Fixer l'horizon

« Ici E-12. Ceci est un message automatique. Les instruments détectent une irrégularité gravitationnelle de classe D dans votre secteur. Je répète, les instruments détectent une irrégularité gravitationnelle de classe D dans votre secteur. Action recommandée : aucune. »

– Eh, lapin ! Arrête de rêvasser, lapin ! Faut qu'on ait terminé avant la nuit !

Le jeune paysan ponctua sa phrase d'un coup de bâton sur le dos nu du dénommé « lapin », un terranide à la fourrure sombre. La situation semblait issue d'une farce. L'hybride, qui n'avait pourtant rien d'un colosse, tirait à lui seul une charrue conçue pour au moins deux bœufs. L'outil creusait dans le sol des sillons profonds qui servirait plus tard au semis. L'humain, lui, n'avait qu'à appuyer légèrement sur le soc, s'assurant que les lignes tracées étaient bien droites. Il avait dans la main une grande branche souple dont il se servait de temps en temps pour inciter le terranide à avancer.

Ce qui n'avait pas fonctionné cette fois. Lapin s'était arrêté net. L'air troublé, il commenta :

– Elle a parlé, encore. E-12. L'intelligence artificielle de veille sectorielle. Tu n'entends rien ? Ça craint je trouve.
– Sérieux, « L'iNtELlIgEnCe ArTiFiCiElLe De VeIlLe SeCtOrIeLle », se moqua le garçon. Ben non on a rien entendu, lapin. Pasque c'est dans ta tête. T'es aussi fort que t'es taré, hein ? Je l'ai bien dit à papa quand on t'a trouvé... Il donna un nouveau coup de perche, plus fort, sur le dos de l'esclave : allez, au travail.

Lapin laissa échapper un bref glapissement de surprise, et recommença à tracter la charrue. Malgré l'heure tardive, il faisait anormalement chaud pour la saison. De grosses gouttes de sueur ruisselaient le long de ses flancs, s'éparpillant dans sa fourrure. Il n'y prêtait pas trop attention. Ses pensées étaient tournées vers le message qu'il venait de recevoir. Depuis qu'il s'était réveillé, deux mois avant, ce n'était pas la première, mais la troisième fois que cette voix lui parlait, pour lui dire des choses qu'il ne comprenait pas.

Ils pensent que je suis fou. Ils ont un peu peur de moi, je pense. Je ne crois pas que je sois fou. Mais... ils ont peut-être raison d'avoir peur. Je ne sais même pas moi-même si je suis dangereux.

C'était une famille de paysans qui l'avait récupéré, flottant le long d'une rivière, au milieu de la forêt. Le cours d'eau était connu pour parfois rejeter les déchets de Nexus, tout de même distante de plusieurs dizaines de kilomètres. D'apparence c'était un cadavre à la dérive, probablement celui d'un esclave en fuite. Le fils, Jérôme, l'avait poussé sur la rive pour voir s'il n'y avait malgré tout quelque-chose à dépouiller. Le corps examiné, il avait une très vilaine plaie à l'arrière de la tête, qui aurait été fatale à n'importe quel humain. Pourtant, aussitôt sur terre, il avait recommencé à respirer. En quelques jours seulement, son enveloppe avait guéri. Mais pas son esprit : le lapin demeurait amnésique, et quoiqu'il parlait un vocabulaire généralement soutenu, il ne se souvenait même pas de son propre nom.

Il y avait eu des suspicions, bien sûr, quand on avait découvert sa force exceptionnelle. Est-ce qu'il n'était pas la propriété d'un de ces mages de Nexus, aussi excentriques que puissants, qui pourrait venir le réclamer ? Mais le pragmatisme avait pris le dessus sur les craintes : on ne refusait pas un esclave docile et aussi apte aux travaux de la ferme quand il nous tombait dessus.

« Ici E-12. Ceci est un message automatique. Les instruments détectent une irrégularité gravitationnelle de classe C dans votre secteur. Je répète, les instruments détectent une irrégularité gravitationnelle de classe C dans votre secteur. Action recommandée : vigilance. »

Lapin s'arrêta de nouveau, fixant l'horizon.

– T'es chiant ! s'énerva le paysan en levant son bâton.
– Arrête Jérôme ! C'est quoi ton délire là ? Depuis quand on tape les esclaves ?

Une adolescente venait de dévaler une colline non-loin, et n'avait pas attendu de les rejoindre pour protester vigoureusement. Elle était rousse, assez petite comme son frère, et portait une tenue de garçonne.

– Oh ça va, il sentait presque rien, ricana le garçon, en jetant néanmoins, un peu honteux, la branche par-dessus une clôture.

De l'autre côté de la butte, il y avait la ferme familiale. C'était la demeure modeste mais confortable d'un couple qui avait déjà une demi-douzaine d'enfants. Il y avait aussi un silo rudimentaire, et une étable pour quelques animaux. Entourée de champs et de pâturages, l'exploitation était située à environ cinq-cent mètres d'un bourg tout à fait insignifiant.

« Ici E-12. Ceci est un message automatique. Les instruments détectent une irrégularité gravitationnelle de classe B dans votre secteur. Je répète, les instruments détectent une irrégularité gravitationnelle de classe B dans votre secteur. Une équipe de contrôle a été dépêchée sur place. »

– Je crois bien que ça augmente, prévint le terranide, non sans une certaine excitation.
– Quoi qui augmente ?
– Je n'ai aucune certitude. Peut-être que ça n'est rien... ou peut-être, peut-être que c'est pour moi ! E-12 me parle d'irrégularité gravita...
– T'as un grave problème dans ta tête toi. Tu sais quoi lapin ? Tais-toi. C'est mieux.

Le laboratoire sous terre avait été abandonné depuis que leur expérience vedette avait été tué, elle était tombée dans un bac de cryogénisation après avoir pris une balle. N’ayant pas été préparer, l’arrêt cardiaque avait été immédiat. Les plus hauts placés de Sephyrias avaient financé ce projet et elle était très prometteuse, Y.K.0.3.5 aurait pu être une marque d’une armée très puissante, mais le seul individu venait tout simplement mourir en cherchant à fuir. Ses poupées avaient été introuvable donc ils n’avaient même pas pu les ouvrir afin de se renseigner sur ce qui les animait. Sophia, la scientifique en chef, la « mère » d’Ykoes n’avaient pas eu le cœur à détruire le bac où se trouvait sa fille et avait laissé tout simplement le temps prendre le dessus, laissant simplement le générateur allumé jusqu’à que ce dernier se vide petit à petit.

L’arrêt de l’expérience avait tout de même permis à de nombreuses personnes de revoir leurs familles et retrouver une vie normale. Après tout, les scientifiques en chargent de l’affaire vivaient et travaillaient au même endroit, ne touchant pas l’argent qu’ils gagnaient, mais permettaient que leurs familles en profitassent. Les poupées quant à elles avaient veillé sur leur grande amie, cherchant tous les moyens pour la maintenir en vie. Car elles savaient parfaitement que la draph n’était pas morte, cela ne pouvait pas se passer ainsi. Elles étaient restées cacher le temps que le laboratoire ferme avant de préparer la venue d’Ykoes. Petit à petit, le générateur s’éteignit jusqu’à que la batterie prenne le dessus avant de s’épuiser. La glace fondant petit à petit et dès que le corps de la jeune femme avait pu être atteignable, les poupées avaient commencé à la réchauffer pour qu’elle sorte de son état léthargique.

Leurs travails finirent par avoir un fruit, Ykoes ouvrit les yeux sortant de l’eau, la tête brouillée comme quand ils la droguaient. Elle avait dû attendre quelques minutes avant de ravoir des nouvelles sensations, pouvoir simplement bouger le petit orteil lui infligeait une douleur énorme. Malgré son sommeil de belle au bois dormant, Ykoes se sentait très fatiguée et avait dû être giflé plusieurs fois pour s’assurer qu’elle ne se rendorme pas. Le temps passait tranquillement quand la draph avait pu marcher ses quelques pas en se tenant un peu à tout ce qu’elle avait. Rapidement Sha et Ryu avaient parcouru les trois réfectoires afin de trouver quelque chose à manger, mais non rien. La jeune fille portant toujours sa simple robe légère comme simple tenue, pied nue après tout. Il y avait rien qui lui permettait de porter autre chose. Un bandage sur son bras gauche d'une ancienne blessure magique.

La draph s’était tout doucement dirigé vers ce projet qu’ils n’avaient jamais aboutis, la porte temporelle ou encore porte des étoiles. Une technologie tellement avancée que seul un être du futur leur avait permise d’en créer une, mais ce dernier avait disparu avant de terminer son algorithme. Ykoes s’y pencha quelques minutes pour comprendre et parvint à l’ouvrir, laissant des spirales vrombissantes de toutes les couleurs l’émerveiller. Après tout, c’était sa seule porte de sortie, une deuxième porte devait être ouverte quelque part à moins qu’Ykoes aurait formé ce portail avec une magie qu’elle ne connaissait pas, après tout, elle ne connaissait rien d’elle-même.

Une entrevue avec une des déesses de ce monde avant de se retrouver de nouveau seule. Accompagnée par ses poupées et ses craintes, elle devait passer par ce portail avant qu’il referme. Son courage prit entre ses mains, elle sauta simplement dedans se laissant transporter à travers les âges et les mondes. Elle se rappelait juste la sensation de flotter avant de toucher le sol dans une petite clairière. Ykoes avait été séparée de ses poupées, car elle ne les trouva pas, et même en les appelant, rien. La draph se trouvait bien seule dans ce nouvel endroit, elle devait réussir à trouver de quoi manger, son ventre criait famine.

D’un point de vue extérieur, elle devrait ressembler à une étoile filante venant se crasher dans une clairière, une étoile filante violette avec une silhouette blanchâtre en plein milieu. Et même si elle ne le voulait pas, elle formera un impact sur le sol, car même si elle croit qu’elle venait juste d’atterrir sur une nouvelle terre, en réalité, pour quelqu’un d’extérieur, elle vient juste de se crasher en émanant des ondes de distorsions temporelles assez puissantes.

Elle regarda autour d’elle, rien de technologie, des oiseaux s’étaient envolés lorsque qu’elle avait apparue. Ykoes marcha de quelques pas sur ce nouvel endroit avant de tomber, ses jambes tremblaient. La voilà déjà tachée avec cette matière brune qui était le fruit de la terre et de l’eau, de la boue. La jeune fille aurait aimé pleurer et crier qu’on vienne l’aider, mais, elle savait trop bien que personne ne viendrait. Ykoes décida d’un peu ramper jusqu’à un petit ruisseau non loin de là pour tenter de retirer les quelques taches de boue le temps de savoir ce qu’elle pourrait faire. Ses poupées devaient être quelque part, mais, où ? La jeune draph ne pouvait marcher, elle avait des douleurs dans les jambes juste après la téléportation.

Sans le savoir, la jeune femme avait tout de même alerté quelques capteurs tekhans qui analysaient la région. Et si cette dernière ne quittait pas son « point d’impact », elle risquerait de se retrouver devant des personnes qui pourraient de nouveau se servir d’elle après tout, même si Ykoes vient de changer de monde. Elle est peut-être unique ou ressemble à une créature néfaste comme un démon… Elle pourrait être une cible à éliminer ? À refaire des expériences sur elle ? Se retrouver dans des situations dangereuses pour sa personne.

Lapin lâcha la charrue pour essuyer la sueur qui coulait de son front. Il semblait nerveux. C'était suffisamment inhabituel pour que la jeune paysanne s'en inquiète. Elle avait au bras un panier d'osier rempli de poires sauvages, qu'elle avait elle-même cueillies. Elle tendit vivement un des petits fruits au terranide :

– T'as mérité une pause, tiens.
– C'est gentil, merci.

Il accepta avec un large sourire, et croqua aussitôt dans la chair juteuse et rafraîchissante. Jérôme, qui n'osait pas trop se la ramener en présence de sa sœur, ne lui fit cette fois pas de reproche. Il soupira et attrapa lui aussi une poire. Ils discutèrent du puits, qui avait été contaminé, probablement par le cadavre d'un animal. En attendant, il faudrait aller chercher l'eau à la fontaine du bourg. Même un demi-kilomètre, avec des sceaux d'eau, c'était long. Mais Lapin promit qu'il s'en chargerait lorsque la nuit serait tombée.

– J'ai remarqué que mon acuité visuelle était bien meilleure que la vôtre, surtout dans l'obscurité.
– C'est ça, ironisa le paysan, un peu agacé. Et en plus, t'en as une grosse.
– Tu parles de ma verge ? Oh, oui. C'est sûr que si on se rapporte à...

Il s'interrompit en observant le visage alerté de son interlocuteur. Il ne comprit pas immédiatement, et pensa un instant que c'était le sujet qui le mettait dans un tel état. Quand Jérôme tendit le doigt vers le ciel, toutefois, il se retourna. Le ciel, déjà sombre à cette heure, était en train de s'illuminer d'un éclat violet mouvant. On aurait cru que la branche d'un éclair tombait au ralenti... sur eux, ou presque. La comète passa dans les yeux verts émerveillés de Lapin, avant de s'écraser dans la forêt.
 
– C'était donc ça, lâcha-il, songeur.
– Tu sais ce que c'est ?
– Non. Pas encore. Mais ça doit être quelque-chose de magnifique.
– Ouais bah... ça peut être dangereux surtout hein.
– Je vais aller voir.

J'ai le sentiment que je dois aller là-bas. Si cette voix me parle, juste à moi, c'est bien que j'ai quelque-chose à voir avec tout ça. Hier George à parlé du destin. J'ai écouté sans rien dire, mais j'ai bien aimé. Il est peut-être là, mon destin.

– Nan, hors de question. T'es notre esclave, tu restes avec nous.
– T'as la frousse Jérôme ?
– Quoi ? Nan.

Il y eut un moment de flottement. Le jeune homme fronça les sourcils, jetant un regard méchant à sa sœur.

– Mouais, t'as raison lapin, on va voir. Sandra, toi tu vas avertir papa. Et tu... tu peux dire à George de venir ?

L'adolescente hocha la tête, un sourire narquois au visage. Elle tourna les talons pour redescendre la colline. Jérôme, lui, retourna chercher le bâton qu'il avait jeté dans un talus. Puis il lança à Lapin avec une autorité artificielle :

– Bon, euh, tu passes devant.

Le point d'impact ne pouvait se situer très loin de là où ils se trouvaient. Ils espéraient juste qu'ils n'aient pas à traverser une portion trop dense de la forêt, là où il n'y avait plus du tout de chemin. Quelques minutes de marche plus tard, ils furent soulagés de cette inquiétude. Sur le bord d'une rivière, celle-là même où Lapin avait été trouvé, une étrange jeune femme était couchée. Sa tunique blanche était tâchée de boue, ce qui ne permettait pas d'en distinguer la facture.

– C'est qui elle encore, s'exclama le paysan en se frottant la tête.
– Il me semble que la manière la plus simple de le savoir, c'est de lui demander, annonça le terranide.

Même à deux, on ne pouvait pas dire qu'ils étaient effrayants. Le paysan mesurait moins d'un mètre soixante-dix. C'était un gringalet roux, le visage glabre, si rond qu'il semblait ne pas avoir de menton. Il était habillé simplement. Ses sabots étaient de bonne qualité et ses vêtements étaient sans trous, ce qui témoignait d'un petit confort de vie. L'hybride, lui, était plus grand et ne portait quant à lui qu'un short en toile. Sous la fourrure claire de son torse nu, on distinguait les reliefs d'une musculature plus développée que celle de son maître. Pourtant, avec ses grandes oreilles et ses grands yeux, il semblait encore plus inoffensif que lui.

Distançant largement le paysan, Lapin ne ralentit que lorsqu'il fut à une dizaine de mètres de l'inconnue. Il adopta alors une posture plus prudente, mais aussi plus ouverte. Il écarta les bras et sourit, révélant ses deux incisives supérieures. Lentement, il continua à s'approcher.

– Bonjour ! Je m'appelle Lapin, et je suis esclave à la ferme Clermont. Je ne connais pas votre nom. Est-ce que vous pourriez me l'indiquer ? Je pourrais communiquer plus facilement avec vous si je dispose de cette information. Est-ce que vous êtes blessée ? Si c'est le cas, je suis en mesure de vous administrer les premiers secours. Enfin... je crois ? Je ne sais pas trop pourquoi j'ai dit ça. Bon. Cette dernière information, il faut que vous la preniez au conditionnel, désolé.

Je ne vois pas de sang, mais elle n'a pas l'air de pouvoir se relever. J'espère qu'elle va bien. À part ça, je note qu'elle est jolie... je pense. Je suis sûr qu'elle va plaire à Jérôme !

La jeune femme tenta plusieurs fois de remuer ses jambes, mais une douleur la foudroyait sur place comme si des milliers d’épées venaient la transpercer en même temps. Était-ce vraiment ce que les êtres magiques ressentaient quand ils se téléportaient ? En tout cas, Ykoes trouva cela très douloureux, lâchant même quelques plaintes. Ses cornes avaient encore gardé les décorations qu’elle avait bien que les bijoux semblent être devenus assez fragiles qu’on pourrait les casser rien qu’en les touchant. Les couleurs étaient devenues ternes bien que le joyau violet-rose semblait toujours aussi éclatant. Un bandage se trouvait sur son bras gauche qui cachait une ancienne blessure provoquée avec la magie, bien qu’elle émanât une aura.

Sa petite robe blanche était fine, un tissu ressemblant à un mélange de soie et de voile, une ceinture en métal faisant office de corset maintenant sa poitrine voluptueuse en place. La robe s’arrêtait à ses chevilles tandis qu’on pouvait remarquer des pieds nus, celle d’une humaine. Ykoes était tout à faire humaine, seulement ses petites oreilles ainsi que ses cornes semblaient la différencier de ses congénères humains. Il y avait bien entendu également une petite taille, mesurant à peu près, un mètre soixante pour cinquante-cinq kilos. Très fine, on devinait parfaitement où allait ses kilos en trop... Par rapport aux autres draphs, Ykoes pourrait être en excroissance, en effet, la taille des draphs mesurant à peine un mètre trente. L’explication la plus plausible viendrait des nanotechnologies ainsi que les breuvages bien chimiques qu’on lui injectait.

La jeune fille était allongée avant de tout doucement se rasseoir sur un des rocher, la fin de sa robe traînant dans l’eau tandis qu’elle amena au creux de sa main de l’eau pour tenter de nettoyer ses taches brunes. Mais malheureusement, l’eau ne fit qu’éclaircir la tâche et l’agrandir en même temps. Un résultat pitoyable et pourtant, elle semblait y tenir continuant de frotter avec ses pouces le maigre tissu tout en espérant que le blanc reviendrait blanc. Ykoes s’arrêta quand elle entendit quelques bruits proches d’elle, venant tenter de se reculer avant de remarquer deux hommes, l’un était roux et l’autre était gris. Ce dernier s’était approché venant commencer à parler. La jeune fille restait toujours éloignée, la peur se lisait sur son visage, c’était bien la première fois qu’elle rencontra quelqu'un de complètement nouveau.

– Bonjour ! Je m'appelle Lapin, et je suis esclave à la ferme Clermont. Je ne connais pas votre nom. Est-ce que vous pourriez me l'indiquer ? Je pourrais communiquer plus facilement avec vous si je dispose de cette information. Est-ce que vous êtes blessée ? Si c'est le cas, je suis en mesure de vous administrer les premiers secours. Enfin... je crois ? Je ne sais pas trop pourquoi j'ai dit ça. Bon. Cette dernière information, il faut que vous la preniez au conditionnel, désolé.

La voix du dénommé lapin lui rassura, venant prendre une posture différente à celle de défense, regardant d’un air inquiet autour d’elle. Le don de Shiro l’aidant bien à comprendre, certes pas à la perfection, mais elle comprenait l’essentiel. La jeune femme tenta de se redresser comme Sophia lui avait expliqué, mais à peine mit debout, elle retomba assise sur son rocher, grimaçant un petit coup avant de soupirer.

« Je… Appelle Ykoes… Ne pense pas être blessée, sha doit être un effet secondaire de mon atterrissage. » Dit-elle d’une voix très douce et calme, un petit sourire aux lèvres. « Tu parles étrangement… »

Elle se frappa un petit coup sur la tête en soupirant, après tout. Elle parlait aussi d’une drôle de façon et voilà qu’elle était en train de faire une remarque sur quelque chose qu’elle faisait également. La jeune fille secoua ses mains devant elle, d’un air désolé avec un soupçon de tristesse.

« Je ne veux pas être désobligeante, mais on dirait que tu parles et tu penses en même temps ! Je ne sais pas où je suis, je viens d’arriver d’un grand portail… Avant, j’étais dans un laboratoire avec scientifique Sophia Campbell ! »

Sa dernière phrase était dite d’une façon moins enjouée que le reste, comme si elle récitait un ordre qu’on lui avait fait apprendre pour qu’elle puisse retrouver son chemin. Ykoes se frotta le derrière de sa tête, un petit air gêné avant de regarder le deuxième jeune homme non loin de Lapin, se demandant bien ce qu’il allait faire. Lapin était esclave, ce qui la fait attrister, car les nombreuses lectures lui avaient signalé qu’ils étaient malheureux et contraint à faire des choses ignobles. Elle aurait pu réagir autrement, mais, elle se trouvait dans un endroit inconnu alors elle devait rester sage comme on lui disait le plus souvent.

« Qui est-ce ? » En désignant le rouquin du doigt, d’un air enfantin.

Sans se départir de son sourire, Lapin écouta la jeune femme parler avec attention. Jérôme, qui venait d'arriver à leur hauteur, n'en manqua pas non-plus un seul mot… même s'il regardait clairement Ykoes un peu plus bas que dans les yeux.

– Ahah, sans dec'. Même elle, elle trouve que t'es bizarre, s’esclaffa-t-il quand il entendit la remarque sur l'élocution du terranide. Ouais, excusez-le, il est taré.

Le paysan croisa les bras. Il n'était quand même pas très à l'aise, et ne savait comment se comporter. La prudence lui dictait de se tenir à carreau, légèrement en retrait derrière Lapin. Celui-ci avait une expression plus concernée depuis qu'il avait vu la jeune femme tenter de se lever et échouer.

– C'est COOL de vous rencontrer, Ykoes ! Du coup, j'en déduis que vous êtes perdue ? Je suis sûr que nous pourrons vous aider à retrouver votre chemin ? Il jeta un coup d’œil au garçon.
– Mouais, répondit ce dernier, avant d'ajouter : j'suis Jérôme.
– Jérôme Clermont, compléta Lapin. C'est un de mes maîtres. On ne devrait pas rester ici, si vous m'en donnez l'autorisation formelle, je vais vous porter…

Des laboratoires, des scientifiques. Je ne suis même pas sûr de savoir de quoi elle parle mais, j'ai comme une impression de déjà-vu ? Peut-être qu'elle est exactement comme moi. Pourtant, Sophia Campbell… non, ça ne me dit rien.

Il mit un genou à terre près d'Ykoes, sachant qu'il n'aurait aucune difficulté à la soulever du sol. Il pouvait hisser à bout de bras plusieurs fois son poids. Force était de constater cependant qu'il ne sentait pas très bon, et c'était sans doute l'unique chose qui rendait sa proximité moins attractive. Après une après-midi entière de travail à la ferme, son pelage avait une odeur de terre et de sueur.

Toutefois, avant qu'il puisse mettre en œuvre sa proposition, une voix grave retentit derrière eux :

– Wah, vous avez trouvé quoi les mecs ?

Jérôme et Lapin tournèrent la tête. Venait de les rejoindre un homme qui devait avoir le milieu de vingtaine.

– Je te présente Ykoes. Elle est arrivée ici par magie et elle est incapable de marcher pour le moment. Nous allons l'amener à la ferme. Ykoes, voici George Clermont. C'est un autre de mes maîtres.
– Par magie, vraiment ?

George était presque aussi grand que le terranide, et donc beaucoup plus grand que son petit frère. À l'inverse de lui, il était très musclé, voire un peu lourd. Ses cheveux tiraient davantage sur le brun, ses yeux étaient noirs, et son visage était plus carré, avec une mâchoire marquée. Il portait une chemise en lin légèrement trop petite pour lui, et un pantalon assorti.

– Que t'avale ça, Lapin, ça m'étonne pas. Mais Jérôme, j'attendais mieux de toi, fit-il, d'une voix plus amusée que réellement fâchée. C'est un beau morceau, j'vois pourquoi t'as été distrait, mais voilà le détail à pas manquer…

Il fléchit les jambes et, sans prévenir, attrapa une des cornes d'Ykoes. Se relevant, il la força à faire de même. Tirant sur la protubérance, il maintenait la jeune femme debout de telle sorte que même si ses jambes étaient faibles, elle ne retomberait pas. Il ressemblait à un instituteur retenant un enfant fautif par le lobe de l'oreille.

– Elle a des cornes et elle est… pas normale. C'est une terranide. Esclave en fuite, encore une.

Le paysan la jeta en arrière, la faisant chuter sur les fesses, à quelques mètres de la rivière.

– P'têtre qu'on va venir la récupérer, élabora-t-il d'un ton docte. Mais en attendant, esclave trouvée, esclave appropriée…

Il appuya son sabot contre l'épaule de la jeune femme, pesant d'une partie de son poids pour l'empêcher de se relever. Il se baissa, et glissa trois doigts dans le décolleté de la robe. Il commença à tirer sur le tissu souillé de toutes ses forces, pour le déchirer, et l'arracher entièrement s'il pouvait.

– Regarde moi ça… j'pense qu'on peut s'amuser un peu avant de la ramener à la ferme.
– Mh, ouais, carrément, confirma Jérôme, mal-à-l'aise mais soucieux de paraître enthousiaste.

Lapin était resté interdit tout le long du discours. On le sentait un peu choqué, mais il ne disait rien. George était son maître après tout. De ce qu'il restait de sa programmation… le principal trait qu'on lui avait enseigné était l'obéissance. En tout cas, certainement pas la bonté. La bonté n'était pas une qualité pour un espion, bien au contraire ; si le terranide était gentil, c'était à l'origine pour gagner la confiance de ses interlocuteurs, et s'il l'était réellement devenu, ce n'était pas encore quelque-chose de pleinement assumé. Dans ce contexte, il n'était pas très sûr de lui. Alors il ne fit rien.

– Tu vas lui tenir les jambes, qu'elle bouge pas, lui ordonna le paysan. Si tu fais ça bien, tu pourras passer après Jérôme et moi.

L'hybride lança à Ykoes un regard gêné, le genre qui demandait presque « ça te dérange ou pas ? ».

– Ahah, sans dec'. Même elle, elle trouve que t'es bizarre. Ouais, excusez-le, il est taré.
– C'est COOL de vous rencontrer, Ykoes ! Du coup, j'en déduis que vous êtes perdue ? Je suis sûr que nous pourrons vous aider à retrouver votre chemin ?
– Mouais, j'suis Jérôme.
– Jérôme Clermont. C'est un de mes maîtres. On ne devrait pas rester ici, si vous m'en donnez l'autorisation formelle, je vais vous porter…

Ykoes était toujours silencieuse en écoutant attentivement tout ce qui se disait, notant donc le nom du fermier qui était à côté de lapin et surtout un des maîtres, quelque chose qui l’attristait tout de même, mais elle ne pouvait rien faire sur cela. Le « terranide » sûrement le nom de la race du fameux lapin sur ce monde, vint lui proposer de la porter, elle hocha la tête. La jeune fille semblait tout de même inquiète de ne pas revoir ses amis, mais, elle savait qu’ils n’étaient pas loin. Elle allait le laisser faire quand une voix les interrompit.

– Wah, vous avez trouvé quoi les mecs ?
– Je te présente Ykoes. Elle est arrivée ici par magie et elle est incapable de marcher pour le moment. Nous allons l'amener à la ferme. Ykoes, voici George Clermont. C'est un autre de mes maîtres.
– Par magie, vraiment ? Que t'avale ça, Lapin, ça m'étonne pas. Mais Jérôme, j'attendais mieux de toi. C'est un beau morceau, j'vois pourquoi t'as été distrait, mais voilà le détail à pas manquer…

Après une brève explication de ce qu’elle était et d’où elle venait, le nouveau venu vint l’attraper par une de ses cornes la relevant d’un coup. Ykoes surprise se débattit en essayant de lui taper le bras, n’allant pas avec force juste pour qu’il arrête de la prendre comme cela, ses oreilles baissées n’appréciant pas du tout son geste. Elle lâcha quelques cris comme un petit animal effrayé quand ce dernier la fit retomber sur le sol, commençant à se redresser.

– Elle a des cornes et elle est… pas normale. C'est une terranide. Esclave en fuite, encore une. P'têtre qu'on va venir la récupérer. Mais en attendant, esclave trouvée, esclave appropriée…
« Ykoes n’est pas une esclave !! Ykoes n’est pas terrinide !! » Cria-t-elle venant froncer les sourcils en essayant de justifier ce qu’elle n’était pas.

Finalement, l’homme plus vieux vint la bloquer avec son sabot, Ykoes reprit à frapper le mollet pour le dégager, tapant des mains et se tortillant comme elle le pouvait. Elle s’arrêta en voyant sa tenue se déchiré venant montrer surtout sa poitrine nue, ne portant aucun soutien-gorge, pas sûr qu’elle connaissait ce terme en plus. Après quelques secondes sans bouger, elle reprit à se débattre venant remuer comme pas possible. Sa poitrine libérée, tout le monde pouvait aisément voir les deux seins bouger avec plus d’aise, les mamelons d’une couleur rose clair tandis que le ventre dévoilé semblait montrer d’ancienne cicatrice de piqûre et d’autre cicatrices diverses et variées.

– Regarde moi ça… j'pense qu'on peut s'amuser un peu avant de la ramener à la ferme.
– Mh, ouais, carrément.
– Tu vas lui tenir les jambes, qu'elle bouge pas. Si tu fais ça bien, tu pourras passer après Jérôme et moi.

Elle ne se souciait plus de lapin, son regard était effrayé. Elle cherchait juste à s’échapper comme elle le pouvait de cette emprise, n’aimant pas ce qu’elle vivait. Ykoes se débattait comme elle le pouvait malgré la douleur sur son épaule bloquée.

« Pas terrinide !! Pas terrinide !! A l’aide ! Pas esclave ! » Continua Ykoes tout en se débattant, maudissant sa faiblesse au niveau de ses jambes.

Les cris de leur maîtresse alarmèrent les quatre poupées qui s’étaient retrouvés. Bien entendu, ils avaient été séparés lors de la téléportation, mais en aucun cas, ils n’étaient pas loin. Ils étaient sur le chemin, en pistant l’aura d’Ykoes comme des chiens bien que les cris et l’état d’alerte de la jeune fille les firent prendre des décisions plus rapides et de retrouver la draph encore plus rapidement qu’ils avaient prévus.

La petite troupe qui était autour de la jeune fille pourrait entendre les feuilles bouger rapidement comme si c'était un coup de vent, mais de façon plus précise. Les poupées avaient vu les derniers moments de leur maîtresse et en aucun cas, ils allaient la laisser se faire violer. Rapidement, on pouvait entendre un ricanement autour d'eux tandis qu'une d'entre elles s'approchait et se montra. C'était une poupée avec des yeux violets et un sourire laissant voir la même couleur que le fond des yeux de sa bouche, une couleur violette. Elle portait une tenue rouge et blanche, pouvant faire penser à une serveuse mais la chose la plus remarquable était une sorte de dague à sa taille et le fait qu'elle bougeait toute seule, c'était Sha. Sa taille n'était pas exagérée bien qu'à côté d'Ykoes, on pouvait bien comprendre qu'elle mesure deux fois moins que cette dernière.

Sha n'attendit pas que quelqu'un bouge pour venir foncer d'une vitesse inouïe, une vitesse que personne aurait pu l'arrêter venant donner un coup de sa dague contre le mollet du dénommé George pour l'empêcher de maintenir toujours la draph au sol. Le coup avait été net, précis et profonde, aussi profonde qu'une humaine de taille moyenne aurait pu donner avec un peu de force puis se mettre en position d'attaque devant Ykoes comme pour la protéger tandi que les trois autres se montrèrent finalement, possédant toujours cette fameuse dague et la couleur des yeux de la même couleur que Sha. Ykoes vint se reculer rapidement toujours en train d'être veiller par ses amis, prête à foncer sur ceux qui s'approchaient d'un peu trop près.


« Ykoes veut pas faire mal !! Sha non plus mais, Ykoes pas esclave ! Ykoes veut pas !! Sha revient ! »

A peine les mots prononcés, Sha revient vers Ykoes restant toujours sur ses gardes venant grimper sur la jeune fille avec Eryu, la seconde poupée venant cacher la poitrine dénudée de cette dernière.

George et Jérôme n'étaient pas très attentifs aux bruits engendrés par l'approche de la poupée ; les protestations d'Ykoes accaparaient toute leur attention. Seul Lapin tourna une de ses oreilles vers la source des rires.

– Vous avez entendu ça ? les prévint-il.
– Rien à foutre de tes voix, lapin, répondit Jérôme sans même le regarder.

Leurs yeux étaient rivés, pervers, sur la poitrine de la jeune femme, qu'ils avaient exposée contre son gré. Ils semblaient fascinés par les cercles que chacun des seins décrivait, alors que leur propriétaire essayait de se défaire de la prise de George. Le paysan résistait sans mal aux assauts, et il jeta sur le sol les morceaux de tissu qu'il lui restait dans la main.

Sans attendre, il s'apprêta à se pencher de nouveau pour tirer sur le dernier vêtement de sa victime et la mettre complètement à nue. C'est alors qu'il poussa un cri de douleur strident. Un instant plus tard, il roulait sur le côté, serrant entre ses doigts son mollet sanglant.

– Oh putain, oh putain ! s'exclama son petit frère en se reculant brusquement.

Il ne tenait pas à grand-chose qu'il s'enfuit en courant, mais le choc le maintint un instant sur place. Lapin, lui, garda son sang froid. Il se sentait étrangement confiant ; sans doute comprenait-il inconsciemment qu'il avait été conçu pour agir dans de telles situations de tension soudaine. Il prit le temps d'analyser les forces en présence. Il n'avait jamais rien vu de semblable aux poupées qui venaient de se ruer au secours d'Ykoes. Il ignorait leur force, mais ce qui était certain, c'est qu'elles étaient armées.

Elles sont tellement jolies. Presque aussi jolies qu'elle ? Quels sont les critères ? Non, ce n'est pas le moment de s'inquiéter de ça. Elles ont chacun un couteau. Je crois que j'ai déjà été blessé par un couteau. J'en ai un mauvais souvenir. Les couteaux. Je suis légèrement mal à l'aise.

– Jérôme. Il vaut mieux que tu aides George à se relever et que vous vous en alliez. Je vais les ralentir.

Pour la forme, il adopta une posture de combat. Celle-ci était étrangement experte, pour un simple esclave agricole, et lui-même n'en connaissait pas l'origine. Il s'abstint bien de tout geste agressif, restant strictement sur la défensive. Son idée était de faire croire aux paysans qu'il allait se battre, ainsi ils fuiraient sans doute plus vite. La manœuvre fut efficace, puisqu'il n'en fallut pas plus pour que Jérôme attrape son frère sous le bras et batte en retraite. Le duo s'éloigna rapidement, boitillant et jetant de frénétiques regards en arrière.

Une fois les jeunes hommes hors de portée, Lapin se détendit. Il demeurait prudent, mais il fit comprendre que le combat n'avait jamais été dans ses intentions.

– Personne ne veut d'autres blessés, d'accord ? Ykoes… Votre réaction était compréhensible. Je suis désolé, sincèrement, que ça se soit mal passé. Ykoes, je vais veiller à ce que ça ne se reproduise jamais.

Il alla jusqu'à s'agenouiller pour exprimer son regret. Les genoux et les coudes dans la boue, les oreilles et les yeux baissés, il offrait un spectacle en contradiction totale avec ce qu'il avait annoncé aux paysans qu'il ferait.

Elle doit me détester maintenant. Je n'ai rien fait pour l'aider. Je ne pouvais pas, je ne pouvais pas. C'était mon maître. Je ne suis pas une mauvaise personne, mais c'est juste que je ne pouvais pas. Mais maintenant, je peux. C'est déjà ça.

– Je ne pense pas que les Clermont voudront vous prendre à la ferme après ça… mais peut-être, peut-être ça n'est pas plus mal pour vous ? Par contre, si vous voulez être en sécurité, il vaut mieux vous emmener dans une autre ville.

« Agent Squid sur zone. Je cherche l'origine de la déformation. Probablement une faille dimensionnelle. Objectifs : repérage, isolement et décontamination. Autre personnel de terrain, signalez-vous. »

Le nouveau message fit bondir l'hybride ; il se releva soudainement, scrutant tout autour de lui. Pas le moindre signe de l'agent Squid pour le moment, mais elle ne pouvait être très loin.

– On dirait que c'est différent cette fois. Quelqu'un vous cherche. Je ne sais pas qui… C'est juste que je suis absolument sûr que ce n'est pas bon. Je suis même presque certain que ce n'est pas bon. En tout cas, je suis formel. Ykeos, il faut qu'on s'en aille d'ici, vite.

Il allait s'approcher de la jeune femme, mais la présence des poupées le dissuada. Il ne pouvait pas prévoir comme elles réagiraient s'il tentait de s'approcher. Son visage était beaucoup moins serein que lorsque George avait été blessé.

– Il faut que vous me fassiez confiance. Je comprends que ce n'est pas facile mais j'ai de bonnes raisons de penser que c'est votre seule chance de survie. Je réitère ma proposition de vous porter. Il répéta, avec toute l'autorité dont il pouvait faire preuve : on doit filer d'ici avant qu'elle nous trouve.

Ykoes restait silencieuse tandis que les poupées continuaient à se montrer sur leurs défensives. Tandis que lapin restait dans une position d’attaque le temps que ses maîtres partent de cet endroit. La draph avait les larmes qui coulèrent sur ses joues en ayant peur des conséquences. L’esclave était resté malgré tout et vint même se positionner d’une autre façon, elle allait dire quelque chose quand ce dernier se mit à genoux tout en continuant de parler venant le laisser faire, de la peine dans les yeux.

Elle regarda ses poupées venant hocher la tête et ces dernières semblaient se montrer plus compréhensive venant prendre les morceaux de tissu en cherchant à refaire son haut comme ils le pouvaient, laissant même Ykoes seule avec le terranide, disparaissant même de leurs visions. Ykoes essaya de se rapprocher de lui, tendit même une main en sa direction voulant lui dire quelque chose, mais ce dernier reprit.

Elle n’avait rien dit d’autres, le laissant parler jusqu’au bout. Après tout, elle ne savait pas quoi vraiment dire sur le coup. Ykoes n’avait pas vraiment envie de le blesser, elle cherchait juste à se débattre afin qu’on ne lui fasse pas mal et les poupées l’avaient juste protégé. Sur ce qu’on lui avait dit, elle venait juste de faire une attaque légitime, car c’était pour se défendre. Ykoes vint détourner la tête, une main au-dessus de sa poitrine, vers le cœur.

« Je suis navrée de ce que Sha a fait à ton maître, mais il avait porté la main sur moi contre mon gré. Mes amis ont juste voulu me protéger… Je ne les contrôle pas, enfin, un peu, mais elles agissent de leurs propres grés. »

Ykoes n’en avait pas conscience que c’était des parties d’elle, après tout. Elle avait toujours eu ses poupées, c’était ses seules amie, celles qui l’avaient à faire sourire après qu’elle soit triste. Elles faisaient tout pour rendre Ykoes heureuse. On pouvait voir dans les fourrés non loin, les yeux d’une poupée qui restait veiller secrètement les deux tandis que les trois autres étaient occupés avec les morceaux de tissus pour tenter de reformer le haut de la robe déchirée précédemment.

« J’accepte que tu m’aides, lapin et je suis encore désolée… »

Elle avait remarqué qu’il semblait être plus pressé sur ces dernières phrases se demandant bien pourquoi donc, mais ne préféra rien dire. Les quatres poupées revenaient se montrer aux deux "humains", un regard blasé et dépité car elles n'avaient pas réussi à reconstituer la robe. Ykoes ne disait rien et pourtant son regard semblait bien montrer que des échanges d’informations avaient lieu parce qu’après quelques secondes, on pouvait voir ces dernières partirent d’une grande vitesse parmi les différents lieux possible.

« Pour se faire pardonner d’avoir attaqué ton maître, elles partent à la recherche d’un abri pour la nuit. Nous pouvons nous en aller, elles nous retrouveront. Je… Tu peux me porter, je ne peux pas encore utiliser mes jambes… »

Ykoes venait lâcher un faible sourire venant se mettre pour qu’il puisse la récupérer de la façon la plus facile, elle se laissera faire en espérant qu’elle ne soit pas trop lourde pour ce dernier. Ykoes regarda autour d’elle, la lumière du jour commençait cruellement à baisser petit à petit. Le soleil sombrait petit à petit, laissant les couleurs chaudes colorées le ciel d’un rouge et d’un jaune passant par le rose et le violet. L’air commença également à se rafraîchir laissant une chair de poule se montrer sur sa peau tandis que ses oreilles se redressèrent tout doucement, rassurée.

Aussitôt qu'Ykoes se remit à sourire, Lapin fit de même. Son grand sourire de rongeur était néanmoins inquiet, et il ne perdit pas de temps. Il se baissa vers la jeune femme, et s'excusa d’avance de ce qu'il allait faire :

– Je suis désolé, mais comme ça, il y a des chances non-négligeables qu'elle me gêne. Pas le temps de l'enlever, ne vous gênez pas, je vais la déchirer. Prévenez vos amies qu'il ne s'agit pas d'une nouvelle agression. Je ne vais pas vous blesser. Jamais.

D'une main douce mais avec des gestes rapides, le terranide saisit le bas de la robe d'Ykoes. L'étoffe avait trempé dans la boue, mais de toute façon il n'avait déjà pas les doigts très propres. Puis il mordit dans le tissu pour créer une entaille. Enfin, il déchira le vêtement sur sa longueur, s'arrêtant juste avant la taille de la jeune femme. Il réfléchit, et il fit rapidement une autre coupe, en largeur cette fois, au-dessus de son genou. L'étrangère se retrouva avec une jupe très courte, fendue à l'avant.

Il se retourna et s'assit.

– Alors, si vous me permettez de passer vos jambes ici… Collez-vous contre moi, comme ça. Vous pouvez tenir mon cou si vous voulez. Je ne suis pas du tout embarrassé par le contact intime de votre poitrine contre mon dos. J'espère que ça ne vous gêne pas non-plus.

Il encercla les cuisses d'Ykoes, passant ses bras sous les genoux de la jeune femme. Puis il l'aida à se hisser en l'attrapant par les poignets et en tirant doucement. Lapin se leva sans aucun problème. Elle était si légère qu'il aurait même pu la prendre dans ses bras comme dans un berceau. Il voulait toutefois avoir les mains libres, au cas où.

De cette façon, il pouvait aussi courir bien plus vite… Une fois certain qu'Ykoes n'allait pas tomber, il en fit la démonstration en partant au quart de tour. Avec le peu d'élan qu'il avait, il ne lui fallut qu'un seul bond pour franchir la rivière. Même si les terranides lapins étaient connus pour leurs qualités de sauteur, les siennes étaient presque surnaturelles.

Ils s'enfoncèrent ainsi plus profondément dans la forêt. Le terrain était accidenté mais même à cette vitesse, Lapin avait le pied sûr. La position ne devait pas être trop désagréable pour la jeune femme. Son porteur restait courbé le strict minimum pour qu'elle ne soit jamais déséquilibrée. Sa fourrure, contre laquelle elle était collée, était très douce à défaut de sentir très bon.

– Ykoes… je dois vous avouer maintenant : je voyage de façon semi-aléatoire. Je ne le voulais pas vous le dire tout de suite pour ne pas vous paniquer, et parce que je craignais que vous refusiez. Pour l'instant, j'ai pour objectif de gagner du terrain, et la bonne nouvelle c'est que je crois que ça fonctionne. Mais il faut que vous sachiez que je n'ai absolument aucun repère dans cette forêt. Je ne connaissais que la ferme… Aussi longtemps que je me souvienne, j'ai toujours été l'esclave des Clermont. Ma mémoire n'est pas fiable du tout. La structure de la forêt m'empêche en outre de décrire des lignes droites parfaites. En conséquence de quoi… il existe une probabilité que nous nous perdions. Par chance, je vois très bien dans la nuit ! En revanche, j'ignore quelle est la dangerosité de ce milieu. Bilan mitigé, donc. Mais je reste optimiste sur nos possibilités de survie ! On va s'en sortir !

*
*   *

Squid, Ophélie de son vrai prénom, était en poste à Nexus lorsqu'elle avait reçu l'alerte automatique de déformation des champs. Être d'astreinte lorsqu'il ne se passait rien était sans doute la chose la plus ennuyeuse du monde, alors elle avait été ravie d'être mobilisée. C'était pour elle une occasion d'enfin s'amuser un peu. Il n'y avait pas des failles vers des dimensions hautes tous les jours dans son secteur. Avec un peu de chance, il y aurait même de l'action, songeait-elle.

Elle n'avait pris que deux minutes pour enfiler sa combinaison. C'était un vêtement de combat de couleur kaki, renforcé et avec une visière. Le tout était à la fois technologique et discret. Puis elle était directement passée dans le téléporteur courte-distance. Là, elle avait dû attendre plusieurs minutes d'obtenir les accréditations nécessaires au saut. Les protocoles de contrôle de Tekhos étaient assez stricts avec ce type de matériel. Avant d'être projetée en trois secondes sur une centaine de kilomètres, elle visualisa sa destination : l'orée d'une forêt.

Flash de lumière, et elle y fut. Aussitôt, elle repéra deux paysans qui paraissaient fuir quelque-chose. L'un d'entre-eux était blessé. Ils parurent encore plus paniqués de la voir apparaître devant eux.

– Oh merde ! Nous faites pas de mal, on savait pas !
– Du calme, hommes de Nexus. Décrivez-moi précisément ce que vous avez vu.
– Elle, il…
– Une femme qui ressemble à une terranide, avec une robe blanche et des cornes. Elle m'a fait ça. Le paysan indiqua son mollet.
– Il y avait aussi des sortes de grosses poupées. Elles… elles ont MANGÉ notre esclave madame !

Squid plissa les yeux. Ces mâles étaient en état de choc, et elle sentait qu'elle n'en tirerait pas beaucoup plus. Elle les largua là, sans un mot, entendant quand même crier :

– Vengez notre esclave madame !

Tout en continuant à courir, elle regarda le cadrant qu'elle avait au bras. Les portails ne laissaient pas ceux qui les traversaient inertes. Ils conservaient sur eux une signature énergétique qui pouvait durer plusieurs jours. En l’occurrence, elle observait sur son écran plusieurs points, cinq au total.

Elle fondit vers le plus proche, et ne mit guère longtemps avant de tomber nez à nez avec une des poupée contre lesquelles on l'avait mise en garde. C'était une caricature de petite humaine, avec une robe verte et de courts cheveux blonds. Bien sûr, elle bougeait… et ses yeux lumineux n'étaient pas rassurants.

– Qu'est-ce que t'es, toi ? grommela-t-elle.

Squid n'était pas une débutante. Elle agissait vite et efficacement. Surtout, sa combinaison était ce qui se faisait de mieux en matière de capture de spécimens dangereux. Des bras robotiques souples émergèrent de son dos, comme les tentacules d'une pieuvre de métal. C'était d'ailleurs la raison pour laquelle on l'appelait Squid.

Les appendices se terminaient chacun par une pince à quatre doigts. Elle en envoya un droit sur la poupée, pour la saisir. Une fois qu'elle l'aurait attrapé, elle serait soulevée du sol et n'aurait probablement aucun moyen de se libérer.

– Je suis désolé, mais comme ça, il y a des chances non-négligeables qu'elle me gêne. Pas le temps de l'enlever, ne vous gênez pas, je vais la déchirer. Prévenez vos amies qu'il ne s'agit pas d'une nouvelle agression. Je ne vais pas vous blesser. Jamais. Alors, si vous me permettez de passer vos jambes ici… Collez-vous contre moi, comme ça. Vous pouvez tenir mon cou si vous voulez. Je ne suis pas du tout embarrassé par le contact intime de votre poitrine contre mon dos. J'espère que ça ne vous gêne pas non-plus.

Ykoes ne disait rien d’autre avant de découvrir qu’il venait raccourcir le reste de sa robe en rougissant, mais se laissa faire, les poupées étaient parties à la recherche d’un coin où dormir pour la nuit et la jeune fille n’avait pas donné une alerte ou quelque chose ainsi, il n’y avait aucune crainte. La draph se laissa faire détournant un peu le regard avant de se retrouver en mini-jupe en rougissant énormément. Elle le regarda longuement tout de même, malgré cela, il avait des mains d’expert. Quand il termina, elle vint ramper jusqu’à lui pour se mettre dans la position comme il le souhaitait.

À peine installée, les bras autour de son cou tout en cherchant à ne pas l’étrangler, elle vint regarder autour d’elle tout en le voyant courir, ce qui le surprit tout de même. Rapidement, dans les fourrées, on pouvait voir les poupées courir d’une très grande vitesse, pouvant ressembler à des lumières violettes qui sillonnent les endroits. Elles ne restèrent jamais ensemble, chacun partait dans une direction opposée, cherchant toujours un refuge pour la nuit. Ykoes écoutait attentivement ce que disait lapin, il se perdait également dans ce qu’il disait, mais, elle comprit le nécessaire, venant hocher la tête.

Il aura fallu attendre quelques minutes avant qu’une des poupées se rapprochât suffisamment pour permettre un lien visuel avec Ykoes donnant des informations de ce qu’elle avait trouvé. Une grotte à moitié souterraine, laissant juste la place pour ramper pour rentrer dedans. De l’eau à proximité et les autres poupées étaient en train de chasser pour trouver de quoi manger. Ils n’étaient pas loin, Ykoes hocha la tête avant d’approcher ses lèvres près des oreilles de lapin.

« Shi, une de mes poupées, a trouvé un endroit où on peut se cacher pour cette nuit-ci, suis là, elle va te guider. »

A peine les mots prononcés, lapin pourra voir la poupée le dépasser et sautiller pour se montrer. Une partie de son visage avait été décousu et la laine en dépassait, il possédait également toujours cette dague mais chercha à ne pas l’attaquer, il sautilla plusieurs fois avant de commencer à filer comme une lumière à travers. A un moment, il tourna vers la droite venant attendre que lapin le suive pour arriver à la grotte qui était dans la centaine de mètres par rapport à leurs positions. Ykoes regarda autour d’elle et petit peu par petit peu, on pouvait voir les lumières violettes se rapprocher au nombre de deux ( 3 avec Shi) avant de repartir pour chasser la nourriture, il manquait bien entendu une des poupées ce qui la laissa sans voix pour le moment.

La poupée qui manquait, du nom d’Eryu était proche d’où elle était apparue quand elle sentit quelqu’un arrivé d’une très grande vitesse. Elle aurait dû partir et prévenir, mais, de nature curieuse, elle était restée. Rapidement, elle croisa donc la fameuse personne qui enquêtait sur l’apparition d’Ykoes et de ses amis et vint grimacer en montrant bien entendu son mécontentement. Eryu lâcha même quelques gémissements et sifflements ressemblant à un animal voulant se montrer prédateur pour être tranquille chose qui ne semblait pas se passer, car l’inconnue était restée.

– Qu'est-ce que t'es, toi ?

Les poupées ne pouvaient pas parler dans un langage quelconque, elles parlaient toujours avec Ykoes avec qui, les poupées possédaient un lien étroit et seul la draph pouvait entendre ce qu’elles disaient. Eryu n’a pas eu le temps de faire quoi ce que soit qu’elle se fit attraper par la pince métallique, elle bougea tout de même en se tortillant, prête à se déformer pour se sortir de son étreinte. Alors qu’on pouvait croire que la poupée était sans défense, elle se chargea d’une énergie magique pour venir ouvrir sa bouche et cracher un rayon violet sur le métal qui commençait à fondre. Elle avait créé un rayon d’une chaleur d’un four spécialement pour le métal afin de se dégager et courir sur le long du bras mécanique pour attaquer.

Eryu était particulièrement rapide et semblait pouvoir se multiplier pour former des clones afin de mettre le combat en son avantage. Utilisant la magie et sa dague qui semblait être assez résistante pour ne pas se fissurer, la poupée semblait connaître tout sur des combats rapprochés et sur des créatures, on pourrait croire qu’elles ont été formées par des militaires où des instituts similaires. Le combat était très égalitaire, ne se faisant prendre que très peu cherchant toujours à attaquer la personne et non les membres bioniques. Eryu aura même réussi lors de sa vitesse a déchirée à plusieurs endroits la tenue.

Elle aurait du être appelée par Ykoes qui semblait la chercher et donc s’arrêter pour se faire prendre par l’inconnu, ayant utilisé une grosse partie de sa propre réserve. Dès que l’agent de tekhos l’aurait capturé, Eryu lâcha des cris qui n’avait rien d’humain ou animal venant une nouvelle fois se débattre. Même affaiblie par le temps de combat, elle semblait avoir assez de vivacité pour vouloir se dégager. Si l’agent avait tenté de l’ouvrir ou la blessé, Eryu aurait explosé tout simplement afin de ne pas apporter des preuves aux ennemis. De la même façon que les militaires entrainés qui se suicident pour éviter d’apporter des informations. Si l'agent ne fait rien, Eryu continua tout de même à se débattre mais plu faiblement, ses mouvements étaient plus longs. Après tout le combat avait longuement duré, plus d'un homme aurait déjà faiblit mais Eryu n'était pas un humain ni un animal...

– Coriace, commenta Squid avec flegme.

La poupée était parmi les proies les plus agiles qu'elle avait rencontré pendant sa carrière. Sa capacité surprenante à endommager les défenses de son armure l'avaient même brièvement angoissée. Elle avait songé à battre en retraite, ce qu'elle aurait fait sans hésiter en cas de danger pour sa vie. Mais son travail tout entier était de faire face à l'inattendu, et encore une fois elle s'en était sortie.

– Pas la peine de te débattre ou de crier. Tu vas rester avec moi pour un moment, fit-elle à la combattante vaincue.

La créature était maintenant enfermée dans une sphère verte translucide qui faisait tout juste sa taille. La substance était à mi-chemin entre la colle et la gelée, et était expulsée par un pistolet qu'elle portait à sa ceinture. Elle était extrêmement difficile à détruire, isolante aussi bien magiquement qu'énergétiquement, empêchait presque totalement de bouger, et pourtant elle laissait passer le gaz. Si ce n'était pas agréable, on pouvait donc y respirer... même si rien n'indiquait que la poupée en avait besoin pour survivre. Au moins les bruits qu'elle faisait étaient-ils considérablement atténués.

Quant à la nature de sa prise, elle n'aurait su se prononcer. Elle n'avait jamais rien rencontré de tel. Au départ, elle avait songé à une sorte de robot, mais il était rare qu'ils sachent user de magie. Par défaut, et en attente de mieux, elle décida qu'il s'agissait d'un démon d'un genre nouveau. Elle envoya les premiers relevés vers la base de données de la capitale. Les résultats des analyses devraient l'assister pour le prochain affrontement.

Sur la visière de la tekhane, un chiffre s'affichait : combinaison opérationnelle à 72%, temps de réparation estimé 2 heures et 11 minutes. Simultanément, elle regarda son traqueur. Les points étaient moins mobiles. Ils semblaient s'être établis dans la zone, et ils n'allaient donc pas s'enfuir tout de suite. Aucune urgence à les poursuivre. Sa décision, guidée par la prudence, fut vite prise. Elle s'assit sur un tronc d'arbre, et attendit sereinement que les systèmes de maintenance de son armure ait terminé de la remettre à neuf.

*
*   *

Au même moment, Lapin laissait délicatement descendre Ykoes sur une roche plate de la grotte ; recouverte de mousse et finalement assez confortable. Après une dizaine de minutes à courir avec cinquante kilos sur le dos, il n'avait pas l'air fatigué et sa respiration s'était tout juste accélérée.

 – La température ici est pour l'instant inférieure d'environ deux degrés à celle de l'extérieur. Quand la nuit sera tombée, bien sûr, ça devrait être le contraire, il fera plus chaud ici que dehors. On sera aussi protégés du vent, et de la pluie qui est probable si on se réfère au ciel. C'est vraiment génial ! Super choix de refuge. Mais vous risquez quand même d'avoir froid. Vous manquez un peu de fourrure, et je n'ai que la mienne, plaisanta-t-il.

Tout en réalisant son diagnostique, le terranide regarda tout autour de lui. La grotte était vaste : elle s'enfonçait sur une dizaine de mètres, en pente légère, avant que le tunnel ne décrive un angle à 40° et débouche sur une salle beaucoup plus grande et bien protégée de l'extérieur. C'était dans cette cavité qu'ils s'étaient arrêtés. La fraîcheur relative était causée par un bassin d'eau qui les empêchaient d'avancer davantage, et dont l'étendue restait à évaluer. Cet étang souterrain était en tout cas rapidement profond, car après tout juste un mètre, on en distinguait déjà plus le fond. Il fallait dire qu'on y voyait pratiquement rien, car presque plus aucune lumière ne filtrait. Quelqu'un sans capacité à voir dans l'obscurité y serait même déjà complètement aveugle.

– Je ne vois qu'une solution à nos problèmes immédiats : le feu ! Je retourne dehors, chercher de quoi créer la réaction chimique nécessaire. Vous n'avez pas peur du noir ? Si c'est le cas, alors... Je peux vous reprendre avec moi. N'hésitez surtout pas à demander.

Eryu continuait à brailler comme elle le pouvait, et même se battre malgré tout, essayant d’attaquer l’inconnue en cherchant à la blesser de nouveau. Finalement, elle était dans ce tube en verre avec ce liquide qui empêchait de se mouvoir correctement. On pouvait lui accorder sa persévérance pour se battre venant plusieurs fois brailler bien que l’inconnu ne pût plus l’entendre. Si la jeune femme regarda le tube où était enfermé Eryu, elle aurait pu remarquer qu’elle ne bougea pas jusqu’à qu’elles croisent le regard venant de nouveau essayer de bouger cherchant à taper la vitre pour la casser, la poupée ne semblant pas être impactée par le gaz, n’ayant pas besoin de respirer donc. La poupée laissa tout de même des informations de ce qu’elle avait appris aux autres poupées pour ensuite les donner à leur maîtresse.

Pendant ce temps-là, Ykoes était assise sur la mousse donc venant regarder lapin qui donnait les informations de la grotte venant laisser un petit sourire amusé, après tout, il ressemblait vraiment aux robots et moniteurs qui donnaient tant d’information, la seule différence était qu’au lieu de lire, lui, il énonçait... Elle fit un non de la tête lors de la proposition pour venir avec lui le laissant donc s’éloigner de cet endroit tandis que la poupée qui était restée éclairait de ses yeux violets, laissant voir des ombres violettes donc tandis qu’une des poupées arrivait avec quelques fruits secs comme des noix et des noisettes et quelques fruits à la ramasse surtout des fruits rouges. L’autre poupée venant amener le repas de ce soir qui était un canard visiblement mort car il ne possédait plus de tête.

« Il ne devrait plus tarder… »

A peine dit ses mots voilà que le terranide du nom de lapin s’approcha de l’entrée avec une pile de bois sur lui, Ykoes qui commençait tout doucement à marcher, elle vint récupérer de la mousse comme on lui avait appris pour former un début de foyer pour pouvoir l’allumer, les trois poupées se regardèrent tout simplement. Le comportement d’Ykoes était méticuleux mais, au fond d’elle, quelque chose n’allait pas du tout. Sa quatrième poupée était enfermée quelque part avec cet inconnu bizarre aux bras bioniques. Quand cette dernière termina de faire le foyer, elle fit les cent pas en cherchant comment le dire à lapin, après tout, il n’était pas forcé de l’aider à la rechercher mais, elle, elle ne pouvait pas abandonner Eryu, c’est sa seule famille. Une des poupées, Ryu, voulu foncer la sauver et les deux autres, Shi et sha, avaient sauter dessus pour l’empêcher de bouger. Ykoes se mit devant lapin, un air assez grave.

« Je dois te dire quelque d’important… »

Elle se mordilla la lèvre, hésitante, d’un coup, elle avait l’air plus confiante. Elle serrait ses poings tout en le regardant une nouvelle fois.

« Eryu, mon amie s’est fait attaquer et attraper par une femme avec des bras bioniques. Je dois aller la sauver ! Eryu l’a blessé donc à nous quatre, moi et mes trois autres poupées, nous devrions pouvoir la sauver…  Je ne te demande pas la lune, je te demande si tu as juste des informations à fournir. »

Elle se frotta le bras, les larmes commencèrent à couler sur ses joues, venant plusieurs fois les sécher pour paraitre toujours plus sérieuse. Ykoes souffrait énormément quand on touchait ses seules amies.

« Pour toi, ce ne sont que des poupées de chiffons ou quelque chose ainsi…. Mais pour moi, c’est le seul cadeau de ma mère avant qu’ils la tue…. Je parle de ma vraie mère, celle qui m’a donnée naissance. Mes poupées sont mes amis, mes sœurs et mes frères, elles sont tout pour moi. »

Lapin, assit, contemplait le feu comme s’il l’étudiait. Depuis que les flammes éclairaient la grotte, celle-ci révélait toute son étendue. Le terranide avait d’abord craint que la fumée ne finisse par les asphyxier, car ils se trouvaient relativement loin de la sortie. Mais heureusement, il y avait dans le plafond rocheux un conduit à seulement quelques mètres par lequel elle pouvait s’évacuer. C’était d’ailleurs sans doute par là également que l’eau du lac souterrain arrivait.

Relevant la tête, l’hybride sourit à la jeune femme, qui petit à petit retrouvait l’usage de ses jambes. Son sourire disparut cependant lorsqu’elle lui annonça la capture d’une des protectrices qui l’accompagnaient.

— Oh. C’est un problème.

Il se leva et croisa les bras, préoccupé.

— Mais je ne sais rien sur elle, seulement qu’elle s’appelle l’Agent Squid. Je suis désolé, je ne peux pas vous renseigner…

La tête légèrement penchée sur le côté, il regarda Ykoes pleurer. Puis soudainement il leva le doigt, comme s’il venait de faire une découverte.

— Vous êtes en état d’anxiété avancée, et vous avez besoin de soutien émotionnel. Heureusement je suis apte à prodiguer ce type de support ! Vous n’avez qu’à demander.

Il fit un pas vers la jeune femme, et commença à étendre les bras, comme s’il s’apprêtait à l’étreindre… avant de se reprendre. Il fronça les sourcils et s’arrêta.

— Mais d’abord, priorité à l’analyse stratégique. Je ne crois pas qu’il faille confronter Squid. Pas tout de suite. Elle ne partira pas tant que son travail ne sera pas terminé, et vos amies peuvent monter la garde. Pour l’instant, Ykoes, vous n’êtes pas en état. Vous tenez à peine sur vos jambes. Trente minutes de repos ! Minimum !

Même si avec ses amies, je ne suis pas sûr qu'elle puisse faire quoi que ce soit contre Squid... elle n'a pas du tout l'air d'une combattante. Mais je peux peut-être gagner un peu de temps. Avec un peu de chance, je pourrais ralentir Squid juste assez longtemps pour qu'elle puisse s'enfuir. C'est elle qu'elle veut. L'important, surtout, c'est de ne pas prendre de décision irréfléchie.

Il recommença à marcher vers elle, et, arrivé à sa hauteur, il la souleva doucement du sol comme si elle n’avait rien pesé. Cette fois, il la tenait dans ses bras comme dans un berceau. Il ne la transporta pas bien loin : il alla la reposer sur le même rocher moussu dont elle venait de se lever. Il la regarda un instant, léger sourire au visage, visiblement satisfait de sa manoeuvre.

— Vous pourriez me parler de vous ? Comme je ne me souviens pas de mon passé, j’adore entendre celui des autres. Je trouve ça passionnant !

L’oiseau qu’une des poupées avait ramené était lentement en train de cuire au-dessus du feu de camp. On l’avait rapidement déplumé. Lapin, assit sur la même roche qu’Ykoes, arracha une des ailes et lui tendit. La chair était maigre, mais c’était mieux que rien.

— Vous pensez être capable de vous battre contre Squid ? Oh, vous devez être puissante ? Comment comptez-vous vous y prendre au juste ?

La draph écoutait attentivement ce que disait lapin, mais semblait être déçue pour le peu d’informations qu’il venait de lui dire. À part son nom étrange, c’est tout ce qu’elle savait. La jeune femme eut un regard attristé, presque démoralisée par ce qui venait de se passer. Les trois autres poupées semblant veiller sur la grotte et sur les deux individus, faisant mine de monter la garde comme à l’armée, les poupées faisaient des rondes devant l’entrée, mais, restait tout de même cachée afin de ne pas signaler leurs positions à leur potentielle ennemie. Sans un mot, Ykoes écoutait l’étude du terranide, dirigeant son regard vers ses yeux quand même. Il parlait de se reposer avant de réfléchir à faire quelque chose. Elle ne viendra même pas broncher quand ce dernier la prit dans ses bras pour le reposer sur la mousse qui formait un lieu assez douillet pour même s’endormir. Elle resta bouche bée pour sa question sur son passé et vient même lui caresser la joue, encore plus attristée par la nouvelle.

Ykoes allait commencer son récit quand il reparla du fait que cette dernière devait être puissante pour se proposer dans un combat afin de sauver Eryu. Elle viendra prendre le morceau que lapin lui tendra pour commencer à manger en réfléchissant à une stratégie. Être forte ? La draph ne le savait pas et surtout, son potentiel. Mais elle tentera tout pour sauver sa famille, même déplacer des montagnes ! Oui, la jeune femme viendrait même mourir pour protéger ses êtres chers. Ykoes soupira faisant un petit non de la tête.

« Je ne sais pas comment je m’y prendrais, mais, tout ce que je sais, c’est que je veux la sauver, peu importe les conséquences. Je parle bien entendu sur moi, pas sur toi, je ne voudrais pas qu’il t’arrive quelque chose, moi. »

Ykoes soupira un petit peu, venant se frotter les bras avant de poser sa tête contre son épaule en faisant attention à ses cornes pour ne pas l’empaler dessus. Elle aura terminé sa viande, venant laisser les os dans un coin tandis qu'elle commença à penser tout haut, entre quelques "mmmhmmm.." et quelques soupires.

« Tu veux savoir mon passé, mais, il n’est pas intéressant…. Enfin c’est ce que je pense en tout cas. Je suis restée enfermée dans un immeuble souterrain, à quelques centaines de mètres en dessous du sol... Je suis née là-bas et j’ai vécu presque toute ma vie là-bas. »

La draph était mélancolique en parlant de cela, se remémorant divers souvenirs, heureux comme triste et douloureux. Elle caressera simplement la patte de lapin en parlant, un faible sourire dessiné sur ses lèvres. La jeune femme semblait vraiment réfléchir à quoi dire, ne voulant pas non plus l'embêter avec ses bêtises mais, également pas trop en dire sur elle-même de peur de lui faire peur. Surtout qu'il avait vu ce qu'une partie de ses poupées pouvaient faire. Possédant la même aura, si ce dernier peut les voir, il aura pu clairement comprendre que les poupées et Ykoes étaient une même personne.

« Que dire d’autres…  On m'a dit que je pouvais créer des boucles temporelles, je ne sais pas trop à quoi servir mais, je sais que j'en suis capable, j'en ai déjà fais pour tenter de fuir le laboratoire.... Pouvons-nous parler un peu d'autres choses, est-ce que je peux te faire des câlins ? »

Ne sachant pas s'il savait ce que c'était un câlin. Ykoes viendra faire une démonstration, venant se redresser et s'asseoir sur les genoux de lapin avant d'entourer ses bras autour de son cou, posant la tête sur l'épaule de ce dernier, tandis qu'elle caressait le dos de ce dernier. La jeune femme viendra même reculer en espérant de ne pas avoir froisser le terranide.

« C'est cela un câlin ! »

Ykoes viendra un peu plus sourire, lui ébouriffant les cheveux avant de rigoler devant la tête décoiffé de son nouvel ami.

Le terranide écouta Ykoes parler, avec un sourire paisible qui se nuança lorsque le récit devint moins heureux.

— Je ne sais pas ce que vous êtes, mais j’ai le sentiment que vous êtes importante ! On ne se donne pas autant de mal pour garder quelqu’un s’il n’est pas très précieux ! Ou s’il n’est pas très dangereux ? Oh, je suppose que les deux peuvent être liés. Mais vous ne savez pas plus que moi si vous l’êtes, pas vrai ? s’amusa Lapin.

Il ne semblait en tout cas pas effrayé par le passé de la jeune femme, bien au contraire. Il n’y avait pas dans l’attitude de Lapin la moindre méfiance qui soit perceptible. Il n’eut aucun mouvement de recul lorsqu’Ykoes vint se coller contre lui. Il ne parut même pas surpris, venant naturellement refermer ses bras sur le corps à moitié dénudé de son interlocutrice.

Je sens que je suis fait pour ce genre de chose. Réconforter les gens ? Ça pourrait être à ça que je sers. C’est une mission qui me plaît. Mais ça ne colle pas avec toutes les choses que je fais…

Avec les flammes, la température avait augmenté progressivement. Malgré la superficie de la grotte, le plafond assez bas conservait rapidement une chaleur agréable ; si ce n’était l’humidité, on se serait cru dans un intérieur moderne. Lapin lui était une vraie bouillotte. Sa fourrure était beaucoup plus isolante que sa faible longueur le laissait présager. Il secoua brièvement la tête pour remettre en place sa frimousse grise.

— Autant que vous le voulez ! J'adore vous toucher. Nous pouvons même avoir une relation sexuelle si ça vous dit !

L’hybride proposait un rapport avec une décontraction qui aurait troublé la majorité des gens. Son inhibition, à l’évidence défaillante, n’était en plus que purement sociale : à titre personnel, il n’avait aucune pudeur. Sa libido, presque illimitée, était en revanche parfaitement contenue. Seule la bosse qui déformait son short témoignait du fait qu’Ykoes et ses caresses ne le laissaient pas indifférent sur un plan physique.

— Dans la perspective d’un coït, une baignade nous procurerait des conditions d’hygiène optimales.

Intimité ou non, les jeunes gens étaient en effet plutôt sales, même selon les critères propres à la campagne de Nexus. Ykoes avait roulé dans la boue, tandis que Lapin achevait une longue journée de travaux agricoles. L’hybride se leva et s’approcha du lac souterrain. Il s’accroupit au bord, puis trempa le bout de ses doigts dans le liquide pur.

— Oh, vous allez la trouver froide. Puis j’ignore comment vous réagissez à l’eau. Bon ! On renonce. Est-ce que vous voulez que je lave votre vêtement ? Enfin, ce qu’il en reste.

Il se retourna et fixa la poitrine découverte de la jeune femme, désolé.

— Mh, j’aurais dû conserver les tissus que j’ai déchirés. Nous aurions sûrement pu vous fabriquer quelque-chose de plus couvrant. Enfin, c’est sans importance… L'impact sur nos chances de survie est négligeable, et la nudité ne semble vous gêner que… modérément ?