Le Père LehonLa pluie battait dru depuis plusieurs jours. Depuis des jours, le Père Lehon se demandait si cette contrée pouvait devenir encore plus inhospitalière.
Il avait l'habitude, chez lui, d'un temps ensoleillé, de rayons aveuglants se reflétant sur des fontaines accueillantes. Les gens sortaient vêtus de soie fine les couvrant peu. Les gens d'ici, aussi fringants pouvaient-ils vouloir se montrer, étaient couverts des pieds à la tête de cuirs et de laines pour éviter de prendre froid.
Vraiment, c'était une étrange contrée. Ceux qui s'étaient installé ici avaient un optimisme inépuisable ou un profond désespoir enfermé en eux. Rien d'étonnant qu'ils développent une foi aussi belle et forte que celle que le Père Lehon s'était voué à prêcher et répandre pour le restant de ses jours. Un devoir fastidieux, exigeant, et solitaire ; très solitaire.
Il était rare de pouvoir faire une halte dans un édifice qui ne soit pas un cloître masculin. Il avait entendu parler de couvents où de jeunes filles nubiles étaient dressées et cachées par de vieilles peaux acariâtres, mais, à ce stade, il commençait à douter de leur existence.
Il n'en douterait plus très longtemps.
Après avoir longé des rangées interminables d'un vignoble robuste, dont l'étendue était impossible à estimer à cause de l'averse, la calèche qui conduisait le Père Lehon dans son pèlerinage vers le siège de la Foi fit enfin une halte pour la nuit. On ne pouvait voir le soleil pour estimer l'heure, mais, à sa fatigue, Lehon estimait qu'il était tard. Il ignorait s'il s'agissait de l'humidité ou des jours de trajet cahoteux, mais il se sentait fourbu, affamé et extrêmement las.
Il se dépêcha de réduire la distance entre la porte du véhicule et celle du cloître, et c'est en redressant sa tête chauve à la peau brune qu'il tomba nez-à-nez avec la femme la plus vieille et la plus pâle qu'il lui ait jamais été donné de voir dans sa vie. Il eut presque un mouvement de révulsion, mais il se contint, trop heureux de sentir la chaleur d'un brasero tout proche.
" Père Lehon, je présume. Je suis la Supérieure Camille. Bienvenue ! Vous devez être épuisé par ce trajet, par ce temps. Permettez-moi de prendre votre manteau. Approchez-vous du feu. "
Contrairement à ce que pouvaient faire croire les apparences, cette Camille, bien qu'un peu rêche à cause de sa gorge antédiluvienne, se montra très avenante et agréable. Il ne se fit pas prier pour aller se réchauffer, lançant une platitude sur la foi aidant à surmonter tous les périls. Les Soeurs semblèrent satisfaites.
Elles lui firent traverser quelques couloirs jusqu'à une aile réservée aux invités de marque, membres supérieurs du clergé et officiers royaux. Après avoir vu la contrée comme un lieu terne et austère, il fut surpris et ravi de découvrir une pièce aux grands tapis, doté d'un lit à baldaquin et à draps de soie de bonne taille et au matelas ferme, et d'une cheminée diffusant une aura de chaleur à travers toute la pièce. Elle n'était pas très grande, cette pièce, mais c'était un cocon de douceur et de relaxation.
Lehon laissa tomber ses bottes et les robes qu'il avait enfilé par-dessus sa robe officielle. Il traîna ses pieds endoloris sur le tapis duveteux tandis qu'il se dirigeait vers une petite table où trônait un siège à la romaine rembourré. Des fruits l'attendaient, dont une grappe de raisins venant sûrement du champ proche. C'était un vrai régal ! Il reçut ensuite une assiette de soupe à la viande et tout ce qu'il souhaitait pour se restaurer.
Jusque là, il avait été très satisfait du service, mais il se sentait toujours seul. Il ne recevait la visite que de nonnes mures aux mouvements rudes et aux traits communs, même si, pour lui, il y avait là beaucoup d'exotisme et de dépaysement.
Vint le moment où on lui proposa de se baigner. Il accepta volontiers qu'on lui amène le grand bac qui lui servirait de baignoire, et qu'un duo de soeurs commença à remplir d'eau chaude, mais il se sentait mal à l'aise à l'idée de se montrer sous le plus simple appareil à des vierges de 40 à 50 ans. Quand vint la Supérieure, il chercha à faire la discussion, tandis qu'il baignait ses pieds dans un petit bac en attendant que l'eau tiédisse. Il se montra curieux, mais pas assez pour lever des soupçons.
" Ma Soeur, je suis bien dépaysé dans ce pays. J'ai entendu parler de ces couvents. On dit que vous hébergez des novices, que vous les formez à la droiture et au respect des Commandements Sacrés. "
La vieille fronça les sourcils.
" Bien sûr. On ne fait pas ainsi chez vous ? "
" En fait, nous n'avons pas encore beaucoup de couvents, ni énormément d'âmes dévotes, dans mon pays. Je faisais ce voyage pour demander conseil et fortifier ma foi. "
Camille se radouçit.
" Je vois. Vous avez bien fait de faire escale ici. Vous aurez justement l'occasion de témoigner de la dévotion de nos novices. Il est tard, et les Soeurs doivent présider un office. J'ai demandé à une de nos jeunes de venir s'assurer que vous ne manquiez de rien. Sur ce, je vous souhaite une bonne nuit, mon Père. "
Lehon la salua et elle sortit. Il pouvait à peine dissimuler le sourire intrigué et optimiste qui se dessinait sur ses lèvres. Voilà des semaines qu'il n'avait pas croisé le chemin d'une jeune fille propre, éduquée et, par-dessus le marché, dévouée à son service.
En toute confidentialité, la Foi restait assez balbutiante dans ses contrées, et il n'était pas rare pour un prêtre de pouvoir bénéficier des attentions d'une femme, voire même de se marier. Un homme restait un homme, et la compagnie d'une jolie jeune femme savait réchauffer les coeurs les plus serrés.
Il se défit de sa dernière robe, révélant un corps en V, celui d'un homme appliquant la doctrine de l'esprit sain dans un corps sain, et d'un esprit satisfait dans un corps satisfait. Il se laissa aller dans la baignoire, émettant un frisson de plaisir quand sa verge s'immergea. Son corps entier sembla le brûler un instant, puis il fut enfin soulagé et apaisé de sa lassitude. Il avait maintenant envie de voir cette petite novice qu'on lui avait promis, et de voir en quoi elle pourrait l'aider à rendre ce moment parfait.