le sol. Un sol qui se précise, on dirait une métropole, futuriste. Bordel, j'suis en train de rêver ?! J'vais trop vite, beaucoup trop vite, mon corps est comme paralysé parce qu'il voit, impossible d'utiliser mon don pour voler, mes yeux s'écarquillent à la vue d'un bâtiment qui grossit bien trop vite devant moi.

Merde, trop tard.

J'vois un mur, puis un sol, puis un mur, un autre sol, un bureau, des papiers, une salle de bain avant de traverser un autre mur que j'me retrouve de l'autre côté avant de voir un parc qui m'annonce le terminus.

Boom.

Dans un fracas, la collision avec le sol sonne comme un coup de tonnerre. Deuxième blackout. J'ouvre difficilement les yeux, essaie de chercher des blessures, mais rien. Juste avec encore plus de terre, de béton, de gravas sur le corps, habillé de vêtement déchiré de haut en bas. Le cratère a une circonférence d'une bonne dizaine de mètres alors que j'vois la lumière des sirènes. Montant difficilement, j'parviens à me hisser jusqu'au replat. Mais plusieurs canons seront pointés sur moi.

- Sortez de ce trou, les mains derrière la tête !

Une voix féminine. J'relève la tête, et c'est une floppée de paires de jambes, aussi sculptées les unes que les autres dans une cacophonie d'ordres qui me sont destiné, j'ai du mal à tout comprendre. En faite, j'comprends que dalle.

- Où est-ce qu'on est...

Une matraque part sur mon crâne, le métal se plie sous les regards ahurit dans cette auditoire dépourvus...D'homme ? Mais visiblement celle qui est en tête de groupe sort une pierre qui m'envoie une vague bizarre dans mon corps avant qu'un coup de cross me dévisse la tête. Les genoux au sol, des menottes dans un archétypes futuristes scellent mes bras en croix contre le torse alors que j'entends des espèces de fusils plasmiques charger devant moi. J'regarde derrière moi... Un énorme trou béant orne le building que j'viens de traverser et autour de moi, c'est un immense public apeuré qui me méprise du regard... Merde, j'ai fais du mal...? Le canon dans le creux de mon dos, on me fout dans un véhicule blindé prenant une direction encore inconnue... Mais qui n'a pas l'air commode.

***
J'essaie encore de m'approcher de la sortie de la cellule, j'reprends une autre décharge qui m'expulse contre un mur. C'est bien la première fois que j'ressens autant de douleur... Ils ont pris...

...Mes pouvoirs?

Deux gardes à l'entrée se tapent une marrade alors que mes traits se durcissent.

- Où suis-je ?
- Bienvenu à Tekhos, misérable mâle.

Tekhos... Je ne suis plus sur terre. Alors je suis seul. Comment j'ai pu finir ici ?

... Comment j'vais sortir de là..?

Lied Mueller:
Samedi ! Weekend ! Ô bonheur et félicité, que soit louée la fin de semaine ! Doux instant de repos où l'on peut rentrer chez soi, à la fin d'une journée épuisante, épuisée, et que l'on se rend compte que, le lendemain, c'est samedi, le début du weekend, le début de deux longues journées où l'on peut prendre soin de soi, traîner en pyjama toute la journée devant la télévision à manger un gros pot de Holly Scream, une divine crème glacée aux parfums des plus extravagants. Pouvoir supplier au téléphone pour avoir de la visite de sa meilleure amie, de sa petite sœur, de ses deux mamans, voire même de sa cousine ! Bref, c'était là un simple résumé de ce qui attendait la jeune et jolie tekhane qui venait juste de s'éveiller au creux de son lit, la pénombre englobant encore sa chambre, vestige de sa nuitée divinement reposante. Il était rare qu'elle ait tout son weekend à elle : tantôt elle fournissait des informations ou faisait des heures supplémentaires le premier jour, et était tant épuisée le second et dernier qu'elle le passait à dormir, écrasée quelque part, bien peu souvent son lit, dans son appartement. Non, cette fois-ci, l'aînée Mueller avait réservé tout son weekend, envoyé chier tout son boulot, parce qu'il se passait quelque chose d'important en cette fin de semaine : la venue exceptionnelle de mamie Mueller à la capitale. Il était rare que cette dernière quitte son foyer en bord de mer, loin de tout souci, chahut ou brouhaha qui était monnaie courante pour ses deux filles et ses petites-filles. Lied s'était toujours bien entendu avec elle, depuis son plus jeune âge. Après tout, elle n'avait guère hérité des dons de génie de sa mère, était une enfant simple qu'elle avait pu gâter humblement comme n'importe quelle grand-mère bienveillante. Non sans compter toute sa douceur à son égard et ses précautions concernant sa santé terrible.

Eléanor Mueller était finalement une femme ayant bien mérité sa retraite. Assignée à la partie secrétariat d'une agence de police tekhane, la dame avait eu bien du fil à retordre avec ses deux filles, chacune semblant redoubler d'effort pour créer des cheveux blancs à leur mère à coups d'éclats géniaux. La pauvre avait dû en perdre tout autant en apprenant à peu d'années d'écart que l'aînée adoptait une demoiselle de laboratoire, et que la conjointe de la cadette, quelques années plus tard, portait un enfant en son ventre. Si ses craintes furent quelque peu avérées concernant Belphégor, qui se révéla assez turbulente sur certains points, elle dut sentir au contact de la petite Lied ô combien une enfant à peu près normale pouvait être un bonheur. Profitant ainsi de sa retraite paisiblement, elle venait parfois rendre visite pour une occasion particulière que seule elle semblait connaître. Et en ces rares occasions, la jeune sénatrice se démenait toujours pour être présente, afin de pouvoir échanger longuement en sa compagnie, d'autant plus depuis qu'elle n'avait plus à faire tant de précautions avant de pouvoir venir lui embrasser ses deux joues ridées. Lied sauta hors de son lit, trépignant sur place d'impatience. Son programme était simple, avant le rendez-vous fixé à midi chez ses mères : elle avait pris un rendez-vous express avec sa coiffeuse d'ici quarante minutes, comptait filer chercher un cadeau pour sa grand-mère, et pourquoi pas faire un peu de lèche-vitrine avant de simplement filer à l'appartement ? La jeune femme courut dans son logis, situé au dernier étage d'une grande tour tekhane. Il n'y avait rien d'autre à dire pour le qualifier que deux mots : luxueux et douillet. Attrapant au vol dans son frigidaire une brique de lait, un bol dans le placard d'à côté avec ses céréales préférées, elle engloutit son petit-déjeuner avant de filer prendre une bonne douche. La demoiselle prit grand soin de choisir avec minutie ses produits : son shampoing à la fleur de thyls, , un savon aux baies de krambola, le tout lui donnant une odeur sucrée, douce et suave, alors qu'au moment où elle enroulait son corps d'ancienne mannequin dans une serviette, elle perçut la sonnerie de sa porte.


« J'arrive Meyllie, j'arrive !! »


Le temps d'enfiler un peignoir que la demoiselle vint ouvrir à une charmante dame, bien plus haute qu'elle, à la peau couleur cacaotée, mais surtout, un charmant sourire au visage qui faisait toujours fondre Lied quand elle la voyait. A peine une heure et demi plus tard, les deux femmes descendaient dans l'ascenseur ensemble, Lied ayant revêtit une de ses robes préférées, mais surtout, ayant eu sa coupe de cheveux roses rafraîchie avec une précision parfaite. Le premier arrêt de la sénatrice fut dans une pâtisserie passablement réputée dans tout Tekhos, où elle avait fait une commande très spéciale qu'elle s'empressa de récupérer, une boîte de chocolats aux fleurs comestibles, avant d'aller faire son arrêt rituel chez l'un des rares et derniers fleuristes. Cette fois-ci, elle opta pour une composition de fleurs estivales aux couleurs passant du jaune pâle jusqu'à l'orange sanguin. La dernière fois, elle avait pris un bouquet de fleurs rouges qui sentait si bon qu'elle aurait pu les manger ! Et comme tous les bouquets étaient presque à ce paroxysme, la sénatrice ne put aller faire ses emplettes ensuite, faute de quoi elle aurait été en retard. Un fait inadmissible ! Mais elle fut à l'heure, les joues roses et étirées d'un sourire devant la porte de ses mamans, puis, finalement, accrochée au cou d'Eléanor pour la saluer sans retenue.

L'après-midi de la famille Mueller fut ainsi passablement joyeuse. Feyril, la jeune sœur de Lied, dut partir en catastrophe à cause d'une urgence en fin d'après-midi, sans avoir le temps de préciser ce qui venait de se dérouler. Bah, si c'était grave, elles le verraient aux infos, mais elle pensait surtout à un manque d'effectifs. Seule dans son appartement, enroulée dans une couverture vert pâle, sur son canapé, la demoiselle regardait un film passionnée sur sa télévision en grignotant des bonbons. Une énième histoire d'un amour interdit, cette fois-ci entre une humaine ayant été transformée en vampire, qui craignait pour la vie de sa compagne. C'était un peu ridicule, mais la demoiselle se plaisait à se détendre devant une telle niaiserie. Alors que se déroulait une scène à en faire vomir n'importe qui, Lied entendit son téléphone vibrer, et s'empressa de tendre le bras sous ses multiples coussins pour l'attraper et regarder ce qu'elle venait de recevoir. Sa petite sœur lui demandait de changer de chaîne pour mettre les infos, ce qu'elle fit, et écarquilla de grands yeux en observant son écran.

« En effet, un individu de sexe masculin d'une taille anormale s'est écrasée dans le secteur centre-ouest de la cité de Tekhos Metropolis, après avoir détruit partiellement un bâtiment sur son passage. Résistant aux forces de l'ordre, celui-ci a immédiatement été maîtrisé et incarcéré à la prison Eternum. Une enquête est ouverte, et.... »

Nul temps d'écouter la suite que, cette fois, on l'appelait, et la sénatrice se retrouva avec son écran devant les yeux, mais surtout, une collègue. Elle était à peu près dans la même tenue qu'elle, soit celle d'une femme profitant enfin de son samedi soir en paix loin de la paperasse habituelle, et la lumière bleutée sur sa joue lui indiquait qu'elle aussi, venait de voir cet étrange reportage à la télévision.


« Lied, tu as dû voir les infos, n'est-ce pas ?
- Oui, en effet. C'est.... bien étrange, ma foi. Mais que me vaut un appel aussi tard ?
- Et bien je ne vais pas y aller par quatre chemins : nous avons des raisons de croire que cet homme ne vient pas de notre plan, aussi, nous aurions souhaité entamer un entretien diplomatique avec lui. Et.....
- Et comme je suis la seule qui ne risque pas de lui cracher à la gueule juste en le voyant, tu as gentiment pensé à moi, c'est ça ? »


De manière simple, Lied n'attendait pas de réponse. Elle savait qu'elle avait raison, et venait mentalement de faire une croix sur son dimanche. Et ça ne l'enchantait pas le moins du monde...

Le lendemain, donc en ce dimanche sacrifiée, Lied s'ennuyait en appuyant nonchalamment son doigt sur la vitre du véhicule qui l'emmenait à la prison Eternum, celle dont nul ne réchappe à moins d'en sortir dans un sac mortuaire. Ce n'était clairement pas ce dont elle avait envie. Elle voulait s'acheter quelques habits, bon sang ! Juste ça ! Mais voilà qu'elle se retrouvait dans ce trou austère et lugubre, escortée par une douzaine de soldates surentraînées à la manière dont l'était sa cousine. Elle aurait crû qu'elle entendrait des cris, des injures sur son passage, voire même des crachats, mais étrangement, tout le trajet se déroula calmement, sans encombre aucune. On mena la menue jeune dame vers la porte d'une cellule, qu'on ouvrit avec beaucoup de précaution, et lorsqu'elle laissa place à l'individu qu'elle renfermait, elle écarquilla ses grands yeux bleus. Elle avait adoré, enfant, les contes sur des géants, créatures gigantesques qui auraient pu la briser entre deux doigts, d'autant plus elle avec sa condition fragile. Mais ce qu'elle avait alors sous les yeux était bien réel, et elle ne doutait pas un instant qu'il aurait pu la briser en deux juste en la percutant par accident.

Cet homme était tranquille, installé sur le sol, à défaut de pouvoir s'installer sur la banquette qui aurait sans doute dû se briser sous son poids qu'elle devinait grâce aux formes courbes sous ses habits. Peu étonnant donc qu'on lui ait passé de lourdes menottes d'obsidienne, qui cerclaient ses poignets, de la taille de deux poêles. Loin de se dégonfler pour si peu, Lied s'avança et vint sur le seuil de la cellule, toquant timidement sur la porte de fer.


« Hm... Bonjour ? Je me présente, Lied Mueller, je suis sénatrice, et je suis là pour... discuter, on va dire ! Puis-je entrer ?
- Madame, vous n'avez pas à lui demander, c'est un-
- C'est mon entretien, votre boulot, il s'arrête au seuil de cette cellule, sur ce, à tout à l'heure ! »


Et elle finit d'entrer dans la cellule, et claqua la porte à sa suite. On lui avait gâché son dimanche, et elle ne comptait pas se faire en plus gâcher son pourparler par quelque soldate avec une fierté tekhane mal placée ! Même lorsqu'il était assis, Lied aurait juré qu'il était plus grand qu'elle. N'importe qui aurait été effrayé à l'idée d'être enfermé avec un titan pareil, mais le petit brin de femme aux cheveux roses s'avança, se pencha même en sa direction, avant de lui adresser une nouvelle fois la parole.


« Tout d'abord... Est-ce que vous savez au moins où est-ce que vous êtes ? A votre mine accablée, je crois deviner que ce n'était pas non plus prévu à votre programme, de vous retrouver ici, n'est-ce pas ? »


Sa mine se teinta d'une sourire compréhensif, alors que, derrière elle, la porte s'ouvrait pour lui apporter une chaise, afin qu'elle puisse s'asseoir elle aussi. A peine l'eut-elle en main qu'elle referma la porte, expressément, s'installa, et prit son visage en coupe dans ses mains, ses coudes sur ses genoux.


« Je ne suis pas là pour vous mettre la corde autour du cou, au contraire, pour écouter votre histoire et, si possible, vous aider à sortir d'ici de la meilleure des façons. Et nous avons toute la journée ! Même si je crois que vous comme moi préférerions déjeuner sous le soleil plutôt que dans ce trou humide. »

Compte Inactif:
Le temps défile. Enfin, j'crois. Impossible de savoir, la pièce est dépourvu de fenêtres. Pas de rayon, pas de lumière de cet astre qui me manque horriblement. J'me perds dans le temps, sans savoir si j'dois dormir, bouffer. Pas de télé, mon téléphone est en mille morceaux depuis la collision avec le building. J'ai envie de rire, j'ai envie d'hurler, j'ai envie de sangloter. Mais non, ca sera une tête complètement impassible à toute émotion que j'dégage un maximum pour éviter de satisfaire les deux nanas armées jusqu'aux ovaires et qui gardent le battant.

L'une d'elle s'avance avec un sourire narquois.

- T'es laid.

L'autre se fend la poire. J'reste silencieux, j'ai bien compris qu'on essaie de m'énerver le plus possible. Mais avec ces menottes qui bloquent mes pouvoirs, impossible de renvoyer la pareille, et j'arrangerai pas mon cas.

- T'as perdu ta langue le mâle ?
- J'veux pas de problème.

Deuxième marrade, c'est même plus vexant à force. Juste ridicule. J'pousse seulement un soupir en guise de réponse.

- Tu vas moisir ici. Et on sera aux premières loges.

Elles se retournent toutes les deux, bras au fusil, puis se tcheck avant de reprendre leur poste. Et j'attends encore. J'me lève, tourne en rond, pose ma tête contre les murs, m'allonge, en essayant de dormir. Une gamelle, se glisse sous la porte. J'présume que si elles ont la même routine journalière ici que nous sur terre, nous sommes potentiellement en début de soirée. La bouffe a une sale gueule, presque impossible de bouffer avec ces menottes. Dans ma tête c'est les montagnes russes, essayant de chercher une alternative à tout ça. Ma parole n'a pas de valeur, on vient de me mettre en cage comme un cabot, alors comment me faire entendre ? 

J'essaie quand même de manger ce merdier. C'est infâme, mais ça remplit laborieusement le ventre, il m'en faudrait beaucoup beaucoup plus pour me rassasier. L'inconvénient du gabarit. Mon organisme tape déjà dans mes réserves, j'ai un creux dans le bide.

Et l'envie de pisser me prend. Alors j'me dis que c'est peut-être le moment d'aller les consulter. J'me relève et marche doucement dans leur direction, sans me risquer à toucher la porte qui m'enverrai une autre châtaigne.

- Excusez-moi.
- Ta gueule.
- J'ai... Envie de pisser.

Troisième marrade.

- Eh ! Les filles, z'avez entendu ? Monsieur doit faire pipi !

J'grogne. Mais pendant ce temps, trois autres gardes viennent avec un sceau, toutes armées de fusils d'assaut.

- Recules connard !

La porte s'ouvre alors qu'elles remplissent la pièce en cercle, me gardant dans leur ligne de mire. Le sceau finit devant moi alors qu'on retire mon pantalon. Un énième fou rire général, sous le regard écœuré de celle qui me déshabille. J'essaie de pas écouter ; mais j'comprends juste que visiblement le paquet trois pièces d'un homme est considéré comme la pire chose qui existe, j'me rends pas service en libérant une chaleur dont l'odeur est assez entêtante alors que j'pisse sous leurs yeux. J'ai un peu honte, mais j'garde la tête haute. j'ai peur d'aucune d'elle, et sans leurs armes et leurs technologies, j'veux bien voir ce que j'vaux entre douze cordes contre l'une d'elles. Mais ça sert à rien d'imaginer tout ça, ça n'arrivera jamais. Le sceau remplit, on remonte mon pantalon, sans bien sûr ranger mon engin pendant paresseusement alors que j'fuite le regard de côté pour m'éviter d'assister à un tel supplice aussi honteux.

Un coup de crosse dans le crâne pour me dire aurevoir sur des rires humiliant et la porte se referme. J'essaie alors de m'accrocher à quelque chose d'important dans ma vie. Mon boulot ? Non, il est pathétique.  Une fille ? Non, et les rares fois où j'en croise une soit j'm'emporte et elle finit dans un sale état, ou alors j'prends un énorme râteau.

Ma famille, alors. Mes parents adoptifs. P'pa, j'veux bien que tu m'expliques pourquoi l'équipe de football américain des Jets ont perdu le Superball cette saison. Me bassinant pendant des heures sur le mauvais lancé du quaterback lors du dernier quart temps. M'man, j'veux manger ton pain de viande dégueulasse, te dire qu'il est délicieux en me forçant à le bouffer, te servir un thé pendant que tu bouquines dans le salon avant que je regarde les étoiles et parler de constellation. Parler de mes origines.

Parler avec toi tout simplement de tout et rien.

Mes yeux se ferment là-dessus, et pour la première fois dans cette putain de cellule... Je souris.

***

Le lendemain, on tambourine à la porte avant de glisser une autre gamelle que j'bouffe sans savoir ce que c'est. Comme un animal vorace. On ouvre le vasistas, une paire d'yeux - féminine évidemment - me toise, les pommettes tirées vers le haut cachant un sourire narquois.

- C'est ça mange, gentil molosse, fais toi tout beau, t'as de la visite. Tiens toi tranquille ou on vide nos chargeurs sur toi
- Hein ?
- Tiens toi tranquille ou on vide nos chargeurs sur toi. Qu'elle insiste une nouvelle fois.
 
Comment ça j'ai de la visite ? Putain, c'est peut-être ma carte de sortie. J'm'adosse au mur, assis au sol, car le banc a couiné pas mal de fois en essayant d'y poser mes grosses cuisses dessus. J'entends du monde s'approcher du battant, et j'me dis que cette fois je vais encore déguster. Mais mon regard va devenir intrigué quant à la personne concernée venant faire cette visite.

Une jolie créature, ses cheveux me rappellent les cerisiers de Tokyo à une journée ensoleillée, en pleine saison printanière. Des prunelles azurés, presque glaciales, son corps est sculpté dans des courbes fatales pour n'importe quel mâle hétéro dans le périmètre. Moi autrement dit. J'déglutis légèrement, mais l'envie va passer en me rappelant ma situation. Merdique. D'abord avec de l'appréhension, mes traits vont s'adoucir suite au discours totalement différent de cette personne par rapport à ses semblables.

J'retrouve une douceur dans sa voix. Une voix qui donne envie de faire confiance. Polie et courtoise. J'prends alors une voix assez faible, dont le roulement dans mon torse était tout de même nettement plus bruyant que mon vis-à-vis. 

- Enchanté, Héraclès. Oui bien sûr, entrez.

Elle envoie chier l'une des gardes et j'me dis qu'enfin le karma existe. Et aussi, qu'elles ne sont pas toutes pareilles dans le coin. Rassurant. J'garde un regard dur, mais assez épuisé dans sa direction alors qu'elle s'approche, des fragrances s'émanent d'elle, et j'dois avouer que ça détonne sur ce miasme odorant qui règne ici depuis mon incarcération. Et comme si elle savait déjà tout sur moi, j'suis touché par son empathie. J'étire un petit silence pour trouver mes mots avant d'étirer un sourire timide pour l'assurer de la volonté que j'ai à vouloir coopérer.

- Non pas du tout. Je n'ai aucune foutue idée de où est-ce que j'suis. Vous pouvez me dire ? Je vous assure, c'est un effroyable malentendu.

Son sourire attendrit naturellement mon visage. Mais pas ma prudence, j'suis pas à l'abri d'un vicieux piège. Une chaise arrive pour qu'elle puisse s'installer et reprend notre conversation là où elle l'a laissé. J'pousse un soupir presque soulagé, maintenant que j'sais que quelqu'un veut enfin écouter ce qui m'arrive plutôt que de rigoler stupidement en me balançant des coups de crosse juste pour le plaisir. Mes épaules se relâchent, comme un pseudo délivrance, maintenant que j'sais qu'on peut me sortir de là. Va falloir tout miser sur elle. J'incline la tête alors, répondant par l'affirmatif à sa proposition.

- Je... J'venais de terminer mon boulot. J'suis dans une équipe de maçonnerie, on construit des immeubles. Sur le chemin du retour pour aller chez moi, un énorme flash lumineux m'aveugle. Puis le noir total. Avant que je me réveille à plusieurs centaines de mètres de haut, dans le ciel, à foncer droit dans votre ville et ce... Building.

Mon visage devient légèrement inquiet.

- Dites moi que je n'ai tué personne lors de mon crash... J'veux faire de mal à personne. Je vous promets qu'en aucun cas j'ai cherché à vouloir venir ici. Je veux juste rentrer chez moi.

Ma mâchoire ce serre alors que mes pupilles vacillent dans cet océan dans lequel je me noie, cherchant une once d'espoir, tout en appuyant ce regard pour lui faire comprendre par mes traits que c'est la triste et pure vérité.

Lied Mueller:
La suspicion était de mise, dans cette cellule de l'aile nord de la prison, venant aussi bien de l'homme qui craignait pour son devenir que de la femme qui avait l'impression de s'être mal réveillée. La seule chose dont elle était parfaitement certaine était qu'il s'agissait d'un étranger à Tekhos. Certes, elle avait autorisé bien des choses au sein de la capitale, puis étendu certaines sur tout le territoire. Le travail masculin n'était pas interdit, mais restait quelque chose de passablement rare, et ce, même pour les basses besognes. Lied ne l'interrompit pas un instant alors qu'il racontait brièvement ce qui lui était arrivé, quand bien même elle ne comprenait pas tout, quand bien même elle cherchait à mettre bout à bout tout élément qui pourrait l'aider à faire la lumière sur toute cette affaire. Elle se devait de lui demander de préciser, parvenir à déterminer si, petit un, il ne se jouait pas d'elle, et petit deux, s'il ne venait pas d'un territoire limitrophe qui risquait ainsi de poser des soucis si l'on traitait mal un de leurs citoyens. Elle avait en mémoire combien des régions comme celle d'Ashnard étaient à prendre avec des pincettes dès que la moindre tension se faisait sentir, ou qu'il était en question la détention d'un personnage important. Alors quand elle posait les yeux sur cet homme à la mine fatiguée, la face sale et les habits poussiéreux, elle n'osait imaginer ce qui pourrait se passer si elle découvrait qu'il avait quelque importance en ces lieux et méritait un traitement plus digne que ce qu'elle cherchait à lui offrir.
 
Ce qui lui coupa l'herbe sous le pied fut sa panique quand il mentionna le building à moitié écroulé qu'il avait semble-t-il traversé comme un couteau dans du beurre. Et à cet instant, Lied fronça les sourcils, soucieuse. Elle voyait son état, sa détresse, cette étincelle de culpabilité dans ses yeux bruns qui lui indiquait combien il avait besoin de savoir qu'il n'avait mis en danger la vie de personne. C'était tout à son honneur de s'enquérir de ses dégâts. Le problème était que, face à lui, toute la gestuelle de la sénatrice, surtout son visage contrarié, témoignait du fait qu'elle... n'en avait aucune foutue idée. Sa collègue l'avait appelée tard la veille, elle avait ragé un certain temps de combien tout le monde lui tapait sur le système avant d'aller se coucher, et était partie passablement tôt afin d'arriver de bonne heure dans ce trou à rats. Lied lâcha donc un soupir et appuya ses mains sur son front en secouant doucement la tête.


« Pour tout avouer, je n'en ai pas la moindre idée. Des blessés, je sais qu'il y en a. Pas mal, même. Mais je n'ai pas eu la moindre information concernant des morts, et surtout, je n'ai pas eu l'occasion d'en demander. Mais.... Oh, je vais demander, justement. »


C'était un éclair de génie venant de sa part, alors qu'elle se relevait, retournait à la porte, faisant dos à ce pauvre Héraclès ravagé par l'inquiétude, pour taper de son petit poing sur la porte métallique. On vint lui ouvrir, pensant qu'elle en avait fini ou assez, mais la seule chose que demanda Lied fut qu'on lui apporte son téléphone. Immédiatement. On lui déblatéra le discours habituel, à base de « dangereux » ou « pas autorisé », ce à quoi elle répondit avec un grand sourire qu'actuellement, c'était elle, la figure d'autorité. Elle aurait presque juré voir, du coin de l'oeil, un sourire narquois étirer le visage du captif dans son dos, un autre indicateur pour la jeune femme, qui lui indiqua qu'elle devait sortir mais ne tarderait pas à revenir, juste le temps de discuter avec quelqu'un. Une soldate lui apporta son téléphone, et la guida au bout du couloir, là où elles seraient sûres que personne n'écouterait ce qu'elle avait à dire, et qu'on puisse la surveiller. Sénatrice oui, autorité oui, mais elle restait dans un lieu hautement sécurisé où la rigueur était de mise. Lied contacta alors une personne avec qui elle discutait plutôt souvent, dont le numéro était enregistré en favoris, juste au dessous de celui de ses deux mères, de sa cousine, et de Sylphe : Feyril Mueller. Et pour quiconque n'avait vu à qui elle passait un coup de fil ou pensait la jolie sénatrice fille unique, la discussion pouvait semblait comique.


« Coucou mon petit chat !
- Ooooooh Lied ! Qu'est-ce qui se passe ? Je te manque déjà ?
- T'es mignonne ma puce. On s'est vues hier. J'ai besoin de toi.
- Que puis-je faire pour la merveilleuse sénatrice Mueller ?
- Et bien je voudrais le rapport sur l'incident hier, celui concernant...
- Ouah, celui avec le mâle qui a explosé le building ?! C'est toi qui t'en occupes ? Mais c'est trop bien ! Il est comment ? De ce que j'ai aperçu il est giga grand putain ! Un vrai bâtiment à lui tout seul ! C'est fou ! Il a fait un putain de trou, c'est dingue que tout ne se soit pas écroulé, ahah !
- Feyril.....
- Ah ! Pardon, pardon ! Oui oui alors.... Euh.... Ah non tombe pas ! Alors alors. On a soixante deux blessés dont douze sont en soins avancés. Aucun en soins intensifs. Pas de mort. On a crû en avoir une, sous un tas de gravas, mais on sait pas comment, elle dormait !
- Parfait, merci mon petit champignon.
- Et tu me raconteras, hein ? Heeeeeeeeiiiiiiiiiin ? Teuplait Lied, teuplait teuplait !
- Oui oui ! Allez je te laisse, il attend, le pauvre. S'il n'est pas déjà mort d'appréhension. A plus tard Feyril. »


Rendant son petit appareil à celle qui allait pouvoir retourner le ranger dans le casier qui contenait ses affaires à l'entrée, Lied ne put s'empêcher de remarquer quelques rougeurs et un regard levé vers le plafond de la soldate, comme si elle venait de surprendre un appel entre deux conjointes, ce qui lui arracha un gloussement amusé. Elle faisait parfois cet effet aux autres, et lorsque que cela concernait le corps militaire, elle ne pouvait s'empêcher de penser à Sylphe, sa douce Sylphe, qui rougissait comme une tomate et montait dans les aigus quand elle commençait à dire que ses collègues devraient avoir honte, de reluquer une dame telle qu'elle ! Adorable jeune femme. De retour à la cellule, reprenant place sur sa chaise, si Héraclès ne se détendait pour l'instant point, Lied, elle, était sereine, un léger sourire sur le visage, alors qu'elle s'asseyait en croisant les jambes.


« J'espère ne pas avoir été trop longue. J'ai contacté ma sœur, qui travaille pour les services médicaux : elle m'a indiqué que même s'il y avait une soixantaine de blessés, aucune tekhane n'est décédée dans cet incident. Et cela allège considérablement votre dossier, en plus. Alors vous pouvez cesser d'être tendu comme un arc, ça va aller. »


La sénatrice se racla la gorge, alors qu'elle anticipait déjà la suite de ses questions. Autant commencer par le moins dangereux, il lui fallait remplir un dossier, et pour cela, il fallait des informations simples : prénom, nom, âge, date de naissance, recueillir ses empreintes et un cheveu. Ne restaient sur le document presque rempli que les informations sensibles, qui pouvaient être cruciales pour la libération de cet individu. Il allait lui falloir la jouer fine pour les recueillir, potentiellement les fausser, et surtout, les obtenir sans que d'autres ne les obtiennent, comme celles qui veillaient à l'entrée de la cellule et dont les oreilles traînaient. Il lui fallait une bonne excuse... Excuse qu'elle trouva en se rappelant ce maigre détail que son sourire moqueur quand elle s'adressait aux gardiennes. Sans perdre un instant, la jeune femme s'approcha, et le prévint de ne pas bouger, juste de la laisser faire. Peut-être était-elle trop sûre d'elle, mais en tout cas, elle se pencha au dessus de lui, se moquant de la sympathique vue qu'elle lui offrait, tandis qu'elle écartait des mèches de cheveux épais jusqu'à la trouver, là, cette vilaine bosse à l'arrière du crâne. C'était monnaie courante d'envoyer dans les vapes les prisonniers pour qu'ils la ferment durant la nuit. Et une excuse parfaite pour qu'ils aient enfin un réel entretien en tête à tête.

 
« Oh mais, Héraclès, vous êtes blessé ! C'est étrangement localisé, alors que vous avez fait un gros trou en vous écrasant ! Allez, venez, on va aller à l'infirmerie soigner ça. Mesdames, ouvrez cette porte, je vais m'en occuper moi-même. »


Visiblement, cette injonction ne plaisait que peu aux gardiennes, mais il suffit à la demoiselle de glisser qu'elles avaient intérêt à la fermer si elles ne voulaient pas un rapport dans leur dossier de recommandation quand elles auraient mystérieusement perdu leur emploi pour faute sur détenu pour pouvoir faire sortir le colosse de sa cellule. Si à son entrée les prisonniers étaient plutôt sage, voir le petit nouveau marcher derrière la forme menue d'une tekhane les fit réagir avec bruit. De manière surprenante, les jurons et moqueries étaient destinés à celui qui la suivait docilement, un gentil gros toutou, un suceur de lesbienne, putain sans couilles, et tout un lot de mots tout aussi fleuris. Autant dire que la marche se fit hâtivement jusqu'à la porte blanche qui menait à la salle propre et aussi stérile que possible que celle de l'infirmerie, où Lied claqua la porte de ses maigres forces pour signifier combien elle refusait qu'on vienne.


« Pfiou ! Enfin un peu d'intimité, là-dedans ! »


Elle rayonnait de soulagement, et sous la lumière blanche de la pièce, elle se sentait plus à l'aise, ne paraissait plus autant fatiguée, et savait pertinemment qu'il était ainsi plus aisé de la jauger. Quand bien même la jeune femme s'était levée tôt, était partie de manière précipitée, il n'empêchait qu'elle avait pris le temps de prendre soin de son apparence. Après tout, la première image que son interlocuteur se ferait d'elle était celle qui prédominerait dans l'entretien, et elle avait semble-t-il réussi son coup. Tandis qu'elle lui indiquait un lit au cadrant de métal, dont elle ne doutait alors aucunement de la solidité, elle sortit les quelques désinfectants qui lui serviraient à le soigner ainsi que de quoi nettoyer de prime abord la plaie. S'approchant tranquillement, elle lui demanda de baisser la tête pour qu'elle puisse s'occuper de lui, toute joyeuse qu'elle était.


« Même si je suis politicienne, croyez-moi, je sais très bien m'y faire en premiers soins. C'a été prédominant dans ma vie, vital même. Sans parler du métier de ma jeune sœur. Bon, vous vous en doutez, si je fais ça, c'est surtout que je ne veux pas que quiconque entende ce qui va se dire dans cette pièce. »


Lied reposa son coton rougi sur la petite table à côté et prit place en face du géant, toujours aussi à l'aise, mais cette fois-ci, le visage plus sérieux que jamais, une pointe de tension se lisant dans les plis de sa peau douce.


« On n'envoie pas une sénatrice en prison comme ça, vous savez ? A Tekhos, les sénatrices sont la figure du gouvernement, celles qui font les lois. Les femmes cherchent à se débarrasser de tous les hommes sur le territoire, ils n'ont quasiment aucun droit. Si je suis autant surveillée, c'est parce que je suis l'initiatrice de nombreuses lois pour la protection des tekhans. Ce n'est donc guère étonnant de me trouver ici. Mais ma question va être très simple : vous venez d'où ? »


Alors qu'il ouvrait la bouche, elle lui fit signe de se taire, son doigt fin contre ses lèvres charnues, se penchant en sa direction pour parler tout bas, l'invitant à en faire de même.


« Terra ? Ou... Terre ? Ville ? C'est très important, personne ne doit savoir pour l'existence de la Terre. Personne ! »


Et ce qui devait arriver arriva : il opina du chef, et la sénatrice soupira fortement. Il était plus que dans la panade, et même si elle écrivait dans son dossier qu'il s'était perdu depuis une région où l'on pratiquait la magie, avec sa taille, ses capacités, et ce qui pendouillait entre ses cuisses, jamais elle ne parviendrait à le faire autoriser en ville le temps de trouver un moyen de le faire rentrer chez lui ! Il fallait malgré tout procéder par étapes, dont la première consistait à le faire sortir de lui, puis admettre en sursis à Tekhos, et ensuite, aviser.

Compte Inactif:
La question résonne encore dans ma tête. Depuis que j'suis terré dans ce trou, j'ai fait le film des centaines de fois dans ma tête. Des cris, des supplications, des sanglots sur le corps de femmes tués pendant l'accident. Tout un chaos à cause de moi. J'pouvais presque les entendre, les voir, m'arrachant frisson sur frisson, essayant tout de même de me rassurer que leur technologie puisse faire quelque chose.

Un silence s'allonge alors que j'entends son soupir, le regard un peu paumé. J'm'attendais à la pire mauvaise nouvelle, évidemment. Mais je n'aurais qu'un simple manque d'information. Mais elle va vite y remédier. Mes yeux vont la suivre, glissant vers le bas pour constater ses hanches rouler au pas de ses talons avant de me ressaisir. J'reste vraiment sidéré sur sa capacité à entrer et sortir d'ici comme un moulin. J'ai bien l'impression que nous somme dans un centre de détention hyper sécurisé pourtant.

La porte claque, libérant un son électrique désignant son verrouillage. Blindé, sans doute. Qui devrait pas me résister quand même avec mes pouvoirs. J'suis étonné de pas souffrir de claustrophobie, puisque c'est la première fois que j'me retrouve enfermé dans une pièce. Une gardienne va venir encore une fois m'emmerder, comme pour me rappeler ou étouffer tous mes espoirs d'un claquement de doigts.

- Elle est belle, hein.

Question piège, ne pas répondre. Elle ricane avec un sourire sadique.

- C'est la toute la différence entre nous, méprisable créature. Les femmes sont supérieures dans tout les niveaux. Vous êtes des engeances ratées.

J'baille, daignant paresseusement à l'écouter. Et aussi parce que, ouais, j'suis quand même crevé. Une fatigue que j'connaissais pas avant aujourd'hui. Étrange, l'impression d'avoir mon corps tourner au ralentit, faible. J'ai une douleur dans le crâne, j'ai mal aux yeux quand on allume la lumière de la cellule. Des espèces de courbatures sur tout le corps. Pour en revenir à la donzelle qui crache comme une chatte de gouttière, elle se retourne en grognant, reprenant sa garde. Et finalement, j'suis pris de pitié pour elle. C'est vrai, d'avoir un regard aussi biaisé sur la dignité et l'égalité des sexes. J'me demande ce que les hommes ont pu faire dans leur société pour mériter un tel traitement.

Une histoire qui ne me concerne pas, et qui me concerne quand même par la force des choses.

Pas le temps de réfléchir si cette situation était écrite pour que ça m'arrive que ma sauveuse revient dans la pièce. Et j'ai enfin le topo, mon visage se déforme par l'inquiétude, puis par la colère, ensuite la culpabilité, avant quand même de relâcher les épaules quand j'apprends n'avoir tué personne. Un soupir traduit mon soulagement.  D'autant plus quand je sais que ça va pas me pénaliser dans mon dossier. Parce que ouais, j'ai un dossier.

- Ravi de savoir que personne n'est mort par ma faute. En espérant que les blessés puissent se rétablir au plus vite.

Mon visage finit dans le creux de mes mains pour faire chuter la pression et essayant de garder un minimum de lucidité pour la suite. Mais avant que ma curiosité prenne le dessus, elle me coupe l'herbe sous le pied pour la suite des évènements. Monter ce foutu dossier. Mais alors que dans ses yeux j'y décèle un éclair de génie, elle s'approche de moi, dans un geste silencieux qui m'intime à rester immobile avant qu'elle ne se penche dans ma direction. Mon regard glisse de nouveau, tombant sur un buste charnu qui plonge vertigineusement, m'arrachant une déglutition de gêne. Ses dextres plongent dans ma crinière, glissant dans ma chevelure comme d'une caresse à l'instar des plus douces plumes, avant de m'arracher une grimace quand j'sens une douleur à l'arrière de ma caboche.

Elle s'exclame et allez savoir, j'ai l'impression que ça cache quelque chose. Un prétexte pour se barrer ? Silencieusement j'accepte, parce que, bien sûr que j'veux me tirer de cette cellule, même pour cinq minutes et un bisou magique qui résoudra rien. Le plus étrange c'est qu'elle veuille s'en occuper elle-même. Alors qu'elle a l'air assez importante pour envoyer des larbins à sa place. De toute manière, elle est la seule qui m'inspire confiance. Et elle va encore me prouver l'étendue de ses pouvoirs en remballant vite fait bien fait les gardiennes avec des promesses bien intimidantes pour leur carrière. On me dévisage comme la plus pitoyable des bestioles avant de ravaler leur haine plus tard.

Dehors, enfin, pas vraiment. Mais c'est quand même le pied de sortir d'ici. Mais c'était sans savoir la jungle qui m'attend. Les personnes incarcérées m'accueillent comme il se doit, des voix que j'vais vite oublier pour me concentrer sur mon nouveau guide. On traîne pas longtemps avant de trouver le battant qui me sort de ce boucan rempli de jolis mots rien que pour mes oreilles. Une salle bien plus accueillante, même si les menottes aux poignets commencent doucement à me gonfler. Mais rien à faire, et pourtant j'ai de la réserve dans les bras. Normalement. J'soupir en fermant les yeux. Avant de réaliser que, oui, on est que tous les deux. Dans la pièce, elle, moi, nous. La bavure.

Finalement, j'suis très content de les avoir, ces menottes.

- Ouais, on est tranquille. Merci beaucoup. Que j'termine en gardant mes images tordues pour moi.

J'suis ses directives en allant vers le lit pour m'y assoir avant de croiser un miroir au mur. Au pied, une balance. Mais dans ce reflet, j'me suis presque pas reconnu. Recouvert de poussière, de crasses, ma veste de travail remplit de poches en lambeau, mon pantalon de travail déchiré et parsemé de trous. Mes lèvres sont gercées, j'ai des cernes, j'ai vraiment une sale gueule. J'comprends maintenant quand on vient me dire que j'suis laid. J'essaie d'oublier ça et profiter de ce matelas qui me fait enfin un bel accueil. Elle revient, aussi solaire que l'été pour venir me... Soigner ?

Le flou s'estompe, j'comprends enfin qu'elle n'est pas la moitié d'un gland, pire, elle est même décisionnaire de pas mal de chose dans cette société. Appuyant encore plus l'incroyable chance que j'ai de l'avoir à mes "côtés". Un sourcil intrigué quand elle témoigne implicitement de problèmes de santé, j'reste silencieux pour éviter d'être trop envahissant. La tête baissée, j'grogne à ce traitement si singulier pour moi. La besogne terminée elle se met en face m'indiquant que ce petit traitement si attachant était terminé pour quelque chose de bien plus grave.

Mon putain d'avenir ici.

D'abord silencieusement, j'admets de provenir de la terre. Ensuite j'comprends que Tekhos n'est pas au courant de son existence et pour conclure, effectivement si elles sont aussi avide de vouloir les hommes disparaître, autant bien fermer sa mouille comme il faut. Et cette nana, est définitivement mon dernier bouclier si j'en crois ce qu'elle a fait. C'est noble. Admirable. D'être seule contre cette éthique macabre, et se battre quand même. Restant discret, j'me rapproche dans sa direction pour chuchoter ma vérité , j'pourrais presque l'embrasser.

- Terre, Japon. Seikusu. Sinon...

Cette révélation pourrait peut-être me sortir de là.

- Vous avez remarquez que mes capacités sont pas vraiment ... Humaines. J'suis arrivé sur... Vous savez, à l'âge d'un an. Mais j'viens d'une autre planète. Elle a explosé il y a maintenant 20 ans. Galaxie andromède, un vieux système solaire, les débris tournent encore en orbite. Je suis finalement... Une créature errante, sans aucun de mes semblables de vivant. Seul.

J'baisse la tête, légèrement mélancolique. Mais au moins c'était clair, j'suis issue d'une civilisation disparue; sans armée, sans politique, sans volonté de conquête. Rien qui pourrait me rendre dangereux diplomatiquement.

Espérons que ça change la donne.

Navigation

[0] Index des messages

[#] Page suivante

Utiliser la version classique