Le coup de taille qui avait tranché la lampe torche jetée par Grayle avait suffit à faire comprendre à Jessandra à quel point leur adversaire masquée était dangereuse. Un coup net, parfaitement calculé et délivré avec une épée assez affûtée qui avait tranché le plastique comme du beurre... Si la brésilienne n'avait jamais affronté de bretteur tout au long de sa carrière, elle avait bien assez d'expérience pour reconnaître un coup mortel d'un coup plus ordinaire. La perspective de sentir le fil de cette lame trancher chair et os la fit déglutir d'appréhension mais son coeur pompa une puissante dose d'adrénaline à travers son corps entraîné et la taciturne combattante s'élança d'un bond pour entamer la bataille, refusant de gâcher l'ouverture que le pérégrin lui avait ménagée. Et Chavez réduisit la distance entre son opposante armée et elle d'un bond ; avec sa lame longue l'espèce de chevalier serait plus démuni contre un adversaire qui privilégiait le corps-à-corps à la mi-distance.
Cependant, d'expérience, la femme en armure n'en manquait pas plus qu'elle. Loin de se laisser surprendre, elle anticipa le coup de poing en dressant entre son visage et les phalanges de Jessandra le corps de son arme et Chavez frappa le plat de l'épée et se retrouva forcée de se reculer sous la douleur, son adversaire sachant mettre à profit la distance retrouvée pour entamer des assauts nerveux et bien calculés qui poussèrent la brunette sur la défensive. Menacée par le corps aiguisé de l'arme qui frappait pour trancher mortellement, Jessandra fut réduite à enchaîner les esquives pour tenter de déchiffrer la routine des attaques de la chevalière afin d'en trouver les ouvertures. Plus facile à dire qu'à faire ! La brésilienne vit souvent la lame pénétrer outrageusement sa défense, la poussant à reculer en sautant ou cassant ses rares tentatives de contre.
Fort heureusement, Grayle et ses belles lames avaient décidé de se mêler à la danse et le blondin s'avérait assez compétent pour savoir à quel moment se place pour éviter de gêner son acolyte tout en repoussant l'arme de l'autre, donnant à Jessandra des opportunités de reprendre son souffle et ses assauts.
Après une estoc de toute beauté sur un coup transversal de Grayle pourtant parfaitement porté, la masquée manqua bien de parvenir à découper la brésilienne par une attaque rapide qui trancha le tissu de sa brassière en atteignant également l'orbe ferme qui se cachait derrière. Le vêtement fut découpé jusqu'au téton et la rondeur charnelle se zébra d'une morsure rougeâtre de laquelle le sang se retrouva rapidement à s'écouler. Un cri mêla rage et douleur passa les lèvres de Jess', qui ne dût son salut qu'à Grayle, rapidement puni pour avoir osé protéger la brésilienne. Il eut le droit d'avoir le nez cassé et probablement quelques côte fêlées quand son corps s'écrasa lourdement contre l'un des murs de la masure, soulevant un nuage de poussière de plâtre et d'esquilles de bois.
Mais l'esprit combatif de Grayle (et la colère de voir un de ses rares "amis" ainsi molesté) fit oublier sa blessure à Chavez et elle retourna elle-même dans le feu de l'action en profitant de la garde ouverte de l'opposante pour lui faire rencontrer son genou dans un bond, la repoussant sur quelques pas avant de la marteler de coup de poings partout où elle pouvait toucher.
Le rapport de force était équilibré. Trop, en fait. Personne ne paraissait à prendre l'ascendant et le combat à deux contre un devenait une bataille d'endurance. Jessandra et Grayle attaquaient de concert sans ménager leurs efforts qui lentement s'harmonisaient : le pérégrin s'occupait de dévier les attaques armées de ses couteaux et la guerrière de rue saisissait les occasions d'aller frapper la chevalière avec assez de force pour cabosser la surface de son armure à s'en esquinter les poings, depuis un moment ensanglantés. Et la brésilienne frappait aussi violemment qu'elle avait mauvais caractère, parvenant à infliger de plus en plus de dégâts sans trop en recevoir elle-même.
La femme au masque décida alors de se dégager et, d'un mouvement ample et meurtrier, fit se jeter au sol Jess' et en profita pour s'attaquer à Grayle. De là, tout se passa très vite.
Impuissante, Jessandra assista au duel entre l'homme et la femme. Les coups qui se manquèrent, le bond armé de la chevalière qui parvint à enfoncer son arme d'appoint dans la cuisse de Grayle et ce dernier qui hurla sa douleur mais, avec l'acharnement qui lui attira le respect de la brune, réussi à égaliser d'un coup splendide qui perfora le thorax de l'acharnée avant que celle-çi ne propulse l'humain contre Chavez pour s'accorder un répit sûrement bienvenu après cette prise de dommages massives. Jessandra réceptionna Grayle de son mieux et découvrit avec effroi l'étendue des blessures de son compagnon dont le sang lui éclaboussa la poitrine et le bas du visage alors qu'elle ouvrait de grands yeux.
- Finis... là.
Jessandra ne parvint pas à articuler une réponse et, tremblante, laissa glisser le pérégrin hors de ses bras afin qu'il repose sur le sol. Son regard resta un instant sur ses paumes rougies par l'hémoglobine, secouées qu'elles étaient par les légers spasmes. Mais pas de douleur ou de peur, non... Il s'agissait là de tremblements de colère. Une colère sourde, d'une rare violenc, qui tempêtait partout dans le corps trempé de sueur et de sang de la brésilienne. Elle serra les dents et fit un geste assez étonnant : ses doigts dégouttants de sang passèrent sous ses yeux pour former une sorte de scarification tribale avant qu'elle ne se relève pour tendre le poing vers la chevalière, tendant finalement son pouce vers le bas.
Piquée au vif par la provocation et l'humiliation que lui avait infligée Grayle, la chevalière n'hésita pas à charger dans un cri, levant son épée comme elle le pouvait malgré sa blessure. Et... Jessandra fit volte-face et se mit à courir, comme en fuite, dans la direction du mur le plus proche. Son adversaire s'en amusa d'abord sous son masque, prête à frapper, quand elle vit l'inconcevable pour elle : emportée par son élan, Jessandra fit carrément trois pas sur le mur, à la verticale et donna une violente impulsion de ses reins lors du dernier. Son corps ainsi balancé déploya sa jambe comme un fouet et la chevalière, surprise, n'eut aucun mouvement de défense lorsque le pied de Chavez lui percuta le côté de la tête et l'envoya rouler-bouler. La brésilienne retomba et son poids souleva quelques volutes de poussière autour de ses baskets.
- Ça, pour Grayle ! La médiévale peinait à tenter de se relever que Jessandra arriva à son niveau pour lui balancer un violent coup de pied dans les côtes qui la fit se soulever et retomber sur le dos alors qu'elle était sur le ventre. On l'entendit grogner de douleur et du sang goutta peu-à-peu des interstices du masque abîmé, prouvant que cette fois elle ne se relèverait pas.
- Ça pour moi ! Le pied de Chavez se leva au-dessus de la gorge de son adversaire vaincue et ses muscles se contractèrent. Aveuglée par la colère, la brésilienne s'apprêtait à frapper pour tuer, comme elle et son ami avaient faillis l'être par celle qui gisait à présent, vaincue. Ses muscles se détendirent et le pied s'abattit comme un boulet de canon.
- NON ! BLAM ! La semelle de la basket écrasa une latte du parquet de bois, juste à côté du visage dissimulé de la chevalière. Le cri était arrivé juste à temps pour que Jessandra puisse dévier son coup. Elle se retourna dans la direction de l'exclamation, soit vers le haut de l'escalier qui avait déjà vu apparaître la femme agonisante. Et Jess' découvrit six autres guerrières identiques, trois de chaque côté d'
une personne bien différente d'elles, vêtue d'une robe lourde et d'une cape qui semblait lui interdisait le combat -qu'elle paraissait ne pas vouloir mener, ni pouvoir vu l'absence d'équipements adéquats. que la brésilienne foudroya du regard, l'identifiant comme la cheffe de cette étrange équipée.
Avant que Chavez ne puisse faire un mouvement, deux combattantes firent un bond formidable l'épée à la main et atterirent juste à côté de Grayle, qui manqua d'être épinglé au sol de façon définitive. Jessandra réagit aussi vite qu'elle en fut capable et sa semelle se posa sur la gorge qu'elle avait déjà prévu de broyer un peu plus tôt. Le message était clair : si Grayle était blessé, l'autre ne s'en sortirait pas.
La tension était plus que palpable à présent, si épaisse que les couteaux de Grayle auraient pu la couper d'un mouvement.
Ce fut la cheffe qui prit de nouveau la parole.
- Il n'est pas nécessaire que le sang coule davantage. Nous pouvons le soigner, si tu nous suis sans opposer de résistance. Dans le cas contraire, penses tu être capable de vaincre à toi seule les six autres Lames ? Je te propose un arrangement honorable et une issue convenable. A toi de choisir. Les yeux azurés de la brésilienne passèrent sur chacune des femmes présentes puis s'attardèrent sur le pauvre Grayle. S'il n'avait pas été présent, peut-être aurait-elle continué la lutte. Par fierté. Parce qu'elle ne supportait pas qu'on lui fasse du chantage. Mais l'homme avait combattu avec elle et en était là parce qu'il l'avait suivi, plein de bonne volonté. Alors, bien qu'enragée, Jessandra ravala ses envies et son ego pour ôter lentement son pied de la gorge de la blessée. Les deux chevalières quittèrent aussitôt le chevet de Grayle et Jessandra s'y rendit, passant ses bras sous l'homme pour le soulever avec tout le soin possible. Heureusement, elle était assez forte pour supporter son poids.
La jeune femme en robe descendit les marches, suivies par deux guerrière qui s'écartèrent pour ficher leurs épées dans le parquet. Elles entonnèrent de concert une incantation qui fit crépiter un éclair violacé dans les gardes creuses de leurs armes et un arc électrique vint à jaillir de part et d'autre. Après un flash, Jessandra put découvrir une sorte de fissure dans l'espace.
Un portail.
- C'est une sage décision, fit la femme en robe avant de désigner l'ouverture magique.
Ne perds pas davantage de temps, où l'homme perdra trop de sang. Qu'avait-elle à perdre, à part Grayle ? Jessandra grogna et ne se donna même pas la peine de hocher la tête, préférant le silence à toute forme de communication. Le pérégrin en sécurité dans ses bras, la guerrière urbaine passa le portail après un flottement d'hésitation.