Plan de Terra > Ville-Etat de Nexus

Prémices d'un voyage pas si tranquille [ PV Damascus / Alecto ]

(1/11) > >>

Damascus:
La route royale n'avait de royaux que les quelques derniers kilomètres menant à la cité. Le pavement bien ordonné permettait une avancée rapide des attelages et des drains assuraient une bonne évacuation de l'eau en cas de pluies. La largeur de l'ouvrage autorisait le croisement des flux sans provoquer de ralentissements et à certains endroits, une bande encore mieux couverte était réservée aux courriers rapides. Des échoppes, boutiques et auberges habilement placées, ponctuaient le rythme de progression des voyageurs venus dépenser leur argent et plus encore. Des agents de la cité libre devançaient les offices de la ville pour préparer les marchands à s'acquitter des taxes et impôts obligatoires à toute transaction tandis que des gens d'armes, étincelants dans leur armure d'acier veillaient à la sécurité de tout un chacun.

Plus loin en revanche, et bien que les murailles de Nexus soient toujours en vue, la voie se dégradait lentement. Les pavés taillés avaient depuis longtemps disparu pour laisser place à une terre sèche et poussiéreuse en été et à une rivière de boue les jours pluvieux. Les bâtisses aux enseignes vernies laissaient place à des étals plus sommaire faits de bric et de broc ou des êtres peu scrupuleux cherchaient à refourguer l'objet de leurs larcins. Les agents de l'Etat encore visibles tenaient plus du malandrin corrompu que du représentant de l'institution et aucun homme d'arme ne surveillait la foule. La guerre contre la dictature d'Ashnard coûtait cher et l'entretien de la voirie et de ses abords n'était pas la priorité des dirigeants de Nexus en ce moment.

Néanmoins, ces premiers paysages passaient rapidement. La route était droite et le flux de voyageurs important dans les deux sens. Du fait de cette proximité permanente entre itinérants, la sécurité était plus ou moins assurée par l'effet de masse. Bien sûr, personne n'était à l'abri d'un vol ou d'un petit assassinat mais ça n'allait pas plus loin. La plaine était morne, dédiée à la culture des céréales et à l'élevage des animaux à viande. La production actuelle était principalement achetée par l'Etat pour ses armées en campagne. La population civile, elle, subsistait à partir de produits principalement importés donc, très onéreux. Les temps étaient durs.

Damascus et Alecto s'étaient immiscés dans le courant quittant Nexus et avançaient d'un pas régulier dans la poussière que soulevait les sabots de leurs montures. Comme le démon l'avait expliqué à sa protégée, ils s'étaient engagés sur la partie de la route qui ne changerait pas jusqu'à ce qu'ils la quitte. Le premier soir, ils avaient loué une petite chambre dans une auberge appelée "La Royale". Le repas dans la salle bondée avait été correct et ils avaient même eu droit à un spectacle de saltimbanques. Les clients avaient été invité par la troupe à se lever, danser en couple en tourbillonnant et changeant de partenaires avant de terminer par un numéro burlesque qui avait provoqué un fou rire général. Damascus rit, pourquoi ne pas en profiter un peu ? Et eut même à retrouver Alecto qu'il avait perdu dans la foule agitée. Complimentée par un groupe de marchands joyeux, elle dépareillait dans cet univers populaire.

Le lendemain les vit chevaucher sans pause jusqu'à la tombée de la nuit. Le démon souhaitait au plus vite passer les affres de cette route surchargée. Couverts de poussière, ils purent bénéficier, contre monnaie,  chacun à leur tour, d'un demi tonneau d'eau pour se laver. Pour cette somme dérisoire, la vieille femme qui leur frotta le dos leur assura que seuls une dizaine de voyageurs s'y étaient trempés avant eux. Voyager de nuit étant déconseillé, ils choisirent de s'installer à proximité d'une caravane d'orientaux et préparèrent leur campement, s'apprêtant à dormir dehors.
La lune pointa brillante à l'horizon quand un domestique enturbané vint à eux.

"Mon maître Saïf Ibn Tazief n'a pu de sa place que remarquer la présence d'aussi nobles voyageurs. Il vous invite à le rejoindre, si vous le voulez bien, à partager son repas et une soirée de contes et légendes tous plus extraordinaires les uns que les autres."

S'inclinant le plus bas possible, il indiqua aux deux voyageurs la direction où près d'un brasier, un homme en robes chatoyantes ouvrit les bras en signe d'invitation, inclinant la tête.

"Alecto, il semble qu'une belle nuit nous attende. Faisons honneur à cet homme. De plus, nous pourrons sûrement obtenir des informations quand à l'itinéraire à emprunter."

L'homme se leva à leur approche. Il avait un port altier, fin, grand, avec un visage d'aigle. Une fine moustache ciselée barrait sa lèvre supérieure. Ses robes étaient luxueuses et des chefs d'œuvre de joaillerie couvraient ses mains. Sa voix claire était ferme et il se dégageait de l'individu une culture assurée. Autour de lui, un contingent de valets et des gardes armés s'affairaient à préparer la nuit à venir. Un mouton rôtissait, excitant les papilles des lieux à la ronde. Une jeune femme souriante leur proposa de l'eau fraîche pour se rincer les mains et leur servit dans des timbales dorées un liquide rouge et délicieusement revigorant.

"Mes amis bien le bonsoir! Ne prenez pas cette invitation pour une démonstration maladroite d'un riche marchand cupide en chasse d'une bonne affaire, mais comme la sollicitation d'un homme curieux de la nature du monde et qui souhaite partager cette soirée avec des gens de bonne tenue et qui pourraient égayer une nuit solitaire."

L'homme respirait l'honnêteté mais aussi l'assurance d'une forme de puissance dut à un savoir  ancien. Cela se lisait dans ses yeux.  Damascus répondit :

"Et bien Mawlana, nous acceptons avec plaisir votre invitation. Je me nomme Damascus, héraut d'une terre lointaine, et voici Alecto des Cimes Noires, ma muse et inspiratrice de bien des passions."

Damascus s'inclina en retour, laissant à la jeune fille le soin de saluer à sa manière.

"Oh oh ! Vous connaissez nos titres ? J'en suis flatté! Mais appelez moi Saïf, comme si nous nous connaissions depuis longtemps, installons nous ! Et je vous conterai les histoires de mon pays et j'écouterai avec avidité les mythes de vos terres lointaines et découvrirait avec joie ce que sont les Cimes Noires."

Il frappa ses mains l'une contre l'autre et aussitôt, une farandole de serviteurs joyeux s'organisa pour et les installer dans de confortables coussins, et les servir en mets et breuvages et  s'assurer que tout leur convienne.

"Ecouter l'histoire de Hatiff le chamelier qui par une nuit d'été, fit un vœu des plus étranges .........."

Damascus, du coin de l'oeil, observa Alecto et ses réactions à ce spectacle nouveau. Il sourit. Le résultat en valait la peine.
Satisfait, il repensa à sa petite présentation. Qu'il improvise ne serait que bénéfique. Il laisserait Alecto se débrouiller avec ses "Cimes Noires". Il était temps qu'elle s'en sorte seule, apprenne à mentir et sourire en même temps. Elle aurait la nuit pour s'entraîner.



Alecto Nemed:
Les débuts de leur épopée étaient vécus chez la jeune Esclave comme un calvaire… Elle n’était que souffrance, le bas de son corps meurtrit par les mouvements de sa monture, le haut fourbit de courbatures à devoir se tenir droite, en tentant de suivre l’ondulation qui résonnait mal dans ses épaules le long de sa colonne vertébrale. Cependant, à aucun moment elle ne s’en plaint, notamment car elle estimait qu’elle n’avait pas à déranger son Maître pour des broutilles.

Il prenait soin d’elle, et la nuit à la Royale avait été ce qui s’approchait de sa première nuit d’ivresse… Se permettant boisson et danse, elle avait découvert le plaisir immense de se laisser aller à suivre la musique et les rires, sans arrière-pensées moralisatrices et sans le besoin viscéral de se punir de ressentir la joie extrême et idiote de la foule, des chants, de la liesse générale.

Comme une enfant, elle avait sautillé et virevolté sans réfléchir, et comme une adulte, elle s’était surprise à apprécier un ou deux regards plus insistants lorsqu’elle se déhanchait. Le petit Corbeau en avait développé une excitation inexpliquée, qu’elle avait assouvi en sautant au cou du Démon, assoiffée de ses baisers.

Mais les kilomètres parcourus le lendemain lui remémorèrent amèrement combien elle était novice pour l’équitation, malgré la docile carne qui la conduisait plus qu’elle ne la dirigeait elle. Alecto rêva d’un lit douillet, mais savait qu’il fallait s’attendre à un chiche campement, qui ne serait pas le dernier de leur voyage… Alors, de manière inespérée, l’invitation de ce riche oriental fut accueillie dans son esprit comme un miracle délicieux.

« Je vous ferai honneur. » Répondit-elle simplement à son Maître.

Et elle ne fut pas déçue en apercevant leur hôte. Il dénotait dans cette route pleine de faquins malpropres, et elle se demandait combien de caravanes étaient nécessaires pour transporter un tel palais mouvant. Les nombreuses parures de ce Sultan émerveillèrent la petite Esclave, qui en ressentit immédiatement une envie étrange, de celle qu’elle ressentait chez ce gros porc Gras, lorsqu’elle désirait voler ses biens. Elle déglutit, et s’inclina en une révérence mille fois exercée face aux Maîtres, à merveille. Il avait fallu suffisamment de coups pour qu’elle parvienne à un résultat satisfaisant, et désormais, elle maîtrisait l’étiquette. Du moins, celle de Nexus…

Elle rougit, encore penchée, lorsqu’elle entendit les doux mots du Démon la qualifiant. Comment expliquer que chaque compliment la recouvrait d’un satin doux et délicat, forgeant davantage sa vanité jadis inexistante. Qu’il mente ou enjolive la réalité ne lui venait même pas à l’esprit, cependant. Elle voulait suffisamment y croire pour tout prendre pour argent comptant.

« Votre hospitalité et votre présence nous honorent, Seig… Saïf. » C’était… difficile. Elle n’avait guère l’habitude d’être si familière, mais c’était une demande, et pour l’Esclave, seul ceci comptait. Elle obéirait.

Installée dans des coussins moelleux et épais, Alecto prit le temps d’observer le bal des serviteurs qui les comblaient de mets exotiques. Si elle avait déjà observé ces petites pâtisseries chez Tadéus, la majorité de ce qui leur était servi était une découverte pour elle, tant en forme qu’en goût. Peu aventureuse jadis, elle s’essaya à ce qui lui paraissait le plus étrange, soucieuse également de ne pas offenser leur hôte si généreux.

Les histoires de ce Marchand étaient merveilleuses. Alecto avait toujours aimé les contes, et elle avait les yeux brillants d’intérêt, la voix de l’homme l’envoutant. Elle lui trouvait un charme qu’on ne perçoit pas à Nexus, et un charisme indéniable, d’autant lorsqu’il narrait avec détail les aventures sorties d’un songe oriental.

Captivée, elle se rendit compte que son histoire avait prit fin quelques instants après, perdue dans ses pensées. Mais se rendit compte que les regards étaient tournés vers elle… Sursautant, elle tourna immédiatement ses grands yeux bleus vers son Maître, comme pour savoir ce qu’elle était censée faire. Mais le visage du Démon ne lui fut d’aucune aide, et pire, un mouvement de menton lui indiqua qu’elle avait à prendre la parole.

Jamais à l’aise lorsqu’il s’agissait d’être au centre de l’attention, le petit Corbeau déglutit, en portant à ses lèvres la coupe dorée pour en boire un contenu au goût de miel, dans l’espoir que cela lui donne du courage.
Saïf avait évoqué les Cimes Noires, par faute des mensonges de Damascus… Elle ignorait si ce lieu existait vraiment, et cela la plongeait dans un silence perturbé. Elle n’avait rien lu à ce sujet, n’avait pas de référence, ni d’ordre à exécuter. Mais elle sentait le regard du Démon sur elle, il attendait qu’elle lui fasse honneur, et il voulait que la soirée soit productive. La crainte de décevoir son Maître lui noua l’estomac.

« Oh. » Fit-elle finalement, reposant lentement sa timbale, comme pour gagner du temps.

Elle n’avait jamais su mentir.
Même cacher la vérité était pénible, même pour faire le ‘bien’. Mais dire la vérité serait trahir Damasnus, et le faire passer, lui, pour menteur. Elle ne pourrait jamais s’y résoudre. Il devait être fier d’elle. Ce soir, comme à chaque minute de son existence. Alecto se leva, prenant son courage à deux mains, et lissant son chemisier.

« Les Cimes Noires sont… » Elle manquait d’imagination. Saïf semblait suspendu à ses lèvres, augmentant son appréhension. « … Une contrée montagneuse. Et Sombre. »

Le Marchand cilla, suffisamment intelligent pour déceler le trouble de la jeune femme, et Alecto le perçu. Elle paniqua.

« Je. Veuillez m’excuser. Je ne peux pas ! » Lança-t-elle alors d’une voix plus aigüe, avant de sortir en courant, escaladant les coussins en travers de sa fuite, et bousculant une servante qui renversa le contenu de son plateau près de son Maître, l’éclaboussant.

Alecto courut en grimaçant, cet effort réveillant les douleurs de la monte, et se réfugia près de son cheval, se cachant derrière un tonneau d’eau de pluie où s’abreuvaient les deux animaux.

Damascus:
La gifle claqua, sèche, et résonna dans la nuit silencieuse. La seconde fut aussi brutale que la première. Et celle qui suivit encore assomma presque Alecto.

Les chevaux, nerveux, s'ébrouèrent dans l'obscurité tandis que le démon relevaient la jeune femme par les cheveux.

"Tu m'as fait honte ce soir. Tu as déshonoré ta condition et bafoué l'invitation de notre hôte. On insulte pas un oriental sans en payer le prix et je ne te défendrai pas. Saïf réclame un morceau de toi comme dédommagement!"

La fureur de Damascus était palpable. Ses yeux brûlaient, ardents, et des volutes fumeuses s'échappaient de la commissure de ses lèvres figées sur un sourire mauvais. Il avait un mal fou à se contrôler et son essence de démon cherchait à s'échapper de ce corps humain. L'envie de dépecer cette petite sotte était irrépressible. Sa prestation embarrassante avait jeté un froid dans la relation des deux hommes que le démon, avec mille précautions, avait soigneusement rétablie en usant de tout son charisme et maints mensonges, eux, bien fondés. Les orientaux étant susceptibles, une punition serait nécessaire.

Un oiseau nocturne croassa non loin. La nuit était calme autour du campement de la caravane. Une douce bise balayait les vastes étendues de la plaine endormie.

Quand le démon tira sa dague de sa ceinture, il ne savait toujours pas si Alecto survivrait à sa colère. Il fit courir la pointe de l'arme le long du cou gracile.

"Je vais lui offrir une de tes oreilles!"

Il la força à s'agenouiller devant lui et d'un mouvement sec, exposa le côté droit du crâne de la fille. il fourailla dans la masse sombre de ses cheveux et d'une torsion, étira une longue natte qu'il trancha proprement. Grognant sourdement, il résista à l'appel de la mutiler mais entreprit de lui raser le crâne de ce côté là. De la tempe, en passant au dessus de l'oreille et s'arrêtant à l'éminence pariétale. Certaines nations sauvages de marins du nord arborait ce style de coupe.

"C'est la dernière fois que tu échoues Alecto! A la prochaine erreur, tu iras nourrir les chiens de mon Père pour l'éternité. Maintenant, si tu ne veux pas faire l'effort que je te demande, essaye au moins de montrer que tu aimes te faire baiser. Déshabille-toi !


Une fois fait, il la traîna jusqu'aux pieds de Saïf qui attendait impassible. Le démon lui tendit la natte de cheveux tranchée et l'homme, sans même un regard pour la souillon, jeta l'objet d'excuse dans le feu qui crépita. Puis d'un geste de la main, il désigna un demi-fût. Le démon y projeta Alecto.

"Offre ton cul et montre nous ce que tu sais vraiment faire !"

Sortant de la nuit et s'exposant aux lueurs des flammes, une file de serviteurs mâles nus vint silencieusement se mettre en place derrière la jeune femme. C'étaient les mêmes qui riaient quelques moments plus tôt. Là, ils ne souriaient plus, une punition allait avoir lieu. Alecto, avachit contre les planches de bois arquées, se tenait à quatre pattes. A l'approbation de Saïf, le premier serviteur se pencha sur elle et la sodomisa d'une longue poussée brutale. Il vint rapidement et se répandit en elle. Le suivant fut moins rapide, celui d'après plus violent, un autre lui cracha sur le dos tandis que tous, les uns après les autres ruinaient son fondement. Ils étaient nombreux.

Damascus, lui, conversait à nouveau aimablement avec le riche oriental. Il ne se retourna qu'une fois pour lancer.

"Je ne t'entend pas apprécier ta récompense Alecto! Serais-tu déçue de l'amabilité et du raffinement de notre ami ?"

Alecto Nemed:
La joue d’Alecto la brûlait, et dès qu’elle eut constaté dans quel courroux son Maître était plongé, elle voulut protester.

« Je ne voulais pas… » Mais les jumelles de la première gifle la firent taire, et les suivantes la laissèrent sans voix, et presque sans conscience. La violence douleur qui arracha son cuir chevelu lui fit pousser un gémissement suraigu, mais les mots du Démon furent plus brutaux encore pour la jeune Esclave.

Elle pleurait.
Le lourd tribut réclamé par Saïf énoncé par Damascus la terrifia, et elle se convainquit que jamais son Maître ne lui ferait de mal, jamais il ne la mutilerait pour le bon plaisir d’un étranger… Elle s’étouffa en constatant qu’elle se trompait lourdement et, jusqu’au bout, cru véritablement qu’il lui découperait l’oreille sans une once de pitié. C’était là ce qui lui faisait le plus mal, en réalité, mais les choses s’enchaînaient trop vite pour qu’elle réussisse à réfléchir à autre chose que les pics douloureux et les secousses.

Pourtant, lorsqu’elle comprit, plusieurs minutes après le début de son scalp, ce que faisait Damascus, Alecto ressentit une frayeur telle, qu’elle devint parfaitement immobile, là où peu de temps avant, elle était secouée de sanglots et de tremblements. La crainte qu’il ne la coupe, dans son entreprise furieuse, la rendit blême comme une défunte, et en elle, s’opérait un bien étrange chamboulement. Le Petit Corbeau n’avait jamais renssenti l’orgueil de se mirer dans une glace et d’en apprécier le reflet, l’idée saugrenue de se trouver jolie, attirante, et d’avoir découvert combien il était agréable d’être admirée lui était jadis étrangère mais… Depuis le Glyphe, elle se surprenait à aimer l’attrait qu’elle pouvait avoir pour les regards plus appuyés, développant une petite vanité naissante, qui grandissait à mesure qu’elle s’affirmait.

Alors, elle se sentait horrifiée du physique qu’elle arborerait, alors qu’elle voyait tomber des mèches entières de ses longs et beaux cheveux noirs. Elle serait laide, songea-t-elle avec effroi. Assurément. De fait, vexée, elle développa à mesure de son traitement capillaire violent une sorte d’animosité. Les sanglots de panique et de douleur laissèrent place, imperceptiblement, à quelque chose de plus sourd.

Et pire, les paroles crachées par son Maître à propos de son échec et des conséquences d’un éventuel prochain la firent frémir certes, mais la colère naissait de ces menaces. Elle n’avait jamais ressenti la colère, avant. A l’encontre de quiconque, d’ailleurs, même si elle s’était surprise à avoir une haine dégoûtée du Gras en sa demeure. Jamais, non jamais, elle n’avait pu développer de haine, ou de rancune, vis-à-vis de ses Maîtres. Et ce, quel que soit le traitement qu’ils administraient à leur possession docile.
Alecto courbait l’échine, ne ressentait pas d’émotions brutales, en bien comme en mal.

Et ce qui naissait en elle la chamboulait, comme toute nouveauté, son corps et son esprit ne savaient comment le gérer. Fort heureusement, son ire était à peine germée, et restait sagement contenue en elle, sans même qu’elle arrive à la définir clairement.

La sentence tomba, et Alecto ne s’en étonna pas… Quelle que soit la faute, les hommes n’avaient en tête que cette pulsion, et ne songeaient qu’à asseoir leur pouvoir par la domination de bas instincts… Si elle avait été plus assurée, et il n’était pas à douter que le Glyphe le lui permettrait plus tard, le petit Corbeau aurait ricané à l’entente de ce châtiment.

Mais pour l’heure, l’Esclave avait le cœur meurtri de cette déception qu’elle avait causé à son Maître. Celui qu’elle admirait et qu’elle chérissait avec tant de ferveur s’était montré dur avec elle, n’avait pas montré la clémence qu’elle avait espéré… Et un espoir déçu entraînait trop souvent de douloureuses conséquences dans les sentiments que l’on voue à quelqu’un…

Cependant, obéissante, elle ne dit mot et se dévêtit avec minutie. Ses joues étaient rouges des violences infligées, et lui brûlaient encore.

Alecto se retrouvait à quatre pattes à la merci d’une file de serviteurs qui, un par un, vinrent procéder savamment à son humiliation. La douleur des coups et de son corps écartelé par leurs membres de diverses tailles n’était finalement rien, comparé au désarroi qui lui lacérait les entrailles : Damascus se pliait aux désirs d’un étranger à son propos. Il l’avait déjà vendue à Tadéus, mais ce n’était pas comparable, pour elle, puisqu’ils avaient tous deux intérêts à amadouer le Gras.

Une lueur d’espoir, vicieuse, l’éveilla alors qu’elle brinquebalait au gré des coups de butoir comme une poupée de chiffon qui ne se débattait en rien ; Son Maître était-il satisfait de la voir ainsi prise comme un animal par tous ces mâles différents, sagement disposés en file en attendant leur tour de détruire ses fesses ? Elle tourna les yeux vers lui, ses larmes ayant laissé des sillons clairs sur son visage rouge et poussiéreux…

Le Démon en la regardait pas.
Il discutait avec Saïf, elle vit l’Oriental ricaner à ce qui devait être un bon mot, et lui répondre en parlant joyeusement avec les mains.

Damascus ne la regardait pas.

Ce nouvel espoir brisé vint à son tour nourrir la petite étincelle colérique qui venait de naître dans ses tripes, à mesure que son cœur se brisait. L’aimant comme un chien se dévoue à son Maître, elle apprenait nouvellement à se rendre compte des injustices de son traitement.
Un assaut plus violent fit se cogner son visage contre le bois, et plutôt que gémir et pleurer, elle grogna légèrement, en fronçant le nez.

Pourtant, sa relative rébellion s’arrêta au moment où la voix du Démon retentit pour aboyer des ordres. Pour la première fois de sa vie, elle fut tentée de ne pas obéir. Elle y songea. Le défier.

Puis, aussi subitement, elle ouvrit la bouche et sa gorge libéra un gémissement rauque et long, digne des meilleures cantatrices de bordel, venant perturber le chant des succions diverses, suintements et claquements. Alecto ronronna son désir, d’abord timidement, sentant l’homme qui lui ravageait l’arrière s’exciter de l’entendre, et lui asséner une violente claque sur la fesse rebondie.

Pourtant, aucune passion ne l’assaillait, et elle se trouvait trop perturbée par ces sentiments éparses, sourds et inconnus, pour tirer la moindre envie, ou le moindre plaisir pervers de la situation. Un tout jeune adolescent, sans doute moins âgé qu’elle, s’approche face à elle, tenant une coupe et une cruche de simple facture, et elle crut, naïvement, qu’il s’agissait d’un rafraichissement pour l’aider à supporter son châtiment…

Il n’en était rien, et il lui envoya au visage le contenu du verre, tout en déversant une eau trop chaude pour ne pas la brûler sur son dos souillé. Immédiatement alors qu’elle criait, le gamin raclait sa peau avec un gant d’un crin rêche, semblable à celui qu’elle s’imposait en cilice jadis, sans doute pour retirer tous les fluides visqueux et odorants qu’elle venait de se prendre sur la croupe, le dos, jusque dans ses cheveux par un homme long et fin, qui l’avait particulièrement apprécié.

Alecto sentit sa rage monter d’un cran supplémentaire, devenant plus nette.

Cependant, elle tourna de nouveau dans une contorsion son visage vers le couple de nababs qui festoyait tranquillement sans même se préoccuper de son sort. L’amertume lui coupa le souffle. Elle posa un regard où perlait la déception sur le beau et raffiné visage de son Maître.
Comment pouvait-il être insensible aux misères qu’elle subissait, et ce, même si elle l’avait déçu ? Saïf valait-il plus que sa ‘muse’, l’ ‘inspiratrice de bien des passions’, son ‘petit cœur’, sa ‘précieuse nymphe ténébreuse’… son Petit Corbeau.

Enfin, l’adolescent qui avait semblé prendre un malin plaisir à astiquer sa peau sans ménagement prit la place du grand et mince serviteur si généreux en foutre, et à alors qu’il pestait derrière elle, d’un déficit de vigueur sembla-t-elle deviner, enfonça plusieurs doigts en elle, vexé. Sans aucun mal, il fut sans doute déçu de passer en dernier, tant le passage étroit ne l’était plus, et pesta à nouveau dans le duvet qui lui servait de barbe, avant de frapper sa fesse avec plus de force encore que les précédents. Il était furieux de lui-même, et passa ses nerfs sur l’Esclave, oubliant la présence des Maîtres.

D’un claquement de langue, Saïf se rappela à son domestique qui sursauta, s’inclina plus bas que terre, et sur un regard de son Propriétaire, acquiesça avant de se placer face à Alecto, un sourire narquois aux lèvres.

- Il dit que tu dors à la belle-étoile, Putain. Murmura-t-il.

Le Petit Corbeau leva les yeux sur lui, se redressa en laissant dégouliner semences et fluides blanchâtres le long de ses cuisses. Elle débordait. Chancelante, elle eut du mal à prendre son équilibre, mais constata qu’elle était plus grande que l’Adolescent. Cet état de fait lui donna l’assurance nécessaire pour rester droite face à lui, quelques instants.

« Je ne reçois d’ordres que de mon Maître, Puceau. » Rétorqua la jeune femme dont le côté du crâne rasé lui donnait tout à la fois un air misérable et effrayant.

Il sembla désirer avec force la gifler, mais se souvenait se trouver non loin des nobles hommes qui conversaient. Alecto avait parlé entre ses dents d’une voix sèche et froide, pleine d’une rage glacée nouvelle. Des gouttes de spermes tombèrent dans la flaque entre ses jambes, le temps au garçon de la jauger, pour finalement retourner auprès de l’Oriental et lui glisser quelques mots à l’oreille, en s’inclinant.

Saïf resta impassible, congédia d’un mouvement semblable à la chasse d’une mouche importune, et souffla à son invité.

- Je ne saurai m’interposer entre un Maître et son Bien. Fit-il avec un geste faussement humble.

Damascus:
Quand Alecto obéit et s'adonna à un simulacre de plaisir, le démon en fut grandement satisfait. Non pas qu'il apprécia le spectacle mais concernant le sexe, seul son plaisir comptait. En revanche, les  étapes que la jeune femme franchissait maladroitement revêtaient pour lui une importance capitale. Le glyphe d'Alecto pulsa, et tel un espion des plus efficient, inonda l'esprit du démon d'un torrent d'informations et de  sentiments contradictoires, nouveaux et  prometteurs. Quand la jeune femme comprendrait son nouvel état, l'accepterait complètement et le maîtriserait, elle pourrait comme lui utiliser ce lien souverain pour se river à sa conscience. Qu'elle le déteste un peu, bah .... Qu'elle doute de lui, qu'importe! La dureté du voyage qui s'annonçait resserrerait leur "affection".

En effet, les informations fournies par Saïf Ibn Tazief n'auguraient en rien de bonnes nouvelles. Les ravages de la guerre entre Nexus et Ashnard rendaient toute expédition périlleuse. Et ce, dès les jours prochains, quand leur itinéraire les ferait dévier de la route royale.

Quand un jeune serviteur zélé s'autorisa plus qu'il ne l'était à punir et humilier la jeune femme, Damascus estima que et la punition, et la courtoisie d'apparence s'achevaient. Aux commentaire vipérin que le riche oriental lui porta, il répondit en susurrant:

"En effet, en effet ... il serait fou de s'interposer entre la Mort et sa Faux ..."

Le démon se redressa et d'un geste, intima au jeune serviteur de le rejoindre. Celui-ci ne put qu'obéir à l'injonction, sous le regard curieux de son propre maître. Damascus s'approcha d'Alecto, droite et superbe dans sa colère.

"Tu as couvert ton échec premier d'une réussite qui m'exalte Alecto. Ne vois pas en mon comportement une hostilité ou un désintérêt quelconque. Seule ta condition m'importe, et pour que tu l'élèves, je ferai tout ce qui est nécessaire. Tu es plus forte que tu veux bien le croire, et si je te pousse dans tes retranchements, c'est pour que tu en reviennes grandie."

Puis violemment, d'une main,  le démon saisit le  serviteur et enfonça ses doigts dans le visage juvénile.

"Et toi, il ne t'appartenait pas de t'autoriser ces travers" gronda t'il d'une voie d'outre tombe.

Dans un rugissement d'une noirceur atroce, il incanta et crispant les serres crochues qu'étaient devenus ses doigts, il arracha lentement l'âme du garçon à son enveloppe de chair. Mince filet spirituel, l'esprit torturé lutta, tentant de se rattacher à son cocon mortel, étirant les chairs distendues et sifflant de souffrance. La vision effroyable de cet être vivant, boursouflé, gonflé par l'effort de son âme était abominable. Le visage du domestique s'élongeait atrocement, les os craquants, les yeux giclant de leurs orbites. Les dents se déchaussèrent et une humeur immonde, son cerveau en bouillie, jaillit de ses lèvres et de ses narines.

Plus effrayant encore, l'apparence originelle du démon se superposait à son corps humain, terrifiante, le Mal dans son état le plus pur, nimbé de flammes démoniaques. Damascus lâcha un rire dément et sans effort apparent fini d'arracher l'âme  du corps frêle du jeune homme. Celle-ci cessa la lutte dans un hurlement de désespoir et, abandonnée, se tint à la merci de son tortionnaire, flottant telle une brume prête à se dissiper. D'un souffle brûlant, le tyran des Enfers l'enflamma et dans une volée d'étincelles pétillantes, ce qui avait été vivant s'éteignit pour l'éternité.
Des personnes du campement, aucunes, gardes compris, n'étaient restées, ayant fuies dès les premiers hurlements. Seul Saïf, près de son feu, se tenait pétrifié, murmurant :

"Djinn .... Djinn ...."

Sans un mot, Damascus délaissa l'enveloppe vide et mutilée du jeune garçon et ayant recouvrer son apparence normale, prit Alecto dans ses bras pour rejoindre le lieu tranquille où ils s'étaient installés initialement. Après quelques pas, il vacilla. L'énergie nécessaire qu'il avait puisé dans son essence démoniaque pour s'adonner à cette démonstration de pouvoir lui faisait maintenant défaut. Il aurait pu en mourir. Réellement. Il avait fait l'erreur d'extérioriser son aspect satanique alors qu'il lui manquait l'essentiel vital de sa condition.

Il vacilla à nouveau, épuisé, avant d'enfouir son visage dans le cou de sa protégée et de murmurer pour lui-même.

"Quelle erreur j'ai faite...."

Se remettre de cette exubérance lui prendrait quelques jours et il n'avait pas de temps à perdre.
Comme pour marquer sa désapprobation, un autre oiseau nocturne croassa.


Navigation

[0] Index des messages

[#] Page suivante

Utiliser la version classique