Typhen venait de mettre un petit peu de temps à réaliser ce qui se passait autour d'elle. L'air était presque irrespirable tant il était brûlant, l'atmosphère était tellement chargée d'horreur que la jeune femme en frissonnait des pieds à la tête, jusqu'au plus profond d'elle-même, si bien qu'elle du réaliser trop vite, que tout ceci n'avait rien d'une blague. Ce n'était pas un décor de théâtre, ni même de cinéma. Loin de là. Elle se trouvait..., non, comment pouvait-elle être ici ?
Elle pouvait voir d'immenses flammes, mortelles et terrifiantes, dont certaines s'approchaient dangereusement d'elle, comme pour venir la consumer. Elle ne put réprimer un cri, terrifiée par la situation. Merde. Merde c'était pas possible... il fallait qu'elle se réveille et vite. Très vite.
Affolée, elle regardait partout, comme pour chercher une issue, une preuve qu'elle faisait un simple cauchemar. Mais tout paraissait bien trop vrai.
La voix du démon lui parvint comme venu du lointain. Si elle avait peur ? La goutte de sueur sur son front et ses tremblements en disaient longs. Aucun être humain ne pouvait rester signe devant un tel spectacle d'horreur.
D'autres flammes venaient jusqu'à venir lécher son corps, elle se crispait, s'attendait à s'enflammer comme un brasier, fermait les yeux, mais rien ne se passait. Apparemment, le démon n'avait pas décidé de la laisser brûler en enfer. Du moins, pas aujourd'hui. Elle n'était pas rassurée pour autant.
Elle avait l’impression d'entendre des hurlements, mais elle délirait sans doute. En tous les cas, cela la déchirait de l'intérieur. Elle n'avait qu'une envie : fuir. Vite. Heureusement pour elle, ce spectacle d'horreur prit fin petit à petit, et un vent agréable vint l'enrouler doucement, l'encourageant à rouvrir les yeux et à se décrisper légèrement. Autour d'elle, ce n'était plus du tout le décor de l'enfer, mais un endroit bien plus agréable il fallait l'avouer. Partout, une végétation verdoyante et saisissante, une colline, des falaises. Et pourtant, elle ne se sentait toujours pas dans son assiette.
Le démon finit par la lâcher, mais elle resta quelques secondes paralysée sur place, ayant du mal à se reprendre après ce qu'elle venait de vivre là. Elle n'était qu'une humaine après tout.
Le démon Helel pointa son doigt dans une direction, là où se trouvait vraisemblablement son Palais, lui expliquant alors ce qu'il attendait d'elle. Typhen posa une main sur son front, pour vérifier qu'elle n'était pas fiévreuse. Si ce n'était pas le cas, elle devait tout de même être blanche comme un linge. Elle ne l'avouerait pas, mais elle avait subitement envie de pleurer. Oui, quelque chose s'était effondré dans ses certitudes, et pas des moindre. Une innocence qu'elle aurait aimé garder un peu plus. Garder l'inconscience. Mais elle avait prit une vérité en pleine face. Et elle avait du mal à digérer ça. Elle se retourna un instant, perdue, cherchant de nouveau comme une porte de sortie.
Helel avait avancé. Pas elle. Elle restait scotchée au sol, incapable de bouger. Et cette fois-ci, la force invisible n'y était pour rien. Il fallait qu'elle assimile encore un peu...
« Plus vite tu m’obéiras, et plus vite je serai enclin à écouter tes demandes. Suis-moi, maintenant. »
- Hein ? Laissa t-elle échapper d'une toute petite voix, sortant subitement de sa torpeur.
Elle avait enfin réagit à la voix du démon, comme si jusqu'à présent ses oreilles étaient bouchées, et qu'elle venait tout à coup de retrouver toutes ses capacités auditives. Comme si on venait de lui ôter le bouchon qui l'avait gardé dans un état de béatitude importante.
Il fallait qu'elle se secoue un peu.
Les informations énoncées par le démon lui revinrent en mémoire, son cerveau fut enfin capable de les décrypter. Servir... Obéir ... Robe... Invité... Banquet...
Typhen aurait pu réagir immédiatement et avec une vive colère, comme elle l'aurait fait ordinairement. Mais ses capacités émotionnelles étaient moites, instables. Elle était trop troublée pour oser affronter le démon tout de suite. Alors elle préféra le suivre. Non pas que cela lui plaise, mais seule, elle avait bien trop peur. Son métier de reporter l'avait mise en face de bien des dangers. Mais jamais rien de comparable à cela.
Ils entrèrent dans le Palais du démon et traversèrent quelques couloirs et pièces gigantesques. Typhen observait, silencieuse et fébrile, jusqu'à ce qu'ils arrivent dans ce qui semblait être la cuisine. Là, des êtres étranges s'affairaient déjà. La jeune femme eut un haut le cœur. Pourquoi ? Peut-être à cause de ce qui émanait de ces êtres impurs, ou de la nourriture répugnante...
Finalement, la jeune femme se tourna vers le démon.
- Ça va pas être possible. S'il vous plait, laissez moi rentrer chez moi. J'ai jamais voulu ça, j'ai rien à faire ici, c'est pas moi qui vous ai invoqué et demandé je-ne-sais quoi ! Le petit con qui vous a fait venir serait bien plus pratique que moi ! Je suis pas du tout une ménagère, je déteste ça, j'ai quasiment jamais mit de robe de ma vie, je déteste ça aussi, et en ce qui concerne votre banquet, je sais pas faire mieux qu'une omelette et j'ai deux mains gauches !
C'était bien vrai. Sauf pour les deux mains gauches. Au contraire, elle était particulièrement adroite et organisée. Mais bon, le démon n'était pas du tout sensé le savoir. Peut-être pourrait-il revoir sa décision ? Ou alors, vu son inutilité, déciderait-il de la jeter dans les flammes infernales de tout à l'heure ? A cette idée, elle sentit son cœur se serrer. Bon sang, il fallait qu'elle sorte d'ici. Elle voulait rentrer, se coucher, et dormir roulée en boule sous sa couverture pendant des jours !
Soudain mue par un sursaut de survie bizarre, elle attrapa le fameux Helel par son vêtement et, plongeant ses yeux brillants de colère dans les siens lâcha d'un ton ferme:
- Ramenez-moi sur terre, Démon ! Ramenez moi !!
Elle commença à frapper de ses poings sur le torse du colosse, qui n'avaient certainement pas plus d'effet que des pets de mouches. Elle sortait toute sa rage et sa peur, frappant encore et encore comme une forcenée, des larmes coulant subitement sur ses joues.
On ne reste pas indemne, lorsque l'on est une simple humaine, et que l'on se retrouve dans l'antre démoniaque.