Candy se trouvait dans le salon du manoir, et pour une fois, elle n'y faisait pas grand-chose. Affalée de tout son long sur le large canapé, elle en refusait l'accès à d'autres par manque de place. Ce n'était pas prémédité, seulement l'occupante de l'androïde comptait dans ses habitudes celle d'agir comme bon lui plaisir, et souvent sur un coup de tête. L'idée que quelqu'un puisse vouloir lui tenir compagnie ne lui avait même pas traversé l'esprit. Aussi, c'est avec une certaine curiosité qu'elle accueillit l'arrivée de James Bowmore, son «bienfaiteur». Quelle affaire pouvait bien l'amener à prendre place à côté d'elle ? C'est en cherchant une réponse que la déesse se rendit compte qu'elle ne pouvait le savoir, simplement parce qu'elle s'était si peu intéressé à James qu'elle ne savait strictement rien de lui et de ses centres d'intérêt. Eut-elle été humaine, l'androïde aurait exprimé sa lassitude d'un long soupir, mais Candy se contenta d'une petite moue ennuyée reflétant bien l'état d'esprit de son occupante.
D'une oreille distraite, l'androïde écouta le jeune homme qui parlait, en son fort intérieur la déesse hésita. Elle représentait la puissance à son état le plus pur, le plus brut et violent. Il était impensable que qui que ce soi lui force la main, et par caprice elle avait bien envie de refuser de lui répondre, juste histoire de l'envoyer paître, lui, ce mortel qui l'interrogeait sans avoir réellement fait quoi que ce soit pour l'aider. Mais elle ne percevait aucun mal non plus à l'informer de sa nature, comme de l'endroit d'où elle venait. Jamais il ne pourrait s'y rendre, du moins les probabilités restaient si faibles que la déesse pouvait se permettre de les négliger. Dès lors, peu importait qu'elle livre tous les secrets de la trame de son propre plan, cela ne servirait en rien le jeune homme qui ne savait de toute façon même pas poser une équation de cinquième axe. Qui plus est, il fallait bien l'avouer, la tentation de le choquer en lui révélant sa nature restait plaisante. Un léger sourire se serait épanouit sur le museau de la synthétique si son hôte ne l'en avait pas empêché pour conserver sa petite moue à la fois boudeuse et indifférente. Tout en se tournant sur le flanc, la déesse fit en sorte de reproduire un schéma typiquement humain observé dans leur culture. Son vêtement restant coincé sous son corps, le tissus se retrouva juste assez tiré pour souligner généreusement les formes délicieuses du corps froid de Candy. Sa chevelure lui coula depuis les hanches sur le pourtour des seins et le plat du ventre, par dessus son seule vêtement, et elle repoussa une mèche du bout d'un doigt pour se livrer à un examen ostensible de James, ses yeux sans pupille ni iris rivés sur lui comme deux lacs bleus.
«Mm… Avant toute chose sache que je ne suis pas une renarde. Si tu avais un tant soit peu de capacités de reconnaissance logées quelque part dans la mélasse habitant ton crâne tu aurais reconnu une apparence majoritairement féline. Mais je ne t'en veux pas trop, il semblerait que l'humanité subisse un retard considérable sur ses voisins et ce en tous points, aussi n'y a-t-il rien d'étonnant à ce que tu puisses confondre un chien et un chat.» Sa phrase termina sur un ton caustique dénotant avec les intonations neutre de son début d'explications. Sans tenir compte de l'éventuelle réaction de James elle poursuivit, imperturbable. «Ensuite, sache que tu t'exprimes comme un idiot. Il est déplorable d'entendre «tout» suivit de questions portant sur des points précis de ma nature et de mon passé. Ne connais-tu donc pas ta propre langue ?» L'air affligé qu'arborait le museau de Candy ne trompait pas, la déesse derrière l'androïde désirait réellement le mettre le plus mal à l'aise possible. Cependant, même s'il n'avait rien réalisé qui soit vital pour la déité, celle ci savait de par Isiel qu'il ne lui était pas permit, tacitement, de résider sur Terre sans se cacher. Et c'est en l'honneur de ce service que James lui rendait en la cachant chez lui qu'elle cessa ici la partie mordante de sa réponse. «Je suis deux choses. La première est Candy Beta model M-12, l'androïde qui constitue le corps physique. Elle se nomme ainsi car son créateur l'a voulu, et parce que ce prototype se trouve être le douzième de la série Beta. L'androïde initialement destinée à l'administration a été retouchée par la divinité majeure du plan, la seule et l'unique en vérité. Personne ne la nomme, aussi dit-on Elle pour la désigner, ou La Divine. Comme il est difficile de faire intégrer ce langage à des primates comme ici vous êtes autorisés à la nommer Candy. C'est la deuxième partie de ce que je suis, une déesse. J'ai façonné mon plan, je l'ai organisé, et j'ai mené mon peuple à la conquête de la totalité de ses multiples univers. Je suis la divinité des énergies et des sciences. Je précède le progrès, entre autres. Je suis potentiellement capable de tout, et en bien moins de temps que les autres. Ta congénère à la peau sombre a eut de la chance que je sois d’humeur clémente le jour où elle m'a agressé, sans quoi il ne resterait de ce continent qu'un cratère et des satellites épars autour de cette planète. En simplifiant ma réponse tu peux retenir que je suis Candy, une déesse occupant une androïde dont la fonction est d'empêcher ma présence sur ton plan de le détruire instantanément, que je viens d'un autre plan et que, quoi que tu te sois imaginé avant de me poser ces questions, mes capacités dépassent infiniment tous les fantasmes de ton esprit. Suis-je assez clair ou te faudra-t-il un dessin pour que tu assimiles ces informations?»