Bonjour à tous... Asseyez-vous.
La cohue des chaises qui raclent le sol lorsque tous les élèves se lèvent pour accueillir le professeur, puis font le chemin inverse lorsqu'ils s'asseyent est une douce mélodie dont il ne se lasse pas. C'est exactement le symbole du chaos avant l'ordre, comme le bruit des bottes lorsque les hommes courent pour se mettre en rang, avant de former une ligne impeccablement droite d'uniformes prêts au combat, à la disposition de leur officier. C'est peut-être pour ça qu'il aime tant enseigner.
… Et pour les jolies filles aussi.
L'uniforme n'est pas une option, mesdemoiselles.
D'autant plus pour lui. « L'uniforme », avait-il souligné dans le ton, lorsqu'il regardait Neena. Il espère qu'elle aura des réminiscences de la tenue que lui portait, ce soir-là. Il s'approchait d'elle en souriant. C'était la corrida d'avant-cours, le moment où le taureau, bête animal qui était venu dans l'arène contre son gré, devait affronter le torero qui allait se jouer de lui devant une foule qui n'attend que ça, sans n'y pouvoir rien faire.
La prochaine fois, venez nue, ça vaudra mieux... Ou ne venez pas. Le règlement de l'école interdit ce genre de tenue. Et je serais en droit de vous renvoyer. Mais je ne suis pas un extrémiste des règles, alors je vais... encore vous faire ce cadeau. Miss, le Japon a une histoire séculaire et celle-ci s'est bâti sur une discipline de fer qui a toujours permis à ses habitants de supporter tous les cataclysmes. Nos racines sont peut-être lointaines, les vôtres comme les miennes, mais en posant le pied ici, nous nous devons de respecter toutes les traditions que cette grande nation nous impose. C'est une question de respect envers toute la communauté. Et bien... Comme pour la dernière fois, vous viendrez toutes deux me voir à la fin du cours.
Et là encore, c'est un véritable exercice de manipulation qu'il exécute. Il exacerbe le nationalisme de sa classe, sentiment qu'il sait naturellement fort sur les locaux, et le retourne, l'air de rien, avec sa foutue sympathie naturelle, contre elles. Dieu qu'il aime faire ça.
Il commence son cours en sortant sa pochette cartonnée, puis sort de sa poche l'origami de cygne, qu'il pose bien en évidence sur la table. Ensuite, il rendra les copies, se permettant divers commentaires qu'il estime « constructifs », il ne souligne pas l'incapacité, mais toujours le potentiel. A certain, il demandera de recommencer. Il passera aussi quelques secondes, à chacun, pour parler de leurs occupations extra-scolaires notées sur la feuille. Là encore, une belle démonstration de démagogie – quoique, peut-être est-il sincère ? On peut être un méchant SS et aimer ses élèves ?...
Il y passera une bonne demie-heure, avant d'entamer son cours proprement dit. Il va un peu vite, mais n'hésite pas à s'arrêter pour répéter. Debout, il défile entre les tables, interroge à tour de bras, donne l'initiative de la parole à ceux qui semblent terrés d'appréhension dans leur coin. Il stimule, engage, et se prend même au jeu du « prof qui fait des blagues nazes mais qui font rire quand même ». Un talent inouï pour l'enseignement. Le genre né pour faire ce métier, dirait-on. Il jubile généralement de faire ce numéro, qui lui plaît vraiment, il l'admet, mais il en jouit d'autant plus qu'il sait le regard de Neena sur lui, l'attention qu'elle lui porte, et le dégoût qu'il lui inspire, qu'elle semble réellement être la seule à ressentir.
Il ira s'asseoir à son bureau à la fin, rangeant ses papiers déjà bien ordonnés. Il est comme ça, cette obsession de l'ordre... Quand Neena et Edith se pointèrent au bureau, il y avait déjà la queue : Tanaka O'Haru, à qui il demandait de garder les cours plus longtemps, la complimentant pour la rigueur avec laquelle elle prenait ses notes... Et une autre, Ogura Mihiro, plus le genre garce à qui on prête un caractère volontaire pour tout ce qui jambes en l'air. Et, clairement : Elle vient draguer. Bon cours, profs gentil, charmant, bla, bla. Ce que Siegfried adore ce genre de filles un peu faciles. Jamais de grandes artistes, mais elles lui permettent de satisfaire quelques unes de ses envies un peu perverses, et ça n'a pas de prix.
Vient le tour d'Edith. Là, il ne sourit plus. On dirait même qu'il est contrit, le professeur.
T-t-t-t... Mademoiselle. Je pourrais continuer à être gentil et vous dire que vous pouvez bien faire ce que vous voulez, mais... Je serais coupable de votre échec, vous comprenez ? Je suis obligé de sévir. Je vous laisse une dernière chance de vous rattraper. Vous venez à la fin des cours, tout à l'heure, dans cette classe, il n'y aura personne, et je vous poserais des questions à l'oral sur la leçon d'aujourd'hui. Ce sera votre note. Si vous ne venez pas, et bien... Ce sera un zéro, pur et simple. Et en plus, vous allez me contrarier, ce qui serait plutôt dommage, convenons-en ?... Allez, filez. Je vais vous prendre votre camarade un bon moment je pense, encore, donc... Je vous dis à tout à l'heure, je l'espère sincèrement, pour vous.
Edith file. Reste Neena. Porte fermée. De nouveau, le piège est en action.
Siegfried se lève de sa chaise, passant devant Neena... Et lui colle une baffe magistrale.
Honteux.
Il prend ses clés pour verrouiller l'entrée, en allant doucement, pour ne pas que le cliquetis de la serrure ne s'entende de l'autre côté.
Ton téléphone. Sur le bureau. Tu le récupéreras chez moi, ce soir. Tu y seras à 18h. Apporte tes livres d'histoire, de japonais, de maths. Puisque tu as manqué tes cours, c'est avec moi que tu les rattraperas. Regarde-toi, bon sang... Tu te verrais dans un miroir. Je n'ai même pas besoin de te cracher dessus, tu te fais honte toute seule. Et qu'est ce que c'est que cette tenue, je te le demande. Enlève-la. Enlève tout. Met-toi complètement nue, allez. Va t'asseoir sur la première table. Et comme sujet, tu auras... Le respect des traditions. Tu resteras ici une heure. Tu as intérêt à être loquace sur ta copie. Oh, au fait. J'ai réussi à récupérer les mails des élèves.
Un sourire. Il se pose de nouveau à son bureau, et sort son téléphone comme pour jouer avec. La demoiselle ne saura pas trop ce qu'il fait... Néanmoins, vu l'air qu'il prend en regardant ce qu'il fait, ça l'amuse. Il fini par laisser l'appareil dans sa poche, pour sortir des copies qu'il corrigera, avec force petits regards vers Neena.