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Commandant Takael Nerimor:
Sur demande directe du conseil œcuménique, Takael a accepté que son bataillon et lui-même soient envoyés à la cité-État de Nexus et placé sous commandement conjoint. S'il doit toujours rendre des comptes à son supérieur, le général croisé Tolvarg, il dispose désormais de la liberté de prendre des ordres auprès des autorités de Nexus et de les épauler. Ses ordres de mission sont clairs, il doit tisser de bonnes relations avec les autorités locales, gagner du prestige au combat à leurs côtés et agir dans le meilleur intérêt de l'Ordre Immaculé et de Nexus. Des ordres vagues, lui laissant une assez grande liberté d'action, mais clairs. Comme premier contact, une entrevue avec la reine de Nexus, Elena Ivory, a été organisée. C'est la première fois de sa carrière que le commandant rencontre une tête couronnée, il étudie donc l'étiquette en catastrophe pour être sûr de ne pas commettre d'impairs. Une petite voix moqueuse se fait entendre en arrière plan, alors qu'il est concentré sur son livre :

« Connais ton ennemi, c'est ça ? »
« Ce sont nos alliés, idiote. »

Répondit l'elfe sur le ton de la plaisanterie. Il s'agit de Neliel, une ange, l'assistante personnelle de Takael qui est principalement chargée de la paperasse de seconde importance et de diverses petites tâches que son supérieur n'a pas le temps de faire. Comme elle va être amenée à faire régulièrement la navette entre le front et Nexus pour apporter des rapports, le commandant a jugé bon de l'emmener avec lui. Cela lui donnera l'occasion de sympathiser avec les bureaucrates locaux, de prendre ses marques. Déconcentré, il referme son livre, ce sera bientôt l'heure de toute façon. C'est fou comme une simple rencontre officielle arrive à le stresser davantage qu'une grosse bataille, le fait de ne pas avoir l'habitude sans doute.

Quoi qu'il en soit, il doit se préparer à partir. Il enfile un costume blanc brodé d'or, décoré de plusieurs médailles et par dessus un manteau de voyage avec capuche, blanc, avec la croix rouge des croisés dans le dos. Il sort aussitôt de son bureau, retrouvant Neliel à l'extérieur pour rejoindre leur escorte, quatre membres du premier escadron de chevaliers-mages. Le commandant fait apparaître son griffon, Neliel monte à l'arrière et les voilà partis pour faire connaissance avec les autorités de Nexus. Après environ une heure de vol, les voilà au-dessus de Nexus, les gardes les observent avec curiosité, reconnaissant sans peine leurs alliés de l'Ordre. De plus, il est très probable que ces derniers aient été prévenus de l'arrivée d'un commandant croisé pour une visite officielle. Après quelques minutes supplémentaires, le palais d'Ivoire n'est plus qu'à quelques battements d'aile de portée. Les cinq griffons se posent juste devant l'entrée et Takael se présente aux gardes, qui le saluent avant de le laisser rentrer avec son escorte. Neliel part de son côté, voletant à côté du griffon avant de se poser dans la cour. Puis, après que le commandant en soit descendu, son griffon disparaît et son escorte le laisse aller seul à la rencontre de la reine.

À la porte principale, l'elfe est accueilli par un domestique qui l'invite à le suivre après les politesses d'usage. Ce dernier le guide à travers les couloirs du palais, jusqu'à un salon réservé aux invités où il est convié à s'asseoir et patienter. Il s'assoit donc, gardant une posture bien droite sans pour autant être raide, profitant de l'attente pour apprécier le calme et les peintures disposées au mur. Après quelques minutes, des pas résonnent dans un couloir adjacent, on vient certainement le chercher. Quoi qu'il en soit, toute appréhension l'a quitté à présent, comme à chaque fois qu'il passe à l'action. Son seul soucis désormais est de faire bonne impression et de s'assurer que sa mission ici soit un succès.

Elena Ivory:
« La Couronne a toujours entretenu des relations ambivalentes avec l’Ordre Immaculé, Elena, et, même s’ils sont objectivement nos alliés, je me méfie toujours de leur absolutisme. »

Elena ne pouvait qu’acquiescer. Elle connaissait l’histoire du royaume, et se rappelait notamment d’un épisode très compliqué, qui avait été assez décisif dans l’évolution du pouvoir royal : le règne sanglant de Maegor Ivory, un ancêtre surnommé, à juste titre, « Maegor le Cruel ». Le Roi avait régné il y a quelques siècles, et avait succédé au Roi Aenys, un Roi faible, indécis, incapable de prendre la moindre décision sans consulter ses conseillers au moins quinze fois, et repoussant toujours au lendemain les décisions à prendre. Maegor avait fini par prendre le pouvoir à une époque confuse, car il s’était heurté à une vague de révoltes, la plus importante émanant d’un ordre religieux extrémiste, la Foi Militante. La Foi avait développé un chapitre guerrier, les Fils du Guerrier, et un ordre monastique sévissant dans les campagnes, les Pauvres Compagnons. La Foi Militante était née en raison de plusieurs motifs, la trame de fond étant un bras de fer entre le pouvoir royal et le pouvoir religieux, le premier ayant cherché à museler le premier en lui interdisant d’avoir des armées et de porter des armes. Cet édit avait provoqué une vague de colère dans le pays, une lame de fond sur laquelle les prédicateurs de la Foi Militante avaient surfé, dénonçant les complaisances de cardinaux et d’évêques plus prompts à accepter les généreux pots-de-vin de la Couronne que de défendre la foi.

L’élément déclencheur avait été, à l’époque, l’absence de morale religieuse, les mariages polygames et incestueux au sein de la noblesse, dont la famille royale. La révolte avait ourdi sous le règne du Roi Faible, Aenys, qui avait fait tout ce qu’il était en son pouvoir pour étouffer cela, refusant de mener des actions militaires. Sous Maegor, une guerre de religion avait finalement éclaté, la Guerre de la Foi, les religieux étant aussi soutenus par d’autres nobles qui imploraient un changement de dynastie royale, décrétant que les Ivory avaient fait leur temps.

La rébellion avait duré quelques années, et il se trouvait encore des historiens pour défendre les positions radicales de Maegor, en expliquant que le Roi n’avait pas eu d’autres choix, compte tenu du contexte et de la passivité de son prédécesseur, que de renforcer le pouvoir royal. La bataille s’était finalement terminée par la victoire des Ivory, le démantèlement de plusieurs familles nobles, et l’interdiction pour l’Ordre Immaculé d’entretenir des troupes militaires. Un édit royal qui fut abandonné au bout de plusieurs siècles. Elena, qui avait longuement étudié cet épisode, en avait tiré une leçon essentielle : le pouvoir temporel et le pouvoir séculaire ne devaient pas se heurter l’un l’autre, mais cohabiter ensemble.

Pour plusieurs conseillers de la Reine, une guerre religieuse n’était pas à exclure. Le pouvoir royal avait perdu beaucoup d’influence avec la mort des Ivory, tandis que, grâce à la guerre contre Ashnard, l’Ordre Immaculé avait considérablement cru à Nexus. Ce déséquilibre des pouvoirs n’était jamais bon, car c’était la Reine qui représentait l’État. C’est dans ces circonstances que le Conseil de régence avait accepté de recevoir un bataillon de chevaliers croisés appartenant à un ordre militaire de l’Ordre Immaculé. Régulièrement, l’Ordre ordonnait des croisades dans divers recoins de Terra, généralement pour affronter des Ashnardiens. L’Ordre, qui disposait de ses propres États pontificaux, de ses propres villes et bastions, formait ses propres soldats, mais demandait régulièrement des levées de fonds afin de financer des croisades onéreuses.

La convocation du bataillon s’inscrivait d’ailleurs dans les préparatifs d’une nouvelle croisade envisagée par le Conseil Œcuménique de l’Ordre Immaculé. Une croisade destinée à reprendre le contrôle d’une forteresse abandonnée au cœur de Terra, et qui, d’après les informations de l’Ordre, était devenue une nécropole au service de cultistes démoniaques.

« Ce que nous devons surtout savoir, Adamante, c’est ce que l’Ordre sait vraiment sur le Roi Cramoisi, et à qui nous pouvons nous fier.
 -  C’est pour cette raison que j’ai fait mander le Commandant Nerimor. C’est un Haut-Elfe, plutôt proche de Nexus et patriote...
 -  Et en quoi pourra-t-il nous aider ? s’enquit la Reine.
 -  Peut-être a-t-il entendu parler de notre séjour au Bosquet ? »

Elena était bien placée pour savoir que Nexus était un panier de crabes, et que les traîtres étaient nombreux. Difficile de savoir à qui se fier, surtout quand son adversaire, son réel adversaire, ne cessait chaque jour de prouver sa dangerosité. Pour toutes ces raisons, la Reine se méfiait.

C’est ce qui amena Adamante, sa fidèle amie, magicienne, et conseillère, à accueillir Takael. Le Palais d’Ivoire était un immense palais, serti de tours blanches, qui réfléchissaient la lumière du soleil au matin. Bâti sur une énorme falaise, il était visible en s’en approchant, et, depuis les tours et les balcons du Palais, on avait une grande vue sur la ville ou sur la mer. Un palais très vivant, avec une foule de domestiques, de gardes, de courtisans, de négociants...

Adamante retrouva Takael dans un petit salon reculé, avec un feu qui crépitait dans l’âtre d’une cheminée. Elle portait une élégante robe violette, avec un décolleté plongeant, une tenue vestimentaire propre aux habitants des Îles Mélisi, et lui fit un sourire charmant, ses yeux dorés papillonnant dans leurs orbites.

« Bienvenue au Palais d’Ivoire, Commandant Nerimor ! J’espère que vous avez fait bon voyage jusqu’ici ! »

Commandant Takael Nerimor:
Sorti de sa contemplation par le son des pas résonnant dans le couloir, Takael détourne son regard des tableaux accrochés aux murs du petit salon. Il regarde simplement devant lui, attendant que la porte s'ouvre. Les bruits de pas s'arrêtent, remplacés par le bruit d'une porte qu'on ouvre et la vision d'une charmante dame venue à sa rencontre. Tournant la tête dans sa direction, le regard de l'elfe balaye rapidement sa silhouette de bas en haut. Il est évident, tant à ses habits qu'à ses manières, qu'elle ne fait pas partie du petit personnel du palais. Une conseillère ? Une amie de la reine ? Une noble peut-être ? Ou bien encore un mélange des trois ? Quoi qu'il en soit, il sera vite fixé à ce sujet. Prenant appui sur les accoudoirs de son siège, l'elfe se lève pour saluer celle qui est vraisemblablement venue le chercher pour le mener à la reine. Prenant les devants, elle lui souhaite la bienvenue :

« Bienvenue au Palais d’Ivoire, Commandant Nerimor ! J’espère que vous avez fait bon voyage jusqu’ici ! »
« Merci madame, la vue de Nexus depuis les airs est toujours des plus agréables, en particulier ce palais. J'ai également remarqué la décoration, j'apprécie l'attention. »

Répondit Takael tout en inclinant sa tête en direction d'Adamante en guise de salut, poing serré posé sur le cœur. Concernant la décoration, il faisait référence aux tableaux de la pièce représentant des membres de l'ordre du griffon, une sorte d'équivalent nexusien de son propre bataillon. En tout, trois tableaux étaient disposés dans la pièce. Le premier représente des membres de l'ordre chevauchant leurs griffons au-dessus de la ville, implicitement élevés au rang de protecteurs de la cité. Le second les représentent lors d'une charge contre les troupes ashnardiennes. Au premier plan, un cavalier grièvement blessé par plusieurs flèches crie en montrant les dents, brandissant sa lance vers l'avant malgré la douleur. Sur le troisième tableau, leurs troupes défilent dans les rues de Nexus, acclamées par la foule qui lance en l'air des pétales de fleurs sur leur chemin. Ne croyant pas aux coïncidences, que peut-il faire, hormis remercier ses hôtes en remarquant et en appréciant leurs attentions ?

Sur ces mots, sa jambe côté pièce pars vers l'extérieur, de manière à ce que son pied pointe dans la direction du second tableau, sa tête suivant le mouvement. Croisant ses bras avant de porter sa main au niveau de son menton, il poursuit le fil de sa pensée de l'instant :

« J'ai toujours été admiratif du don qu'on les artistes, cette capacité à trouver de la beauté même là où n'y en a aucune. Quand une guerre éclate, la beauté est la première chose à mourir et la première chose à renaître dans les ateliers, comme si elle n'avait jamais disparu. C'est un don magnifique vous ne trouvez pas ? »

Sitôt après sa question, sa main qui était monté à son menton redescend en direction d'Adamante, paume vers le haut. Il demande alors dans la foulée, se rendant compte qu'il n'a pas encore demandé son nom à la dame venue le chercher :

« Madame ? »

Takael prend le temps d'écouter sa réponse, sans l'interrompre, avec attention. Joignant le geste à l'intention, il se tourne entièrement vers elle, sa main remontant à son menton. Son regard, bien que tenté par les courbes de son hôte, reste concentré sur son visage. Une fois la réponse à son attention arrivée à son terme, l'elfe enchaîne pour revenir à un sujet plus terre-à-terre, ses bras retombant le long de son corps :

« Bien ! Je suppose que je n'ai pas été invité ici pour digresser sur l'Art, ne faisons pas attendre davantage sa majesté. Je vous suis. »

Elena Ivory:
La pièce dans laquelle se trouvait l’elfe abritait quelques tableaux de peintres impressionnistes, rappelant l’époque de la belle Nexus, quand les bas-fonds étaient encore, pour la plupart, des quartiers populaires, remplis d’artisans, de peintres de rues, de jongleurs, de lanceurs de feu… Des endroits sympathiques, des quartiers de bohémiens où l’on pouvait faire la fête la nuit. Aujourd’hui, avec la crise économique, ces quartiers s’étaient sensiblement paupérisés. Les petites boutiques avaient dû fermer, car les clients ne venaient plus par peur de se faire trousser.

Les tableaux que Takael regardait montraient essentiellement des scènes navales : le soleil se levant sur la baie de Nexus depuis une barque de pêche sous le regard contemplatif et nostalgique d’un vieil homme à la barbe grisonnante, des tableaux plus militaires montrant des galères et des voiliers nexusiens se mettant en position, quittant un arsenal pour se battre. Un autre tableau montrait une tornade d’eau dans une tempête. La tornade se trouvait au milieu du tableau, et on pouvait voir, au premier plan, un navire militaire nexusien, voulant éviter la tornade, tandis que, en arrière-plan, on devinait, derrière les nuages noirs, les silhouettes sombres et menaçantes de navires ennemis.

Voir ces tableaux amena l’elfe à une réflexion qui fit légèrement sourire Adamante, qui s’empressa de lui répondre :

« Oui… Raison pour laquelle la Couronne démène pour protéger de nouveau les artistes. »

Adamante devait bien admettre ne pas être une grande spécialiste d’arts plastiques. Elle restait de marbre devant les tableaux avant-gardistes, représentant des silhouettes incompréhensibles pour elle. L’art abstrait était également quelque chose qu’elle peinait à comprendre. Elle aimait bien en revanche ce type de tableaux, qu’on pouvait présenter dans un salon sans trop de problème. Quoi qu’il en soit, Takael lui demanda finalement qui elle était, et elle sourit doucement :

« Adamante de Mélisi, Conseillère en magie de Sa Majesté Elena Ivory. »

Quiconque connaissait Elena avait forcément dû entendre parler du rôle important que jouait Adamante. Elle était la meilleure amie d’Elena, son amie d’enfance. Elena et elle avaient grandi ensemble au monastère de Saint-Antoine, et il était admis qu’Elena plaçait en Adamante une indéfectible confiance. Ses détracteurs en profitaient volontiers pour affirmer qu’Adamante jouait double jeu, et qu’elle était l’instrument des Mélisains, qui cherchaient par ce biais à contrôler la Couronne. De fait, pour les critiques, le lien fort entre Adamante et Elena mettait en doute l’objectivité et l’impartialité de la Reine. D’aucuns affirmaient au contraire qu’il était important que la Couronne s’associe avec ses alliés historiques, et que jeter l’opprobre sur Adamante, c’était exprimer une vision politique xénophobe et très conservatrice, visant à se méfier des alliés. Ce qu’Elena en pensait, elle, c’est que le Palais d’Ivoire était un panier de crabes, et qu’elle ne pouvait pas se fier à beaucoup de monde.

La magicienne vit le regard de l’elfe osciller vers ses formes généreuses… Qui étaient parfaitement mises en valeur par sa tenue sensuelle, et même assez provocante, ce qui était typique des Mélisains, un peuple insulaire connu pour leur frivolité. Adamante sourit brièvement, et hocha la tête :

« Oui… Mais vous pouvez digresser sur l’art, Sa Majesté apprécie beaucoup l’art. Nous lui avons offert un phonographe, une ancienne technologie tekhane, qu’elle utilise dans ses appartements pour écouter de la musique. »

Adamante s’avança dans les couloirs agréables du Palais d’Ivoire. Les appartements de la Reine se trouvaient dans le donjon central, et il y avait donc un peu de marche, car le Palais d’Ivoire était une forteresse assez grande, avec de multiples couloirs, salons, ailes secondaires, et escaliers. Un ensemble en réalité très labyrinthique, même si, à force d’utiliser les couloirs, on finissait par s’y repérer.

« Comment se porte votre compagnie, Commandant Nerimor ? J’ai cru comprendre que vous meniez des missions dangereuses… Vous avez souvent eu l’occasion de visiter la capitale ? »

Commandant Takael Nerimor:
Takael a effectivement entendu parler d'Adamante, il a également entendu quelques polémiques à son sujet, auxquelles il n'accorde aucune importance. Il trouve assez minable l'attitude qui consiste à perpétuer les guerres de chapelles quand le village brûle. L'Empire est vorace et puissant, toute division face à lui est un danger de plus à gérer. Le commandant ne compte même pas aborder le sujet, tant par respect pour son hôte que par mépris pour la polémique, un passe-temps de planqués à ses yeux. Il a mieux à faire, notamment préparer ses prochaines offensives contre l'Empire et ses vassaux. Honnêtement, ce phonographe dont elle lui parle l’intéresse bien plus, il se demande déjà comment l'appareil fonctionne ou ce qu'il est possible d'écouter avec. Maintenant qu'il y pense, Takael a eu assez peu d'occasions de s’intéresser à la musique. Sachant qu'il ne considère pas les chansons paillardes chantées à tue-tête par ses hommes comme de l'art. Peut-être demandera-t-il à la reine de le lui montrer. Takael répondit avec un sourire sincère :

« Je garderais ça en tête, ce sera avec plaisir. »

Ils quittent ensuite le salon, arpentant les interminables couloirs du palais. L'elfe serait déjà bien incapable de retrouver la sortie à partir d'ici par lui-même, sans errer longuement en tout cas. Raison pour laquelle il apprécie la présence de sa guide, qui en plus d'être d'agréable compagnie, semble connaître l'endroit sur le bout des doigts. Cette dernière réoriente alors la conversation sur Takael et son bataillon :

« Comment se porte votre compagnie, Commandant Nerimor ? J’ai cru comprendre que vous meniez des missions dangereuses… Vous avez souvent eu l’occasion de visiter la capitale ? »
« À quelques occasions oui, j'avais déjà escorté mon général ici pour une réunion et je suis venu plusieurs fois lors de mes permissions. Quant à mes hommes, ils sont en pleine forme. Savez-vous ce qu'est le danger ? »

Le ton de sa dernière phrase n'est pas celui d'une véritable question, aussi attend-t-il quelques secondes pour faire un peu monter l'intérêt pour la réponse qui arrive.

« Étrange question n'est-ce pas ? Laissez-moi vous raconter une anecdote, ça s'est passé lors d'une campagne à la frontière, une secte s'y était retranchée, dans une grotte. Nous avions réussi à les prendre de vitesse et nous les avions acculés. Plutôt que d'attendre sagement leur procès et leur exécution, ils ont commencé à invoquer des morts-vivants depuis l'intérieur de la grotte. Ils avaient réussi à mettre un puissant démon de leur côté qui leur prêtait ses pouvoirs, ils auraient pu monter une véritable armée. Pire, ils allaient probablement essayer de l'invoquer en personne pour qu'il vienne à leur secours. Le bataillon d'infanterie qui devait se charger d'eux était trop loin, seul mon escadron était sur place et sans une intervention rapide ils allaient nous repousser. Fuir n'était pas une option, ils auraient fondu sur le bataillon d'infanterie qui continuait de progresser dans un environnement forestier qui n'était pas du tout en sa faveur. Il fallait les arrêter à tout prix, avec un escadron de chevaliers-mages qui n'étaient pas du tout fait pour le combat à pied et encore moins dans une grotte. Voilà la situation de départ, elle vous paraît dangereuse ? »

Il laisse à Adamante le temps de répondre si elle le souhaite, puis poursuit :

« J'ai ordonné à mes hommes d'abattre plusieurs sapins, nous les avons balancé cime vers l'avant dans la grotte. Jusqu'à ce qu'elle soit presque obstruée. Puis, nous avons mis le feu, il n'avait pas plu depuis des jours, le bois était bien sec, le tout s'est embrasé à une vitesse impressionnante. On a laissé le feu inonder la grotte de fumée pendant plusieurs heures. Quand on a pu apercevoir l'intérieur de la grotte à nouveau, nous avons vu une pile de cadavres carbonisés. Ils ont envoyé près de 200 morts-vivants dans les flammes en désespoir de cause pour tenter de survivre en obstruant l'entrée de corps. Sauf qu'ils ont pris feu eux aussi, laissant la fumée rentrer quand même. Plus tard, quand nous avons pu rentrer dans la grotte, on a trouvé les sectaires asphyxiés avec un rituel presque achevé pour invoquer le démon. Nous avons terminé le rituel nous-mêmes, le démon est apparu et il s'est retrouvé transpercé par plusieurs centaines de projectiles magiques avant de pouvoir faire quoi que ce soit. Le principal danger, qu'on soit un soldat, un dirigeant, un conseiller, un commerçant ou un ouvrier, ce sont les mauvaises décisions. Si j'avais pris une seule décision différente ce jour-là, j'aurais eu de lourdes pertes à déplorer. Voilà ce qu'est le véritable danger et la meilleure réponse à ce danger, c'est de prendre les décisions qui permettent de ne pas s'y exposer. »

Avec un large sourire, Takael termine sa petite histoire :

« Après tout ça, nous sommes redescendus vers la vallée pour aller dire bonjour au bataillon d'infanterie et leur demander comment se passait leur petite excursion dans les bois. Leur commandant n'a pas apprécié, mais rien que pour voir leurs tronches ça valait le coup ! Bref, voilà comment un escadron de 100 chevaliers-mages extermine des sectaires, 200 morts-vivants et un démon de haut rang sans la moindre perte. »

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