Assis contre le mur de la cellule, je regarde le ciel par le peu de vitres qu'il reste à celle ci. Je calcule la course des nuages, je calcule la vitesse du vent, j'analyse le déplacement de cafards qui se battent pour des miettes de biscuits sur ma couverture miteuse. Le temps est une constante pour l'univers, il en va tout autrement quand vous êtes enfermé, les minutes durent des heures, les heures des semaines ou même parfois des années. L'avertisseur sonore émet un son puissant et grave... Ce n'est pas l'heure du repas, encore moins celle du coucher.
Dans le haut parleur de la cellule la voix d'un gardien s'élève, je l'entends depuis si longtemps que je sais qu'il s'agit de Bob, 33 ans environ, marié, un enfant. Je le détaille depuis un moment, son alliance l'a trahi et sa barbe masque les traits de vieillesse de son age qui s'avance. Sa peau est parcheminée de veines qui pulsent un sang puissant vers un coeur qui doit être musclé et gorgé de vie. Des images me viennent à l'esprit, des images ou je force sa cage thoracique à mains nues pour en extirper ce joyau palpitant de vie et pour y mordre à belle dents.
"Ouroumov. Une visite. Reculez jusqu'au mur. A genoux, mains sur la nuque".
Une visite.. Je n'ai plus connu cela depuis des années. La porte s'ouvre avec un crissement et le bruit des bottes se fait entendre. On ne m'autorise pas à lever les yeux donc je détaille le bout de ces chaussures vernies, lustrées et brillantes au point que je pourrais presque me voir dedans, y voir mon reflet.
" Ghion, vous venez avec moi, j'ai quelques questions pour vous."
La voix est douce, autoritaire mais douce, j'imagine les mots qui coulent dans la gorge de cette créature, une gorge que j'imagine remplie de chair et dont la peau doit être tendre.
Doucement je me redresse, la tête baissée toujours, je sais ce qu'il en coute à une personne comme moi de ne pas écouter les ordres. La prison, centre high-tech, n'a jamais eu de pitié pour ses "clients", les gens comme moi sont pucés et traqués au cm près dans les couloirs de la prison. Mes pieds nus ne font aucun bruit alors que les bottes résonnent dans mes oreilles. Je quitte la cellule numéro 4 et je me dirige vers la pièce spéciale d'audition qui s'ouvre devant moi.
Deux gardes m'y installent, me menottent les mains magnétiquement à la table puis s'installent à coté de celle qui m'a demandé. Mes yeux peu habitués à cette clarté eblouissante se plissent mais je ne parviens qu'a voir des formes. Ma voix rauque par le manque de pratique s'élève dans la pièce.
" Et donc, vous avez retrouvé la clé de ma cellule dans un vieux pot et vous vous demandiez ce qui était caché dans ce réduit ? dans ce placard à balais ? Ou.. est ce autre chose qui vous amène à moi ?"
Un silence profond suit cette phrase, seul ma respiration le tue. Je suis toute ouie à sa réponse.