C’était un rade longeant les quartiers mal famés de Nexus, ces fameux bas-fonds… Jadis des quartiers populaires, connus pour leurs artistes de rues, ces quartiers avaient souffert de la crise sociale et économique, et abritaient maintenant des individus peu recommandables, qui n’hésitaient pas à venir dans des auberges où les propriétaires, soit n’avaient pas les moyens, soit n’avaient tout simplement pas envie d’embaucher des gardes du corps. La garde, quant à elle, passait très rarement, ce qui faisait qu’il était dangereux d’y traîner, quand on n’avait pas de quoi se défendre. Cependant, l’indéniable avantage était que les prix étaient peu élevés, ce qui convenait parfaitement à la femme située dans un coin de l’auberge, qui mangeait sa bavette avec des pommes de terre à la crème, une feuille de salade, et un pain trop dur pour être mangeable.
La discrète silhouette n’avait pas l’habitude de venir à Nexus, elle qui traînait plutôt dans les Contrées du Chaos, mais, quand on était une sorceleuse, il fallait apprendre à être mobile, et il n’y avait rien de mieux que Nexus et ses alentours pour décrocher des primes. En l’occurrence, la femme avait rendez-vous avec un alchimiste qui avait publié une annonce pour obtenir des graines d’ékinoppyre. Ces monstres étaient des plantes végétales carnivores redoutables, qui balançaient des litres d’acide, étaient capables de créer autour d’elles des bulbes explosifs, et filaient sous le sol, rampant sous ce dernier pour remonter à la surface à toute allure. Elle avait combattu ces saletés dans les bois environnants, et avaient récupéré les graines sur leurs carcasses. L’alchimiste offrait une bonne récompense, mais, comme il se faisait tard, avant d’aller le voir, elle s’était dit qu’elle allait passer la soirée ici.
Cirillia était donc là, découpant sa bavette, quand elle vit, de loin, l’altercation entre quatre loubards passablement éméchés, et une jeune serveuse pastel avec une très jolie tunique noire à cordes. Elle se reçut un verre de vin en pleine figure, et les types, fiers d’eux, ne tardèrent pas à la provoquer davantage. Ciri’ voyait, aux tatouages ornant leurs biceps, qu’ils appartenaient à l’un des gangs locaux. Ces types étaient sur leur territoire, se croyant tout permis. Le tatouage en question était une sirène reposant sur une épée, et elle vit l’un d’eux plaquer la serveuse contre une table. Plusieurs clients tournèrent la tête, mais l’un des quatre les regarda, en sortant un couteau à cran d’arrêt.
« Qu’est-ce que vous avez, les mecs ? Vous voulez tâter de son cul, ou du couteau ? Alors, mangez peinard, et foutez-nous la paix ! La poulette est consentante ! »
L’homme qui la tenait contre la table avait un sourire hideux sur les lèvres, et releva la jupe de la femme, glissant sa main dessous, caressant son cul. Il se pencha ensuite davantage vers elle, et lécha son oreille.
« Dieu, ce que t’as l’air bonne, ma salope… Beaucoup mieux que toutes ces putes du bordel local, ça ouais… Elles ont tellement de fisstech dans le nez qu’on a l’impression de baiser des poupées, mais toi, j’te jure que j’vais te faire hurler… Hinhin, ça ouais ! »
Il continua à peloter ses fesses, et tira sur sa culotte, usant de sa force pour la maintenir, l’empêchant de se libérer. La culotte de la jeune femme arriva à mi-hauteur, tandis qu’il portait la main aux lacets de son pantalon, afin de libérer l’accès à sa virilité. Son sexe se dressa ainsi rapidement à l’air libre, et il soupira lentement…
…Puis un verre de vin le frappa à la figure, le faisant grogner de surprise, tout en le déstabilisant. Ses chevilles heurtèrent la banquette à l’arrière, et il s’affala lourdement sur le sol, tandis que les trois autres tournèrent leur tête vers leur chef, puis vers l’origine du projectile.
« Depuis quand Nexus est-il devenu une ville aussi infâme pour que même des lascars comme vous puissent violer en toute impunité une serveuse dans une auberge ?
- T’es qui, salope ?
- Crévin’, l’est bonne, la putain !
- Tu vois ce tatouage, salope ? On fait partie du service d’ordre, on protège cet endroit ! La Sirène protège les lieux, ‘kay ? »
Cirillia avait laissé ses armes dans sa chambre, mais fronça malgré tout les sourcils, en croisant les bras.
« Vous protégez le personnel en l’attaquant ? ironisa-t-elle. Je vais vous donner une seule chance… Tirez-vous. Maintenant. Sans faire d’histoires. »
Les types se regardèrent, avant de ricaner grassement, mais leur chef, furieux, s’était relevé. Il n’avait pas pensé à remettre son pantalon, et sa queue poilue pointait mollement, comme une sorte de saucisse crevée.
« Elle m’a fendu la lèvre, cette pute ! Chopez-là, les gars, et apprenez-lui à pas faire chier ! »
Ciri’ décroisa les bras, et vit deux hommes se rapprocher, l’un à sa gauche, tenant le couteau à cran d’arrêt, et l’autre à sa droite, tenant un gourdin.
« Allez, petite, petite, viens sans faire d’histoires…
- On te promet qu’on te frappera pas trop… Juste quelques coups, histoire de t’apprendre la politesse… »
Elle les regarda rapidement, puis banda les genoux, et serra le poing, puis frappa le sol. En tant que sorceleuse, elle maîtrisait des sortilèges magiques, sortilèges qu’on appelait des Signes. Elle invoqua le signe d’Aard, qui consistait à provoquer des ondes d’air autour d’elle. Elle frappa ainsi le sol, répandant une onde de vent qui perturba ses deux ennemis, suffisamment pour qu’elle bondisse vers l’un d’eux, celui avec le couteau. Ses deux mains attrapèrent son poignet, et elle le tordit, le faisant hurler, tout en bondissant sur lui. S’appuyant sur son poignet, elle pivota en plein vol, faisant une figure acrobatique, car son genou s’enroula autour de son crâne, et elle le fit chavirer, l’envoyant s’écraser sur le sol.
Surpris, l’autre n’avait pas encore eu le temps de réagir que Ciri’ lui balança le couteau, qui se planta dans sa poitrine, sur la droite. Il hurla en se reculant.
« Elle m’a planté ! Putain, la salope m’a planté ! »
Le troisième lascar jaillit alors sur sa gauche, avec l’élégance d’un buffle. Ciri’ le laissa approcher, puis pivota sur le côté, et posa sa main sur sa nuque, usant l’élan du costaud pour l’envoyer s’écraser contre le sol. Il roula par terre, se retourna, et s’élança vers Ciri’ en hurlant. La femme l'accueillit à l’aide d’un coup de pied qui le frappa en plein visage, à hauteur du menton. Ses dents claquèrent contre sa langue, tant et si bien qu’il se coupa profondément la langue, et s’affala à son tour sur le sol.
Ciri’ se retourna ensuite vers leur chef, qui, médusé, observait la scène sans rien dire… Puis il écarta la pauvre serveuse et tenta de s’avancer, en oubliant qu’il avait défait son pantalon… Et s’empêtra dedans. Il s’écrasa alors sur le sol, et jura dans sa barbe, tandis que Ciri’ soupirait.
*Et ce sont de tels minables qui veulent faire la loi…* songea-t-elle silencieusement.
Cirillia se rapprocha du type, et le retourna sur le dos, puis posa un pied sur sa gorge, l’étouffant à moitié.
« En théorie, je devrais te dénoncer aux autorités, mais, vu le peu de confiance que j’ai dans la justice, je crois que je vais m’assurer autrement que tu retiennes la leçon d’aujourd’hui… »
L’homme grognait, tentant de lui cracher dessus, et Ciri’ leva son autre pied… Puis l’abattit sur le sexe de l’homme, frappant fort. La tête du gredin sembla virer au bleu, tandis qu’il se mit à couiner. Cirillia le relâcha ensuite, tandis qu’il portait ses deux mains à son sexe, couinant lentement, et elle se retourna vers la serveuse, qui était au sol, la considérant silencieusement.
« Pourquoi vous ne vous êtes pas défendue ? Rien que sur cette table, vous aviez suffisamment d’armes à côté de vous pour tuer cet homme. »
Curieux discours pour une sauveuse, mais c’était vrai. Des couverts se trouvaient sur la table, et la jeune femme aurait pu se saisir d’une fourchette pour la planter dans la nuque de l’homme.
« Alors, pourquoi vous êtes-vous laissée faire ? »