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Le duc de Galdur... -
Un homme peu faible, Majesté, analysa, avec sa froideur habituelle, le Grand-Duc
Arnaud de Maizière.
Son duché ressort de troubles politiques importants, et les rapports que nous recevons sur lui dépeignent un homme dur, marqué par le conflit, autoritaire... Et qui n’a toujours pas prêté serment à la Couronne. -
Un délai inhabituellement long pour un duc, ne manqua pas de souligner le fils du duc de Kovar,
Kovik Kovar, autorisé à représenter le puissant duché de Kovar en l’absence de son père.
La tradition est claire. Dès l’intronisation du nouveau souverain, les ducs doivent renouveler leur serment d’allégeance envers la Couronne. Je dis que cette lenteur est suspecte, mes chers amis. -
Mais vous relevez vous-mêmes qu’il y a eu des troubles politiques à Galdur, je gage que le jeune duc avait d’autres priorités plus importantes qu’entreprendre un voyage vers Nexus. -
Des priorités plus importantes ?! s’étrangla Kovik.
Rien n’est plus important, en ces temps difficiles, que d’afficher publiquement son soutien à la Couronne. Vous savez ce qui circule sur Alexander Galdur, Majesté... On dit que c’est un traître, qui fomente une armée parallèle et prépare dans son Nid du Vautour une armée pour rejoindre les Ashnardiens. -
Des accusations dénues de fondement, jeune Kovar ! gronda un baron.
Majesté, Alexander a eu une enfance difficile... -
Il a été éduqué par le brave Terrik Baltar, qui a veillé sur lui et sa famille pour les protéger ! -
Beau résultat, vu qu’ils ont été capturés par des Barbares en mer... -
La preuve qu’ils ne sont pas fiables ! Les enquêtes que nous avons mené montrent que Sigmimr, le jarl responsable de ce raid, travaillait de concert avec les Ashnardiens. Ils ne sont pas fiables ! » insista Kovik Kovar.
Aujourd’hui, la réunion du Conseil royal était principalement tournée autour de l’évènement à venir d’ici quelques jours, un évènement suffisamment important pour justifier que ce sujet prenne une bonne place de l’ordre du jour de la session ordinaire du Conseil : le serment d’allégeance d’Alexander Baldur. Le fringant et aventurier duc avait toutefois traîné, et Elena Ivory, qui assistait au Conseil, attendait depuis maintenant deux années qu’il jure serment. La tradition imposait à tout duc, lors du couronnement d’un nouveau souverain, de venir lui prêter serment. Dans le cas d’Elena, les faits étaient toutefois particuliers, car elle n’était pas encore officiellement intronisée Reine, le Conseil de régence gérant les affaires en son nom.
Toutefois, son retour à Nexus, après avoir passé plus de dix ans à un monastère reculé, avait fait grand bruit, et les ducs étaient spontanément venus, les uns après les autres, pour jurer de servir Elena Ivory, en profitant surtout pour proposer leurs fils, ou eux-mêmes. Kovik Kovar était vu comme le favori, en raison de son jeune âge, de ses talents, et de la richesse du duché de Kovar, un duché minier comprenant de nombreuses carrières et autres gisements, produisant ainsi des fortunes considérables.
Tandis que ses conseillers débattaient, Elena, elle, réfléchissait, étudiant les éléments qu’elle avait recueillies sur ce fameux duc. Il avait été porté mort après sa capture par les Barbares du
jarl Sigmimr, et était revenu chez lui, soutenu par le duc d’Altenberg, Rodrik Warberg-Altenberg, son oncle, qui avait d’ailleurs écrit pour soutenir le duc, en exposant la situation difficile du duché, et, surtout, le fait qu’Alexander se méfiait des ombres de Nexus. Elena avait lu cette missive avec la plus grande attention, et, au fur et à mesure que les conseillers débattaient, cette idée s’imposa en elle.
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Je le recevrai, Messires, et j’accepterai son serment. Il m’expliquera les raisons de son silence, mais je ne compte pas gouverner en m’appuyant plus tard sur des rumeurs infondées et des accusations sans preuve. Ce n’est pas ainsi que Nexus fonctionne, et ce n’est pas ainsi que j’entends respecter la mémoire de mes parents. »
Le duc De Maizière hocha doucement la tête, reconnaissant en elle la digne fille du Lion.
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L’affaire est entendue, donc. »
La Cour royale se réunissait dans la glorieuse Salle du Trône, et il y avait du monde. Elena était assise sur un énorme trône au fond de la grande salle. À droite et à gauche, il y avait, entre les piliers, d’énormes ouvertures, le vent de la mer remuant de larges rideaux. De nombreux gardes étaient là, ainsi qu’Adamante Mélisi, la fidèle conseillère d’Elena, qui était près des marches, ainsi que le Grand-Duc Arnaud de Meizière, l’une des personnalités les plus influentes du royaume.
Elena avait reçu plusieurs doléances, et un page annonça ensuite le Duc Alexander Galbur.
Les trompettes rugirent dans un concert bruyant tandis que plusieurs coffres apparurent, portés par des serviteurs, le Duc Alexandre Galdur menant fièrement la marche. Elena l’observa silencieusement, repensant encore à la lettre de Warberg, puis se redressa quand il s’agenouilla, lui présentant des coffres remplis d’or.
La Reine observa silencieusement les pièces brillantes, puis ses sujets. Les ducs du Conseil étaient là, ainsi que les barons, et, de manière plus générale, les scribes, les courtisans, et toute la noblesse de robe, celle qui avait depuis longtemps oublié comment chevaucher un cheval. Elena observa ensuite le duc. La Reine portait une couronne légèrement argentée. C’était la couronne du Dauphin, preuve du fait qu’elle n’était toujours pas, officiellement, la Reine, ainsi que de fins gants blancs, sur lesquels elle avait mis l’Anneau d’Ivory, un anneau doré avec une légère pierre précieuse de couleur rouge.
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Sire Alexander Galdur ! L’or importe moins à la Couronne que de savoir en qui placer sa confiance. Depuis des siècles, les ducs de Galdur ont toujours prêté serment d’allégeance envers la Couronne de Nexus. Plus que jamais, la Couronne a besoin du soutien indéfectible de ses fidèles sujets. L’ennemi nous menace, alors, Sire Baldur, la Couronne vous demande solennellement, en ce jour, de renouveler l’allégeance de votre famille, et du duché dont vous avez la responsabilité, à la Couronne et au Royaume de Nexus ! »
Elle lui tendit sa main, attendant le baiser, voyant les Huissiers et les scribes, prêts à noter et à immortaliser ce moment...